samedi 25 août 2012

Lithium-ion, ou l'art d'enquiquiner le peuple et d'encombrer les tiroirs

Alors que j'étais en train de me demander sur quel sujet d'actualité à la con j'allais pouvoir déverser ma bile ou quel serait le prochain couillon de service à servir de cible à mes sarcasmes, mon téléphone portable a sonné. Juste un petit message à lire, rien de bien important, mais surgissant à point pour me rappeler que la batterie avait besoin d'être rechargée.

Ça n'a l'air de rien, comme ça, un accu qui menace d'être à plat, mais si on n'y prend garde, il mettra toujours sa menace à exécution à un mauvais moment ou, pire, sans qu'on s'en aperçoive de suite, ce qui garantira, dans un cas comme dans l'autre, des récriminations du genre : « Y a jamais moyen de te joindre ».

Quand on est pragmatique, on met facilement la main sur le chargeur adéquat. Celui du téléphone portable, par exemple, on sait à peu près toujours où il se trouve. Mais généralement, ce n'est pas le seul cordon de plastique noirâtre muni de connecteurs divers dont on dispose à la maison.

Sans être technophiles, nous en avons plein nos tiroirs, nos armoires, nos sacs, nos poches, notre grenier à brol... et la plupart de ceux-là sont juste bons pour le recyclage.

Je ne sais pas pourquoi on garde tous ces chargeurs et autres adaptateurs. Il y a ceux qui servent souvent, ceux qui servent parfois, ceux qui serviront peut-être encore et d'autres qui ne serviront sans doute plus jamais. Tout un capharnaüm invraisemblable généré par cette technologie de merde qu'on appelle « lithium-ion » et qui est supposée représenter le nec plus ultra en matière d'énergie portable.

Quand on a besoin d'un de ces dispositifs foireux, on fouine dans les tiroirs et, fatalement, un jour ou l'autre, on hésite. On en prend un, puis un autre, on scrute les inscriptions sibyllines, les chiffres ésotériques et l'inévitable « made in PRC » qui orne la plaquette d'identification. Quand une marque s'y trouve gravée ou imprimée, c'est déjà une bonne chose, mais ça ne garantit pas l'absence de confusion, les fabricants ayant rarement le sens de l'économie lorsqu'il s'agit de nous vendre quelque chose. Ils craignent sans toute qu'on puisse récupérer « le chargeur du vieux » pour le brancher sur « le nouveau ».

Appareils photo, caméscopes, netbooks, notebooks et autre trucbooks ; téléphones, smartphones et machinphones ; lecteurs MP3, lecteurs de DVD, lecteurs de cartes, lecteurs de brol ; rasoirs, épilateurs, jouets pour les petits, jouets pour les grands... sans compter les GPS et tout un tas de joyeusetés qu'on a fini par nous présenter comme indispensables, tout fonctionne avec ces saletés de batteries au lithium. Je préfère m'épargner la peine de tenter de vous en dresser une liste exhaustive, je n'y parviendrais pas. Ça présentera en outre l'avantage de vous dispenser de la lire en hochant la tête tout en songeant à ce que j'aurais inévitablement oublié de nommer.

Rien que pour l'exemple, je vous livre la photo de groupe de ce que j'ai empoigné tout récemment dans un tiroir, à la maison...


Tout ce joyeux bordel est destiné à alimenter des appareils fonctionnant à l'énergie lithium-ion ou, plus exactement, à recharger leurs accus. Ils se ressemblent tous, ces chargeurs, mais il n'y en a pas deux les mêmes. Chaque fois que vous achetez un nouvel engin hi-tech, soyez sûr que vous héritez dans le même mouvement d'un cordon secteur et d'un chargeur.

Parce que la technologie lithium-ion, c'est une belle merde. Et tout d'abord, c'est sophistiqué, ces petites batteries. À l'intérieur d'un accu Li-ion, il y a une sorte de régulateur qui le maintient en vie ; un peu comme notre cœur à nous. Alors, même quand on ne s'en sert pas, il fonctionne. Il consomme, il se décharge lentement. Et même assez rapidement, quand il commence à fatiguer.

