mardi 31 décembre 2013

Un verre, ça va ; trois verres, ça va, ça va, ça va.

Les hommes sont souvent intarissables lorsqu'il s'agit de conter leurs exploits éthyliques, surtout s'ils le font entre potes, autour d'un verre. À cette occasion, ceux qui doivent ensuite reprendre le volant seraient bien inspirés de se dire que si les records sont faits pour être battus, leur meilleure performance personnelle pourrait attendre des circonstances plus favorables. Tout me monde connaît l'adage français : un verre, ça va ; trois verres, bonjour les dégâts. Et même si on lui préfère la variante belge reprise en titre de cet article, le moment est malvenu de la mettre en pratique.

Il est évidemment des gens, hommes et femmes, qui ne touchent pas à l'alcool et n'en avalent pas davantage. « Dans tous les troupeaux, il y a des brebis galeuses », comme disait Coluche. Ceux-là mêmes qui ne boivent ni bière, ni vin, ni spiritueux ne sont pas nécessairement des exemples. Il en est parmi eux qui absorbent ou reniflent des substances illicites, quand ils ne se piquent pas avec. Il est aussi des produits à l'apparence innocente qui contribuent à dégrader l'état de santé de celui qui les consomme, même si leurs effets néfastes n'ont apparemment aucune incidence sur l'aptitude à la conduite d'un véhicule automobile. En d'autres termes, ce n'est pas parce que les produits chimiques aux codes chiffrés bizarroïdes ou aux noms imprononçables dont sont composées les boissons énergétiques hypercaloriques ne font pas frémir un éthylotest ou froncer les sourcils d'un gendarme qu'ils sont parfaitement sains et recommandables.

Après avoir testé personnellement ce type de produit au goût de chewing-gum, je me suis dit qu'à défaut de vin ou de bière, j'aimais autant boire de l'eau.

Comme beaucoup, j'ai connu des épisodes estudiantins et militaires qui m'ont valu quelques bitures que je préfère éviter de vous raconter, ce ne serait pas drôle. De toute façon, je ne me souviens pas de tous les détails. Quand on atteint un certain stade d'intoxication alcoolique, la mémoire fait défaut. Les potes le savent, eux qui s'ingénient parfois à vous faire croire que, dans votre soulographie, vous vouliez absolument réaliser l'épouvantable exploit de vous foutre à poil devant le commissariat, repeindre au caca un autobus ou aller bouffer chez Mac Donald.

En cette période de fêtes, nous essaierons peut-être d'échapper aux contrôles de police. On nous les annonce renforcés, comme chaque année. Et comme chaque année, quantité d'ivrognes passeront quand même aisément entre les mailles du filet. Mieux vaut toutefois éviter de faire partie du nombre et, surtout et avant tout, de provoquer un accident. Ce serait mal commencer une année 2014 que je vous souhaite heureuse et amoureuse.

mardi 17 décembre 2013

Le Belge aime bien d'être content

Dans un récent article, je rapportais la satisfaction des porte-parole de notre société nationale de chemins de fer en matière de respect des horaires, eux qui ont estimé que tolérer cinq à six minutes de retard n'était en rien excessif. C'est vrai que quand on s'attribue soi-même les notes du bulletin, il n'y a pas de mal à se servir avec un brin de complaisance.

À la suite de cela, je m'imaginais que les usagers ne partageaient pas ce point de vue, eux que j'entends souvent râler contre l'irrespect des règles de ponctualité des convois, l'abus de droit de grève, la vétusté du matériel et les contretemps liés aux conditions atmosphériques désorganisantes.

Eh bien, je me trompais ! Je viens de prendre connaissance du taux de satisfaction de la clientèle de la SNCB, qui s'élève à un honnête – mais perfectible – 74 pour cent, d'après un tout récent sondage. C'est bien au-dessus de la moyenne européenne, fixée cette année à 56 %, et ça « nous » classe dans le top 5 !

J'en déduis que le Belge aime bien être content. Parce que quand on rouspète presque tous les jours et qu'en fin de compte on se déclare plutôt satisfait, c'est qu'on aime bien être content. Ou alors qu'on aime bien râler.

À cette époque de l'année, les « marchés de Noël » fleurissent un peu partout et je vois que, malgré la crise, les échoppes sont bien fréquentées. Mais j'ai entendu aussi que, pour les fêtes de fin de millésime, les gens n'aiment pas se serrer la ceinture. On fait l'effort, quitte à restreindre un peu par la suite en se disant qu'après les excès, ça ne fait généralement pas de tort de boire et manger moins.

Je n'ai cependant pas l'impression qu'on a besoin des fêtes pour boire un coup et manger gras, même si ce n'est pas du champagne et du saumon fumé. La bière et les frites, ça marche bien aussi dans le genre festif, après le football vécu depuis les gradins ou après une journée bien remplie en travail et en émotions.

Sur un forum, quelqu'un s'interrogeait dernièrement – et interrogeait les autres – quant à la possibilité que les pâtes alimentaires fassent grossir.

Les pâtes, avec ou sans sauce, c'est comme les frites avec ou sans mayonnaise. Ça ne fait pas grossir. Je ne pense pas qu'un aliment ou une boisson fasse grossir. Sinon, nous serions tous monstrueusement obèses, nous les Belges qui aimons être contents, manger des frites, boire de la bière et faire la fête d'une manière plus générale.

Et qu'on ne me dise pas que les végétaliens sont à l'abri. Regardez les vaches : elles sont herbivores, ça n'empêche pas un certain embonpoint.

Les pâtes, ça ne fait pas grossir, mais ça peut y contribuer, voilà tout. Les frites, c'est pareil. C'est une question de dosage.

Les retards de trains, c'est râlant, mais apparemment ça ne cause pas obligatoirement le mécontentement généralisé. Sans doute aussi une question de dosage.

Dosons donc bien nos agapes, dans les prochaines semaines : de tout, raisonnablement... mais de la bonne humeur tout le temps.

À tous, de joyeuses fêtes de fin d'année !

lundi 9 décembre 2013

Pauvre, pauvre, pauvre football belge

Je sais que ça peut sembler bizarre, un titre comme celui-là, alors que notre équipe nationale est qualifiée pour le Mondial et fait partie de ce qu'on appelle les « outsiders », mais c'est vraiment l'impression que j'ai lorsque j'ai sous les yeux les résultats de nos clubs.

La Belgique est un pays où l'on vit encore bien, en moyenne, même s'il y a de la pauvreté un peu partout. Ce qui est pauvre, hormis notre enseignement, nos subsides à la culture et la mentalité d'une bonne partie de nos dirigeants, c'est notre football. Et quand je parle du football belge, c'est à nos clubs et à notre championnat que je pense, pas à nos joueurs expatriés. Ceux-là ne sont pas pauvres.

Mais la Belgique est un petit pays ; et un petit pays ne peut pas lutter à armes égales avec les gros, surtout quand il fait partie d'un système politicoéconomique – comme l'UE – qui lui enlève une bonne part de ce qu'il pourrait encore faire valoir comme sujet de fierté : le vrai chocolat, la bière trappiste, les frites bien cuites, les moules marinières et les querelles communautaires.

Le contraste entre les résultats de notre équipe nationale de foot et ceux de nos clubs est édifiant : le jour et la nuit. Nos meilleures équipes font de la figuration dans les compétitions européennes dominées par les entreprises les plus fortunées. Je dis bien « entreprises », parce que le football de clubs est devenu un vrai bizness, avec mises de fonds et retours sur investissements.

Nous ne pouvons plus lutter. Nos stades sont si proches les uns des autres que le potentiel de spectateurs est limité. Les recettes publicitaires le sont donc aussi, de même que les occasions, pour les caïds de la finance, de trouver gloire et fortune en investissant dans nos clubs.

Si sur la scène européenne nous sommes presque ridicules, chaque semaine nos matchs de championnat sont, pour la plupart, d'une médiocrité crasse : manque de talent, manque de motivation, manque de moyens.

Incapables de garder au pays nos meilleurs joueurs faute de pouvoir leur offrir un salaire à la hauteur de ce qu'ils peuvent négocier ailleurs, nous devons nous contenter de ceux qui restent mais qui espèrent toutefois s'améliorer pour trouver embauche extra-muros. Certains de nos clubs font pourtant des efforts en matière de formation : trouver de jeunes talents, les amener sur le devant de la scène... Las ! À peine formés, ils s'en vont chercher ailleurs ce qu'ils ne peuvent trouver chez nous.

Chaque période de transferts voit nos petits clubs pillés par les plus gros et nos plus gros pillés par l'étranger. Les recruteurs belges sont désormais passés maîtres dans l'art d'embaucher, un peu partout en Europe, des joueurs qui font banquette dans leur club ou jouent en équipe « réserve » dans l'attente de jours meilleurs. Ceux-là, comme tant d'autres, viennent un temps exercer chez nous leurs talents ou se refaire une santé, avant de s'envoler vers des cieux plus rémunérateurs.

