samedi 26 mai 2012

J'écris des histoires de cul... mais j'ai honte

Mes bouquins étaient sur la table, un couple s'approche. Ils posent quelques questions, je les renseigne... Comme ils ont l'air sympa, j'élargis le champ de la conversation :

— J'ai aussi celui-ci, glissé-je en même temps que l'objet.

Puis, avec un clin d’œil complice vers monsieur :

— Mais c'est pour les grandes personnes...

Nous échangeons des sourires entendus, mais le type ne tend pas la main vers le livre. Madame non plus, mais peut-être que ça l'intéresse quand même ? Il est pourtant intéressant, ce livre.

Il y a une forme de retenue à l'égard de ces choses-là. Peut-être que Monsieur surfe sur les sites pornos, comme bon nombre de ses semblables, mais ce n'est pas le genre de hobby dont on vante la pratique en société. Encore moins en famille.

C'est vrai que les sites de cul...

Il y a des photos cochonnes, des vidéos qui ne le sont pas moins ; et aussi des histoires. Il est communément admis que l'homme est « visuel » et s'intéressera donc en priorité aux images. La femme aurait tendance à préférer les belles histoires.

Quand on surfe sur le X, on ne le raconte pas. La gêne, peut-être ? Toujours est-il qu'on ne parle pas de ça avec enthousiasme. Pourtant, ça n'empêche pas de s'y intéresser, mais en privé. Dans le noir ou, tout au moins, à l'abri des regards et des oreilles indiscrètes.

Ce n'est pas comme la religion. La religion, des gens vous en parleront avec ferveur, dédain ou indifférence. Ils affirmeront que Dieu n'existe pas, que les curés sont des farceurs ; ou au contraire que notre Père tout puissant veille sur nous et que nous devons gagner notre Paradis.
Et puis, il y a les adeptes de ce qui les arrange bien ; ceux qui se disent croyants, mais avouent ne pas pratiquer.
Le sexe, c'est le contraire : ils pratiquent, mais ils n'ont pas l'air d'y croire. Quand on croit en quelque chose, on en parle, on essaie de convertir les autres.
Mais le sexe, c'est mal. Et en plus, c'est uniquement pour les grands.

Alors, moi, j'écris des histoires de cul.
Pas d'images, non. Du texte et rien que du texte. Interdit aux moins de dix-huit ans. Je n'écris pas que ça, bien sûr. Il y a ce blog et mes autres bouquins.

J'écris des histoires de cul, mais ne le répétez pas. 

Le livre Expression corporelle
 

Lisez-les, si ça vous tente, mais ne m'en parlez pas. C'est trop la honte.

Parlez-moi des autres trucs que j'écris ; entretenez-moi de mon blog, de mes romans... mais pas de mes histoires de cul. Le cul, c'est sale. Même quand c'est bien lavé. Alors, on n'en parle pas. D'ailleurs, c'est pour les gens bien avertis, avec un message effrayant disant qu'en dessous de dix-huit ans, il faut passer son chemin.

Il faut certifier avoir dix-huit ans. Comme si un clic de souris équivalait à la présentation d'une carte d'identité.

Il n'y a pas bien longtemps, j'ai lu ceci dans un bouquin :


« Tirant sur la longe de cuir, elle m'a traînée au carrefour de quatre galeries ; là se tenaient rassemblés une cinquantaine d'hommes, de femmes et d'enfants. Au centre de cet attroupement, Noah Jensen, sanglé sur une chaise, attendait en proférant des sons inarticulés. Il était nu, grelottant de peur, garrotté par une demi-douzaine de ceinturons qui lui comprimaient la chair. Un étau de bois lui maintenait la tête renversée en arrière, les yeux tournés vers le plafond. À sa gauche, un chaudron posé sur un brasero bouillonnait avec un bruit sourd.
Un homme ganté, en tablier de cuir, attendait en silence, les bras croisés. Rita s'est avancée au premier rang et lui a fait signe de commencer. Le bourreau s'est alors emparé d'un gros entonnoir qu'il a enfoncé dans la bouche de Noah, lui brisant les incisives au passage, puis, sans plus tergiverser, il a puisé dans la marmite au moyen d'une louche à manche de bois. D'un mouvement rapide du poignet, il en a déversé le contenu dans l'entonnoir... à l'éclat particulier du liquide, j'ai compris qu'il s'agissait d'or fondu. Noah a poussé un hurlement atroce. L'homme au tablier de cuir a activé la manœuvre, puisant et versant à un rythme soutenu. Très vite, Noah a cessé de hurler. J'ai su qu'il était mort quand ses sphincters ont lâché et que son corps s'est tassé entre les accoudoirs du fauteuil. Je me suis détournée et j'ai vomi. »

(Serge Brussolo : « Ceux d'en bas ».)


