samedi 30 mars 2013

Ton bouquin en solde chez Fitrac

Ami auteur édité, vraiment édité chez un vrai éditeur avec un bon réseau de distribution ; ami auteur édité, quand tu vois ton bouquin sur l'étalage d'un libraire, cela te fait-il quelque chose ? Et d'en trouver une pile de dix sur un présentoir à la FNAC ou une autre grande enseigne, avec à côté quelques ouvrages d'auteurs connus et reconnus, cela te remplit-il de joie ?

J'essaie d'imaginer l'effet que ça fait, puisque ce genre de chose ne m'est jamais arrivé, et si je trouve sur la Toile quelques commentaires d'écrivains (comme celui-ci) ayant vécu cette situation, je me dis « Ouah ! Ça doit lui faire quelque chose, quand même ! »

Conscient que nombre d'auteurs rament à la recherche d'un éditeur et réalisant que ceux-ci, parfois, décrochent enfin le contrat tant souhaité, je me dis qu'à eux aussi, même et surtout s'il s'agit de leur premier livre, ça doit leur retourner les tripes.

Récemment, je reçois dans ma boîte à lettres l'habituelle pile de dépliants publicitaires que je parcours d'un derrière distrait – selon la formule consacrée – avant de les jeter dans le carton qui filera à la déchetterie ; et là, quand même, mon regard s'arrête sur une annonce pour des livres à cinq euros l'unité. Cinq euros, c'est bon marché, surtout pour des romans de plusieurs centaines de pages en format ex-libris avec jaquette couleur et présentant l'aspect du neuf.


Curieux, je passe par ladite boutique quelques jours plus tard et je vérifie que c'est bien vrai, ces livres neufs à cinq euros. Des livres qui coûtaient trois à quatre fois ce prix-là en librairie quelques mois plus tôt. Sûr. Je les y avais déjà aperçus. Donc, les voilà soldés dans un magasin qui vend des vêtements, des jouets, de la vaisselle et du petit électroménager, des articles de jardinage, des piles, des cartouches d'imprimante...

Et là, je me dis : « Et l'auteur, dans tout ça ? »

Ben oui, l'auteur.
Toi, par exemple, camarade auteur édité par une boîte bien distribuée ; toi qui as vu ton livre sur l'étalage à la FNAC, toi qui l'as vu en vitrine chez le libraire, toi qui...
Toi qui te demandais ce qu'il était devenu ensuite, lorsque son permis de séjour sur les présentoirs était arrivé à échéance ; toi qui avais interrogé à plusieurs reprises ton éditeur (en ne recevant de sa secrétaire que de vagues informations) pour tenter de connaître les chiffres de vente ; toi qui te demandais quel serait le montant de ton prochain chèque de droit d'auteur...

Toi qui te posais ces questions, tu vois soudain ton bouquin en solde à cinq euros chez Fitrac ; et tu te demandes ce qui t'arrive, ce que tu as fait pour mériter ça et ce que l'opération va te rapporter.

Autant te le dire tout de suite : des nèfles, financièrement parlant.

Récapitulons.
Lorsque ton éditeur t'a proposé un contrat, tu as bondi de joie : un contrat à compte d'éditeur, offert par une boîte bien distribuée, c'était le rêve ! Combien de refus polis et impersonnels n'avais-tu pas reçus avant cela, avant que cette maison ne reconnaisse ton talent, le potentiel commercial de ton roman, et ne décide de t'accorder ta chance ?

Aussi, lorsque l'éditeur t'a proposé un contrat à dix pour cent de droits d'auteur sur le prix hors TVA des exemplaires vendus, tu as songé que c'était correct, pour un premier roman. Bien souvent, c'est sept ou huit pour cent, dans ces conditions. Trop heureux de ta chance, tu n'as sans doute pas négocié un à-valoir, craignant sans doute – à juste titre – de te faire rabrouer, toi l'illustre inconnu pétri de talent mais attendant toujours la reconnaissance de ses mérites.

