dimanche 23 décembre 2012

On l'a échappé belle ! Quoique...

Comme je l'avais prédit dans mon précédent article, je n'ai vraiment pas eu l'air con. Quant aux autres, ceux qui croyaient dur comme fer qu'on allait tous y passer en même temps que notre vieux Monde, les voilà soudain à la recherche d'une explication moins farfelue que celle qu'ils avaient donnée pour justifier l'imminence de la catastrophe.

Puisque la fin du Monde est reportée à une date ultérieure, et en attendant le prochain cataclysme qui peut survenir n'importe quand sauf au moment où des prévisionnistes farfelus le situent avec certitude, nous voilà en chemin vers une nouvelle année et d'autres journées de routine.

En attendant, on peut déjà dresser une sorte de bilan : grâce à ce report, nous ne serons pas privés d'informations primordiales qui nous tiennent tous tellement à cœur : Depardieu demandera-t-il vraiment la nationalité belge et, dans l'affirmative, l'obtiendra-t-il ? Qui des deux gugusses de l'UMP finira vraiment par l'emporter si un troisième larron ne vient pas les coiffer sur la ligne en faisant l'extérieur ? La Belgique conservera-t-elle son record du Monde de la crise gouvernementale ? Et se qualifiera-t-elle pour le prochain « Mondial » de football ?

Par contre, si la planète Terre avait vraiment pété le 21/12/2012, nous serions à jamais débarrassés de toutes les questions embarrassantes qui nous empoisonnent l'existence. Que ferons-nous quand il n'y aura plus de pétrole ? Et quand serons-nous tous musulmans ? Y a-t-il un ailleurs après « après » ? Finira-t-on par interdire le tabac, l'avortement, l'euthanasie et le communisme ? Serons-nous sexuellement majeurs à douze ans ? Quel autre vieux couillon borné succédera à Benoît XVI ? Qui remportera la Star Academy ? Et Koh-Lanta ? Et l'Eurovision ? Qui seront les prochains lauréats des concours organisés par « Les Nouveaux Auteurs » ?

Si tout était fini, je ne me poserais plus les angoissantes questions qui hantent mes longues nuits d'insomnie. Quelle connerie vais-je écrire sur mon blog ? Quand vais-je enfin terminer le bouquin que j'ai commencé et remanier complètement celui que j'ai terminé mais qui ne me satisfait pas en l'état ? Y aura-t-il encore un peu de pognon pour payer la retraite des vieux quand je serai vieux ?

Avouez quand même que tout aurait été plus simple si les petits comiques qui prédisaient la fin du Monde avaient eu raison ! Mais comment donc pouvaient-ils se fier à la clairvoyance des Mayas ? Comment ces gens d'une autre époque auraient-ils pu prévoir la date de la fin du Monde alors qu'ils n'étaient déjà pas fichus de deviner que les conquistadors allaient leur tomber sur le râble et causer la fin de leur Civilisation ?

À l'échelle de l'Univers, nous ne sommes pas grand-chose. Il suffit pourtant de voir comment nous avons les jetons quand souffle l'ouragan, quand tremble l'écorce terrestre, quand tonne un volcan... pour nous rendre compte à quel point nous ne sommes que les minuscules jouets d'une Immensité qui nous dépasse.

Si la Terre doit finir, et elle finira inexorablement, nous ignorons de quelle façon. Un astéroïde géant ou une tempête cosmique auront-ils raison de nous ? Le volcan géant qui dort depuis plus de six cent mille ans dans le parc de Yellowstone viendra-t-il tous nous ensevelir à la façon d'un gigantesque Pompéi ? La race humaine, déjà sur le déclin, s'éteindra-t-elle d'elle-même, comme toutes les espèces vivantes qui naissent, subsistent un certain temps, puis finissent par disparaître, remplacées par d'autres ? Ou, plus simplement, tous les agités du bocal qui jouent avec l'arme nucléaire finiront-ils tout simplement par nous exploser la planète ? « On a le cul sur de la dynamite », chantait Dutronc avec la complicité du beau Serge et beaucoup de clairvoyance.

Espérons juste que ce ne soit pas pour tout de suite, qu'on ait encore le temps d'en profiter un peu en passant de bonnes fêtes de fin d'année.

Meilleurs vœux à tous !

jeudi 20 décembre 2012

Ceci n'est pas un adieu

Je sais que tout le monde en parle et que la plupart des gens s'en foutent, surtout ceux qui sont pauvres et en mauvaise santé, mais comment, en ce 20 décembre 2012, ne pas glisser un petit mot sur mon blog pour vous entretenir de ce qui déchaîne autant de passions que d'indifférence ? La fin du Monde.

Selon des personnes apparemment bien informées, ce serait pour demain. À quelle heure ? Comment ? Ça, on ne nous l'explique pas vraiment. Et quand on nous l'explique, c'est dans des langages tellement divers que l'envie nous prend de porter l'index à la tempe ou de lever les yeux au ciel, ce ciel qui n'existera plus demain, ou après-demain, si on veut bien en croire les prophètes du désastre appliqué à l'Humanité.

Voulez-vous que je vous dise ce que je pense de tous ces illuminés ?

Bon, je n'ai peut-être pas besoin de le dire, puisque je viens d'opérer le raccourci magique consistant à inclure la réponse dans l'énoncé de la question ; style « couleur du cheval blanc de Napoléon ».

Il y a des gens qui savent toujours tout. Et ceux qui croient en savoir le plus sont généralement ceux qui ne savent rien ; parce que les vrais savants vous le diront toujours : « plus j'apprends, moins j'en sais ». Non que le fait d'apprendre rende ignorant, mais l'instruction incite à rendre modeste vis-à-vis l'infinité de ce qui reste à connaître.

Malgré cela, il y aura toujours des gens qui savent tout mieux que tout le monde. Souvent, ces gens se spécialisent dans un domaine particulier qu'ils s'imaginent maîtriser comme personne ; mais à côté d'eux, vous en trouverez qui ont des idées bien arrêtées sur tout.

A-t-on détroussé une jolie étudiante ou violé une petite vieille ? Volé la grange du Père Lepoilu ou incendié la mobylette du curé ? Tandis que les enquêteurs mènent patiemment et professionnellement leurs investigations, le voisin d'en face et cousin du boulanger répétera à tout qui veut l'entendre dans un rayon de dix mètres à partir du coin du comptoir de la buvette du club de foot où il exerce ses talents d'arrière droit, que le coupable ne peut être bien sûr que Machinchose.

Chaque année, essentiellement au printemps et à l'automne, des météorologues d'arrière-boutique vous expliqueront qu'on va avoir un été pourri ou un hiver exceptionnellement rude. Ils soutiendront leurs propos en affirmant répéter ce qu'ils ont entendu à la télé ou à la radio ou lu dans le canard local, parce que c'est bien connu : les prévisions météo se font toujours sur le long terme.

Évidemment, ce qu'ils ont lu ou entendu serait plutôt du genre : « on pourrait vivre un été torride ou un hiver pluvieux », les prévisionnistes ne pouvant que se baser sur des statistiques, des modèles plus ou moins récents et des probabilités qui ne vaudront jamais que ce qu'elles valent, pour se risquer à des prévisions dépassant la huitaine de jours. Quand on a vécu deux ou trois étés torrides successifs, le compère pourri a d'autant plus de chances de surgir, même si la certitude sur le sujet demeure toujours aux abonnés absents.

Bien entendu, les prévisionnistes d'opérette seront, dans les semaines et mois qui suivront leurs prédictions, soit frappés d'amnésie au point d'oublier de vous parler des bêtises qu'ils avaient proférées, soit exagérément triomphalistes à coups de « je vous l'avais bien dit ! » selon le degré de vérification de leurs prophéties.

En général, le prophète de base, bas de plafond et fort en gueule, se contentera de prévisions binaires : oui ou non. Hiver rude ou hiver doux ; été torride ou été pourri. Il n'a qu'une chance sur deux de se tromper, ce qui lui en donne tout autant de triompher.

Cette histoire de fin du Monde pour demain relève de la même fantaisie : ça se produira ou ça ne se produira pas. Peu importe la manière, finalement : rôtis, noyés, pulvérisés, asphyxiés, irradiés... nous finirons demain notre triste existence terrienne. Enfin, selon les tenants de l'apocalypse imminente !