C'est vrai que jeté comme ça, ça ne donne pas l'impression d'être tiré d'un roman s'adressant aux plus jeunes des lecteurs ; mais aucun avertissement relatif à la violence de certaines scènes n'est imprimé sur la couverture ni sur les pages de garde.

Tandis que ce qui suit est réservé aux adultes (entendez : les gens de dix-huit ans et plus). Donc, si vous n'en faites pas partie, ne lisez pas.


« Quand Jean-Louis est soudain apparu, complètement ██, j'ai failli m'enfuir par réflexe. J'eus dû ! J'eus dû, Seigneur, j'en suis consciente, mais sur le moment je n'y pensais point !
— ████-moi ! a-t-il dit.
Et elle l'a fait ! Agnès l'a fait, tandis que j'entendais toujours Gabrielle pousser ses cris :
Oooh, oui ! Oui ! Vas-y ! Oh, Fred ! Vas-y, Fred !
Oui, vas-y, Fred ! l'a encouragé Jean-Louis en tournant la tête vers ce couple que je ne voyais pas. Vas-y ! ██████-la à fond ! Elle aime ça !
Puis, il s'est adressé à Agnès :
Toi aussi, hein, t'aimes ça !
Oui !
Allez, ████-moi, maintenant !
Elle est █████ ! Mon Dieu, qu'elle est █████ ! a dit Agnès en posant les doigts sur l'█████ et en le prenant ensuite ██ ██████.
Et c'était vrai, Seigneur. J'avoue que l'█████ était énorme, luisant, et tout ██████ quand Agnès l'a █████ d'entre ses █████. Puis elle l'a █████, ████████, ████... c'était... c'était effrayant !
Oui, mais c'était fascinant. Et comme elle avait la ██████ pleine, elle ne █████ plus rien, et Jean-Louis faisait simplement « Mmmm... mmmm..., c'est ça, oui, comme ça... » en posant la main sur la tête d'Agnès.
Oh ! Oh ! Oui ! Oui ! chantait Gabrielle. Oh, c'est ███ ! Je █████ ! Je █████ ! Ouiiii !
Elle a encore vocalisé, puis elle s'est calmée, alors Jean-Louis a interrompu ses « mmm... » pour lancer :
— ████-lui dans le ███, maintenant ! Elle aime ça !
Tu crois ? s'est enquise l'autre voix d'homme.
Ouais, vas-y !
Oh, oui ! Oui ! ████-la-moi ! ████-la-moi ! a encouragé Gabrielle.
Pendant ce temps, l'autre femme ne restait pas inactive.
Tu █████ bien, toi ! Oh, c'que tu █████ bien ! a dit Jean-Louis.
J'ai vu Agnès qui ███████████ la ████ presque à fond, et j'ai cru qu'elle allait ███████, ou █████, parce qu'elle a toussé un peu. Jean-Louis a ri, et puis Agnès l'a de nouveau ████, en ███████ et en produisant des bruits mouillés.
— ████-lui un ████ dans le ███ ! a jeté Gabrielle.
Et puis elle a crié :
Aaah ! Ah !
Han ! Han ! grognait Fred.
Ah ! Oh ! Ah !
Oui, dans ton ███ ! C'est vrai que t'aimes ça, hein, dans ton ███ !
Oui ! Oh, oui !
Mmmmm, c'est bon ! C'est bon ! a repris Jean-Louis. Bon Dieu ! Je vais ████ ! Tu ████ divinement bien ! »

(Ludovic Mir : « Expression corporelle ».)



Vous remarquerez, malgré les effets d'une censure rendue obligatoire sur ce blog accessible à tout public sans disposer d'une souris certifiée majeure, que la religion n'est pas toujours absente de certains récits dont elle n'est pourtant pas le sujet.

Alors, j'écris des histoires de cul, mais ne le répétez pas.
Et si vous en lisez, je ne le répéterai pas non plus.
On a sa dignité, nom d'une pipe !

samedi 19 mai 2012

Les phénomènes de société

En marge de mon dernier article (en date – faut pas rêver, je vais continuer à sévir) où je vous entretenais une fois de plus sur les merveilles du monde dans lequel nous vivons, j'aurais pu vous servir une nouvelle page d'actualités à la con.

