mardi 31 décembre 2013

Un verre, ça va ; trois verres, ça va, ça va, ça va.

Les hommes sont souvent intarissables lorsqu'il s'agit de conter leurs exploits éthyliques, surtout s'ils le font entre potes, autour d'un verre. À cette occasion, ceux qui doivent ensuite reprendre le volant seraient bien inspirés de se dire que si les records sont faits pour être battus, leur meilleure performance personnelle pourrait attendre des circonstances plus favorables. Tout me monde connaît l'adage français : un verre, ça va ; trois verres, bonjour les dégâts. Et même si on lui préfère la variante belge reprise en titre de cet article, le moment est malvenu de la mettre en pratique.

Il est évidemment des gens, hommes et femmes, qui ne touchent pas à l'alcool et n'en avalent pas davantage. « Dans tous les troupeaux, il y a des brebis galeuses », comme disait Coluche. Ceux-là mêmes qui ne boivent ni bière, ni vin, ni spiritueux ne sont pas nécessairement des exemples. Il en est parmi eux qui absorbent ou reniflent des substances illicites, quand ils ne se piquent pas avec. Il est aussi des produits à l'apparence innocente qui contribuent à dégrader l'état de santé de celui qui les consomme, même si leurs effets néfastes n'ont apparemment aucune incidence sur l'aptitude à la conduite d'un véhicule automobile. En d'autres termes, ce n'est pas parce que les produits chimiques aux codes chiffrés bizarroïdes ou aux noms imprononçables dont sont composées les boissons énergétiques hypercaloriques ne font pas frémir un éthylotest ou froncer les sourcils d'un gendarme qu'ils sont parfaitement sains et recommandables.

Après avoir testé personnellement ce type de produit au goût de chewing-gum, je me suis dit qu'à défaut de vin ou de bière, j'aimais autant boire de l'eau.

Comme beaucoup, j'ai connu des épisodes estudiantins et militaires qui m'ont valu quelques bitures que je préfère éviter de vous raconter, ce ne serait pas drôle. De toute façon, je ne me souviens pas de tous les détails. Quand on atteint un certain stade d'intoxication alcoolique, la mémoire fait défaut. Les potes le savent, eux qui s'ingénient parfois à vous faire croire que, dans votre soulographie, vous vouliez absolument réaliser l'épouvantable exploit de vous foutre à poil devant le commissariat, repeindre au caca un autobus ou aller bouffer chez Mac Donald.

En cette période de fêtes, nous essaierons peut-être d'échapper aux contrôles de police. On nous les annonce renforcés, comme chaque année. Et comme chaque année, quantité d'ivrognes passeront quand même aisément entre les mailles du filet. Mieux vaut toutefois éviter de faire partie du nombre et, surtout et avant tout, de provoquer un accident. Ce serait mal commencer une année 2014 que je vous souhaite heureuse et amoureuse.

mardi 17 décembre 2013

Le Belge aime bien d'être content

Dans un récent article, je rapportais la satisfaction des porte-parole de notre société nationale de chemins de fer en matière de respect des horaires, eux qui ont estimé que tolérer cinq à six minutes de retard n'était en rien excessif. C'est vrai que quand on s'attribue soi-même les notes du bulletin, il n'y a pas de mal à se servir avec un brin de complaisance.

À la suite de cela, je m'imaginais que les usagers ne partageaient pas ce point de vue, eux que j'entends souvent râler contre l'irrespect des règles de ponctualité des convois, l'abus de droit de grève, la vétusté du matériel et les contretemps liés aux conditions atmosphériques désorganisantes.

Eh bien, je me trompais ! Je viens de prendre connaissance du taux de satisfaction de la clientèle de la SNCB, qui s'élève à un honnête – mais perfectible – 74 pour cent, d'après un tout récent sondage. C'est bien au-dessus de la moyenne européenne, fixée cette année à 56 %, et ça « nous » classe dans le top 5 !