Le tirage initial de cinq mille exemplaires te paraissait correct. Tu te disais, en signant le contrat : « S'il s'en vend seulement la moitié, à dix-sept euros quatre-vingt-quinze la pièce, ça me fera dans les quatre mille euros de droits ».

Quand ton roman est enfin sorti – tu as dû attendre longtemps – et que tu l'as aperçu sur les étalages, tu t'es dit « Ça y est, je suis un écrivain ».
Humblement, tu as tenté d'obtenir les chiffres de ventes et, en se faisant beaucoup tirer l'oreille, ton éditeur t'a enfin annoncé qu'en six mois il s'en était écoulé un peu plus de quatre cents exemplaires, et tu as reçu dans la foulée un premier chèque de sept cents euros et quelques. Pas terrible, mais pour un premier roman, il ne faut pas trop espérer. Et ça commence seulement, songes-tu.

En réalité, ça finit déjà. Au cours des semaines et des mois qui suivent, tu te demandes où est passé ton bouquin, tu t'inquiètes, tu te ronges les sangs au point que ça entrave le travail d'écriture de ton nouveau roman. À la fin de l'année, ton éditeur consent de mauvaise grâce à te fournir d'autres chiffres et un second chèque, moitié moins élevé que le premier : est-ce bien vrai, cela ? Te communique-t-il les bons chiffres ? Comment vérifier ?

Le boss en profite pour t'annoncer que, conformément au contrat que tu as signé, les invendus sont destinés au pilon. Au pilon, oui. Revendus au poids à fin de recyclage en papier journal. À moins, bien sûr, que tu ne souhaites, toi auteur, racheter le stock. Trois mille deux cent vingt-cinq exemplaires, que l'éditeur te propose d'acquérir à demi-prix ; comme ça, si tu les revends, ton bénéfice sera important.
Si tu les revends.

En attendant, où vas-tu trouver les fonds nécessaires à ce rachat ? C'est vingt-cinq à trente fois le montant de droit d'auteur que tu as touché !

Tu déglutis et tu déclines l'offre. Tu proposes bien d'en acquérir quelques dizaines, mais l'éditeur t'annonce que dans ces conditions, il ne peut pas te les revendre à un prix aussi avantageux que si tu prends tout le stock.

Tant pis ! Tu te dis que tu te satisferas des quelque six cents bouquins vendus et, peut-être, de ceux encore en circulation qui trouveront finalement un acquéreur.

Et puis, l'année suivante, alors que tu viens de terminer ton second roman et de l'envoyer en lecture à ton éditeur, tu vois plusieurs dizaines d'exemplaires du premier entassés dans un bac chez Fitrac, ce magasin qui les solde à cinq euros, et tu songes que tu t'es fait avoir.


Ben oui, parce que là, avec dix pour cent du prix de vente hors TVA, ça ne te fera même pas cinquante centimes à l'unité écoulée !

D'ailleurs, courroucé, tu demandes des explications que ton éditeur te fournit aussi froidement que poliment, en te recommandant de bien lire les termes du contrat que tu as signé. Si tu ne touches rien sur les exemplaires mis au pilon, tu n'en touches pas davantage sur ceux qui sont rachetés à vil prix par les soldeurs.

Et, déjà, tu regrettes le second roman que tu as envoyé à ce rapace qui ne l'éditera qu'aux mêmes conditions que le premier.

♪♫ ♫  Édition, ton univers impitoyable... ♫♫♪♫

lundi 25 mars 2013

Art urbain

Le quatre juillet de l'an dernier, je vous glissais sous les mirettes, au hasard d'un de mes billets d'humeur, ce que je m'estimais en droit de penser de ce que certains illuminés appellent pompeusement « art urbain ».

Déjà, en lisant cette phrase, et bien que j'y aie discrètement glissé le lien vers mon ancien article, vous aurez probablement déjà au minimum une vague idée de la haute estime que je porte en cette forme d'expression qui me fait parfois regretter que la démocratie soit le pire des régimes à l'exception de tous les autres, ce qui vous dispensera sans doute d'accomplir l'effort d'aller lire ma bafouille de l'été dernier.