Il n'y a qu'à observer notre entourage, surfer sur le Web, écouter la télé, regarder la radio (ou l'inverse, c'est plus efficace) pour récolter quotidiennement une moisson de crétineries que notre Galaxie tout entière nous envierait si elle en avait quelque chose à battre.

De Bashar Al Assad se réjouissant du départ de Sarkozy et escomptant que Hollande daignera au moins, lui, reconnaître en Sa Splendeur un père aimant son peuple par-dessus tout ; jusqu'à Jean-Luc Dehaene publiant ses mémoires (si vous ne connaissez pas ce personnage, sachez qu'il s'est récemment qualifié lui-même de « pompier pyromane ») ; en passant par la défection de l'entraîneur de notre équipe nationale de football (Georges Leekens, très fier d'avoir accompli 90 % du boulot – le solde ridicule ne consistant plus qu'à nous qualifier pour la prochaine Coupe du Monde)... on n'a que l'embarras du choix.

J'aurais pu, donc, vous offrir une nouvelle page d'actualités à la con ; mais il se fait qu'en mettant de l'ordre dans mon brol, j'ai exhumé un bout de papier arraché jadis au numéro du 11/01/2006 de l'hebdomadaire « Moustique » (qui s'appelait encore « Télé Moustique » à l'époque).

Dans « Les humœurs », le très regretté Marc Moulin nous entretenait du « crime qui ne coûte pas » et de certains « phénomènes de société ».

Je vais donc relever pendant quelques minutes le niveau de mon blog en citant quelqu'un qui a de l'esprit, ce qui pourra me donner en même temps l'illusion d'en avoir un peu moi-même. Bien sûr, j'aurais pu tout recopier et faire comme si tout ça était de ma plume, ce qui présenterait en outre l'avantage de coller parfaitement au sujet, puisqu'il est question de copie illégale ; mais je ne parviens pas à me défaire de cette sale manie que j'ai prise de respecter le travail d'autrui et de considérer que tout ce qui est publié n'appartient pas à tout le monde tant que l'auteur n'est pas décédé depuis plus de 70 ans.

Voici donc ce qu'écrivait Marc Moulin, en janvier 2006 :


Étonnant, l'éditorial du Soir du 5 janvier. Le titre : « Et si on légalisait le téléchargement ? » Je vous résume : allez, quoi, tous ces millions de gens qui piratent musique et films, ça ne peut pas être malhonnête, puisque c'est devenu un phénomène de société. Et ça conclut sur un vibrant : « Le téléchargement est une pratique sociale profondément ancrée. Il ne faut pas l'étouffer, mais le légaliser. Soyons créatifs, inventons des modes de diffusion audacieux, respectant le droit d'auteur. Et celui du consommateur à surfer sur la diversité culturelle. Les idées ne manquent pas. Action ! »

Évidemment, personne n'y a pensé avant, c'est une simple question de créativité. Par exemple, pour le tabagisme, tenez, on ne parle que de ça en ce moment : 25 % de fumeurs, c'est un phénomène de société, ils n'ont donc aucune raison de culpabiliser. Soyons créatifs, multiplions les espaces fumeurs. Ou tous ces gens qui agressent des vieilles pour leur piquer leur sac, c'est encore un phénomène de société. Je ne sais pas, moi, il n'y a qu'à leur mettre deux sacoches, à ces vieilles, et elles n'auront qu'à en donner une spontanément. Pareil avec le racisme : à ce niveau de pourcentage, c'est un phénomène de société. Il suffit d'être créatif, je ne sais pas, moi, il n'y a qu'à tolérer un peu de racisme, en le partageant chouettement : tu critiques ma race, je critique la tienne. Les idées ne manquent pas.

(Marc Moulin, TéléMoustique, 11 janvier 2006)



Dans la même veine, on pourrait parler des tags. Il y a des mecs (et des nanas, peut-être) qui peinturlurent tous azimuts : les murs, les portes, les volets, les véhicules. Oui, les véhicules : les trains, par exemple. Chez nous, c'en est plein. Il y en a sur toutes les lignes, des rames couvertes de tags dégoûtants. Je sais qu'il y a des gens qui trouvent ça beau, ou artistique, ou de bon goût, mais moi j'appelle ça du vandalisme, du manque de respect pour les autres et ce qui leur appartient. Et les monuments ? On barbouille le bien public, maintenant. Il y en a tant, de ces tags, sur les murs et les ponts, dans les tunnels routiers... C'est un phénomène de société. Il faut laisser les gens s'exprimer. On pourrait trouver des idées, non ? Les pouvoirs publics pourraient fournir gracieusement les pots de peinture blanche, les rouleaux et les pinceaux aux commerçants pour qu'ils remettent à neuf leurs volets roulants barbouillés, par exemple. Et charger quelques « assistés » (chômeurs, petits vieux, immigrés...) de faire le boulot plutôt que de les payer à glander.