J'en déduis que le Belge aime bien être content. Parce que quand on rouspète presque tous les jours et qu'en fin de compte on se déclare plutôt satisfait, c'est qu'on aime bien être content. Ou alors qu'on aime bien râler.

À cette époque de l'année, les « marchés de Noël » fleurissent un peu partout et je vois que, malgré la crise, les échoppes sont bien fréquentées. Mais j'ai entendu aussi que, pour les fêtes de fin de millésime, les gens n'aiment pas se serrer la ceinture. On fait l'effort, quitte à restreindre un peu par la suite en se disant qu'après les excès, ça ne fait généralement pas de tort de boire et manger moins.

Je n'ai cependant pas l'impression qu'on a besoin des fêtes pour boire un coup et manger gras, même si ce n'est pas du champagne et du saumon fumé. La bière et les frites, ça marche bien aussi dans le genre festif, après le football vécu depuis les gradins ou après une journée bien remplie en travail et en émotions.

Sur un forum, quelqu'un s'interrogeait dernièrement – et interrogeait les autres – quant à la possibilité que les pâtes alimentaires fassent grossir.

Les pâtes, avec ou sans sauce, c'est comme les frites avec ou sans mayonnaise. Ça ne fait pas grossir. Je ne pense pas qu'un aliment ou une boisson fasse grossir. Sinon, nous serions tous monstrueusement obèses, nous les Belges qui aimons être contents, manger des frites, boire de la bière et faire la fête d'une manière plus générale.

Et qu'on ne me dise pas que les végétaliens sont à l'abri. Regardez les vaches : elles sont herbivores, ça n'empêche pas un certain embonpoint.

Les pâtes, ça ne fait pas grossir, mais ça peut y contribuer, voilà tout. Les frites, c'est pareil. C'est une question de dosage.

Les retards de trains, c'est râlant, mais apparemment ça ne cause pas obligatoirement le mécontentement généralisé. Sans doute aussi une question de dosage.

Dosons donc bien nos agapes, dans les prochaines semaines : de tout, raisonnablement... mais de la bonne humeur tout le temps.

À tous, de joyeuses fêtes de fin d'année !

lundi 9 décembre 2013

Pauvre, pauvre, pauvre football belge

Je sais que ça peut sembler bizarre, un titre comme celui-là, alors que notre équipe nationale est qualifiée pour le Mondial et fait partie de ce qu'on appelle les « outsiders », mais c'est vraiment l'impression que j'ai lorsque j'ai sous les yeux les résultats de nos clubs.

La Belgique est un pays où l'on vit encore bien, en moyenne, même s'il y a de la pauvreté un peu partout. Ce qui est pauvre, hormis notre enseignement, nos subsides à la culture et la mentalité d'une bonne partie de nos dirigeants, c'est notre football. Et quand je parle du football belge, c'est à nos clubs et à notre championnat que je pense, pas à nos joueurs expatriés. Ceux-là ne sont pas pauvres.

Mais la Belgique est un petit pays ; et un petit pays ne peut pas lutter à armes égales avec les gros, surtout quand il fait partie d'un système politicoéconomique – comme l'UE – qui lui enlève une bonne part de ce qu'il pourrait encore faire valoir comme sujet de fierté : le vrai chocolat, la bière trappiste, les frites bien cuites, les moules marinières et les querelles communautaires.

Le contraste entre les résultats de notre équipe nationale de foot et ceux de nos clubs est édifiant : le jour et la nuit. Nos meilleures équipes font de la figuration dans les compétitions européennes dominées par les entreprises les plus fortunées. Je dis bien « entreprises », parce que le football de clubs est devenu un vrai bizness, avec mises de fonds et retours sur investissements.

Nous ne pouvons plus lutter. Nos stades sont si proches les uns des autres que le potentiel de spectateurs est limité. Les recettes publicitaires le sont donc aussi, de même que les occasions, pour les caïds de la finance, de trouver gloire et fortune en investissant dans nos clubs.