En me baladant ici et là – et plutôt là qu'ici, d'ailleurs – dans nos milieux urbanisés et leur périphérie, j'ai pu, appareil photo à la main, rapporter sans peine quelques images propres à illustrer mon propos, même si l'adjectif « propre » peut être sujet à caution dans le cas qui nous occupe.



Il y a vraisemblablement parmi les acharnés barbouilleurs des murs de nos villes des artistes qui s'ignorent : des frustrés du pot de peinture et de l'aérosol, des Picasso du parapet de pont, des Dubuffet du mur d'enceinte de la cour d'usine, des Braque de la cabine électrique, des Manet du tunnel routier à l'odeur de pipi croupi, sans oublier les Lichtenstein du volet de garage et autres Warhol de l'abribus.









Comme si ça ne suffisait pas à entretenir l'enthousiasme des foules, tout heureuses de donner leurs sous aux autorités locales afin qu'elles nettoient les crasses laissées par ces indélicats sur des surfaces appartenant à d'autres personnes ou à la collectivité, « l'art urbain » s'étend comme une tache d'huile sur toute surface à peu près plane, l'important étant que ça choque, que ça salisse, que ça méprise, même et surtout, semble-t-il, si cette surface, par sa nature, est vouée à la mobilité.

Comme me le signalait dernièrement un de mes collègues qui s'était embarqué dans une rame encore plus somptueusement décorée que celle ci-après par de lâches barbouilleurs de la nuit, il arrive qu'on ne voie plus grand-chose à travers les vitres et qu'il faille absolument décoller les fesses de la banquette pour être à même de prendre connaissance du nom de la station dans laquelle le train vient de marquer l'arrêt.



Les goûts et les couleurs ne se discutant pas, je n'émettrai aucune opinion quant aux qualités graphiques, picturales, politiques, culturelles ou philosophiques de ces barbouillages ; mais je me permettrai néanmoins de rappeler une fois de plus que la liberté d'expression des uns en la matière s'arrête aux limites de la propriété d'autrui, et que s'il était en mon pouvoir de sévir en cas d'identification des coupables, je n'hésiterais pas à les contraindre, sous peine de devoir avaler à la cuiller à soupe deux litres et demi de peinture acrylique (soluble dans l'eau, restons écologiques), à nettoyer toute cette saleté et à rendre à nos murs ainsi qu'à nos wagons l'aspect qu'ils avaient avant leurs agissements.

mardi 19 mars 2013

Les pièges de l'édition (suite)

Voilà déjà deux ans déjà que je proposais sur mon blog cet article vous entretenant des pièges de l'édition. Le moment me semble venu d'y ajouter un second chapitre, car les questions restent nombreuses dans un monde qui évolue à grande vitesse.

Ami auteur, toi qui cherches un éditeur, tu pourrais être tenté par les propositions alléchantes que te feront certains individus prompts à saisir la moindre occasion de profiter de ta naïveté ou de ton inexpérience.

Dans mon précédent article, je n'avais pas abordé l'aspect « numérique » de l'édition : les formats e-pub et consorts. En effet, il est très à la mode, dans certains milieux, de déclarer péremptoirement que « le livre est mort » ou, plus raisonnablement, que « le téléchargement, c'est l'avenir ». Aujourd'hui, les biens que l'on acquiert sont souvent éphémères : on télécharge, on copie, on échange ; et quand on est lassé, on supprime, on efface, on oublie.

Tout le monde n'a pas envie de stocker des bouquins dans une bibliothèque, dans des cartons, dans une cave ou un grenier dans le but – bien hypothétique – de les relire un jour ou de les céder à quelqu'un d'autre, gracieusement ou non.

Il peut donc être tentant, surtout pour ceux qui désirent vivre avec leur temps, de se contenter d'un fichier numérique acquis à peu de frais et qui sera supprimé après consommation.