Alors, moi, je vais vous le dire franchement : ceci n'est pas un adieu. La fin du Monde n'est pas pour demain. On a le temps d'encore déconner un petit peu.

Au bureau, par exemple, ce midi, nous avons pris l'apéro en nous disant que c'était peut-être le dernier ; mais lundi nous remettrons ça en proclamant joyeusement que nous l'avons échappé belle ! N'est-ce pas merveilleux ?

Et puis, je vais aussi vous avouer autre chose : je ne tiens pas à avoir l'air con. Comme ça m'est déjà arrivé souvent, je ne devrais pourtant pas me soucier d'être ridicule une fois de plus, d'autant que ça n'a jamais tué personne et qu'un moment de honte est vite passé, mais toutes les fois où ça s'est produit, c'était à mon corps défendant. Je ne l'avais pas fait exprès.

Alors, si j'écris soudain « Adieu, Monde cruel » dans mon message de ce soir, je suis absolument sûr de me couvrir de ridicule. Demain, nous serons encore là. Et il faudra que je m'explique. Je n'y tiens pas.

Je suis démodé mais pragmatique : si je vous dis adieu et qu'après-demain nous sommes encore tous là, que devrai-je faire ? Me taire ? De toute façon, j'aurais l'air con.

Par contre, si je vous dis « à bientôt » sur ce blog et que nous nous y retrouvons effectivement encore demain et après-demain et l'an prochain... j'aurai échappé au ridicule. À coup sûr.

Ce ne sera évidemment pas le cas pour tout un tas d'illuminés qui vont avoir l'air con, mais con...

Alors, je vous dis : « À bientôt pour un prochain message sur ce blog ».

Et si je me suis gouré, ben... plus personne ne devrait être là pour me le rappeler, n'est-ce pas ?

mardi 18 décembre 2012

Wallonie, terre d'accueil

Dans mes articles successifs visant à expliquer la – déjà ancienne – crise politique belge à la lumière de l'Histoire, j'ai rappelé à ceux qui l'auraient oublié et tenté d'enseigner à ceux qui l'ignoraient à quel point la Belgique a souvent été et est encore une « terre d'accueil ».

C'est vrai que dans le Nord, chez nos fournisseurs flamands, on ne cultive pas spécialement l'esprit d'hospitalité. Déjà que, bien souvent, on essaie de se débarrasser des encombrants voisins wallons en affirmant et réaffirmant que certaines communes sont « waar Vlamingen thuis zijn » ; et qu'on s'efforce par la même occasion de jeter des granulés absorbeurs sur cette foutue « tache d'huile » francophone qui n'arrête pas de s'étendre au-delà de Bruxelles en « territoire flamand » ; ne demandons pas en supplément à nos braves Flamands de supporter la présence d'immigrés de tous bords qui viennent, c'est bien connu, chercher asile et sécurité sociale chez nous.

Dorénavant, c'est la Wallonie à elle seule qui cultive le sens de l'hospitalité. D'ailleurs, nos dirigeants à la Région wallonne l'ont répété haut et fort : « Wallonie, terre d'accueil ». Côté flamand, on accepte encore de bon cœur les investisseurs étrangers, mais on trépigne à l'idée de réussir enfin à fermer les frontières aux « réfugiés économiques » et à couper le robinet des finances publiques qui profitent aux « assistés de Wallons » bien soutenus par leurs syndicalistes gréviculteurs et par l'omniprésence socialiste.

Le problème, c'est que les uns après les autres, les investisseurs étrangers retirent leurs billes ; et comme ils en avaient placé pas mal en Flandre (Ford à Genk ; General Motors à Antwerpen), ça fait particulièrement mal au Nord triomphant.

Mais nous, les Wallons, nous gardons le sens de l'hospitalité. Déjà, on est tout contents d'avoir un premier ministre socialiste, même si son gouvernement n'est pas vraiment ce qu'on peut appeler une coalition de gauche ; de même qu'on était un peu contents de voir arriver un président socialiste, même s'il n'est pas franchement de gauche lui non plus, à la tête de la France.

Si j'ai bien compris, l'impôt sur les grosses fortunes, ce n'est pas une invention de l'actuel gouvernement. C'était déjà en marche du temps de Sarko. Si j'ai bien compris, parce que je suis Belge et pas très futé et que ce n'est pas nécessairement un pléonasme.

Alors, il y a des Français qui demandent asile chez nous. Moi, je ne savais pas que la Belgique était un paradis fiscal. En tout cas, je n'en ai jamais eu l'impression, surtout en recevant mes « invitations à payer » divers impôts et taxes. Et en plus, chez nous, c'est plus cher que chez nos voisins. Tout coûte plus cher. Il vaut mieux faire ses emplettes en France, en Allemagne, aux Pays-Bas...

Mais certains Français demandent asile chez nous. Comme Gégé, par exemple.

On peut apprécier de diverses façons sa décision de s'installer en Wallonie plutôt qu'en France et de devenir contribuable chez nous plutôt que chez nos voisins. Le fait est que Gégé paie des impôts. Comme tout le monde, sans doute, il estime en payer trop et tente de réduire sa contribution.

Gégé, t'es le bienvenu chez nous : Wallonie, terre d'accueil, on l'a dit. Et puisque tu attaches tant d'importance aux plaisirs de la table, c'est que tu n'es pas aussi mauvais que certains le prétendent.

Et si tu ne te plais plus chez nous, tu peux aussi t'en aller. Tu ne seras ni le premier, ni le dernier. De toute façon, tu paieras toujours plus d'impôts que des Mittal et consorts, à qui on n'a pas arrêté d'offrir de somptueux cadeaux fiscaux pour qu'ils viennent et restent, mais qui se tirent quand même en laissant un paquet de chômeurs derrière eux. Toi, tu ne seras pas comme ça.

Et tu ne seras pas non plus comme ces enfoirés de patrons de banque, qui nous ont foutu une belle crise économique sur le dos et qui se sont tirés mine de rien avec leurs parachutes dorés en déclinant toute responsabilité.

Et puis, Gégé, au moins tu m'as déjà fait rire, grâce à ton talent d'acteur et aux nombreux films auxquels tu as participé. Eux, ils ne m'ont jamais fait rire.

Et s'il faut baver sur quelqu'un, je ne le ferai pas sur toi. Aujourd'hui, je n'aurai aucune peine à élire le « couillon de la semaine ». Ce sera même le couillon du mois et, tant qu'à faire, de l'hiver tout entier.

Une veuve imbécile vient d'interdire l'utilisation en Belgique de l'image de son défunt mari au profit d'une institution qu'il avait lui-même mise en place et qu'il avait encouragé à créer au-delà des frontières de la France. Les malheureux qui crèvent de faim et de froid et ceux qui voulaient chanter pour recueillir des fonds pour les nourrir doivent sans doute la remercier ?

Michel, pourquoi ne viendrais-tu pas lui tirer les pieds toutes les nuits ?
Elle essaie de détruire ton œuvre.

dimanche 9 décembre 2012

Les couillons dans l'Histoire (4)

Avant toute chose, je tiens à rappeler que lorsque je parle de « couillon », le terme est à prendre au sens large. Vous trouverez dans ce message un paragraphe explicatif à ce sujet.

C'est en feuilletant un bouquin consacré aux inventeurs, ces génies – connus et méconnus, encensés ou ignorés de leur vivant – ayant émaillé l'histoire de l'Homme moderne, que je me suis rendu compte qu'on trouve parmi eux quelques exemplaires couillons.

Alfred Nobel, par exemple. Un phénomène, celui-là. Un Suédois.
Ce type était obsédé par la nitroglycérine, ce truc qui peut vous péter à la figure pour un oui ou pour un non, et passait son temps à jouer avec dans l'usine familiale. Évidemment, ce qui devait arriver arriva : une belle explosion pour envoyer ad patres cinq malheureux dont Emil, le petit frère de notre génie.

Très marqué par cette tragédie, Alfred se remet au boulot. Mais pas au jardinage, non. Il continue de jouer avec la nitroglycérine pour la rendre moins dangereuse. Moins dangereuse pour celui qui la manipule, bien entendu.

En mélangeant sa substance avec une autre, plus lourde, inerte, Alfred est tout content qu'il soit alors nécessaire d'utiliser un détonateur pour tout faire péter. Alors que jusque-là, on disait de lui qu'il n'avait pas inventé la poudre, voilà que notre bon Alfred nous fabrique la dynamite.