Et rouler au-dessus de la vitesse maximale autorisée ? C'est aussi un phénomène de société : il y en a tant, des automobilistes qui font ça ! C'est même devenu un sport national et international. On pourrait faire preuve d'imagination. En responsabilisant les gens, par exemple. Ils le savent, quand même, qu'ils roulent vite. Alors, je ne sais pas, moi, mais tant qu'ils ne causent pas d'accident, on pourrait ne pas les sanctionner, les chauffards. C'est vrai, quoi : ce n'est pas parce qu'on a un flingue qu'on va nécessairement refroidir quelqu'un ; et ce n'est pas parce qu'on roule à fond la caisse qu'on va nécessairement écraser le premier môme qui traverse. C'est du procès d'intention, ça !

Je pourrais continuer pendant des pages, par exemple avec les types qui mettent leurs pompes dégoûtantes sur les sièges d'en face, dans le train, le tram, le métro ; ceux qui déballent les marchandises dans les boutiques et laissent tout n'importe comment ; ceux qui enfoncent les ongles dans les fruits pour vérifier qu'ils sont assez mûrs ; ceux qui balancent leurs crasses le long des routes ou leurs déchets de peinture dans les égouts ; ceux qui squattent les places de stationnement réservées aux moins valides ; etc.

Comme j'en parlais dans ce précédent article, réprimer ne sert à rien, ou si peu. Il est préférable d'éduquer.

Bon, voilà, je n'ai pas été rigolo, une fois de plus.

Alors, je vais réparer en vous parlant du football belge.

Non, ne riez pas.

Si ? C'est rigolo, le football belge ?

Vu de l'extérieur, probablement (François Hollande ne s'y est pas trompé), mais pour ceux qui paient leurs tickets, je ne sais pas si c'est la fête toutes les semaines.

Mais c'est vrai qu'il n'est pas terrible, notre football. Même si on a le meilleur joueur du Championnat de France, le meilleur du Championnat de Hollande (!), le meilleur du Championnat d'Angleterre...

Enfin, il paraît qu'on sera parmi les favoris de la prochaine Coupe du Monde, selon les spécialistes du Monde du football. Faudrait d'abord se qualifier, hein ! Déjà que l'entraîneur s'est fait la malle... Mais ça, selon des spécialistes de la Belgique du football, ce serait peut-être déjà un pas dans la bonne direction.

lundi 14 mai 2012

La course à l'armement

* « Un accompagnateur de train violemment pris à partie par deux voyageurs refusant d'acquitter le prix du billet... »

Résultat des courses : pas de trains ce matin. Le personnel a débrayé. « On n'est pas là pour se faire agresser », a expliqué le porte-parole syndical.

Le personnel attend un geste de la part de la direction des Chemins de fer. Une réunion est prévue en fin de matinée. Les accompagnateurs réclament un renforcement en personnel...


* « Les gardiens de prison sont partis en grève en raison des blessures encourues par un des leurs, hier, lorsque plusieurs détenus ont refusé de regagner leur cellule après la promenade. Un des agresseurs était armé d'un couteau et un autre d'un coup de poing américain... »

Résultat des courses : service minimum assuré par les forces de police, dans les établissements pénitentiaires, dans l'attente de la mise en œuvre des mesures de sécurité promises par le ministre...


* « Pas d'autobus aujourd'hui. C'est la conséquence du grave incident survenu hier, lorsqu'une bande de voyous ont lancé des pierres en direction d'un véhicule qui venait de quitter l'arrêt. Deux des vitres latérales ont éclaté, et le chauffeur ne doit son salut qu'au verre feuilleté qui a empêché un pavé de traverser le pare-brise juste à hauteur de son visage... »

Résultat des courses : les conducteurs demandent des contrôles plus sévères, ainsi qu'une surveillance policière renforcée dans les quartiers dits « à risques ».


* « C'est demain que s'ouvre le procès du bijoutier ayant abattu d'un coup de fusil un des gangsters venus perpétrer un hold-up dans son magasin. Cette affaire mettra une nouvelle fois dans la balance de la justice le problème de la légitime défense... »

Résultat des courses : les habitants du quartier ont pris fait et cause pour le meurtrier. « On a le droit de se défendre », clament certains.