Ami auteur, tu trouveras sur Internet des éditeurs qui racolent de « nouveaux talents ». Sache que ces éditeurs ne sont pas sérieux. Un éditeur sérieux ne court pas derrière les auteurs, ce sont les auteurs qui le sollicitent (et qu'il envoie poliment promener dans presque tous les cas). Sur Internet, tu trouveras des « éditeurs » du genre de celui que Stoni appelle « Pourrito ». Si tu ne l'as pas déjà fait, va lire sur son blog cet article intéressant où il t'explique pourquoi certains soi-disant éditeurs sont pourris.

Parmi ceux-là, il en est qui te proposeront de t'éditer sur papier, mais il en est d'autres qui se feront forts de te diffuser sous format numérique. Ton roman téléchargeable sera référencé sur les sites de vente en ligne... et tout le laïus coutumier.

Libre à toi de considérer que le téléchargement, c'est l'avenir, mais laisse-moi t'expliquer pourquoi ces éditeurs-là sont pourris...

Ils vont t'offrir un contrat où tu touches 30, 40, 50 % (!) de droit d'auteur sur le prix de vente de chaque exemplaire téléchargé. C'est vrai qu'un tel pourcentage, comparé aux 10 % que te laissent les éditeurs traditionnels pas trop pingres, ça peut sembler beaucoup ; mais 10 % de 20 € ou 40 % de 5 €, c'est kif-kif bourricot ! Ben oui : imprimer, distribuer, gérer des stocks... ça coûte de l'argent. Les livres « papier » sont donc vendus beaucoup plus cher que les fichiers téléchargeables.

Tu vois déjà, cher auteur, que la différence de prix de vente compense celle du pourcentage de tes droits.

Autre chose que tu comprendras facilement, c'est que pour imprimer ton livre, l'éditeur doit réaliser un fichier numérique tip-top qu'il transmettra à l'imprimeur quand tu auras signé le « bon à tirer » ; tandis que ton éditeur « numérique » se contentera de ton fichier qu'il rectifiera peut-être un peu pour obtenir une présentation correcte avant de le proposer à la vente en téléchargement.

Alors que l'éditeur traditionnel engagera de l'argent, ton éditeur pourri ne dépensera que des broutilles. Pour rentrer dans ses frais d'impression d'un ou deux milliers d'exemplaires, le premier consentira des efforts pour vendre le livre, le mettre en étalage chez les libraires... tandis que le second ne fera rien. Il se contentera d'encaisser 100 % du prix des éventuels téléchargements.

Et comme ça ne lui coûte quasi rien, il s'arrangera pour faire signer un grand nombre de pigeons : comme cela, chaque téléchargement lui rapportera du fric. Et sois sûr qu'il s'abstiendra de t'informer du nombre de ventes réalisées.

Et si par un heureux hasard – probablement parce que tu auras fait de ton côté des efforts pour promouvoir ta prose – ton roman fait « le buzz », ton éditeur pourri se fera un plaisir de te rappeler les termes du contrat que tu as conclu avec lui et par lequel il te dépouille de l'essentiel de tes droits.

Alors, cher auteur, si tu veux vraiment que ton roman soit diffusé sous format numérique, fais-le toi-même. Crée ton blog, parles-en sur les réseaux sociaux, propose en lecture les premiers chapitres et demande qu'on te contacte par MP pour connaître la suite. Même en réclamant un modeste euro contre l'envoi du fichier numérique complet, tu seras encore gagnant par rapport à ce que te rapporterait un éditeur pourri.

jeudi 14 mars 2013

Habemus merdam

Comme j'ai toujours été nul en latin, je suis incapable de décider si le titre que j'ai choisi est irrévérencieux ou non. Mais s'il l'était, croyez bien que je n'ai aucun grief (du moins, pas encore) à l'encontre de monseigneur Imbroglio (en plus d'être nul en latin, je n'ai pas la mémoire des noms), à part celui de m'avoir fichu en retard ma soirée télé d'hier, où il n'y avait de toute façon pas grand-chose d'intéressant.