Et c'est chiant, parce que ça doit toujours être chargé, un accu Li-ion. Quand il est à plat, parfois, il n'y a plus moyen de le ranimer. Fini, terminé, enterrement de première classe dans un sachet à piles usagées (quand on fait gaffe à l'environnement). À tout hasard, on garde le chargeur. Surtout si on trouve un accu de remplacement. De toute façon, un mois après, c'est l'appareil qui rend l'âme ; et comme on ne répare pas parce que c'est hors de prix, on en achète un nouveau. Avec son accu et son chargeur. Même si c'est la même marque que l'ancien, le modèle a changé. L'accu et les connecteurs aussi. Il faut bien vendre, n'est-ce pas ?

On se retrouve donc avec un invraisemblable bric-à-brac de cordons et de connecteurs, de transfos et d'adaptateurs, et quand on part en voyage, il faut emporter dans ses bagages un peu de tout ça en même temps : le chargeur pour ceci, le chargeur pour cela... Et comme l'endurance des accus n'est pas toujours fameuse et qu'on n'a pas toujours le temps de les recharger, on en achète de rechange.

Sauf qu'il ne faut pas prendre l'avion avec. Les accus au lithium, ça passe mal les contrôles de sécurité dans les aéroports. Dans l'appareil, ça va. Mais les réservistes risquent la confiscation. Alors, quand vous débarquez à la Tchimbamba avec juste un accu et un chargeur et que vous sentez bien que ce sera insuffisant pour les photos de vacances que vous voulez prendre, que faites-vous ?

Vous finissez par regretter ceci :


Parce que des accus NiMH, vous pouvez les recharger facilement. Avec un seul chargeur. Pas besoin d'emporter tout un fatras de câbles quand vous partez en voyage. Et vous pouvez, en dépannage, utiliser des piles. C'est facile, c'est standardisé.

J'aimerais bien un téléphone portable avec deux accus AA. Il serait un peu plus épais, mais pas tant que ça. Il y a aussi les petits : les AAA. Dans un téléphone, c'est assez petit, mais moins endurant que leurs grands frères. Mais les uns et les autres vont dans le même chargeur.

Dans mon appareil photo, j'ai des AA. Dans le flash également. Dans les horloges, dans la balance de cuisine et dans le pèse-personne aussi. Dans les talkies-walkies, dans les jouets du gamin, dans mon vieux baladeur à cassettes, dans la radio portable, dans les lampes de poche, dans la raquette tue-moustiques, dans les télécommandes, dans la souris sans fil...

Et en plus, maintenant, des accus NiMH, on en fait qui tiennent la charge pendant des mois sans le moindre problème. Pourquoi devrais-je encore me faire ch... avec des Li-ion et tout ce fatras de chargeurs, de câbles et de formats non standardisés ?

Vous savez quoi ? Je hais les accus lithium-ion.

lundi 20 août 2012

Plus de saisons

On a coutume de dire, dans un soupir de lassitude, qu'il n'y a plus de saisons. Compte tenu du nombre de fois que j'ai entendu prononcer ces quelques mots, par tant de personnes différentes et au cours de tant d'années déjà, j'ai la très nette impression que le phénomène n'est pas nouveau. Il serait même plus ancien que le dérèglement climatique, le réchauffement de la planète, l'effet de serre, la fonte des glaces, le trou dans la couche d'ozone et les publicités idiotes dans les médias.

Je ne sais pas si c'est partout pareil, mais cette année, en Belgique, nous avons été gâtés. Et les récoltes pourries.

Déjà, l'hiver était tardif : on n'a commencé à avoir vraiment froid qu'en février, au grand soulagement de la facture énergétique des périodes de fêtes. Après cette période de froid qui a bien duré un mois – heureusement, c'était le plus court de l'année – rien que pour nous enquiquiner, nous avons eu droit à un printemps maussade. Il a fait bon pendant le temps nécessaire aux arbres pour bourgeonner et commencer à fleurir, mais suffisamment frais et humide dans la foulée pour décourager la plus vaillante des butineuses d'aller mettre un bout de patte dehors.

Nous n'avons pas eu de cerises, il n'y aura presque pas de prunes, sans doute très peu de poires et de pommes, les laitues se sont obstinées à dépérir les unes après les autres, les roses peinaient à s'ouvrir, la récolte de patates est si médiocre que les frites seront plus courtes que les moules... et je pourrais poursuivre pendant plusieurs lignes encore la litanie des calamités printanières de l'an deux mil douze.