Quelle belle invention ! Fini de creuser à la pioche dans les mines. Fini les coups de pelle pour tracer des routes. Quelques bâtons bien placés et... Boum ! Le gros du boulot est déjà abattu.

Évidemment, dès que vous inventez quelque chose qui peut exploser, péter à la gueule, détruire, tuer, démolir, pulvériser ou hacher menu, soyez certain d'intéresser ces sauveurs du Monde libre que sont les militaires.

Voilà donc notre brave Alfred qui joue le rôle du couillon de service. Parce que dès que vous inventez quelque chose qui peut être récupéré à des fins militaires, même si vous n'y aviez pas songé une seule seconde, vous entrez de plein droit dans la confrérie des riches couillons qui risquent de marquer l'Histoire.

Bourré de remords plus que d'aquavit, Alfred Nobel décide alors de se racheter en léguant toute sa fortune à la création du Prix Nobel.

Il y a à présent des Prix Nobel de n'importe quoi. Même de littérature. Ça vaut ce que ça vaut, mais c'est quand même grâce à un couillon qui s'est enrichi grâce à une invention qui a tué des tas de gens par le truchement d'accidents, de conflits divers, d'attentats, de vols avec violence, de sanglantes scènes de ménage et même de guerres qu'est attribué chaque année un Prix Nobel de la Paix.


Moins marquant dans le genre « génie impérissable », nous avons Joseph Cayetty. « Qui c'est celui-là ? » vous demanderez-vous en songeant peut-être en passant à la moustache de Pierre Vassiliu. Eh bien, Joseph Cayetty, ce serait l'inventeur du papier hygiénique ! Le célèbre PQ. Oui, monsieur ! Rien de moins que ça.

Vous remarquerez qu'on n'a pas appelé ça du Cayetty ou du Joseph Cayetty. Non. Ce n'est pas comme la poubelle de monsieur Poubelle. Nous n'avons pas de rouleaux de Cayetty comme nous avons des couvercles ou des poignées de poubelles. Modeste, donc, notre inventeur. Ce qui est étonnant, parce qu'il était quand même Américain. L'avantage de l'affaire c'est que « Cayetty » est resté un nom propre. Tandis que « poubelle » est devenu un nom aussi commun que l'objet qu'il désigne.

À l'époque de son invention (aux alentours de 1855), le PQ était un produit de luxe. Oui, de luxe. Qui songerait à ça aujourd'hui ?

En ces temps très reculés, on se torchait l'anus avec des bouts de journaux. Celui de la veille ou de l'avant-veille ; parfois même celui du jour en cas d'urgence.

Aujourd'hui, c'est vrai qu'on réserverait bien cet usage à certaines feuilles de chou qui ne méritent guère de meilleur traitement ; mais il faut aussi reconnaître que les journaux se vendent moins, que certaines personnes n'en achètent jamais, et que le papier glacé imprimé en couleurs qu'on nous fourgue dans la boite à lettres n'est pas l'idéal en la matière.

D'ailleurs, aujourd'hui, les nouvelles se lisent essentiellement sur le Web. Et je vois mal les gens se torcher le cul avec leur tablette.

En tout cas, si je n'avais pas trouvé ce bouquin sur les inventeurs, je n'aurais jamais connu le nom du couillon qui a inventé le PQ. Je n'écris pas « couillon » à cause de sa création, que j'apprécie beaucoup en dépit de certains inconvénients relatés dans cet article, mais parce qu'il est passé à côté de la célébrité. Qui donc connaît Joseph Cayetty ?


Dois-je à présent vous parler de Gustave Eiffel ? Il paraît qu'il a inventé le porte-jarretelles.

mardi 4 décembre 2012

Vous en reprendrez bien une louche ?

* À force d'entendre parler d'histoires belges, nous autres les Belges en sommes devenus friands au point d'élever l'autodérision au rang de sport national.

Des centaines de jours de crise politique, un accord gouvernemental conclu presque la mort dans l'âme et des réformes qui ne passent qu'à grand renfort de vaseline, voilà un constat qui a pu susciter autant d'ironie que d'inquiétude.

Pour créer la diversion, après de si longs mois à faire l'actualité de façon si peu reluisante, nous avons parlé d'autre chose. Des élections en France, par exemple.

Hollande à l'Élysée et la gauche au pouvoir, on croyait les esprits un peu apaisés et nous nous préparions à nous intéresser à d'autres choses plus rigolotes que la politique, mais l'actualité nous a rattrapés.

La dernière histoire belge nous vient de France. Là, chapeau : nous n'aurions pas fait mieux ! Les pontes de l'UMP seraient peut-être bien inspirés de convoquer le Guinness Book pour faire entériner ce record de ridicule qu'ils sont en bonne voie de pulvérisation !

Je ne m'étendrai pas sur les détails de l'affaire, mais rien que d'y songer, des larmes de rire me perlent aux paupières.

Aux dernières nouvelles, ils en seraient à un projet de référendum.

Sarko, le retour ? En tout cas, il a déjà tapé sur la table. Par en dessous, toutefois. Il avait oublié son escabeau.


* En ce début de semaine j'ai eu bien peur des embarras sur les routes, suite au retour des conditions hivernales. Mais jusqu'à présent, pas trop de problèmes. Il est vrai que tout le monde a équipé sa voiture de gommes hivernales, donc tout ira bien. Si ça bloque, ce sera à cause de ceux qui essaient encore de rouler avec des pneus « été ».

On annonce cependant un temps plus froid et plus neigeux en fin de semaine. Gageons que, bons ou mauvais pneus, ce sera la pagaille. De nombreuses routes secondaires devenant impraticables en conditions hivernales, tous les automobilistes se rabattront sur les grands axes, seuls bénéficiaires d'un épandage correct de sel de déneigement. Nous aurons donc droit aux bouchons traditionnels.

Je laisserai ma voiture à la maison et prendrai le train.
Pourvu que les aiguillages ne gèlent pas !


* Bart De Wever espère conclure vers la mi-décembre son accord de majorité à Anvers.
Il faut savoir que presque tous les élus des élections communales d'octobre viennent de prêter serment et, donc, de prendre leurs fonctions. Mais pas Bartje-le-donneur-de-leçons, élu à Anvers et qui aimerait bien ceindre l'écharpe mayorale. Mais pour ce faire, il faudrait conclure un accord de majorité, et ce n'est pas encore fait. Ben oui : quand il faut bosser au lieu de parler et d'ironiser sur les incapacités d'autrui à « conclure », c'est tout de suite moins facile.


* On croyait que le film « À mort l'arbitre ! » était une fiction. Et c'est bien vrai, parce que la réalité est bien pire. Quelques adolescents hollandais mécontents de l'arbitrage ont agressé l'homme en noir à l'issue de leur match de foot. Le pauvre homme en est mort.
Quand on voit le comportement des parents au bord du terrain lors des rencontres de jeunes, on comprend bien des choses.


* On vient d'effectuer des prélèvements sur la dépouille de Yasser Arafat, décédé il y a huit ans, afin de déterminer s'il a été empoisonné ou non. Aux dernières nouvelles, aucun résultat n'a été divulgué, mais il paraîtrait que la moitié des spécialistes qui s'étaient penchés sur les restes ont dû être hospitalisés pour début d'asphyxie. C'est louche.


* La banquise serait occupée à fondre plus vite que prévu, entraînant une hausse annuelle de trois millimètres du niveau de la mer. D'après mes calculs, ce n'est pas encore assez rapide pour que nous soyons débarrassés de la Flandre dans un proche avenir.
Si les vaches pouvaient accroître leur production de flatulences, grosse responsable du réchauffement climatique, ça m'arrangerait bien.


* L'agence de notation Moody's vient de dégrader la note de mon fonds monétaire personnel de AAA en AA-.
Mais je m'en fous.


* Je viens de lire deux nouvelles alarmantes.
Tout d'abord, la Belgique manque d'ingénieurs. On manquait déjà d'Hommes d'État, de banquiers compétents et de fric pour réparer leurs conneries, de candidates sur les listes électorales, de curés et de vicaires, de gardiens de prison, de cellules pour les détenus, de champions du monde de sport et de vainqueurs de l'Eurovision ; et voilà qu'on manque d'ingénieurs. Déjà qu'en raison de la mauvaise récolte de patates, on va manquer de frites, il y a de quoi se demander où on va.