Concernant les dernières péripéties romaines, je devrais néanmoins me réjouir de la justesse de ma prédiction, qui indiquait que l'Italie nous présenterait le nouveau pape avant de pouvoir en faire autant avec son nouveau premier ministre. C'est vrai que je ne courais pas grand risque ; et d'ailleurs lorsque j'ai proposé de parier ma selle et mes bottes sur la question, personne n'a souhaité tenir. Ce sont pourtant de bonnes bottes, à peine usagées, et une vraie selle de cow-boy en vrai cuir de très bonne qualité, mais elles ne semblent faire envie à aucune des personnes qui ont ouï ma proposition. Je préciserai à leur décharge qu'en ce moment, le cheval n'a la cote ni sous les fesses, ni dans les assiettes ; ceci expliquant sans doute cela.

Si j'ai écrit « habemus merdam », c'est parce que je trouve qu'on est bien dans la merde. À commencer par la météo, d'ailleurs. Je ne sais pas pourquoi on nous rebat les oreilles avec un prétendu réchauffement climatique, parce que chez nous, dans le nord, ça n'en prend pas vraiment le chemin. Mais, comme le disait si bien Galabru, « c'est le nord ».

En plus de voir tous les jours s'agrandir les trous dans les routes (certains appellent ça des « nids de poule », mais je trouve que c'est manquer de respect envers ces intéressantes petites bêtes qui font des nids pour y pondre des œufs ; et les œufs, c'est bon), on nous annonce régulièrement qu'il y a aussi des trous dans le budget de l'État ; et là, c'est beaucoup moins drôle parce que l'État, c'est nous, surtout quand il s'agit de renflouer ses caisses.

Habemus merdam aussi à cause des licenciements en masse : après General Motors, Ford et Arcelor Mittal, voici Caterpillar. Personne n'apprécie, surtout ceux qui vont se retrouver sans boulot. Comme en plus on n'a pas beaucoup de solutions, les syndicats montent au créneau pour défendre le pouvoir d'achat des travailleurs. Là, c'est bien.
Mais quand on gueule en faveur des ouvriers, des allocataires sociaux et des laissés pour compte du vingt et unième siècle juste pendant une période difficile au cours de laquelle un premier ministre socialiste a dû monter, après plus de cinq cents jours de crise, une coalition pas vraiment de gauche où il essaie de sauver les meubles (les meubles, ça s'appelle la sécu et la liaison des salaires à l'indice des prix à la consommation), je ne sais pas si c'est un bon calcul.
Comme les derniers sondages prédisent une casquette au PS lors des prochaines élections et une montée des libéraux en francophonie, tandis que la droite populiste est créditée des meilleures intentions de vote chez les néerlandophones, je vois poindre une menace très sérieuse à l'encontre d'un principe à peu près unique au monde de liaison des salaires à l'index. Et si on nous enlève ça...

Mais je vais arrêter avec le caca, comme Ikea avec ses tartes, parce que je dois aussi vous toucher un mot de la connerie. Je n'en parlerais pas si, quelque part, ce n'était pas drôle.

Il y a la connerie de certains joueurs de foot qui, se sentant sous la menace d'une suspension d'une rencontre pour cumul de cartes jaunes, se disent : « au cours du prochain match, je vais m'arranger pour prendre un avertissement, comme ça je serai suspendu pour le suivant – pas trop difficile a priori – et mon compteur sera remis à zéro avant la très difficile dernière ligne droite du championnat ».
Ceux qui s'intéressent un tout petit peu au football savent qu'il existe un tas de raisons pour lesquelles l'arbitre peut brandir le bristol jaune ; mais le joueur qui désire absolument en obtenir un, s'il a de la cervelle, choisira bien la manière : rouspéter, traîner un petit peu pour rendre le ballon, toucher la balle de la main pour la dévier (mais pas dans le rectangle!), enlever la vareuse... Mais jamais, au grand jamais, un mec qui a pour deux sous de cervelle ne s'aviserait de partir pied en avant dans les chevilles d'un gars de l'équipe adverse. Parce que là, le bristol jaune risque de devenir rouge directement.
C'est pourtant le procédé choisi tout récemment par une « vedette » du championnat national, qui de ce fait a été exclue illico et écopera d'une suspension de deux ou trois rencontres, suspension à l'issue de laquelle elle pourra à nouveau monter sur le terrain, nantie de son capital « cartes jaunes » qui n'aura pas bougé d'un poil.
Moralité : quand on est bièsse...