La conséquence en est une instabilité générale de nos équipes, qui alternent le chaud et le froid en se montrant incapables d'aligner plusieurs matchs de qualité convenable dans un championnat émaillé d'incidents ridicules voire préoccupants (agressivité des supporters et des joueurs, vandalisme, insultes, quolibets...) et dans lequel les meilleurs clubs ne sont plus que l'ombre de ce qu'ils ont pu être à une époque où le sport n'était pas encore aussi pourri par le fric.

Tous ces propos peuvent paraître bien amers, mais ils ne sont que le constat d'une triste réalité.

Les résultats de notre équipe nationale viennent heureusement nous mettre un peu de baume au cœur et on se dit « pourvu que ça dure » !

Et, pour terminer sur une note d'optimisme, je signalerai qu'une finale du Coupe du Monde opposant la France à la Belgique est tout à fait possible : il suffit de gagner tous nos matchs, chacun de notre côté, et de nous expliquer à la fin.

C'est simple, non ?

mercredi 4 décembre 2013

Mon banquier, sa modestie et sa pudeur

Les banquiers qui, comme nous le savons tous, sont les gardiens fidèles du petit épargnant et les bienfaiteurs de nos régimes ultralibéraux, savent user de formules tantôt pudiques, tantôt savantes lorsqu'il s'agit de nous en convaincre.

Pas plus tard qu'il y a quelques années, ils nous juraient, la main sur le cœur et alors que de vilains requins politicards ou d'obscurs promoteurs immobiliers les avaient roulés dans la farine, qu'ils souhaitaient veiller avant tout à la sauvegarde de notre tranquillité financière et qu'il n'était que logique que la collectivité se coupe en dix-huit (dans le sens de l'épaisseur) pour les sortir de ce mauvais pas, eux qui avaient tant fait pour notre bien-être.

C'est vrai qu'en y réfléchissant un peu, nous devons admettre qu'ils nous ont, au cours des années, bien amélioré le confort et la sécurité de nos existences. Ils nous ont d'abord dispensés de transporter une ou deux fois par mois l'enveloppe contenant la rétribution de nos efforts, en s'arrangeant avec nos employeurs pour qu'ils nous la versent directement sur le compte que nous avions été aimablement invités à ouvrir à cet effet. Quelle sécurité !

En récompense, nous étions accueillis par un guichetier souriant, tout prêt à nous rendre service et, par petites quantités si nous avions omis de l'en avertir, nos espèces durement gagnées.

Pour notre facilité et notre sécurité, ils ont créé l'eurochèque ; qu'ils ont ensuite supprimé pour notre sécurité et leur facilité – ou l'inverse, je ne suis pas sûr d'avoir tout compris sur ce coup-là.

Ils ont également créé le paiement par carte, les guichets pour le retrait automatique des billets et même la banque-soi-même et la banque-en-ligne.

Au début, les retraits au guichet étaient gratuits. Les virements (nous remplissions le formulaire et ils se chargeaient de l'encodage et de l'exécution) aussi, tant qu'on n'en faisait pas beaucoup. Et puis, pour plus de sécurité (pour nous – un hold-up, c'est désagréable), ils ont supprimé les retraits gratuits au guichet, réduit le nombre de virements inclus dans les frais forfaitaires et viré les deux tiers de leurs agences et les trois quarts de leurs employés. Grâce à ces mesures, ils ont pu rogner les frais et nous offrir un meilleur service. Normal : on fait tout nous-mêmes.

D'une grande modestie, les banquiers ont réduit leurs taux d'intérêt. Je veux dire : quand ils nous prêtent de l'argent qu'ils sont à peu près sûrs de pouvoir récupérer soit directement lorsqu'on les rembourse, soit en se remboursant eux-mêmes la mort dans l'âme au moyen de saisies.

Tout récemment, en allant chercher les relevés de mon compte-épargne, je prends connaissance de cette formule d'une extrême pudeur, imprimée sur un des feuillets humblement tendus par l'automate de l'agence : « À partir du 1er décembre 2013, le taux de base devient 0,50 % ; la prime de fidélité devient 0,10 % ».

Vous aurez certainement relevé l'usage du verbe « devenir », choix tactique approprié lorsqu'il s'agit d'annoncer une baisse.

Je me souvenais bien qu'avant ça, les taux étaient – eux aussi – d'une grande modestie, mais pas d'une manière suffisamment précise pour pouvoir affirmer à coup sûr que les nouveaux taux annoncés étaient plus ou moins généreux ; mais la formule très courtoise utilisée pour me le signifier ne permettait guère de doute. Vérification faite sur le ticket informatif du quinze mai de cette même année, les valeurs précédentes étaient fixées à 0,55 et 0,15 pour cent et annoncées au moyen de la même tournure sibylline.

Étant donné la faible quantité d'opérations effectuées sur mon compte-épargne (je n'ai pas les moyens d'y verser fréquemment des sommes importantes, et encore moins de les y laisser si je les y avais mises), le classement des relevés est une tâche rapidement menée qui ne m'a jamais incité à me débarrasser d'un historique qui tient, en dépit des années, dans un petit classeur au format A5.

En remontant au 2 avril 2012, j'ai trouvé un feuillet m'informant que le taux de base devenait 0,75 % et que la prime de fidélité « restait » à 0,25 %. Au 15 août 2009, le taux de base « restait » à 1,00 % et la prime de fidélité « passait » à 0,25 % ; mais il convient de signaler qu'au premier juillet, les chiffres « restaient » à 1,00 % et « passaient » déjà à 0,50 %.

L'objectif de ce petit exposé n'étant pas d'assommer le peuple avec des chiffres, je vous épargne quelques communications intermédiaires de la même eau, me contentant de signaler que la « prime d'accroissement », petite largesse supplémentaire, a été supprimée au 01/04/2009 alors qu'elle était de 0,50 %.

En remontant en juillet 2008, j'ai enfin trouvé un extrait de compte où mon banquier m'annonçait une modification en termes suffisamment précis pour que je n'aie pas à vérifier si la nouvelle était bonne ou mauvaise. Il utilisait les mots « augmente » et « augmentations » pour me signifier le passage du taux de base de 1,50 à 1,75 % et le passage des primes de fidélité et d'accroissement de 0,50 à 0,75 %.

En réalité, le langage du banquier est facile à comprendre : s'il ne dit pas que les conditions deviennent plus favorables pour l'épargnant, c'est qu'elles ne le sont pas.

En attendant, je peux le dire haut et fort : le petit épargnant est bien plus généreux que son banquier. Beaucoup plus.

Il suffit de voir le taux d'intérêt qu'il lui consent sur les découverts de son compte-courant !

mercredi 27 novembre 2013

Un train, des rails (*)

Alors que j'en étais à me demander avec angoisse comment ce Grand Homme dont j'ai déjà parlé à plusieurs reprises allait désormais se débrouiller pour faire encore parler de lui et réussir un énième come-back sur la scène politique transalpine, mon attention a été soudain détournée par la publication d'une statistique apparemment rassurante : seuls vingt pour cent des trains belges auraient été en retard, en octobre de cette année.

En prenant les chiffres dans l'autre sens, on doit donc admettre que quatre-vingts pour cent des trains seraient ponctuels. Et ça, ça me scie. Parce que chaque fois que j'emprunte ce moyen de transport, c'est-à-dire pas très souvent, j'ai la désagréable impression que les retards sont systématiques. Il y a donc quelque chose que je n'aurais pas compris.

Ou alors, c'est comme au supermarché où je choisis systématiquement la caisse où la file n'avance pas : c'est précisément le convoi que je dois prendre qui a pris un retard malencontreux.

Il faut dire également que le train, je ne me soucie de son existence que lorsque les routes sont rendues impraticables par des conditions climatiques aussi désastreuses qu'imprévisibles : apparition soudaine de trois centimètres de neige tombée d'on ne sait où, pénurie de chlorure de calcium ou températures tombant à cinq degrés sous zéro, grosse drache ou feuilles mortes balayées par de puissantes rafales estimées à plus de soixante kilomètres/heure, manifestation d'agriculteurs en colère contre la chute du prix des patates à frites, etc.

Alors, apparemment, ce qui fait souffrir les routes fait aussi souffrir les trains. Ceux que je prends, tout au moins.

Et puis, en lisant plus loin, je m'aperçois que, pour la SNCB, un train ponctuel est un train qui a moins de six minutes de retard ! Là, les choses s'expliquent un peu mieux.