Mais la seconde nouvelle alarmante est pire encore : « Les cerveaux fuient la Belgique ».
Là, c'est vraiment grave de chez grave. Quoique, en y songeant bien, ça garde un petit côté rassurant, puisque je pensais qu'ils étaient déjà tous partis depuis longtemps.


* Plus d'un tiers des Français avouent avoir déjà commis une infidélité avec un collègue de travail lors d'une réception de Noël organisée au bureau, si on en croit un récent sondage. Incroyable, non ?
Il faut dire que le sondage a été réalisé par un site de rencontres libertines.


* En Belgique, sept jeunes sur dix auraient un job d'étudiant, y compris en dehors des périodes de vacances scolaires.
Quand on dit que les jeunes ne foutent rien, il faut donc nuancer. Bien sûr, un étudiant qui bosse, c'est peut-être la contrepartie d'un travailleur qui chôme. Et si en plus c'est ce dernier qui doit payer les études et fournir l'argent de poche, c'est peut-être préoccupant.


* William et Kate attendent un enfant. Ils sont donc normalement constitués. Kate, en tout cas. Elle en a même des nausées. En ce qui concerne William, on attendra quand même la publication des tests ADN.


* Ne riez pas : Benoît XVI va avoir son compte Twitter. Il enverra même son premier tweet le 12 décembre, paraît-il. On n'a par contre pas encore précisé si ce serait avant ou après la messe.

* L'Université d'Anvers vient de publier une étude qui fera date : elle divulgue qu'un Belge sur sept vit dans la pauvreté. En raison de la crise économique, de plus en plus de Belges éprouveraient des difficultés à boucler les fins de mois.
L'étude conclut sur une stupéfiante révélation : le fossé entre riches et pauvres n'a jamais été aussi grand.
Remercions l'Université d'Anvers de nous avoir soudain ouvert les yeux, à nous qui croyions que tout était pour le mieux dans le meilleur des mondes.
À part ça, je me demande quand même si c'était bien sérieux, cette histoire de cerveaux qui fuient la Belgique...


* Depuis le début de l'année, nous en sommes à plus de dix mille faillites d'entreprises, en Belgique. Dont beaucoup plus en Flandre qu'en Wallonie. C'est quand même étonnant, parce que selon Bart De Wever, c'est en Flandre que ça va bien et en Wallonie que ça ne va pas.
Je vais vous faire une confidence : c'est à cause des Wallons, que les Flamands sont en faillite.
Et je vais vous en faire une seconde : il n'y a plus grand-chose à faillir, en Wallonie, donc les choses s'expliquent peut-être d'elles-mêmes.


* Terminons sur une bonne nouvelle : Greg LeMond, ancien triple vainqueur du Tour de France, s'est porté candidat à la présidence de l'Union Cycliste Internationale. Il avoue vouloir « changer le cyclisme », pour redonner confiance au public et aux sponsors.
C'est vrai que le cyclisme a bien besoin de ça. Avec à sa tête un homme qui a du plomb dans la cervelle, l'UCI devrait redresser la barre. Quoique...
Si ma mémoire m'est fidèle, c'est plutôt dans les fesses que LeMond s'était pris les éclats de chevrotine lors de l'accident de chasse qui avait interrompu sa carrière professionnelle.
Donc, ce n’est pas gagné d'avance.

jeudi 22 novembre 2012

Le courage et la paresse

Hier encore, Chérie me disait : « T'es vraiment courageux de faire tout ça... »

Voilà un genre de compliment toujours agréable à entendre, même s'il est assorti d'un « tu en fais trop » délicieusement sous-entendu à défaut d'être prononcé.

Bon, d'accord, Chérie qui me trouve du courage, ça fait bizarre ; mais que voulez-vous ? Elle est amoureuse ; et tout le monde sait bien dans quel état ça peut mettre les facultés de raisonnement.

C'est vrai que moi aussi, bien souvent, je trouve que Chérie est vraiment très courageuse. Elle bosse beaucoup. En râlant quand même un peu en passant la serpillière et en manœuvrant la centrale-vapeur, mais à chacun son boulot en fonction de ses compétences : je salis ; elle nettoie.

Mes collègues, qui ne connaissent pourtant pas tous ma femme, la trouvent très courageuse aussi. Il en est même qui ont suggéré qu'on lui érige une statue sur la place du village, c'est dire !

Mais il en va de la paresse et du courage comme de beaucoup d'autres choses sujettes à interprétation ou à jugement : c'est relatif. Tout est relatif.

Moi, je ne pourrais pas consacrer une demi-journée à repasser et ranger du linge ; pas même une demi-heure, en fait. En conséquence, je suis ravi que Chérie s'acquitte de la corvée sans rechigner. À mes yeux, ça la rend particulièrement courageuse. Exactement comme quand elle lave les vitres de la maison ou arrache les mauvaises herbes dans les parterres de fleurs et le potager : toutes choses qui ne m'emballent pas et qui ne seraient jamais faites s'il ne fallait compter qu'avec ma paresse naturelle.

Ses deux fois vingt minutes de vélo statique entrecoupées d'étirements, de flexions et d'exercices abdominaux, ça me dépasse. Dès que je pose les fesses sur cet engin de torture, je n'arrive pas à pédaler plus de dix minutes ; et lorsque j'y parviens, c'est à titre si exceptionnel que je n'ose plus m'en approcher pendant plusieurs mois. Et ne comptez pas davantage sur moi pour aller faire au pas de course le tour du pâté de maisons !

Paresse ? Oui, peut-être. Mais pas pour tout. Je taille les haies et la pelouse, j'évacue vers la déchetterie tout notre excédent de végétaux, de verre, d'huiles usagées, d'emballages, de débris de maçonnerie et d'appareils ménagers hors d'usage.

Je me lève pour aller bosser, sans panne d'oreiller ni maladie du lundi matin ; je sers de chauffeur aux plus jeunes et... aux plus âgés de la famille ; je répare ce qui peut l'être, rénove ce qui l'exige et m'occupe de toute la foutue paperasserie.

Avec ma femme, nous nous partageons la corvée des emplettes, le plaisir de cuisiner, la fatigue du nettoyage et du rangement... et les bons moments de la vie.


Oui, tout est relatif : la sveltesse de celui qui se trouve enveloppé lorsqu'il côtoie un collègue dépassant allègrement le quintal ; la jeunesse du quinquagénaire en visite dans une maison de repos ; le bonheur de n'avoir pas de chaussures quand on rencontre quelqu'un n'ayant plus de pieds...

Voir quelqu'un travailler et se dire « je ne voudrais pas faire ça comme boulot », ça comprend déjà quelque part une sorte de respect, voire d'admiration. Le courage et la paresse, eux aussi, sont relatifs.

Mon talent littéraire est relatif, lui aussi. Mais comme ce n'est pas à moi d'opérer les comparaisons, je vais me contenter de me taire. Ce n'est pas très courageux comme attitude, certes, mais j'assume ma paresse et ma lâcheté.

dimanche 18 novembre 2012

Pour la bonne cause

Vendredi soir, un gamin du village est venu sonner à ma porte. Il vendait des stylos-bille pour la fête de son école. Il était courageux, le petit. Malgré la pluie, capuchon de l'anorak serré autour de la tête, il avait démarré dès la fin des cours, mettant les sous dans un sachet de plastique. Pour un euro, j'ai donc acheté un stylo-bille que j'ai ensuite jeté dans un tiroir du meuble-téléphone, là où il en traîne déjà quelques autres.

Samedi matin, en rentrant des courses, ma femme a déposé un porte-clés et un stylo-bille sur la table. L'un était marqué du nom d'une très respectable unité scoute, le second provenait de la même école que celui que j'avais acquis la veille. Chérie m'expliqua que quelques garçons en uniforme - très polis au demeurant - vendaient les premiers au prix modique d'un euro pièce sur le parking du supermarché, tandis que le second lui avait été gentiment cédé - contre un montant identique - par une fillette du village qui l'avait même aidée à décharger deux paquets du coffre de la voiture.
Le tiroir a donc accueilli deux bouts de plastique supplémentaires.