Con aussi : le paquebot qui dérive dans l'Atlantique Nord (encore le nord ?) et qui s'appelle Lyubov Orlova. Il s'appellerait « Titanic » que ça paraîtrait louche, du genre « retour pour une vengeance », mais là, c'est juste un bateau de croisière qui était promis à la ferraille et qui a rompu les amarres d'avec son remorqueur comme un chien à l'humeur fugueuse ronge la laisse qui le relie à son maître pour gagner la liberté. Il paraît qu'à bord, il n'y a que des rats. Cela signifie donc que, si on ne l'attrape pas, le vagabond va encore se balader pendant un bon moment, parce que c'est bien connu : tant que les rats ne quittent pas le navire, il n'y a pas de risque qu'il coule, raison très rassurante pour laquelle la population de la Belgique ne cesse d'aller croissant.

Sur ces bonnes nouvelles et en attendant le retour du printemps, je vous adresse à tous ma meilleure bénédiction.

vendredi 8 mars 2013

Café serré et journée de la femme

Parfois, quand il m'arrive de me dire que le moment est venu d'écrire une petite bafouille pour mon blog, je songe à tous ces chroniqueurs qui, inlassablement, hiver comme été, avec juste une petite pause pendant les grandes vacances et les fêtes de fin d'année, produisent quotidiennement et même s'ils n'en ont rien à secouer un billet d'humeur ou un éditorial à publier dans un journal ou à lire à la radio pour des gens qui vont le lire d'un derrière distrait en grillant une clope ou vaguement l'écouter entre deux flatulences alors qu'ils pestent au volant de leur bagnole dans des embouteillages aussi prévisibles et répétitifs que les come-back de Silvio Berlusconi en Italie, les chansons interprétées par les candidats aux concours « The Voice » ou les essais nucléaires de la Corée du Nord.

Bien sûr, ces braves gens qui nous concoctent chaque jour un texte ou un monologue s'appuient généralement sur des événements ou des personnages faisant l'actualité, ce qui leur donne en principe assez aisément matière à disserter ; mais lorsque de temps à autre les politiciens et les fusils se taisent, les terroristes et les malfrats restent dans leur lit, les spéculateurs sont au repos, les banquiers en prison et la météo clémente partout, que vont-ils pouvoir raconter ?

Ont-ils quelque part sous les aisselles ou au fond d'un tiroir un sujet passe-partout à sortir au moment opportun à la façon de ces reportages qui servent de bouche-trou dans les journaux télévisés lorsque l'actualité a toute l'énergie d'un plat de nouilles trop cuites ?

Souvent, je pense à Thomas Gunzig.
Thomas Gunzig qui, chaque matin ou presque, du lundi au vendredi depuis de longs mois et même plusieurs années si ma mémoire est bonne, présente, sur la première chaîne de la radio francophone belge, un billet d'humeur appelé « Café serré » qui s'appuie lui aussi sur des faits d'actualité, mais également sur et autour de la personnalité de l'invité – politicien, syndicaliste, économiste, patron, politologue ou expert en tout et en rien – qui sera interviewé au cours de l'émission.

Il fut un temps ou Thomas Gunzig me faisait rire quand il traitait nos élus de « bande de cons », quand il brocardait la gauche, la droite, le centre et le Bon Dieu, quand il balançait des vannes sur le MR et que Didier Reynders riait jaune en déclarant qu'il aimait beaucoup ce type d'humour, quand il se moquait des socialistes et qu'Elio di Rupo faisait semblant de n'avoir rien entendu, et même quand il évitait de prendre pour cible l'invité de l'émission parce que c'était quelqu'un de très bien.