Comme si ça ne suffisait pas à notre désappointement, à la hausse du chômage et aux cours fléchissant des valeurs boursières, le mois de juin fut déprimant. Juillet s'amorçait si mal qu'aux alentours du quinze, Chérie, qui fait toujours montre d'un optimisme inébranlable, m'a suggéré de remballer le grand parasol, puisqu'il ne servirait plus. « M'enfin ! me suis-je exclamé. On n'est qu'en juillet ! » « Tiens ! Oui, c'est vrai, m'a-t-elle concédé. Je ne m'en rendais plus compte. »

Quand août est arrivé, nous nous sommes pris à espérer...
Las ! Après l'Assomption – qui tombait exceptionnellement le quinze, cette année – on se rend généralement compte que l'été, quand il y en a eu, s'en va sur la pointe des pieds mais néanmoins à grandes enjambées. On se préparait donc à une rentrée déjà automnale dès septembre, avec son cortège de soupirs et de traînements de pieds.

Dès le début du mois d'août, d'ailleurs, la boîte à lettres annonçait la couleur : toutes les pubs étaient là avec leurs pages de fournitures scolaires, de vêtements de la collection automne-hiver et de systèmes de chauffage à grand rendement.

Et soudain, la belle mécanique à déprime s'enraya : à l'inverse de la cigale qui se trouva fort dépourvue quand la bise fut venue, c'est nous qui étions bien trop pourvus alors que la bise n'arrivait pas.

Une seconde quinzaine de mois d'août qui affole les thermomètres, et nous voilà tout désorientés !

Et tout d'abord, les soldes, c'est en juillet. On liquide les collections d'été. Mais qui en voulait, de ces maillots de bain, de ces tenues légères, de ces nus-pieds ? Qui voulait encore de ces draps de plage, de ces jeux d'eau, de ces barbecues, de ces parasols, de ces lits de soleil ?

Les rayons des magasins se sont regarnis de la collection d'automne : de quoi pester si vous réalisez que votre tenue de bain ne convient plus aux trois kilos que vous avez pris au hasard des apéritifs de consolation et des grignotages devant la télé (il y avait du sport, rappelons-le). Plus de fournitures estivales à trouver, alors que l'été est là ! Ou si peu. Il faut faire avec ce qu'on a.

Qu'importe ! Le retour des beaux jours et des températures presque caniculaires nous fait mettre le nez dehors. Le nez et le reste. Comme les yeux, par exemple.

Je ne sais pas si vous l'avez remarqué vous aussi, mais les semaines, les mois de frustration ont engendré une violente réaction chez nos compagnes : le besoin de s'aérer. D'un seul coup, le stock de tenues qu'elles croyaient condamnées au placard jusqu'à l'hypothétique été prochain surgit au grand soleil.

En rue, mais aussi au travail, le spectacle est chatoyant : on ne sait où poser les yeux ! Les jambes se dénudent, les corsages se relâchent, les bretelles se font discrètes...

Les motivations des unes et des autres sont diverses, mais participent essentiellement de deux notions plus ou moins importantes selon les tempéraments : se mettre à l'aise et attirer les regards.

De la voisine joufflue aux joues roses et au front luisant avachie dans sa chaise longue sous un parasol en essayant de conserver un rythme respiratoire propre à la survie, à la brunette d'en face qui multiplie les sorties sous des prétextes futiles qui n'ont d'autre but que d'affoler les matous du quartier avec sa jupette minimaliste et son minitop à fines bretelles porté à même la peau ; toutes exposent leur besoin d'air, leurs charmes ou le tout à la fois.

Il y a bien quelques réfractaires, quelques allergiques à la lumière qui s'enferment dans un trou obscur et ne parlent à personne, mais elle sont si peu nombreuses ! Et puis, on ne les voit pas, puisqu'elles ne se montrent pas.

Cet été tardif nous apporte soudain une bonne bouffée d'optimisme, de goût à la vie et aux rafraîchissements.
Alors, assez causé. Je sors pour une balade de fin de journée. Les terrasses m'appellent.

lundi 13 août 2012

Et maintenant, la flemme !