Dans l'après-midi, je m'en suis allé benoîtement ouvrir la porte au fils des voisins, un gamin quelque peu indolent que ses parents avaient fini par tirer du lit à l'heure du déjeuner pour le pousser dehors à celle de la sieste avec sa foutue poignée de stylos à bille à vendre au profit de la fête de l'école.
Comme je n'ai aucune envie de me fâcher avec les voisins pour un malheureux stylo-bille à un euro, j'ai donc gratté mes fonds de poches pour réunir un peu de monnaie et agrandir notre collection de bics qu'on n'utilisera pas et dont l'encre se dessèchera, ou dont on ne se servira qu'une fois avant de les égarer ou les oublier quelque part. Sur le moment, je me suis consolé en me disant que le gamin en aurait au moins vendu un.

Et c'est au soir que j'ai commis l'infamie. Nous avions décidé, ma femme et moi, que si quelqu'un venait encore sonner à la porte, nous regarderions sournoisement par la fenêtre pour nous assurer avant d'ouvrir que nous n'ayons pas affaire à un vendeur de bics ou de porte-clés. Mais personne n'a sonné. C'est moi qui suis sorti. Je voulais juste récupérer un disque compact que j'avais laissé dans le lecteur de la voiture.

Au moment où je claquais la portière, j'ai entendu une petite voix derrière moi. Un gamin qui vendait des stylos à bille pour la fête de son école. Je lui ai dit que nous en avions déjà acheté plusieurs et, pour faire bonne mesure, je suis rentré pour plonger la main dans le tiroir et en tirer une poignée de bics, tous à peu près pareils, autour lesquels s'entremêlaient les anneaux de plusieurs porte-clés.

Le garçon a eu l'air tout triste. Ses épaules se sont affaissées puis il a baissé la tête vers son sac banane pour y ranger ses stylos à bille. Ses doigts tremblants en ont laissé échapper un, alors il s'est vite baissé pour le ramasser, puis il est parti après m'avoir dit bonsoir.

Ça m'a fait tout bizarre quand j'ai refermé la porte. J'avais le sentiment d'être injuste. Ce gamin n'était pas moins poli qu'un autre, son stylo à bille n'était pas plus moche et marchait probablement aussi mal que ceux qui encombraient déjà mon tiroir. Ce n'était même pas pour l'euro que ça m'aurait coûté. Il me restait d'ailleurs encore un peu de monnaie dans la poche de mon paletot.

Mais comment donc ces enfants auraient-ils pu deviner que nous avions dans notre tiroir davantage de bics et de porte-clés que nous n'en pourrions jamais utiliser ? Devrons-nous, à l'avenir, exposer aux yeux de tous cette collection d'objets en les étalant derrière la vitre du living ?

Ma femme n'a pas apprécié l'idée. Elle espère seulement que les prochains vendeurs proposeront quelque chose de plus original. Moi aussi, parce que je n'aime pas de dire non quand on demande poliment.

Et ça m'a rappelé une émission de télé, où un type et son équipe organisaient des canulars, redoublant d'imagination pour embobiner de malheureuses victimes dans des combines hilarantes (pour le téléspectateur).

Interviewé après toute une longue série de blagues à succès, l'animateur avouait avoir parfois pris des risques et échappé de justesse à l'un ou l'autre gnon, comme lorsqu'il venait tremper son croissant un peu trop sec dans la tasse de café d'un autre client, sans en demander l'autorisation.

Il expliquait ensuite que les gens sont en général très gentils et serviables, surtout lorsqu'on leur présente les choses aimablement, mais que lorsqu'il s'agit de leur demander de l'argent, les visages et les portes se ferment.

C'est à cet usage que les bonnes gens ont fait leurs les expressions « j'ai déjà donné » ou « je ne peux pas quand même pas soulager toute la misère du Monde », lorsqu'il s'agit d'ouvrir le porte-monnaie. Par contre, indiquer le chemin de la gare ou du stade de football à l'automobiliste égaré, ça ne pose aucun problème. On est même désolé quand on ne peut pas offrir le renseignement.

mardi 6 novembre 2012

La saison de la chasse

Je traversais le parking du magasin de bricolage pour rejoindre ma voiture lorsqu'une voix m'a interpellé, usant de mon prénom. Un type était debout à une dizaine de mètres, près d'une rangée de véhicules en stationnement, et faisait de grands gestes.

J'ai plissé les yeux, ma myopie ne s'arrangeant pas avec l'âge et mon manque de sens pratique m'ayant une fois de plus conduit à négliger d'emporter des lunettes, pendant que le bonhomme multipliait ses appels et ses signes de la main. Comme il semblait souriant et animé d'intentions pacifiques voire amicales, je me suis dirigé vers lui en faisant fonctionner mes neurones du mieux que je le pouvais pour tenter de situer le gaillard au milieu de mes connaissances ; mais arrivé devant lui et alors qu'il me tendait résolument la main, j'en étais toujours aux embarrassantes interrogations : « Qui est-ce ? Nom d'une pipe ! Qui est-ce ? »

Conscient que le mec n'avait rien d'un mendiant, j'ai serré la pogne qui m'était offerte et, comme habituellement dans une telle situation, j'ai fait comme si j'avais identifié la soudaine apparition en demandant, l'air détendu et essayant de masquer mon embarras derrière mon sourire le plus avenant : « Comment ça va ? »

Ruse de Sioux. Pas de tutoiement. Pas de « comment tu vas ? » et encore moins de tentatives de balbutiement d'un prénom. D'ailleurs, aurais-je balbutié un « Barnabé », marmonné un « Manuel » ou grommelé un « Gérard » que ça ne m'aurait pas tiré d'affaire. Le type s'appelait Jean-Louis, comme il se plut à me le rappeler dans les secondes qui suivirent, montrant bien qu'il n'avait pas été dupe de ma tentative d'éviter d'avoir l'air d'un con. Certes, sa bobine me disait vaguement quelque chose, mais de là à l'extirper du profond tiroir aux souvenirs où elle croupissait depuis tant d'années, il y avait de la marge !

Bref, le gaillard était un ancien copain de classe et, bien que nous eussions passé quelques années dans le même établissement, j'aurais pu croiser son chemin à plusieurs reprises sans réagir autrement que par un simple « bonjour ».

Comme il me demandait ce que je devenais et que je n'avais nulle envie de lui raconter ma vie, j'expédiai rapidement l'affaire en le rassurant sur mon état de santé et embrayai adroitement sur un autre sujet de conversation ; l'écoute fréquente des déclarations des politiciens à l'usage de la presse m'ayant enseigné, à défaut de celui de la grammaire, le bon usage de la langue de bois.

— Tu t'adonnes au plaisir de la chasse ? m'enquis-je en accompagnant ces mots d'un aller-retour visuel vertical sur son accoutrement.
— C'est un peu ça, ouais, admit-il en se dandinant sur ses « Aigle » en caoutchouc.
— Et… tu chasses quoi ?
— Un peu de tout, en fait. Tout ce qui passe à portance.
— Mais… Y a pas des saisons, pour ça ?
— T'en fais pas. Je m'arrange.

« Il s'arrange ? » songeai-je tout en cherchant des yeux le gros 4x4 kaki avec pare-buffle et marchepieds chromés qui aurait dû accompagner la dégaine d'un brun verdâtre en grosse toile et multiples poches qu'arborait mon ancien copain de classe. Surprenant mon regard et mes attentes, Jean-Louis posa une paluche de propriétaire sur un break très ordinaire, de teinte gris souris, même pas luxueux, et en tapota affectueusement la tôle.

— Presque toute l'intégralité de mon matériel est là-dedans, sourit-il d'un air satisfait.

Je m'attendais à découvrir de l'autre côté de la vitre du hayon la truffe frémissante d'un épagneul ou les appendices pointus et nerveux servant de queue à deux beagles de pure race, mais rien de cela. Ni truffe, ni queue, ni animal jappant d'impatience. « Il les a peut-être remplacés par un casier de bière », songeai-je en identifiant soudain la teneur de son haleine.

Le couvre-coffre à enrouleur était tiré et j'imaginais déjà dessous les deux fusils à canon jumelé, les lunettes d'approche, les boîtes de munitions, la gibecière et peut-être quelques couteaux à dépecer, des cartes topographiques, une boussole, un siège pliant et d'autres objets tous plus virils les uns que les autres, sinon carrément dangereux ; mais lorsque Jean-Louis a soulevé le hayon de son break, ce sont la surprise et la déception qui m'ont assailli aussitôt.

Pas d'étui à fusil, pas de couteaux à découper ni de gibecière : juste un gros sac à dos, un « boudin » de toile cirée, une glacière en plastique bleu foncé et un pack de six bouteilles d'eau de source. Rien d'affriolant, donc, à première vue, l'attirail paramilitaire que j'imaginais déjà ayant été remplacé par une sorte de panoplie de touriste du dimanche.