Mais si entretenir un blog et y publier environ un article par semaine n'est déjà pas une sinécure, pondre un billet d'humeur quotidien est un travail abrutissant qui exige de l'imagination et nécessite de mettre du cœur à l'ouvrage même quand on a la gueule de bois après une soirée trop arrosée, les boyaux en capilotade à cause d'un en-cas avalé vite fait au restaurant d'Ikea, les jambes en coton depuis les vingt kilomètres de Bruxelles, les fesses en compote après avoir témérairement participé à la dernière édition du « Beau Vélo de Ravel » ou une insupportable crise d'hémorroïdes qui empêche de s'asseoir devant son portable sans le secours de tous les oreillers disponibles dans la maison.

Alors, fatalement, comme l'inspiration ne se commande pas plus que la bandaison et l'humeur caustique pas davantage que la disparition d'un mal de crâne persistant, on finit par avoir recours à des ficelles pour remplir les pages nécessaires à pondre un article qui ne donne pas à son auteur l'air d'un incurable flemmard et, comme Thomas Gunzig dans son « Café serré » matinal, on paraphrase, on délaie, on dilue inlassablement en tournant autour du pot à l'aide de phrases interminables truffées de propositions incises, de virgules, de points-virgules et de conjonctions de coordination ; exactement comme si l'objectif était de battre un record ou de faire croire aux lecteurs et aux auditeurs qu'un esprit malveillant a fait disparaître du clavier de l'ordinateur du chroniqueur les touches de ponctuation lourde aussi indispensables à son texte que l'oxygène à un nageur de crawl.

Il arrive parfois que des commanditaires, conscients du fait que la tenue d'une rubrique quotidienne est un travail exigeant, décident d'accorder au chroniqueur un supplément de temps de réflexion en le dispensant de temps à autre de remettre sa copie et en chargeant du boulot un remplaçant plein de bonne volonté à défaut d'inspiration.

Thomas Gunzig peut donc compter assez régulièrement sur l'intervention de quelque suppléant, comme Bert Kruismans, par exemple, un Flamand qui possède plus d'humour que d'arrogance ; et comme Laurence Bibot qui, bien souvent, me donne à penser que si les trois poules que j'ai aimablement invitées à squatter la cabane au fond de mon jardin décidaient de se lancer toutes les trois ensemble dans un numéro de vocalises à vocation prétendument comique, je leur tordrais immédiatement le cou, quitte à jeter désormais dans le bac à compost les épluchures de pommes et les déchets de salade, à terminer moi-même les dernières bouchées de ma lasagne à la viande de cheval et à renoncer, en guise de pénitence, à consommer des œufs jusqu'à la fin de mon existence.

Laurence Bibot. Je ne sais pas pourquoi je pense à elle en cette journée de la femme, autrement appelée « journée des droits de la femme », alors que je ne devrais pas, puisque pas plus tard que ce matin, j'entendais à la radio une de ces dames expliquer à quel point notre monde est resté machiste, à quel point les femmes sont brimées dans de nombreux pays et à quel point les clichés de la petite fille jouant à la poupée, de la demoiselle rêvant au prince charmant et de la mère au foyer ont encore la vie dure aujourd'hui.

Je veux bien, moi, que les femmes s'émancipent, qu'elles fassent de la politique, qu'elles boivent, qu'elles fument, qu'elles dirigent des entreprises, qu'elles gouvernent des pays, des bateaux ou des avions, qu'elles aient le droit de faire tout ce que font les hommes – même pipi contre les murs si ça les amuse – et de dire que les vieux clichés machistes ne devraient plus avoir droit de cité.

Mais qu'on m'explique alors pourquoi, si la domination du mâle est une vision passéiste, un bouquin comme « Cinquante nuances de Grey » et ses deux suites remportent un aussi grand succès auprès du lectorat féminin !
Et même si ce n'est juste que du fantasme de bobonne, je ne peux m'empêcher de penser que la phallocratie a encore de beaux, de très beaux jours devant elle.