En ajoutant les rames amputées de la moitié de leurs voitures « en raison d'un problème technique », celles qui sont à ce point délabrées qu'on se demande par quel miracle elles roulent encore, celles dont le chauffage s'est mis en grève et celles qui sont tout bonnement supprimées, je me demande si le pourcentage de trains « ponctuels » n'est pas à inverser.

Quand je pense que certains génies s'imaginent promouvoir l'usage des transports en commun en installant des parkings de dissuasion aux alentours des grands centres urbains, je me demande comment ils peuvent être encore assez naïfs pour croire que les gens vont grimper dans leur bagnole et, vingt kilomètres plus loin, aller la garer (s'il y a de la place) sur un parking à l'écart de tout sauf des vandales et des voleurs, puis battre la semelle en attendant un autobus payant qui va aller s'enferrer dans les bouchons et dans lequel ils vont côtoyer une kyrielle d'enrhumés et attraper leur toux et leur goutte au nez !

Pendant ce temps-là, des compagnies de taxis manifestent contre l'obligation d'installer de nouveaux taximètres numériques dans leurs véhicules. L'installation coûte trop cher, paraît-il, même si elle est financée pour moitié par les autorités. Il paraîtrait aussi que ces nouveaux taximètres entraveraient les pratiques frauduleuses ; mais ce sont les mauvaises langues qui disent ça et ce n'est sûrement pas en songeant à cela que certains manifestent leur mécontentement.

Et tant qu'on est à parler de numérique et d'électronique, je viens de lire que les paiements de demain se feront davantage par SMS et autres moyens électroniques offerts par notre monde de télécommunications. M'étonnerait pas que toutes ces ondes finissent par brouiller les émissions de télé et, accessoirement, nous refiler un cancer de la cervelle ! Ce serait quand même plus simple de nous promener avec un code-barre au front, non ? Ou aux fesses, comme les zèbres ?
Non, ce n'est pas drôle.

Pas drôle non plus – pour eux, parce que moi, ça me ferait plutôt marrer –, c'est la découverte de fichiers relatifs à plus de trois mille comptes bancaires détenus par près de deux mille cinq cents Belges ayant, pendant des années, dissimulé au fisc leurs capitaux au moyen de sociétés bidon créées dans des paradis fiscaux. Parmi ces Belges, une forte proportion de diamantaires, et quelques pointures dans les milieux du football professionnel, du barreau, du patronat... Bravo !

Plus drôles, par contre, sont les récentes déclarations de Tom Boonen (si, si, il vit toujours et roule encore à vélo), qui envisage 2014 « avec confiance ». S'il envisage juste de faire mieux qu'en 2013, il peut se montrer confiant, en effet.

Je lis aussi dans le canard qu'un Autrichien s'est fait flamber pendant cinq minutes et quarante et une secondes, battant de seize secondes le précédent record détenu par un Américain. Si ça les amuse d'essayer de se transformer en torche humaine pendant de longues minutes... Mais le véritable record est toujours français, puisqu'il fut jadis signé par une certaine Jeanne d'Arc ; même si, hélas ! il ne fut pas homologué.

Et pour terminer, je vous signale que cette semaine est la semaine de la frite. Vous l'ignoriez ? Moi aussi. Mais puisqu'on a des journées de ceci et de cela à n'en plus finir au point que le calendrier est complet jusqu'à perpète, il a bien fallu trouver, après la quinzaine du beau langage, la semaine de la frite.

Après tout, pourquoi pas ? Ce n'est pas plus con que la journée de la femme.



(*) « Un train, des rails », ça fait partie du jeu des pluriels.
Par exemple : une lourde, des fêtes ; un avion, des colles ; une grosse, des illusions ; un voleur, des valises ; etc.

Vous pouvez y jouer vous aussi.

vendredi 15 novembre 2013

Bouffer de la m...

Il arrive qu'on me demande, au hasard des conversations, si j'ai regardé telle ou telle émission de télé, réponse à laquelle je réponds généralement par la négative, n'étant pas du tout accro à la petite lucarne.

Depuis quelque temps déjà, les reportages et autres enquêtes qui s'intéressent au monde dans lequel nous essayons de trouver le bonheur fleurissent ici et là, et il m'arrive d'en regarder l'un ou l'autre. Invariablement, ces documents semblent avoir pour principe directeur de nous faire comprendre à quel point l'Humanité – qui ne mérite pas le grand H que je lui ai attribué – est gouvernée par le pouvoir de l'argent et pourrie jusqu'à la moelle par la recherche du profit maximal.

Oh ! ce n'est bien sûr pas là le fait des petites gens et autres travailleurs de l'ombre, même s'ils contribuent involontairement – par nécessité de survie – au pourrissement général d'une grande partie des valeurs qu'on devrait respecter, mais celui de ceux qui recherchent inlassablement de nouveaux moyens d'accroître leur marge bénéficiaire.

Aujourd'hui, en matière d'alimentation, lorsqu'on décide de mettre un produit sur le marché, une étude financière doit d'abord être menée qui consiste essentiellement en ceci : comment réussir à produire le moins cher possible ce qu'il faudra vendre à un prix bien déterminé ?
Quand une enseigne souhaite vendre, par exemple, de la pizza au jambon à un tarif concurrentiel, le premier souci est de trouver un producteur qui va fabriquer ladite pizza pour un coût unitaire le plus réduit possible. Un produit d'appel, ça se vend bon marché, donc ça doit revenir encore meilleur marché.

On apprend alors, au gré de l'enquête menée plus ou moins discrètement par une équipe mandatée par une chaîne de télévision ou une association de consommateurs, que l'usine – il faut bien appeler ça une usine – qui produira la fameuse pizza en produit aussi de toutes sortes, pour d'autres concurrents, pour d'autres marques. Mais pour la grande surface qui cherche un produit d'appel à écouler en grande quantité, ce qui compte en premier lieu, c'est le prix de revient. Peu importe donc que le jambon ne soit pas du vrai jambon, que le fromage ne ressemble que très vaguement à du fromage et que la pizza n'ait qu'un très lointain rapport avec celle que prépare avec talent un bon pizzaïolo. Tant qu'on peut écrire « jambon-fromage... » dans la liste des ingrédients devant figurer sur l'étiquette, c'est bien suffisant. Les colorants et additifs précédés de la lettre E – cette assurance de qualité dûment homologuée par nos génies européens – sont évidemment inoffensifs.

Le producteur explique alors qu'à ce prix-là, non, il ne peut pas faire de la vraie pizza. Et le responsable commercial de l'enseigne qui écoule le produit nous donne le renseignement qui tue : « c'est le consommateur qui veut ça ». En d'autres termes, en nous vendant de la merde, il répond à notre attente. Nous voulons de la merde. Nous ne voulons pas payer cher (c'est normal, on n'a plus de sous), donc nous nous ruons sur la merde.

Une collègue outrée me racontait récemment qu'elle n'oserait plus manger de poisson, après avoir vu le reportage consacré à l'élevage, la préparation et la commercialisation de ces petites bêtes et des produits dérivés. Elle pensait que le poisson, c'était sain. À moi aussi, on me l'avait dit. Il y a là-dedans de bonnes graisses, pleines d'Omega3 – et les Omega3 c'est bon, ne me demandez pas comment ça se fait, mais il paraît que c'est bon – qui garantissent le maintien d'un faible taux de cholestérol. Le saumon, c'est le meilleur, paraît-il.

Oui, mais ça dépend du saumon. Comment on l'élève, ce qu'on lui donne à manger... Parce que vous pensez bien que tout le saumon qu'on nous vend n'est pas du saumon sauvage pêché en plein océan. Il est élevé dans des parcs spécialisés. Un peu comme bon nombre d'autres poissons auxquels on fait bouffer de la merde. Parce que les poissons, c'est un peu comme la pizza du supermarché : il faut qu'ils soient produits à faible coût. Mais comme un poisson, surtout quand il est vendu en entier, c'est plus difficile à imiter avec quelque chose qui n'est pas vraiment du poisson que d'imiter la pizza jambon-fromage avec des ingrédients qui ne sont pas vraiment du jambon et du fromage, il faut bien faire des économies autre part. Donc, les poissons, ils bouffent de la merde, et cette merde atterrit dans notre assiette. Il paraît qu'on aime ça.

Déjà, le poulet, je m'en méfiais. Et pas seulement de celui en uniforme. Mais le poulet, qu'on dit « élevé au sol » ou « élevé en plein air » pour nous faire croire qu'il est comme un coq en pâte depuis qu'il échappe à l'élevage en batteries, que croyez-vous qu'il mange ?

Exactement.