C'est au moment où mon ancien pote ouvrait le sac à dos que je remarquai le trépied en aluminium, replié et sanglé sur un des côtés, et que je compris de quel type de chasse il était question.

— Tu vois, je chasse les images ! triompha-t-il en extirpant du sac une espèce de tromblon qui devait bien peser dans les deux à trois kilos, sans compter l'appareil photo qui était fixé au bout.

J'avais déjà vu des téléobjectifs, mais celui-là, c'en était un beau !
Revenant sur ma déception première, je reconnus que l'ensemble dégageait un aspect profondément viril ; et même si potentiellement il avait peu de chance de blesser qui que ce soit d'autre que son utilisateur, je ne pus m'empêcher de siffler d'admiration.

— Ah ! Ouais. Y a pas à dire, ça jette !
— Ah, ça !
— Et c'est efficace ?
— Efficace ? Ah ! Faut s'donner les moyens.

Il déposa son tromblon sur le plancher du break et attrapa le sac-boudin.

— Ici, j'ai une tente d'affûtage. C'est tout léger, imperméable, en décor camouflure, avec des ouvertures pour laisser passer le téléobjectif. Comme ça, je peux voir sans être vu.
— Mazette ! J'imagine qu'il faut de la patience…
— Ben, en général, je vais plusieurs jours de suite au même endroit. Je recherche un lieu de passage des animaux que je veux prendre le portrait en photo, j'installe la tente et j'attends la bonne heure qu'elle survienne. Souvent en fin de journée ou en début de soirée.
— L'heure où les lions vont boire.
— Y a pas de lions en Belgique, coco !
— Non ? J'en ai déjà vu, pourtant.
— Déconne pas, Ludovic.
— Si, si. Mais faut pas de tente d'affût pour les photographier.
— Au zoo, c'est ça ?
— Par exemple. Mais toi, alors, tu photographies quoi ?
— Ben… Des cerfs, parfois, mais faut de la patience. Ils sont farouches parce qu'ils ont peur. On croirait pas, hein ? Des grandes bêtes comme ça ! Le mois dernier j'en ai shooté un en train de brailler. Mais c'est rare. On les entend, quand c'est la saison, mais pour les voir, il faut affûter.
— Affûter ?
— Ouais, mon vieux. Affûter, répéta-t-il comme pour bien me rappeler qu'il n'avait jamais été une lumière pendant ses longues études secondaires. Affûter à la bonne place. Et ça, c'est l'espérience qui te dit où se cachent les bonnes places. Et la merde, aussi.
— Heu… La merde ?
— Si tu trouves un endroit plein de crottes de biches, des fraîches, des moins fraîches… Qu'est-ce que ça veut dire, à ton avis ?
— Que c'est les toilettes pour biches, je dirais.
— Que c'est un endroit où les biches passent souvent, non ?
— En tout cas, elles y viennent chier, oui. À défaut de voir l'animal, tu peux toujours faire une étude sur…
— Ouais, ouais, ça va.
— Et donc tu vas affûter près d'un endroit où les biches ont déjà merdé, et tu attends qu'elles reviennent merder au même endroit pour les shooter.

Jean-Louis me jeta un regard en coin :

— C'est pas si simple. C'est pour ça que je prévois plusieurs jours au même endroit.

Ça devenait vraiment passionnant ! Je le laissai poursuivre :

— Tu comprends, quand tu installes ton matériel, la tente d'affûtage, tout ça... il vaut mieux le faire quand les bestiaux que tu essaies de saisir ne sont pas là. S'ils te voient déplier ton brol en leur présence, ils se cassent pour plusieurs jours. Donc, tu dois être discret. Bien coincer l'abri. Il est bariolé, mais parfois j'utilise en plus un filet de camouflure. Et tu vois, là, sur l'objectif... J'ai une sorte de chaussette kaki que je lui enfile dessus. Et si ça ne suffit pas, une des ouvertures de la tente a même une sorte d'étui cousu dessus. Tu passes l'objo dedans, et le tour est joué. Mais c'est pas pour ça que ça va fonctionner. Les premières heures après l'installage, ça ne donne rien. Et même, faut souvent attendre le lendemain. Tu as beau tout aménager en kaki mini, les bêtes remarquent toujours bien quelque chose d'anormal. Elles se méfient. Mais au bout de quelques heures, si rien ne bouge, elles se hardissent et ne surveillent plus l'objet que par à-coups. C'est pour ça qu'il faut souvent des heures et des heures.
— Et tu restes là, à attendre ?
— Non, je me tire. Ça sert à que dalle de s'enraciner dans l'humidité s'il fait humide ou dans la chaleur s'il fait chaud, ou les deux... J'installe et je m'en vais. Je reviens le lendemain. Et souvent aussi le lendemain du lendemain.
— Et on te pique pas ton matériel ?
— Je laisse pas mon matos là-dedans. Juste la tente d'affûtage. Et quand elle est bien placée, faut des yeux de lynche pour la voir, ma camouflure. Les animaux connaissent l'endroit par cœur, alors à eux ça leur paraît bizarre, mais n'importe quel bonze de passage ne la verra pas. Même moi, je prends de fameux repères pour retrouver mes marques : j'ai déjà dû chercher pendant plusieurs minutes alors que je savais que j'étais au bon endroit. Et je pouvais pas faire trop de boucan, bouger trop, sinon c'était raté.

J'étais admiratif devant l'expertise de Jean-Louis en matière de camouflage autant que d'élocution.

— Et on t'a jamais cassé l'ambiance ?

J'eus un mouvement de recul lorsqu'il cracha soudain sur le tarmac.

— Si. Plusieurs fois. Des saletés de chasseurs. Des péteux avec leurs flingues. Je peux pas les encadrer, ceux-là.

Je me demandai si c'était par frustration. Peut-être mon ancien pote aurait-il mieux aimé jouer de la gâchette que du déclencheur.

— Un jour, poursuivit Jean-Louis, y en a même deux qui m'ont menacé. Ils voulaient me virer de « leur » forêt où ils organisaient « leur » battue. « Vous avez pas vu les écriveaux ? » que le premier a aboyé pendant que son clebs me regardait en grognant. « Non », j'ai répondu. « Et puis, je fais rien de mal. Je prends des photos. » Et cet abruti grand génital a osé me dire que « je faisais fuir le gibier ». Fuir le gibier ! Je vous demande un peu ! Fuir le gibier !

Jean-Louis était remonté. Il faisait des moulinets avec ses bras et levait les yeux au ciel, un peu comme s'il avait voulu mimer une espèce de supplique à l'averse comment savent en faire les cultivateurs.

— Eh ben tu sais ce que je leur ai répondu, à ces cons ? demanda mon ancien pote lorsqu'il en eut assez de jouer au sémaphore. Tu sais ce que je leur ai répondu ?
— Ben, quelque chose me dit que je vais pas tarder à l'apprendre.
— Je leur ai dit que si quelqu'un faisait fuir le gibier, c'était bien eux, avec leurs pétoires de merde.

Là, c'était effectivement d'une logique désarmante.

Comme le paquet que je tenais dans la main commençait à me peser autant que cette longue conversation, je décidai de prendre congé de mon exubérant ancien copain de classe. Je lui souhaitai beaucoup de succès dans son entreprise, et il me proposa de me montrer ses photos, un de ces jours. Je n'eus pas le cœur de refuser : tout d'abord parce que c'était proposé gentiment, et ensuite parce que j'aime bien les belles images et que si le ramage du matériel de chasse de Jean-Louis était à la mesure de son plumage, ça pouvait valoir le déplacement.

Il fouilla dans ses multiples poches, à la recherche d'un stylo-bille et d'un bout de papier, mais en vain : il en sortit tour à tour un téléphone portable, deux cartes-mémoire pour son appareil photo, un étui à cigarettes, un briquet, une boîte d'allumettes, deux mouchoirs de poche froissés et sales, un couteau suisse, un couteau pliable, des élastiques, un bâton de chocolat entamé et un paquet de chewing-gum. Lorsqu'il ramassa les deux préservatifs qu'il avait laissé choir en même temps qu'un trousseau de clés, je lui vins en aide en lui tendant un bout de crayon rapporté de chez Ikea.