On reçoit de ces chocs, parfois, dans la vie !
Alors que j'avais été bien occupé pendant des semaines entre le Tour d'Italie, Roland-Garros, l'Euro de Football, Wimbledon et le Tour de France jusqu'aux Jeux olympiques ; le tout parsemé de Grands Prix de F1 et d'une vrombissante course de vingt-quatre heures au Mans ; voilà que soudain surgissent le vide intersidéral, le trou noir, la déprime totale : plus de sport à la télé.

Oh ! Bien sûr, le championnat de Belgique de football a repris, mais ce n'est pas avec ça que je vais envoyer, dans des gestes d'enthousiasme irrépressibles, les coussins du salon dans le lustre de la salle à manger ! Et ce ne sont pas les pitoyables tours préliminaires auxquels sont tenus de participer nos pauvres clubs pour essayer d'avoir le droit de participer à la Grande Messe des équipes les plus friquées d'Europe qui m'arracheront autre chose que bâillements d'ennui et soupirs de lassitude.

Cette seconde quinzaine d'août s'annonce donc morne à souhait.

Chérie, qui n'en rate jamais une lorsqu'il s'agit de me rappeler que je ferais mieux de m'agiter un peu au lieu de regarder la télé ou d'écrire et lire des conneries sur mon ordinateur, n'a pas manqué l'occasion de me glisser sous le nez la liste des travaux en retard qu'elle tient scrupuleusement à jour à mon intention.
Comme je n'entretiens plus depuis longtemps le moindre espoir de la voir diminuer plus rapidement qu'elle augmente, j'ai acquis la certitude que travailler « sur mon poids » était le rythme qui me convenait le mieux. À quoi bon, en effet, me précipiter sur la besogne dans l'espoir de biffer plus rapidement les tâches accomplies que Chérie n'en ajoute de nouvelles ? Elle allie sur ce plan la vélocité d'un sprinter jamaïcain à la ténacité d'un coureur de fond éthiopien.

« Tu ne vas même plus marcher ! » grommelle-t-elle avec un sens de l'observation particulièrement aiguisé.

Et puis quoi, encore ? Et pourquoi pas courir ?

Les bicyclettes sont accrochées dans le garage et les trekking boots accumulent la poussière ; quant au vélo statique, il est si statique qu'il resterait collé dans son coin si Chérie ne le déplaçait à chaque fois qu'elle décide de passer la serpillière aussi bien dessous qu'autour.

En Belgique, en ce moment, il fait chaud. Ça n'arrive pas très souvent, mais dès qu'il fait beau, il fait lourd. Orageux. Malsain. Du temps à regarder de travers le coffre à outils et à laisser les araignées tisser leur toile autour des manches de râteau.

Même la pelouse a la flemme de pousser. Et là, c'est quand même une bonne chose.

dimanche 5 août 2012

Le tout-en-un

Nous vivons l'époque du tout-en-un. Vous l'aurez sans doute remarqué, mais sans y attacher une grande importance ou sans vous poser de questions à ce sujet ; sauf si vous comptez parmi les victimes du phénomène.

Le tout-en-un, chacun a dû expérimenter cela un jour ou l'autre, sans vraiment y penser autrement qu'en se disant que ça présentait des côtés pratiques incontestables.

Quand j'étais étudiant, par exemple, je comptais parmi les adeptes du « tout dans la sauteuse » : la côtelette, puis la boîte de petits pois. Je mangeais ensuite dans la sauteuse, parce que la vaisselle, il ne fallait pas trop en salir. Et la laver dans la foulée, sous le robinet ouvert en grand. C'était ma première expérience volontaire et consciente du tout-en-un, si ma mémoire m'est fidèle, par esprit pratique autant que par paresse.

Cette vieille pratique a encore cours aujourd'hui ; mais, sans qu'on l'ait vraiment demandé, les inventeurs et les experts en marketing nous ont peu à peu forcé la main pour que le tout-en-un s'impose dans notre vie.

Dans le lave-vaisselle, par exemple, il n'est apparemment plus nécessaire de remplir le réservoir de sel régénérant et celui de produit de rinçage, pas plus que d'acheter encore des bidons de poudre : nous disposons de tablettes qui font tout. Elles sont joliment colorées, avec des couches superposées qui, parfois, enserrent une boule mystérieuse, l'ensemble présentant presque aussi bien que les couleurs d'un drapeau.

Avant, il fallait acheter un répondeur, si vous en vouliez un ; mais maintenant c'est intégré au téléphone. Le télécopieur aussi, si vous avez l'usage d'un tel engin. Et quelque part sur votre bureau trône peut-être un scanner-imprimante-copieur.