* « Encore deux car-jackings et trois home-jackings cette semaine... »



La liste pourrait être longue, mais elle n'est que le reflet d'une triste réalité : comment les honnêtes gens peuvent-ils se sentir en sécurité ?

On pourrait mettre des caméras partout, un mirador tous les dix mètres autour des prisons, équiper les autobus de vitres blindées, faire enfiler des gilets pare-balles aux conducteurs d'autobus et aux accompagnateurs de train, truffer de pièges mortels les accès aux boutiques et aux habitations, faire escorter les vieilles dames par deux policiers, fournir des fusils à canon scié aux responsables de la caisse dans les boutiques, surveiller toutes les voitures par satellite... et tant et tant d'autres mesure pour renforcer la sécurité.

À quoi bon ? Pourquoi diantre faut-il en venir à l'escalade de moyens, une mesure aussi débile qu'inefficace ?

Et si on songeait sérieusement à s'attaquer au fond du problème ? À la racine du mal ?

Si on portait nos efforts vers le respect d'autrui, la lutte contre la pauvreté, l'exclusion et les injustices sociales ?

Je sais, il n'est pas drôle, mon article ; mais c'est dû à l'ambiance du moment, à toute cette violence physique et verbale, à tous ces gens qui brandissent l'index de l'intolérance et le poing de la vengeance...


Et je me dis simplement qu'un euro investi dans l'éducation vaut mieux que cent dans la répression.

lundi 7 mai 2012

Yaka mettre les étrangers dehors !