— J'ai déjà ça.
— Hum ! Soupira-t-il. J'ai pas de papier.
— Dans ta voiture, peut-être ?
— Ah ! Oui, sûrement.

Il s'en alla ouvrir la portière et gribouilla ses coordonnées au dos d'un bout de carton comme en glissent entre le joint de caoutchouc et la vitre du conducteur les gens qui espèrent que vous allez leur téléphoner pour leur dire que vous êtes prêt à leur céder votre tire pour des clopinettes, et me le tendit en m'invitant à le contacter dès que je le voudrais.

Je pris congé de lui en lui serrant gentiment la louche et m'éloignai vers ma voiture, heureusement garée assez loin pour qu'il ne puisse l'identifier avec précision. En chemin, je résistai à l'envie de coincer la carte de visite dans le joint de portière d'une berline de luxe au sang bleu, puis de la jeter dans une poubelle ; mais je finis par la glisser dans la poche de poitrine de ma chemise. Avec un peu de chance, songeai-je, Chérie l'enverrait à la lessive en même temps que le vêtement.

C'était une attitude bizarre de ma part puisque, je le rappelle, j'aime bien les belles images et je m'étais déjà dit que ça pouvait être intéressant, de découvrir le fruit des « affûtages » de Jean-Louis. Non, ce que je craignais, en réalité, c'était de choper un virus. Le virus de la chasse photo.

Surtout que je connais quelques endroits où on peut trouver de sacrément belles biches.

vendredi 26 octobre 2012

François m'écrit...


Pauvre petit voisin,

Tu as cru pouvoir t’en prendre impunément à mon beau Pays, mépriser sa production brassicole et te moquer de ses Vins et Châteaux ? Mal t’en a pris ! L’heure de la revanche a sonné. Dorénavant, les importations de tes bières à haute teneur en alcool seront frappées d’une surtaxe qui, je n’en doute pas, mettra un frein à leur consommation et ne pourra donner qu’un coup de fouet salutaire à notre production locale bien plus saine et à laquelle, en ces temps de crise, il est normal d’accorder la préséance. Voilà ce que t’auront rapporté tes propos prétentieux, ta suffisance, ton complexe de supériorité trappiste et ton manque de respect pour les Grands Châteaux et Vins du Bordelais, impérissables merveilles des patrimoines historique, culturel, architectural, agricole, économique et gastronomique de la France.

Je te méprise.

François.



Mon Bon Monsieur,

Il était inutile de vous emporter pour si peu. Entre voisins, et compte tenu du sujet de nos échanges, il est normal que nous puissions nous chambrer de temps à autre.
Nous ne nourrissons aucun complexe quant à notre production brassicole, et vous devriez en faire autant s’agissant de vos vignobles et châteaux. Après tout, le client est roi, et ce ne sont ni mes sarcasmes, ni vos tentatives de vengeance mesquine qui pourront influer sur le commerce de biens de consommation faisant la renommée de nos Nations.
Pour vous aider à recouvrer la voie de la raison, tâche ardue s’il en est, je souhaite attirer votre attention sur quelques faits bien établis que vous paraissez négliger au mépris de toute logique.

Le prix des carburants ne cesse d’augmenter. Y a-t-il moins de voitures sur les routes ?
Le paquet de clopes est régulièrement frappé de taxes supplémentaires et estampillé nuisible à la santé. Y a-t-il moins de fumeurs ?
Les amendes pour conduite en état d’intoxication alcoolique sont de plus en plus lourdes. Y a-t-il moins d’ivrognes au volant ?
Les contrôles urinaires et sanguins sont systématiques et de plus en plus pointus dans le milieu du cyclisme professionnel. Y a-t-il moins de tricheurs sur les podiums des épreuves chapeautées par l’UCI ?

Votre gouvernement, en instaurant cette taxe supplémentaire sur l’importation de bières belges, entendrait donc renflouer les caisses de la sécurité sociale ? Fort bien. L’alcool nuit à la santé, paraît-il. Avez-vous néanmoins comparé la composition d’une canette de bière avec celle d’une limonade ? Laquelle de ces deux boissons contient-elle le plus d’ingrédients douteux ?

Afin d’aider audit renflouage, puis-je suggérer à vos instances d’adopter quelques mesures de salubrité publique visant d’autres produits de consommation courante nuisibles eux aussi à la santé ?
Outre les limonades, ces mesures pourraient frapper la pâte chocolatée à tartiner remplie d’huile de palme, les plats préparés, les cantines scolaires, les mess d’entreprise et autres restaurants d’hôpitaux, les armes et munitions, les engins de télécommunication émettant des ondes néfastes, les programmes de télévision et les discours politiques.

Je tiens néanmoins à vous rassurer : vos compatriotes possèdent suffisamment de discernement pour comprendre que la nouvelle taxe à l’importation de bières belges leur permettra, en consommant ces excellents produits, de joindre l’utile à l’agréable.

Dorénavant, en buvant de la bonne bière trappiste importée, le Citoyen français soucieux de son bien-être autant que de la bonne santé financière de son pays pourra fièrement déclarer : « Je ne m’enivre pas, Monsieur, je renfloue les caisses de la sécu. »

Voulez-vous mon avis, François ?

Vous êtes une sacrée bande de petits veinards.

Sans rancune.

Ludovic


samedi 13 octobre 2012

Vous voulez des actus à la con ?

* Selon un récent rapport de l'ONU, nous vieillissons. Je n'ai pas dû attendre cette publication pour m'en apercevoir. Mais il ne s'agit pas de moi, ni de vous en particulier. C'est seulement que le « nous » en question, c'est la population du Globe. Donc, nous sommes actuellement sept milliards, chiffre très fluctuant en fonction du nombre de tués dans les pays où on se tire dessus et du nombre de naissances dans ceux où on se tire dedans ; et dans moins d'une dizaine d'années, les plus de soixante ans en représenteront un à eux seuls, de milliard ; ce qui veut donc dire qu'une personne sur sept sera dans la tranche des « petits vieux ». Chez nous, ça pose un réel problème : qui paiera les retraites ?
Dans d'autres pays, la question est plutôt de savoir ce qu'on va donner à manger aux plus jeunes ; et là, c'est une autre paire de manches.


* Le rial iranien est en chute libre. Notamment face au dollar. C'est encore de la faute à tous ces Occidentaux infidèles, dirigés par le Grand Satan, qui veulent conserver le droit d'avoir l'arme nucléaire et interdire aux autres celui de la posséder. C'est trop injuste.


* Même en handball, il y a des sous-mains. Une histoire de paris truqués, quelque part en France. Je ne savais pas qu'on faisait aussi des paris sur le handball ; mais aujourd'hui on parie sur tout. Sur le résultat d'un match, certes, ce n'est pas nouveau ; sur le score final, ça ne l'est pas non plus ; sur qui marquera les goals et à quelle minute de la partie, ça existe aussi depuis pas mal de temps ; mais il est aussi possible de parier sur les avertissements, par exemple. Et là, c'est vachement facile à truquer ; si facile que je me demande comment on peut encore essayer de parier dans une combine aussi naze.
Décidément, les gens essaieront toujours de palper du pognon sans devoir bosser ! Notez bien qu'en certains points du Globe, il y a des gens qui bossent sans palper de pognon ; mais là, comme je l'ai écrit plus haut, c'est une autre paire de manches.


* Il paraît que les centrales nucléaires européennes ont sérieusement besoin d'une remise à niveau, selon un rapport de la très sérieuse Commission, européenne elle aussi. Il faudrait consentir des investissements de l'ordre d'une vingtaine de milliards d'euros, ce qui est considérable en regard de ce que je gagne laborieusement, mais plutôt ridicule comparé aux bénéfices engrangés par les gestionnaires desdites centrales.
Toutes les centrales montreraient des défaillances, et il faudrait les protéger plus valablement et durablement contre les risques de secousses sismiques, de chutes d'avions, d'attentats terroristes et de vocalises de Lara Fabian. Pourtant, on n'arrête pas de nous répéter que « c'est sans danger », comme le dit Laurence Olivier à Dustin Hoffman dans « Marathon man ».
Enfin, que les gestionnaires se rassurent : ce sont juste des recommandations, car la Commission ne peut rien leur imposer. Même pas leurs bénéfices.