Et en plus, comme il est « élevé au sol » sans préciser qu'il dispose de la place à peine suffisante pour picorer au milieu de ses dizaines de milliers de congénères qui se bousculent et se marchent dessus, ou « élevé en plein air » dans des conditions à peu près identiques à l'exception du toit, imaginez-vous dans quoi il pose les pattes et le bec ?

Exactement.

Pour qu'il s'en sorte – pas pour son bien-être ni pour le nôtre – sans trop de maladies et atteigne son poids d'abattage avant d'être mort d'épuisement, on lui donne des antibiotiques. Tout plein d'antibiotiques. Et si vous avez déjà pris des antibiotiques, vous savez certainement quels sont leurs effets secondaires ?

Exactement.

Dernièrement était programmée une émission sur le cochon. Dans le cochon, tout est bon, c'est bien connu chez les non-musulmans. Je n'ai pas regardé. Mais j'ai aisément imaginé la manière dont on élève ces pauvres bêtes dans la recherche d'un profit maximal, et j'ai aisément deviné la teneur de ce qui finit par atterrir dans leur auge avant d'en faire de même avec nos assiettes. Et vous ? Avez-vous deviné ?

Exactement.

Je vais devenir végétarien. Manger les fruits et légumes de mon jardin – quand même un peu pollués avec tout ce qui nous retombe du ciel – et les œufs de mes poules. Et continuer à faire moi-même mon pain.

Et quand j'aurai mangé et digéré tous ces bons produits, que restera-t-il, à votre avis ?

Exactement.

Mais celle-là, ce sera la mienne.

mercredi 6 novembre 2013

Mal mystérieux et poil de nez

Notre corps, machine complexe parfois fragile mais souvent merveilleuse, recèle des mystères que notre médecin de famille – qui nous connaît pourtant si bien – peine souvent à éclaircir.

Combien de fois n'avons-nous pas souffert de quelque mal apparemment inexplicable, si inexplicable que le praticien en arrive à déclarer d'un ton las que c'est psychosomatique ou, à tout le moins, que c'est bénin ? Le genre de chose qui peut nous conduire à préciser, dans notre testament, que sur notre tombe devra figurer l'inscription : « Je vous l'avais bien dit que j'étais malade ».

Avouez toutefois que le bon docteur, aussi compétent soit-il, n'a pas toujours la tâche facile. Bien sûr, parfois, en arrivant chez vous suite à votre appel (où à celui d'une personne partageant votre quotidien, si vous n'étiez pas en état de téléphoner), le généraliste qui vous trouve allongé le thermomètre sous le bras n'a guère de peine à diagnostiquer votre grippe, celle-là même qui frappe à ce moment-là les trois quarts de sa clientèle, ou une autre affection contagieuse qui court les rues à la faveur d'une mauvaise saison un peu vicieuse. Mais ce n'est pas toujours le cas.

Lorsque vous vous rendez à sa consultation – de dix-sept à dix-neuf heures mais qui joue fréquemment les prolongations – pour lui conter vos soucis du moment, vous n'êtes pas toujours porteur de germes pathogènes immédiatement identifiables. Une fois mises de côté vos petites affections chroniques (allergie au pollen, au boulot, à TF1...) que vous connaissez bien et que vous soigneriez vous-même sans le secours du praticien si le pharmacien daignait au moins vous délivrer sans prescription le remède habituel et si votre patron vous octroyait généreusement sans certificat d'incapacité les quelques jours de congé nécessaires à vous remettre d'aplomb, vous voilà embarqué dans la description d'une douleur inédite, un mal étrange qui vous assaille de temps à autre, depuis quelques jours.

Vous avez bien songé que « ce n'est pas grave » et que « ça va passer », mais non. Ça ne passe pas. Ça s'en va et ça revient et, précisément, au moment où votre tour vient de vous présenter devant le toubib après avoir lustré du fond du pantalon une des chaises de la salle d'attente, ça s'en est allé.

Vous vous en doutiez. Cette douleur, ces élancements, ces sortes de pincements, de crampes, de... Vous n'arrivez pas à les décrire exactement et le médecin de famille parvient encore moins à les cerner. Tout ce qu'il comprend, c'est que vous souffrez de temps à autre, que c'est passager, et qu'il faudrait qu'il soit là au moment où ça se produit pour avoir une meilleure idée de ce qui se passe peut-être au sein de votre machine biologique capricieuse et complexe, mais voilà : il a autre chose à faire que de rester à votre chevet en attendant que « ça arrive ». Même si vous lui payez l'attente, comme vous pouvez le faire avec un chauffeur de taxi.

En attendant, votre tension artérielle est correcte, votre coeur bat comme il doit et la perspective d'aller bosser le lendemain se précise. Pour vous rassurer, le généraliste vous prescrit une radiographie, une échographie, un encéphalogramme, une gastroscopie ou tout autre truc finissant en « ie » ou en « amme », et vous propose de revenir le voir quand il aura reçu les résultats.

Il arrive aussi qu'il prévoie de vous faire faire pipi dans un petit pot ou de vous envoyer subir un prélèvement sanguin plutôt que de vous envoyer paître, même si vous l'enquiquinez, en fin de compte, avec vos petits maux.

Après ça, vous n'en saurez pas davantage ni lui non plus, votre petit mal mystérieux aura de toute façon miraculeusement – mais provisoirement – disparu en même temps qu'un bon paquet de pognon hors de votre portefeuille et des caisses de la sécu. La santé, c'est comme ça. C'est mystérieux.

C'est comme les poils de nez.

Les poils de nez, on nous a déjà vaguement dit à quoi ça sert : à filtrer ce qu'on respire et à bloquer les saletés qui, sans cela, arriveraient dans nos poumons et nous ficheraient de foutues maladies. C'est vous dire à quel point les poils de nez se foutent bien de notre pomme.
À moins qu'il y ait trop de saloperies dans l'air pour que de pauvres petits poils de nez puissent toutes les arrêter, ce qui est une autre explication plausible, admettons-le.

Mais les poils de nez, c'est quelque chose !

Vous avez certainement déjà été la victime d'un de ces petits vicieux qui se met soudain à vous chatouiller l'entrée de la narine, et à vous la chatouiller si bien qu'il faut que ça s'arrête ! Et rien n'y fait : ni le mouchoir, ni le doigt. Il faut éliminer le trublion.

Comme ça se produit rarement au moment où vous êtes devant le miroir de votre salle de bain avec une pince à épiler à portée de main, mais plutôt dans un endroit où l'on pourrait vous voir vous tripoter les narines et songer que vous êtes un dégoûtant, vous essayez la discrétion. Souffler doucement, renifler discrètement, tenter d'attraper cet enfoiré entre deux ongles... Rien n'y fait !

Vous cherchez un coin tranquille. Si vous avez de la chance, les toilettes ne sont pas loin. Sinon, vous vous détournez discrètement, vous attrapez et vous tirez. Et ça fait mal, nom d'une pipe ! D'autant plus que le coupable a résisté : vous contemplez vos ongles, mais ils n'ont rien emporté dans leur travail de pinçage-arrachage.

Vous recommencez. Malheureusement, celui que vous parvenez à extraire douloureusement n'est pas ce petit vicieux auteur du chatouillis, mais un de ses voisins parfaitement innocents ! La larme à l'œil, vous étouffez un juron et sortez votre mouchoir. Quand on s'arrache un poil de nez, ça fait rougir et pleurer l'œil situé du côté de la narine agressée. Les poils de nez ont probablement de longues racines. Et immédiatement après, vous devrez vous moucher si vous ne voulez pas passer pour un morveux.

La douleur passée, le flux lacrymal apaisé, vous tentez de repousser vers l'intérieur ce foutu poil emmerdeur qui persiste à vous chatouiller. Hélas !

Plusieurs tentatives d'arrachage seront nécessaires pour venir à bout du poil récalcitrant.

Les poils de nez, c'est un des mystères de notre corps.

Je me demande si certains ont déjà songé à utiliser leur arrachage comme moyen de torture... Ça doit être efficace.

vendredi 25 octobre 2013

Lu dans le canard

* « Les employés de bureau belges passent 35 heures en moyenne par an dans les toilettes de leur entreprise. Raison de plus pour rappeler l'importance de se laver les mains à la sortie. »
Voilà qui interpelle. À plus d'un titre.
Et tout d'abord, les trente-cinq heures de moyenne, en faisant un rapide calcul, ça nous donne environ dix minutes par jour. En moyenne, bien entendu, parce que j'en connais qui... Bref. Trente-cinq heures, c'est presque la semaine de boulot, quand même ! Est-ce que les patrons vont rire en apprenant ça ?
Et l'autre info qui interpelle, c'est celle relative à l'importance de se laver les mains à la sortie. Parce que là, si l'on en croit de très sérieuses études, il apparaît que plus d'un tiers des employés belges interrogés sur la question admettent ne pas le faire à chaque fois.
Dorénavant, je serrerai les louches avec méfiance.