— Y a qu'à les mettre dehors !
— Qui ça ?
— Ben, les étrangers !
— Pourquoi ? T'es raciste ? T'aimes pas les Noirs, les Jaunes, les...
— Mais non, j'suis pas raciste ! C'est juste que des étrangers, y en a trop.
— Trop ?
— M'enfin ! T'as pas vu le pays, dans quel état il est ? Et tous ces quartiers pleins de... enfin... tu vois c'que j'veux dire, quoi ! Ma femme, elle ose plus sortir le soir. Non, je suis pas raciste, mais des fois, y en a marre. On n'est plus chez nous !
— Donc, t'es pas raciste, mais t'es quand même xénophobe, quoi !
— Xénophobe ?
— Tu n'aimes pas les étrangers, donc tu es xénophobe.
— M'enfin ! Merde, quoi ! Je suis pas raciste, je suis pas xénophobe, mais je trouve juste qu'y en a trop, voilà ! Y viennent par bateaux entiers, par camions, avec leur misère, leur religion, leurs manières pas de chez nous. On n'a déjà pas assez de boulot pour nous, alors, tu penses, pour eux ! On peut quand même pas accueillir toute la misère du monde.
— On leur a quand même demandé de venir, non ?
— Pas moi, en tout cas !
— Oui, mais nos gouvernements...
— Ouais, ouais, mais c'était y a longtemps ! Quand y avait du boulot et pas assez de gens pour le faire.
— Pour faire le sale boulot qu'on ne voulait plus faire nous-mêmes, tu veux dire...
— Ouais, si tu veux ! Je sais qu'ils ont souffert là, les premiers qui sont venus. Mais ceux-là, ça va, y sont intégrés.
— Et même désintégrés, hein !
— Joue pas sur les mots, tu m'énerves ! Reconnais quand même qu'y en a trop. Maintenant, y en a trop. Faut surveiller les frontières, refouler les clandestins. Et arrêter de légaliser à tout va. On les accueille, puis on leur paie du chômage, la sécu, tout ça... Y font des mosquées, c'est des intégristes, quoi ! Trop, c'est trop !
— Bon. Alors, on remballe les étrangers, c'est ça ?
— Ben...
— Lesquels ? Tous ?
— Non, pas tous... Juste les... heu...
— Les « pas comme nous », c'est ça ? Tu m'as pourtant dit que tu n'es pas raciste. Tu ne vas quand même pas expulser ceux qui bossent, ceux qui paient leurs impôts ?
— Non, pas tous, je te dis. Pas ceux-là. Mais ceux qui foutent rien, les voyous, les glandeurs, ceux qui profitent de la sécu. Et ceux qui sont en taule, aussi. Qu'ils retournent chez eux.
— OK, OK. Donc on remballe ceux qui n'ont pas de boulot, les illégaux, les clandestins et les malfrats. C'est ça ?
— Ben ouais.
— Et après ?
— Quoi « et après » ?
— Après, qu'est-ce qu'on fait ? Parce que quand tu les auras mis dehors, les étrangers qui profitent de notre bonté, ça va arrondir tes fins de mois ? Tu paieras moins cher ton litre de gazole ou ton paquet de clopes ? On dira bye-bye à la crise ?
— Non, ça non. Mais on sera un peu plus chez nous. Entre nous. En sécurité. Ma femme osera sortir le soir.
— Les prisons seront vides, quoi ! C'est bien connu, dans nos prisons, il n'y a que des étrangers. Tous les gens bien de chez nous sont honnêtes, c'est ça que tu veux dire ? Et puis, ce sera bien : on n'aura plus besoin de gardiens de prison.
— Ben, non. On a aussi des malfrats. Et justement, c'est déjà bien assez des nôtres.
— Oui, mais ce sera mieux quand même. Déjà, on pourra mettre une bonne partie des flics au chômage, non ? S'il y a moins de malfrats, il y aura besoin de moins de flics. Bon, ça fera des chômeurs en plus, mais tant pis !
— Mais non ! Mais non ! T'es con ? Faut les garder, hein, les flics ! C'est juste que comme ça, ils auront plus le temps de s'occuper des trucs vraiment utiles, sérieux, au lieu de coffrer des petits voyous qu'on relâche une heure après.
— Et c'est quoi, des trucs sérieux et utiles ?
— Ben... Nous entourer, nous protéger...
— Ah, oui ! Nous protéger de nos malfrats bien de chez nous !
— Mais y a pas que ça ! Y a la sécurité sur les routes, par exemple.
— Oui, c'est vrai : multiplier les contrôles de vitesse et de taux d'alcoolémie de nos bons concitoyens qui roulent bourrés.
— Oh ! Ça va, hein !
— Tiens, et ton fils, à part ça ? Toujours pas de boulot ?
— Ben, non. Et pourtant, y cherche, tu sais.
— Ben oui. Mais c'est la crise.
— Voilà.
— Tiens, j'ai une idée : et si on virait aussi les étrangers qui bossent ?
— Hein ?
— Tu vires un étranger qui bosse, ça ouvre un boulot pour un gars du pays, pas vrai ?
— Heu...
— Ton fils aurait un job, non ? Il pourrait aller bosser sur les chantiers routiers, dans le bâtiment ou à l'usine... Je sais, c'est dur, mais qu'est-ce qu'il a comme diplôme, ton gamin ? Ou alors bosser comme ouvrier de ferme, ramasser les poubelles... je sais pas, moi, mais tu trouves pas que le pays a besoin de bras ?
— Si, bien sûr, mais y voudra jamais ramasser les poubelles ou travailler à la ferme, hein ! C'est quand même pas un job pour lui.
— Bon. Et s'il retournait à l'école, alors ?
— Non, ça, y voudra jamais. Y peut pas sacquer les profs.
— Vu sous cet angle, c'est vrai que ça va être difficile. Tiens, mais j'y pense tout d'un coup... Si on vire les étrangers, ça va libérer du logement, aussi. Ta sœur qui cherche un appartement depuis des mois...
— C'est cher.
— Justement. Les tas de logements libérés par les étrangers, ça va faire baisser les prix !
— T'imagines pas qu'elle va aller habiter dans ces quartiers-là ? C'est des coupe-gorge, c'est sale, ça pue...
— Y aura plus personne, je te dis. Plein de logements pas chers à racheter, à retaper, c'est pas génial ?
— Mais c'est pas pour nous, ces quartiers-là ! C'est la zone... C'est... c'est moche.
— Eh ! Alors, qu'est-ce qu'on en fait ? On rase tout ? On construit du neuf ?
— Ben ouais ! Pourquoi pas !
— Pour loger nos chômeurs bien de chez nous ? Ou ta sœur ? Ou ton fils ? Ceux qui ont les moyens de se payer du neuf ?
— Oh ! Arrête ! Tu m'emmerdes, à la fin !
— OK, je me tais. Mais... heu... juste une question : les étrangers, alors ?
— Je t'ai dit : y a qu'à les foutre dehors !
— Pourquoi ? T'es raciste ? T'aimes pas les Noirs, les Jaunes, les...
— Mais non, j'suis pas raciste ! C'est juste que des étrangers, y en a trop.
— Trop ?
— Ah ! Tu vas pas recommencer, hein !