Je vois des gens se promener avec des engins plats sur lesquels ils promènent les doigts, ou qu'ils soulèvent devant eux quand ils ne les portent pas à leur oreille. On peut téléphoner, avec ça ; mais aussi lire et envoyer des messages, regarder des films, prendre des photos ou tourner ses propres vidéos, écouter de la musique, surfer sur Internet, acheter des marchandises, trouver son chemin, faire des opérations bancaires...

Évidemment, une distraction, une maladresse, une panne ou l'intervention d'un voleur... et vous ne pouvez plus acheter en ligne ni gérer vos messages et votre compte en banque ; vous ne pouvez plus écouter de la musique, prendre des photos, voir des films ou en créer, surfer sur internet... Et vous ne pouvez même pas téléphoner aux flics pour signaler la perte ou le vol. Et même pas dire où ça s'est passé parce que vous serez peut-être paumé.
Sans compter que si en plus l'engin vous sert d'aide-mémoire, style répertoire d'adresses et numéros d'appel, carnet de rendez-vous et réveille-matin, vous serez encore plus dans le coaltar !

C'est ça, le tout-en-un. Tous les ennuis d'un seul coup.

Moi, j'avais déjà remarqué que le lave-vaisselle, par exemple, donne de meilleurs résultats avec les trois produits séparés. Et puis, on ne manque jamais en même temps de sel, de liquide de rinçage et de poudre détergente. Et la lessive, c'est pareil : les poudres tout-en-un n'ont pas les mêmes performances que les produits séparés.

Tant qu'on y est, que les inventeurs et les commerciaux nous mettent sur le marché la bière et l'aspirine dans la même canette, le tout emballé dans un sac à vomir.
Et ils pourraient faire ça pour le chien : les croquettes emballées dans des sachets ramasse-crottes.

C'est le principe du couteau suisse. Je n'ai rien contre les Suisses, qui sont bien sympathiques (et, comme ils ont le fric, mieux vaut s'entendre avec eux), ni contre les couteaux parce que ça peut toujours servir, mais le couteau suisse, c'est quand même une invention à la noix !

D'accord, on peut coudre, couper, décapsuler, déboucher, visser, scier, poinçonner... et que sais-je encore ! avec le même engin ; mais de là à trouver ça génial, il reste de la marge. Parce que visser ou scier avec un couteau suisse...

L'outil à tout faire est souvent un outil à ne rien faire, ou en tout cas à ne rien faire correctement. Un peu comme l'homme à tout faire qui entretient les communs dans votre immeuble : il fait tout, certes, mais comment ?

Les autorités, en France, viennent de nous sortir un bel exemple de tout-en-un à la con : dans la même voiture, le chauffeur et l'alcotest. Pourquoi ne pas nous refiler à nous-mêmes les contraventions ?

Le tout-en-un, c'est aussi le crime en direct. On voit ça sur Internet, et après on nous le montre à la télé : le malfrat qui commet ses méfaits, filmé par un comparse ou par lui-même. Le tout-en-un de l'ère moderne, c'est l'assassin-militant-reporter. Et comme parfois il veut aussi jouer le rôle de la justice, à la fin, il se tire une balle dans le crâne.

Notez quand même que parfois, c'est l'inverse : au lieu de nous expliquer toutes les fonctions d'un objet ou d'une invention, on nous signale ce à quoi il ne sert pas. Parce que parfois, les gens du marketing attrapent des sueurs froides. Ils indiquent alors : « ne pas ingérer ».

Il y a des choses qui ne se mangent pas, ne se boivent pas ou avec lesquelles les enfants ne peuvent pas jouer.

Par exemple, avec leur habitude du tout-en-un, les gens pourraient croire que le liquide WC peut servir de boisson : ça désaltère puis ça décrasse. Alors on précise : « ne pas ingérer ». Mais ça ne suffit pas. Il faut aussi un bouchon maous ! Et c'est logique : celui qui est assez insensé pour avaler le produit est probablement incapable de comprendre le sens du mot « ingérer » !

Le tout-en-un, c'est tout ça. Et aussi mon PC.

Je m'en vais de ce pas lancer une sauvegarde. Non, deux. Un disque dur et une clé. Pas tout-en-un.