* Autre statistique intéressante : un Belge sur trois souffrirait d'éjaculation précoce. Un Belge sur trois, ça n'en fait déjà que moins d'un sur six, si l'on tient compte de toute la population, puisque les femmes, en principe, n'éjaculent pas (bien que des rumeurs prétendent que... mais aucune allusion à la course à pied, par exemple). Et en incluant dans les chiffres les mâles qui sont encore trop jeunes pour le faire ou trop vieux pour encore espérer y parvenir...
Trêve de digressions ! Un sur trois, on nous dit ! Et il me revient soudain qu'une autre étude statistique alarmante indiquait qu'un homme sur trois, après quarante ans, souffre de problèmes d'érection. Un sur trois également.
En rapprochant les deux études, est-il permis d'écarter d'office de la colonne des éjaculateurs précoces leurs congénères qui bandent mou ? Ça nous laisserait grosso modo environ un tiers de mecs fonctionnant normalement...
Et encore n'avons-nous pas abordé la question de la stérilité.
Enfin, moi, je m'estime tranquille ; mais quand je suis en compagnie de deux mecs de mon âge, je me pose dorénavant des questions. Lequel des deux bande-t-il mou ? Et lequel termine-t-il aussitôt qu'il a commencé ?
Ce qui n'empêche la survenance d'une question préoccupante : quid de l'éjaculateur précoce qui ne se lave pas les mains en quittant les toilettes ?


* Plus sérieusement, on nous signale que la Wallonie (cette partie de la Belgique où l'on parle un français approximativement correct) s'est d'ores et déjà bien préparée pour l'hiver : plus de quarante mille tonnes de sel de déneigement sont en stock et le double en commande.
Manquerait plus qu'on ait un hiver doux, pluvieux et venteux, après les trois vilains qu'on vient d'avoir. Statistiquement (encore !), ça se tient. Ils auraient l'air malin avec leur sel ! Nous moins, puisque c'est avec nos sous qu'on l'achète.


* Et tant qu'on parle des routes et des problèmes de circulation, j'en profite pour rappeler que certaines têtes pensantes envisagent de remplacer les taxes routières actuelles par une taxation des automobilistes au kilomètre, avec un tarif variable en fonction de l'heure et du lieu de déplacement, du revenu de l'utilisateur, des caractéristiques environnementales du véhicule et de la flexibilité de la ligne d'échappement lors des démarrages en côte à pleine charge.
Avant de leur laisser choper la migraine en essayant d'imaginer comment ils vont mettre en place, surveiller et calculer tout ça en faisant en même temps la chasse aux fraudeurs qui ne manqueront pas de s'inviter à la fête (plus c'est compliqué, plus il y a moyen de frauder, surtout quand on en a les moyens – si vous voyez ceux à qui je fais allusion), qu'il me soit permis de leur rappeler que la taxation au kilomètre tenant compte de l'empreinte écologique du véhicule existe déjà. On s'en souvient facilement à chaque fois qu'on fait le plein de taxes et, accessoirement, de carburant.


* Et s'il est question de taxer les pollueurs, difficile de ne pas faire un détour par la Chine, même si c'est loin. Je lis dans le canard que Harbin, une mégalopole de onze millions d'âmes située dans le nord-est du pays en question, a été paralysée par le smog, qui réduisait la visibilité à moins de dix mètres.
Le smog, rappelons-le, c'est du brouillard dû à la pollution, pollution au sujet de laquelle l'OMS indique les normes suivantes, en ce qui concerne l'indice de « particules fines » en suspension dans l'air : le seuil maximal quotidien doit rester inférieur à 20, 300 étant considéré comme dangereux.
À Harbin, ils en étaient à un indice de mille.


* Au moins, en Chine, ils polluent par nécessité : industrie, chauffage, circulation routière...
Chez nous, y a un truc qui pollue en pure perte : le Grand Prix de Formule 1, à Francorchamps. Un gouffre à pognon dont les déficits, qui se chiffrent en millions d'euros, sont chaque année généreusement épongés par la Région wallonne.
Mais selon nos politiciens responsables, il ne faut pas s'en faire, parce que grâce aux retombées économiques – à ne pas confondre avec celles de particules fines, l'opération reste neutre pour les finances publiques. Et de rappeler dans le même élan qu'un tel événement offre à la Wallonie une visibilité mondiale.
Tant que c'est avec notre pognon, à nous autres les travailleurs, on aura toujours le droit de se dire que c'est cher de la visibilité.


* Tant qu'on est dans le domaine du sport qui ne coûte pas cher, je m'en voudrais de ne pas vous entretenir des derniers faits d'armes de nos compatriotes (ou presque compatriotes) embrigadés dans ce sport populaire consistant à taper du pied dans un ballon de cuir. Enfin, quand je parle de nos compatriotes, je fais allusion à ceux qui s'en sont allés chercher gloire et fortune ailleurs que chez nous. Là où l'on paie un max et où l'on remporte des trophées continentaux.
Je lis qu'un gamin d'à peine dix-huit ans, Albanais d'origine mais ayant fait ses classes chez nous (à Anderlecht), vient de se voir offrir un contrat de cinq ans par Manchester United : il touchera, paraît-il, 70 000 euros par semaine en sus de sa « prime à la signature » évaluée à 6 millions d'euros.
70 000 par semaine, c'est beaucoup pour un gamin, vous direz-vous.
C'est même beaucoup tout court, ajouterai-je en songeant au nombre d'années de boulot que ça représente pour un modeste travailleur de chez nous.


* On vient de révéler le parcours du Tour de France 2014, qui partira d'Angleterre et fera un crochet par la Belgique – sans doute un effet de la nostalgie des anciennes conquêtes – avant d'arriver sur le sol qui lui donne son nom. Les commentaires sont divers, mais tous les favoris semblent satisfaits. Espérons que nous serons satisfaits nous aussi en les voyant à l’œuvre l'été prochain.

jeudi 17 octobre 2013

Coupe du Monde et café des sports

S'il m'est arrivé plusieurs fois d'écrire quelques lignes à propos d'événements sportifs, par exemple au sujet du Tour de France, c'est parce que je trouve généralement amusants les bruits et commentaires tantôt enthousiastes, tantôt ironiques voire désabusés de tous les spécialistes fréquentant ce que j'appelle « le café des sports ».

C'est parce que je n'y connais pas grand-chose en cyclisme, à part le fait d'être assez souvent monté sur un vélo pour savoir que c'est dur comme activité physique, que j'aime bien de m'instruire auprès d'internautes mieux au courant que moi des subtilités du sport de haut niveau.

Pour le football, c'est un peu pareil. Je n'y entends guère davantage, même entouré de chants de supporters. Et comme la première phase des rencontres éliminatoires donnant accès – pour les meilleurs ou les plus chanceux – à la phase finale de la Coupe du Monde vient de se terminer, il m'a paru opportun d'aller prendre la température du Café des Sports.

L'équipe belge, par exemple, est déjà qualifiée, ce qui représente, à en croire les médias, un événement d'importance suffisante pour en parler tous les jours depuis bientôt une semaine et notre victoire en terre croate, même si l'exploit paraît quelque peu terni par le nul concédé aux réservistes gallois par notre groupe de touristes. Enfin, c'est ce que j'ai compris.

Moi qui me réjouissais qu'on soit soudain positivement célèbres, c'est loupé !
Lisez plutôt...

« Au moins le match d'hier a donné du grain à moudre à tous les insatisfaits et frustrés... »

« Si, hier soir, les Belges ont joué à la baballe comme dirait un intervenant, ils se sont moqués de tous ceux qui ont rempli le stade pour aller les voir. Si c'est comme ça qu'ils vont jouer au Brésil, ils finiront le premier tour avec un zéro pointé! »

Tout le peuple ne partage donc pas l'enthousiasme patriotique pour un talent assurément surfait :

« Exceptionnelle campagne, faut pas exagéré quand même. Il est logique qu'avec le noyau des Diables et le faible niveau des adversaires qu'ils se qualifient. »

En clair, nos diables rouges ont déçu. Pas tout le monde, mais quand même ! D'ailleurs, les spécialistes sont formels : on a eu du bol de tomber sur pire que nous !

« Les Belges ne m'ont pas époustouflée. Ils ont tiré avantage des faiblesses de toutes les autres équipes du groupe y compris la Croatie qui a été très décevante. Ceci étant, il y a une grande exagération sur la valeur intrinsèque que l'on accorde aux Diables Rouges. Le match d'hier soir prouve suffisamment que l'équipe ne vaut pas ce que l'on pense. Je reste persuadée que si la campagne devait recommencer, les Belges atteindraient difficilement le score de 15 points sur les 30 mis en jeu. »

J'en frémis : si c'était à refaire, nous n'aurions que quinze points. Pas même autant que les Français !
Et d'ailleurs, lors de la phase finale de la Coupe du Monde, nous allons trouver à qui parler. Des adversaires sérieux, pas des culs-de-jatte !