Si sur la scène européenne nous sommes presque ridicules, chaque semaine nos matchs de championnat sont, pour la plupart, d'une médiocrité crasse : manque de talent, manque de motivation, manque de moyens.

Incapables de garder au pays nos meilleurs joueurs faute de pouvoir leur offrir un salaire à la hauteur de ce qu'ils peuvent négocier ailleurs, nous devons nous contenter de ceux qui restent mais qui espèrent toutefois s'améliorer pour trouver embauche extra-muros. Certains de nos clubs font pourtant des efforts en matière de formation : trouver de jeunes talents, les amener sur le devant de la scène... Las ! À peine formés, ils s'en vont chercher ailleurs ce qu'ils ne peuvent trouver chez nous.

Chaque période de transferts voit nos petits clubs pillés par les plus gros et nos plus gros pillés par l'étranger. Les recruteurs belges sont désormais passés maîtres dans l'art d'embaucher, un peu partout en Europe, des joueurs qui font banquette dans leur club ou jouent en équipe « réserve » dans l'attente de jours meilleurs. Ceux-là, comme tant d'autres, viennent un temps exercer chez nous leurs talents ou se refaire une santé, avant de s'envoler vers des cieux plus rémunérateurs.

La conséquence en est une instabilité générale de nos équipes, qui alternent le chaud et le froid en se montrant incapables d'aligner plusieurs matchs de qualité convenable dans un championnat émaillé d'incidents ridicules voire préoccupants (agressivité des supporters et des joueurs, vandalisme, insultes, quolibets...) et dans lequel les meilleurs clubs ne sont plus que l'ombre de ce qu'ils ont pu être à une époque où le sport n'était pas encore aussi pourri par le fric.

Tous ces propos peuvent paraître bien amers, mais ils ne sont que le constat d'une triste réalité.

Les résultats de notre équipe nationale viennent heureusement nous mettre un peu de baume au cœur et on se dit « pourvu que ça dure » !

Et, pour terminer sur une note d'optimisme, je signalerai qu'une finale du Coupe du Monde opposant la France à la Belgique est tout à fait possible : il suffit de gagner tous nos matchs, chacun de notre côté, et de nous expliquer à la fin.

C'est simple, non ?

mercredi 4 décembre 2013

Mon banquier, sa modestie et sa pudeur

Les banquiers qui, comme nous le savons tous, sont les gardiens fidèles du petit épargnant et les bienfaiteurs de nos régimes ultralibéraux, savent user de formules tantôt pudiques, tantôt savantes lorsqu'il s'agit de nous en convaincre.

Pas plus tard qu'il y a quelques années, ils nous juraient, la main sur le cœur et alors que de vilains requins politicards ou d'obscurs promoteurs immobiliers les avaient roulés dans la farine, qu'ils souhaitaient veiller avant tout à la sauvegarde de notre tranquillité financière et qu'il n'était que logique que la collectivité se coupe en dix-huit (dans le sens de l'épaisseur) pour les sortir de ce mauvais pas, eux qui avaient tant fait pour notre bien-être.

C'est vrai qu'en y réfléchissant un peu, nous devons admettre qu'ils nous ont, au cours des années, bien amélioré le confort et la sécurité de nos existences. Ils nous ont d'abord dispensés de transporter une ou deux fois par mois l'enveloppe contenant la rétribution de nos efforts, en s'arrangeant avec nos employeurs pour qu'ils nous la versent directement sur le compte que nous avions été aimablement invités à ouvrir à cet effet. Quelle sécurité !

En récompense, nous étions accueillis par un guichetier souriant, tout prêt à nous rendre service et, par petites quantités si nous avions omis de l'en avertir, nos espèces durement gagnées.

Pour notre facilité et notre sécurité, ils ont créé l'eurochèque ; qu'ils ont ensuite supprimé pour notre sécurité et leur facilité – ou l'inverse, je ne suis pas sûr d'avoir tout compris sur ce coup-là.