* Finalement, le parquet de Lille a classé sans suite la procédure pour viol visant, entre autres, DSK, dans le cadre de l'affaire du Carlton. Coluche l'avait déjà dit : violer, c'est quand on veut pas, et lui il voulait. Bon, faut pas exagérer non plus, moi je n'accuse personne ; et si c'est sans suite, c'est sans suite et tant mieux pour lui. Il lui reste à se dépatouiller des histoires de proxénétisme, mais faisons confiance à la Justice : il y parviendra certainement.


* Comme on n'arrête pas de faire des études – pas les jeunes, nécessairement – sur tout et sur rien, on vient d'en pondre une sur les cabines de bronzage, lits de soleil et autres dispositifs de bronzage quand le soleil vient à manquer. Selon cette étude, les lampes à ultraviolets provoqueraient diverses formes de cancer de la peau. Des mélanomes, qu'on appelle ça.
On n'a pas besoin de lampes à bronzer pour savoir que les UV causent ce genre de méfaits ; ou plutôt, qu'une exposition exagérée aux UV, qu'ils soient naturels ou artificiels, n'est pas bonne pour la santé.
Tout compte fait, je vais peut-être bien découper l'article et l'afficher quelque part, au boulot. Peut-être que ça attirera l'attention de certaines collègues qui s'entêtent à se présenter toutes bronzées du premier janvier au trente et un décembre.


* Je l'ai lu aussi dans le canard : y a un bonze qui a réalisé un solo de guitare de plus de dix-sept heures, battant son ancien record qui s'élevait (façon de parler) à douze heures. Dix-sept heures à essayer de faire de la musique avec une gratte sans s'arrêter plus de dix secondes entre deux notes, c'est ce qu'il a fait. C'est à peu près le temps que ça m'a pris jadis (mais étalé sur six mois), pour réussir enfin à jouer l'intro de « Smoke on the water » à poil, les yeux bandés, la guitare tenue à l'envers et du persil dans les oreilles.
Cette performance enfin réussie, j'aurais bien voulu tenter « Jeux interdits », mais mes parents m'ont confisqué ma gratte en menaçant de m'expulser du domicile familial si je récidivais ; donc je me le suis tenu pour dit et je me suis rabattu sur la flûte à bec. C'est le chat qui a tiré la gueule.


* Sébastien Loeb est champion du monde des rallyes pour la neuvième fois. Que ses adversaires se rassurent : c'est sa dernière saison, paraît-il. Ouf ! C'est vrai, quoi : faut en laisser un peu pour les autres !
N'empêche que ça surprend : le rallye, c'était souvent affaire de Finlandais, mais là, depuis quelques années, ils n'avaient vraiment plus voix au chapitre. Un peu comme les Français à vélo du temps d'Eddy Merckx. Comment dit-on « cannibale », en finnois ?


* Authentique : Lady Gaga dégobille sur scène.
Elle était en train de chanter « The edge of glory », et quelqu'un dans le public au premier rang a levé un miroir, alors elle a gerbé. Elle a cependant continué le show. Faut l'faire !
Moi, ça me fait penser aux fêtes de la bière et aux guindailles estudiantines : les mecs ils en ont plein la panse, ils dégobillent, et tout de suite derrière ils se remettent à boire. Faut l'faire aussi !

vendredi 5 octobre 2012

La vie de château

Les viticulteurs français ne sont pas contents. Vous me direz que ce n’est pas nouveau, que généralement ces gens-là sont mécontents pour l’une ou l’autre raison, que ce soit au sujet de la météo, des quotas de production, des maladies de la vigne, du coût de la main-d’œuvre, des taxes ou, le plus souvent, à propos de ces salauds de producteurs étrangers qui saturent le marché avec leur breuvage qui, c’est de notoriété publique en France, « n’est pas du vin ».

Habituellement, j’entends tout ça d’une oreille distraite de Belge blasé des jérémiades de ses voisins du sud qui produisent évidemment du très bon vin, mais qui sait très bien que la bière française, en revanche, ce n’est pas vraiment de la bière mais une bibine à peine meilleure que du pipi de cheval (de très peu, mais ils ont fait des progrès, on l’admet du bout des lèvres).

Mais cette fois-ci, ils ont une nouvelle raison d’être mécontents : la Grande Europe, qui n’est jamais avare de coups foireux, a décidé d’autoriser les producteurs américains de vin à coller des étiquettes portant des noms contenant le mot « château » sur leurs bouteilles de pinard. Pas « castle », non, mais bien « château », en français et avec l’accent circonflexe (ou sans, c’est désormais autorisé) autant que l’accent californien.

Un scandale ! Et je les comprends. Enfin, je veux dire que dans un premier temps je les comprenais, les viticulteurs français, mais qu’ensuite, après réflexion et même si je les comprends toujours, j’aurais plutôt tendance à rigoler. Et pour plusieurs raisons.

La première raison de mon hilarité est mesquine, je le reconnais, mais elle participe du juste retour de manivelle. Il me revient que lorsque nous, les petits Belges, nous sommes battus auprès de nos potes européens pour défendre notre bon chocolat, qui constitue une partie de notre fierté (l’autre, c’est la bière trappiste), nos voisins ne nous ont pas beaucoup soutenus. Le résultat est que l’appellation « chocolat » n’est plus réservée aux seules confiseries préparées exclusivement avec des graisses issues de la fève de cacao (le bon beurre de cacao), mais aussi d’emploi autorisé aux vandales qui osent y mettre d’autres matières grasses végétales en appoint. Et les « matières grasses végétales », c’est une belle expression qui ne veut rien dire de bien précis sinon qu’on se fout complètement des omega3, de votre taux de cholestérol et de la saveur inimitable d’une denrée produite de main de maître avec des ingrédients de qualité.

Donc, à la réflexion, je me suis dit que c’était peut-être dommage pour les viticulteurs français, mais que je ne m’en ferais pas trop pour ça. « Château », ce n’est qu’un mot du dictionnaire français, ça ne préfigure pas une qualité bien précise et, dans de nombreux cas, ça désigne seulement une bâtisse qui ressemble à tout sauf à un château. Ces péteux du Bordelais se sont en effet arrangés depuis bien longtemps pour affubler de ce mot n’importe quelle grosse ferme de leur région, pour autant qu’on y produise du vin.

Ils n’ont qu’à faire comme nous : déposer une nouvelle appellation, un label bien précis inutilisable ailleurs, et le tour sera joué. Ils en ont déjà, des appellations contrôlées exclusives ; alors, de quoi se plaignent-ils ? De toute façon, on n’est pas près de confondre les vins des grands châteaux du Bordelais avec n’importe quelle bouteille du Nouveau Monde. Surtout pour ce qui est du prix auquel ils les vendent – et, il faut bien l’avouer, ces prix sont aussi ceux auxquels des couillons de spéculateurs les achètent.

J’ai d’ailleurs lu récemment qu’une bouteille de vin, en France, ça ne revient pas à plus d’une douzaine d’euros, quels que soient le château, la région, l’appellation. Même si c’est exagéré, que ça coûte un peu plus cher que ça, il n’y a pas de fumée sans feu. Voilà. Alors, finalement, c’est bien fait pour eux. Le mot « château » n’appartient pas aux producteurs de vin. Et s’il devait vraiment désigner exclusivement les vrais châteaux, ceux qui ont une vraie histoire de château, ils rigoleraient encore moins, en Gironde.

Est-ce que les Suisses font un scandale pour l’Emmental finlandais ? Et les Hollandais pour le Gouda belge ? Et pourtant, là, il y aurait de quoi : Gouda, c’est bien un bled aux Pays-Bas, il me semble.

Alors, qu’est-ce qu’ils veulent, les viticulteurs ? Qu’ils s’estiment heureux qu’on ne puisse pas faire du « Champagne » en Australie, du « Cognac » en Nouvelle-Zélande et du « Grand vin de Bordeaux » à Vladivostok ou, pire, à Pékin ! Parce que quand les bridés s’y mettent…

Et, à part ça, il paraît qu’on va bientôt fabriquer de la vraie bière trappiste en France. C’est nous, Belges, qui avons permis cela grâce à un vaste projet mené en collaboration avec l’abbaye de Scourmont, qui brasse la célèbre trappiste de Chimay. Alors, c’est pas beau, ça ?

La France perd l’exclusivité du mot « château » sur ses bouteilles de pinard, mais elle va bientôt avoir le droit de produire de la bière trappiste ! Et là, franchement, je vais vous donner mon avis : elle ne perd pas au change.