« C'est maintenant seulement qu'ils vont tomber sur des équipes plus ou moins de bon niveau , et là on verra. ne pas se qualifier dans ce groupe moyen à mauvais ( la croatie , seul adversaire plus ou moins valable est en nette perte de vitesse)aurait été une véritable honte footbalistique. »

Il faut dire que si nous en sommes arrivés là, c'est surtout en gagnant des points contre des adversaires plutôt faibles et en jouant des matches amicaux contre des seconds couteaux :

« les b.elges aiment se faire passer pour plus petits qu’ils ne le sont réellement et c’est pas con cela grandi leurs exploits. Comme le fait de jouer les matches amicaux contre des petites nations pour monter dans le classement f i fa … fallait y penser chapeaux »

Et d'autres spécialistes donnent des exemples frappants :

« C'est vrai que ces derniers temps en amicaux, on a affronté que des équipes sans valeur..
Angleterre, Pays-Bas, France. »

« c'est clair des equipes pourrie genre la france (d'ailleur ils prepare quoi pour etre ridicule au bresil?) »

Non, vraiment, les footballeurs belges ne sont pas bons. Ils n'ont même pas réussi à battre la France en match amical, c'est dire ! En réalité, ce ne sont que des enfants gâtés trop bien payés par des présidents de clubs pleins aux as : Chelsea, Arsenal, Manchester(s), Everton, Bayern Munich, Zenit St-Petersbourg, Atletico Madrid, PSV Eindhoven... Pas un qui joue en Belgique ! Et c'est ça la fibre patriotique ? Des mercenaires, et puis c'est tout.
Et en plus ils sont bien trop jeunes et au Mondial ils vont se faire bouffer tout cru !

Enfin, c'est ce que j'ai compris, et ce n'est pas bon pour mon moral. En politique, nous ne sommes pas brillants ; en famille royale, nous faisons un peu rire ; en cyclisme, nous faisons de la figuration ; et voilà qu'en football, alors que je croyais que nous étions occupés à redorer notre blason, nous ne cassons pas des briques non plus !

Inquiet de la situation de mon pays dans ces domaines vitaux, je me suis donc demandé si je ne devrais pas envisager de me réfugier en France, histoire au moins d'être fier de mes sportifs à défaut de m'enflammer pour mes politiciens.

Mais, semble-t-il, l'herbe n'est pas plus verte dans le pâturage voisin...

« On a déjà eu de la malchance en tombant sur l’Espagne lors du tirage" mouai... faut arreter les calimeros, si on se tape l'espagne, c'est qu'on degringole au classement fifa depuis 2006 !! et que dire de 2010 ou on se tape l'afrique du sud comme chapeau 1 mais on est pas fouttu de sortir de la poule, de 2012 ou on se tape l'ukraine en chapeau 1 et on passe la poule avec une seule victoire... contre l'ukraine !! de la chance aux tirages, on en a eu, on en a jamais rien fait.... »

Là, je n'ai pas très bien compris cette histoire de poules. C'est sans doute à cause des coqs...
Mais en tout cas, la France semble pourtant avoir, elle aussi, bénéficié d'un tirage au sort clément :

« On a eu la malchance d’être avec l'Espagne, la Finlande, La Bielorussie et la géorgie.....la malchance d’être 2nd au pire des cas..... »

« Je constate que certains ne passent rien à la France et trouve mille excuses au jeu poussif des espagnols ! Ceux là risquent de tomber de haut à la coupe du monde ! »

« dans tous les cas la france et l esagne sont desormais loin du niveau des bresiliens. »

Non, décidément, si j'en crois les spécialistes, en France ce n'est pas mieux :

« vu le classement mondial de la france ils auraient pu avoir l allemagne les pays bas l italie comme adversaire donc la aussi la premiere place aurait ete impossible vu le niveau de L EDF »

Un instant, j'ai cru que l'EDF... Mais non ! Je n'étais pas encore assez au courant des subtilités abrégées désignant l'équipe de France.

Ce que je souhaite, en tout cas, c'est que la France passe les barrages et soit qualifiée elle aussi pour la phase finale de la Coupe du Monde. Comme elle ne devrait pas être tête de série, alors que nous le serons probablement, ça nous permettrait de caresser l'espoir de tomber dans le même groupe, lors du tirage au sort, ce qui doublerait les chances de voir au moins une de nos deux pauvres équipes franchir le cap du premier tour.
Un peu comme à Roland-Garros, par exemple : c'est toujours triste de voir deux Belges ou deux Français s'affronter, mais c'est l'assurance d'en avoir au moins un au tour suivant !

Maintenant, j'espère que Platini ne va pas s'en mêler pour essayer de glisser la France parmi les têtes de série... Sauf si ça se fait à notre détriment, bien sûr !

Tout ce battage médiatique, tout ce bruit sur les forums, ça finit par lasser certains. Ceux qui, par exemple, sont incapables de couper la télé ou d'aller surfer sur des sites où on parle d'autre chose :

« j'espère que la pression médiatique va retomber d'ici le mois de juin
ça me gave , mais ça me gave ! »

Je laisserai le mot de la fin à un philosophe :

« Quand on songe que de l'Antiquité jusqu'à des temps plus moderne, on ne jouait pas au foot, on ne fumait pas, pas de pizzas non plus et ni de facedebook, ni de porno. mais quesqu'on pouvait bien faire pour passer le temps ? »

mercredi 9 octobre 2013

Le capital patience

On présente souvent la patience comme une vertu, mais j'ai remarqué que, contrairement à d'autres, cette vertu-là possède ce petit côté « à la carte » qui peut laisser perplexe.
Quand, par exemple, quelqu'un m'envoie, courroucé, un « t'as pas de patience » bien senti, dois-je comprendre que j'étais planqué derrière la porte le jour où l'on a distribué cette vertu-là ? Et lorsqu'une autre personne me lance, admirative ou étonnée, un « comment t'as la patience de faire ça ? », dois-je déboutonner illico presto mon encolure de chemise ?

Il semblerait que la patience soit une vertu à géométrie variable, soumise à un tas d'influences positives autant que néfastes, un peu comme notre indice de masse corporelle, l'état de notre compte en banque ou l'humeur matinale de notre patron.

Parmi les phrases qu'on prononce de temps à autre figure aussi celle-ci : « Je n'ai plus la patience ». Ce qui laisse entendre sans équivoque qu'on a dû la posséder un jour mais qu'elle s'en est allée pour des raisons qu'on précisera peut-être dans la suite de la conversation, mais qui seront généralement synonymes de lassitude, d'usure.

La patience, ça s'use. On en use et en abuse, comme le dit si bien l'expression « il a abusé de ma patience ». Et quand on abuse, ce n'est pas bon. L'abus de sucreries mène à la prise de poids autrement plus aisément que l'excès de masturbation à la surdité, par exemple.

Au fil des ans, on s'aperçoit donc qu'on n'a plus la patience de faire certaines choses ou de supporter certaines personnes, alors qu'auparavant ce n'était pas un problème. Mais l'inverse existe aussi, l'impatience des enfants contrastant parfois avec l'inébranlable sérénité des seniors.

C'est un peu comme si chaque domaine, chaque situation, chaque personne que nous côtoyons bénéficiaient de notre part d'un certain « capital patience », variable d'une personne à l'autre mais qui possède en commun la propriété de s'épuiser à mesure qu'on y fait appel. Certaines denrées, par exemple, sont placées depuis longtemps sur la liste noire des objets qui énervent.

Comment ne supportons-nous plus les écarts de notre partenaire, les sautes d'humeur de nos collègues, les caprices de nos enfants, la négligence de nos voisins ? Comment tout cela peut-il conduire à la séparation, au licenciement ou à la démission, à la brouille familiale et à un procès en bonne et due forme ? Comment pouvons-nous en arriver là ? Et comment pouvons-nous encore tolérer des négligences comme celles-ci ?

Nous en arrivons là parce que notre capital patience face à une personne ou à une situation s'est progressivement épuisé.

Je ne sais pas pourquoi j'écris tout ça au sujet de la patience, parce que ça n'est pas très important, en fait.

J'espère en tout cas ne pas avoir abusé de la vôtre.

mercredi 2 octobre 2013

Actus (à la con) d'automne

* Je viens de lire dans le journal que les Russes envisageaient sérieusement de proposer Poutine comme Prix Nobel de la paix, en vertu de ses interventions en faveur de l'apaisement de la crise syrienne. C'est vrai que les Syriens doivent accueillir avec soulagement cette annonce d'apaisement. Il ne leur reste plus qu'à espérer vivre assez longtemps pour en voir un jour les premiers effets sur le terrain.