Ils ont également créé le paiement par carte, les guichets pour le retrait automatique des billets et même la banque-soi-même et la banque-en-ligne.

Au début, les retraits au guichet étaient gratuits. Les virements (nous remplissions le formulaire et ils se chargeaient de l'encodage et de l'exécution) aussi, tant qu'on n'en faisait pas beaucoup. Et puis, pour plus de sécurité (pour nous – un hold-up, c'est désagréable), ils ont supprimé les retraits gratuits au guichet, réduit le nombre de virements inclus dans les frais forfaitaires et viré les deux tiers de leurs agences et les trois quarts de leurs employés. Grâce à ces mesures, ils ont pu rogner les frais et nous offrir un meilleur service. Normal : on fait tout nous-mêmes.

D'une grande modestie, les banquiers ont réduit leurs taux d'intérêt. Je veux dire : quand ils nous prêtent de l'argent qu'ils sont à peu près sûrs de pouvoir récupérer soit directement lorsqu'on les rembourse, soit en se remboursant eux-mêmes la mort dans l'âme au moyen de saisies.

Tout récemment, en allant chercher les relevés de mon compte-épargne, je prends connaissance de cette formule d'une extrême pudeur, imprimée sur un des feuillets humblement tendus par l'automate de l'agence : « À partir du 1er décembre 2013, le taux de base devient 0,50 % ; la prime de fidélité devient 0,10 % ».

Vous aurez certainement relevé l'usage du verbe « devenir », choix tactique approprié lorsqu'il s'agit d'annoncer une baisse.

Je me souvenais bien qu'avant ça, les taux étaient – eux aussi – d'une grande modestie, mais pas d'une manière suffisamment précise pour pouvoir affirmer à coup sûr que les nouveaux taux annoncés étaient plus ou moins généreux ; mais la formule très courtoise utilisée pour me le signifier ne permettait guère de doute. Vérification faite sur le ticket informatif du quinze mai de cette même année, les valeurs précédentes étaient fixées à 0,55 et 0,15 pour cent et annoncées au moyen de la même tournure sibylline.

Étant donné la faible quantité d'opérations effectuées sur mon compte-épargne (je n'ai pas les moyens d'y verser fréquemment des sommes importantes, et encore moins de les y laisser si je les y avais mises), le classement des relevés est une tâche rapidement menée qui ne m'a jamais incité à me débarrasser d'un historique qui tient, en dépit des années, dans un petit classeur au format A5.

En remontant au 2 avril 2012, j'ai trouvé un feuillet m'informant que le taux de base devenait 0,75 % et que la prime de fidélité « restait » à 0,25 %. Au 15 août 2009, le taux de base « restait » à 1,00 % et la prime de fidélité « passait » à 0,25 % ; mais il convient de signaler qu'au premier juillet, les chiffres « restaient » à 1,00 % et « passaient » déjà à 0,50 %.

L'objectif de ce petit exposé n'étant pas d'assommer le peuple avec des chiffres, je vous épargne quelques communications intermédiaires de la même eau, me contentant de signaler que la « prime d'accroissement », petite largesse supplémentaire, a été supprimée au 01/04/2009 alors qu'elle était de 0,50 %.

En remontant en juillet 2008, j'ai enfin trouvé un extrait de compte où mon banquier m'annonçait une modification en termes suffisamment précis pour que je n'aie pas à vérifier si la nouvelle était bonne ou mauvaise. Il utilisait les mots « augmente » et « augmentations » pour me signifier le passage du taux de base de 1,50 à 1,75 % et le passage des primes de fidélité et d'accroissement de 0,50 à 0,75 %.

En réalité, le langage du banquier est facile à comprendre : s'il ne dit pas que les conditions deviennent plus favorables pour l'épargnant, c'est qu'elles ne le sont pas.

En attendant, je peux le dire haut et fort : le petit épargnant est bien plus généreux que son banquier. Beaucoup plus.

Il suffit de voir le taux d'intérêt qu'il lui consent sur les découverts de son compte-courant !