* En Belgique, il y a une profession qui accomplit des miracles : la royauté. Avant d'accéder au trône, un prince est toujours trop ceci ou pas assez cela, si l'on en croit les journaux, les sondages et les avis des spécialistes ; mais une fois bien assis sur son trône, l'héritier devient soudain « un bon roi ». C'est magique. C'est pour ça qu'en Belgique, on conserve une monarchie. C'est pour avoir toujours de bons rois et de bonnes reines. Alors qu'avec une république, c'est souvent l'inverse : c'est une fois qu'il accède à la fonction qu'on s'aperçoit que l'élu n'est pas un bon président.

* Et, puisqu'on en parle, j'ai plusieurs fois songé que François Hollande devait de temps à autre se sentir bien embarrassé d'être tombé aussi bas dans les sondages, et que de savoir que son pote des États-Unis ne se portait pas au mieux lui non plus devait lui mettre du baume au cœur, mais tout compte fait, rien n'est moins sûr. Obama ne sera pas réélu parce que c'est interdit par la Constitution, alors que François risque de ne pas l'être parce que ça lui sera interdit par la Population. Tout est dans la nuance.

* Après les Championnats mondiaux de cyclisme sur route, des gens ont soulevé, sur Internet et dans les journaux, la question de savoir si le Portugais Rui Costa méritait son titre. Bien sûr que non ! Tout le monde a bien vu que ce parasite restait au sec bien peinard pendant que les autres se faisaient crever ou prenaient des gamelles sous la pluie sur un circuit où certains concurrents franchissaient les bosses à moins de dix kilomètres à l'heure ! En plus, il n'a pas donné un coup de pédale, ce paresseux qui s'est laissé remorquer jusqu'en vue de l'arrivée ! C'est vilain, n'est-il pas ?
Plus sérieusement, ce mec s'est sorti les tripes autant que les autres et, sur la finale, en sus d'être l'un des quatre meilleurs physiquement, il s'est montré le plus malin tactiquement. Il n'a certainement pas volé sa victoire.
Dommage quand même pour Nibali qui, après avoir fait connaissance de près avec l'asphalte glissant et être revenu vaillamment en tête pour disputer la victoire, a échoué au pied du podium. On aurait pu donner deux médailles de bronze, histoire de récompenser les quatre courageux gaillards.
D'un autre côté, je m'autorise à penser que si Rodriguez ne s'était pas entêté jusqu'au bout à jouer sa propre carte au détriment d'une vraie bonne tactique d'équipe, le vainqueur aurait très probablement été Espagnol. Mais voilà : ça n'aurait pas été lui.

* Le parc animalier Pairi Daiza, à Cambron-Casteau, près de Brugelette, accueillera bientôt deux pandas géants, prêtés par la Chine. Cambron-Casteau étant situé en Wallonie, la nouvelle fait quelques mécontents du côté des agités du bocal flamingants, qui auraient souhaité que les sympathiques animaux trouvent asile au parc animalier d'Antwerpen, in Vlaanderen ; car il n'y a pas que la Wallonie qui doit être une terre d'accueil pour les immigrés, même s'ils n'y viennent pas trouver du travail mais se faire entretenir à grands frais. L'initiative (et les fonds nécessaires) émanant du secteur privé, notre premier ministre Ponce Pilate Elio Di Rupo a déclaré d'un ton neutre qu'il n'était pas intervenu dans ce choix.

* Finalement, il n'y aura pas de taxe de trois euros sur les billets d'avion des voyageurs partant de l'aéroport de Charleroi (Bruxelles South Charleroi Airport, pour les intimes). Le boss de Ryanair n'en a pas voulu, brandissant l'habituel chantage à l'emploi, à la délocalisation, etc. C'est dommage parce que ça prive les caisses wallonnes d'une bonne rentrée d'argent, d'autant plus que les voyageurs interrogés à ce sujet se montraient dans l'ensemble assez favorables à la mesure, même en sachant que Ryanair mettrait les trois euros entièrement à leur charge. L'opposition de Michael O'Leary peut donc sembler étrange, a priori, mais elle participe de sa logique commerciale low cost : le pigeon, c'est moi qui le fais voler, donc c'est moi qui le plume.

* Un train de marchandises a déraillé, hier, à Remersdaal, peu avant le tunnel de Fourons, dans le Limbourg (province flamande). Trois wagons de transport de voitures neuves se sont écrasés en contrebas d'un pont avec leur cargaison. C'étaient des Fiat 500. Pour ceux qui espéraient un sarcasme facile ayant pour objet des pandas en pays flamand, c'est raté.

dimanche 22 septembre 2013

Double ou triple plateau : la guerre des tranchées ?

J'ai toujours eu un faible pour le vélo. Pour les courses cyclistes, certes, sujet que j'ai parfois abordé dans ces pages, mais aussi pour la pratique personnelle de ce sport physiquement exigeant. « Un faible » n'était peut-être pas, en l'occurrence, le terme le plus adéquat si j'avais envisagé d'aborder ce thème avec le plus grand sérieux, mais étant donné que ma préférence s'oriente le plus volontiers vers la légèreté de ton, le mot choisi reste pour moi opportun.

Mon faible pour le vélo remonte à bien longtemps, si longtemps que j'ai peine à me souvenir de mes premiers émois de cycliste en herbe, alors qu'en revanche je pourrais énumérer sans problème les bicyclettes dont je fus propriétaire pendant toutes ces années. De la récompense obtenue de mes parents grâce à d'honnêtes résultats scolaires à l'engin acquis avec mes propres deniers, j'ai toujours su faire long usage de mes quelques vélos. D'ailleurs, un bon vélo, c'est construit pour durer, fait qui se vérifie s'il est bien entretenu et utilisé avec discernement.

Cela faisait donc un paquet d'années que je chevauchais, avec une assiduité variable en fonction des circonstances (obligations professionnelles, occupations familiales, conditions atmosphériques et humeur du moment), la même bicyclette, lorsque celle-ci commença à manifester quelques signaux d'usure. Rien de grave, assurément ; rien d'irréparable, en tout cas ; mais quelques frais à consentir pour remettre à niveau une transmission fatiguée. Couinements dans le pédalier, sauts de chaîne et caprices de manette de commande du dérailleur arrière m'indiquaient la nécessité d'une intervention sérieuse. Compte tenu de l'âge vénérable de l'engin et de sa faible valeur résiduelle, était-il raisonnable de délier les cordons de la bourse sans m'informer au préalable du coût de l'opération en regard du prix d'une nouvelle monture ?

Je me suis donc penché sur le problème, nanti de ces armes redoutables que constituent un ordinateur et une liaison Internet. Car aujourd'hui, de chez soi, sans lever les fesses de sa chaise, il est possible de consulter des catalogues, des boutiques en ligne, des commentaires et des avis de professionnels et d'amateurs éclairés, et même des forums entièrement consacrés à la petite reine. Dois-je préciser que ce luxe de moyens n'existait pas encore le jour où j'ai acquis le vélo dont je parle dans le paragraphe ci-dessus ?

Pendant de longues soirées, j'ai entrepris de m'informer sur ce qui se construit et se vend aujourd'hui en matière de machines à deux roues destinées au transport de personnes et manœuvrées par la force des guibolles.

Assez rapidement, quelques questions cruciales se sont pressées au portillon de mon appareil décisionnel, en tête desquelles le problème du budget, rapidement résolu par ma femme, dont les avis en la matière font généralement autorité. Avec le réalisme et le sens des responsabilités qui la caractérisent, Chérie décréta que mon niveau de performance se passerait bien d'une bicyclette haut de gamme et qu'un cadre en titane ou en carbone ne ferait jamais de moi un vainqueur potentiel de la plus minable des courses de kermesse. Cela m'enleva donc une épine hors du pied : exit, donc, le cadre en carbone. De toute façon, mes vélos ont toujours été en acier. Même mon tout premier, quand j'ai eu cinq ans (laissons de côté l'habituel tricycle qu'on pousse avec les pieds autant qu'avec les pédales).

Mais les temps ont changé. Aujourd'hui, les vélos sont en alu. Parce que l'aluminium, c'est plus léger que l'acier et aussi moins cher à produire, même si ça n'a pas toujours été le cas. Donc, si j'ai bien compris tout ce qu'on raconte sur Internet, l'alu c'est mieux parce que plus rigide que l'acier, à poids égal, et que ça ne rouille pas. Et ça ne prend pas à l'aimant (très pratique dans les zones sujettes aux champs magnétiques). Mais ça présente par ailleurs l'inconvénient de manquer de souplesse, ce qui nuit au confort, et de vieillir moins bien quand c'est soumis aux contraintes mécaniques répétées, surtout si le cycliste pèse plus d'un quintal et roule comme une bête sur des chemins défoncés. Autant dire que l'athlète qui vous raconte présentement un épisode de sa vie n'a pas trop de soucis à se faire quant à la solidité d'un cadre en aluminium. Va donc pour l'alu. De toute façon, des cadres en acier, c'est devenu rare et plus cher, sauf quand on peut se contenter d'un engin bas de gamme de quinze à vingt kilos assemblé vaille que vaille et vendu à prix écrasé dans les supermarchés. Faut pas exagérer. Je vaux plus que ça, même s'il s'en faut de peu.

Survint alors une autre question délicate : fourche en acier, fourche en alu, fourche en carbone ? Le budget alloué par Chérie me permettant d'envisager les trois, je pris mes informations auprès de mes éminents collègues internautes : le carbone, c'est le mieux. La fourche en acier, c'est bien aussi, même si c'est plus lourd ; le moins recommandable étant le vélo « tout alu ». Rigide, mais trop sautillant, renvoyant dans les mains les cahots de la route. Comme ici en Belgique le meilleur des revêtements routiers peut rarement être encore qualifié de « billard » trois mois après qu'il a été posé, je sais ce que c'est que de se prendre dans les pattes les aspérités de la chaussée ! Vive le carbone ! Enfin, à ce qu'il paraît...

J'en profite au passage pour signaler une particularité des gammes de bicyclettes proposées par les grandes marques : une cohérence douteuse lorsqu'il s'agit d'établir la hiérarchie des différentes versions d'un même modèle. L'acier a déserté les cadres, mais garde ses droits pour constituer les fourches d'entrée de gamme. Ensuite, on passe au « tout alu ». Au-dessus, la fibre de carbone est utilisée pour la fourche et, en haut de gamme, c'est du « tout carbone ».
C'est donc un des paradoxes courants, selon ce que j'ai pu lire en de nombreux endroits : l'entrée de gamme est une meilleure affaire que les modèles juste supérieurs, offrant la souplesse de la fourche en acier plutôt que la dureté du « tout alu ». Bref, quand les finances le permettent, mieux vaut viser plus haut. Merci, Chérie.

Plus encore que les matériaux utilisés, les types de bicyclettes se sont multipliés. Ce que nous appelions jadis « vélo de course » est simplement renommé « vélo de route ». Le terme « course » étant réservé aux vélos... de course. Ce qui n'empêche évidemment pas les cyclotouristes fortunés de s'offrir le même modèle que Cancellara pour jouer les Spartacus du dimanche matin. Et de terminer la sortie hebdomadaire à la buvette du club.

Considérant l'état de mes vertèbres et ma tendance naturelle à éviter les balades dont le kilométrage à l'étape excède les deux chiffres avant la virgule, je décrétai que le cintre de route, c'était bon quand j'étais nettement plus jeune que maintenant, et qu'il n'était pas nécessaire d'y revenir après de longues années à me satisfaire d'un guidon droit équipé de cornes de vache (ça vous donne inexplicablement un de ces petits airs agressifs, alors que les bovidés sont généralement de paisibles ruminants – à quand les cornes de buffle, animal connu pour son vilain caractère ?)

C'est lorsque je commençai à m'intéresser à cette autre question cruciale qui enflamme les forums jusqu'à occasionner des joutes verbales qui ont tout de la bataille de tranchées, chacun des protagonistes campant farouchement sur ses positions, que je compris que j'avais effleuré ce qui constitue un des sujets de réflexion les plus sérieux : double ou triple plateau ?

Oui : faut-il un double ou un triple plateau ? Pourquoi pas un quadruple ou un quintuple, tant qu'on y est ? Certains prétendent que ça existe ou a déjà existé.

Dans ma mémoire défilèrent mes vélos successifs : pignon fixe, simple plateau et dérailleur arrière à trois vitesses, puis le luxe des « dix vitesses », fort en vogue à une certaine époque sur les vélos de course, avec les deux leviers non indexés fixés sur le cadre ; et enfin le 3x6 que je m'obstine à utiliser sachant qu'il existe depuis longtemps des 3x7, des 3x8 et même pire.

En prenant connaissance de tous ces messages, de tous ces débats autour des calculs de braquets et des commentaires tantôt méprisants, tantôt condescendants à l'égard des tenants du « triple » quand on utilise un double et vice-versa, je me suis rendu compte à quel point je devais marcher sur des œufs en abordant ce délicat problème : devais-je opter pour un « compact » ou pour un « triple » ? Devais-je choisir le « 2x10 » ou le « 3x9 » vendus au même prix ? Question délicate.

À force de lire et de relire – en allant me coucher plusieurs fois entretemps et en ayant à diverses reprises fait appel au paracétamol – les discussions, et après m'être penché sur mon expérience personnelle qui ne vaut jamais plus que ce qu'elle vaut mais qui vaut quand même beaucoup quand elle me concerne, j'en suis arrivé à la conclusion suivante : on nous prend pour des pigeons, et ça marche.

Je vous ai déjà parlé du « tout-en-un », dans d'anciens messages. Les fabricants débordent d'inventivité lorsqu'il s'agit de nous vendre des objets dont nous n'avons pas besoin. C'est une des bases du commerce : créer le besoin.

Après nous avoir vendu des téléphones portables, des appareils photo, des ordinateurs, des agendas électroniques... ils nous vendent le « tout-en-un ». Des engins qui font tout ça – téléphoner, envoyer et recevoir des messages, prendre des photos, surfer sur Internet, jouer... – un peu ou beaucoup moins bien que les engins dédiés, et qui vous privent du tout en cas de panne, de perte ou de vol.

Avec les bicyclettes, c'est un peu la même chose : on nous en propose de très séduisantes, appelées « hybrides », qui sont supposées détentrices de la plus grande polyvalence. Elles peuvent rouler agréablement sur l'asphalte, s'aventurer sur les voies vertes et les sentiers, assurer sereinement dans la circulation urbaine.

À moins d'être un spécialiste dans un domaine particulier (cyclo-cross, vélo tout-terrain, course en ligne), on est supposé entrer dans la catégorie du cyclotouriste touche-à-tout. Qu'on opte pour le carbone ou l'alu, le cintre droit ou le guidon de route, on a besoin d'une certaine gamme de vitesses, la plus large possible apparemment, qui permette de grimper les pires côtes en s'évitant la honte de mettre pied à terre – quitte à adopter une allure des plus pépère – tout en offrant la certitude de pouvoir s'éclater à fond la caisse dans les descentes en moulinant comme un échappé d'une étape du Tour.

C'est en lisant ça que j'ai eu l'impression d'être pris pour un pigeon. Parce que franchement, quand on a recours à de tout petits braquets pour grimper une côte, quel besoin a-t-on d'en pousser d'énormes dans une descente ? Et inversement, quand on a vraiment besoin d'emmener des développements dignes d'un coureur professionnel – en d'autres termes, quand on fait vraiment la course –, quelles sont les probabilités de se servir des tout petits braquets ?

Mon expérience personnelle, dont je faisais mention précédemment, m'ayant appris que des 3x6 rapports de mon vélo actuel je n'en utilisais réellement que six ou sept, qu'aurais-je besoin d'en avoir vingt, vingt-sept ou davantage ?

Sur les forums, les défenseurs les plus acharnés des transmissions « grande plage » indiquent souvent qu'ils n'utilisent presque jamais les tout petits développements, mais qu'ils aiment bien en disposer « au cas où ». Dans l'éventualité d'un improbable gros coup de pompe. C'est vrai que ça rassure. Et ils aiment bien disposer des plus grands braquets. Au cas où, sans doute, ils auraient encore beaucoup de force à dépenser dans une descente après leur éventuel coup de pompe dans la montée.

Pour se rassurer, parce qu'on ne sait jamais ce qui peut arriver d'autre qu'un gros coup de pompe ou qu'une envie folle de s'éclater dans une descente, ces ardents défenseurs des braquets à tout faire pourraient aussi emporter, lors de chacune de leurs sorties, au minimum deux chambres à air et un pneu de rechange, un câble et deux patins de freins, un câble de dérailleur et dix litres d'eau, des moufles, un ciré et un passe-montagne « au cas où », parce qu'on ne sait jamais...

J'étais occupé à me demander si on faisait encore des vélos à simple plateau, avec sept ou huit pignons à l'arrière, lorsque je suis tombé sur cette question d'une importance capitale, et à laquelle je n'ai pas encore pu trouver de réponse satisfaisante à l'instant où j'écris ces lignes : « Pour ou contre le port du slip sous le cuissard ? »