mardi 25 février 2014

Comment tu fais pour pas grossir ?

Vous connaissez sûrement cette question, posée avec agacement, envie ou curiosité suivant les circonstances. Peut-être vous l'a-t-on adressée personnellement ou l'avez-vous entendu poser à une personne de votre entourage ? Peut-être aussi avez-vous déjà été amené à prononcer vous-même ces quelques mots ?

— Comment tu fais pour pas grossir ?

Il peut s'ensuivre un silence embarrassé ou un simple « rien » jeté comme ça entre un haussement de sourcils et un geste d'impuissance. Parce que c'est comme ça. Parce que nous ne sommes pas tous égaux sur la balance. Il y a des familles où l'on subit la tendance grasse et d'autres où l'on cultive sans effort la minceur voire la maigreur. C'est dans les gènes, dit-on.

— Comment tu fais pour pas grossir ?
— Heu...
— T'as la peau trop étroite, c'est pas possible ! Quand je vois ce que tu manges...

Oui, peut-être. Parce qu'on n'est pas tous faits pareils. Et que certains, apparemment, peuvent manier la fourchette presque sans retenue alors que d'autres voient leurs plus gros efforts de tempérance ruinés par le premier écart venu.

— C'est bien simple : rien qu'à regarder ce que tu manges, je me sens déjà grossir.
— Faut pas exagérer. On grossit pas avec les yeux.
— Non, non, c'est sûr, mais... Pfff ! J'en ai ma claque, moi ! J'ai déjà essayé plusieurs régimes, mais ça ne marche pas. Regarde, là. Tu vois ?
— Quoi ?
— Mon casse-croûte.
— Où ça ?
— Mais... là.
— Heu... Tu... Tu ne manges que ça ?
— Ben oui. Deux tranches de pain sans beurre avec du filet de poulet, un yaourt maigre et, pour plus tard, une pomme.

Nouveau silence et regards surpris d'un côté, contrits de l'autre.

— Et... c'est tout ?
— Hélas ! Oui.
— Mais... T'es dingue ! Si je devais me contenter de ça, moi, je tombe d'inanition.
— Je sais. T'as la peau trop étroite.
— Mais enfin... Faut pas faire comme ça. Tu te fais du mal !
— T'as beau dire, toi ! C'est ça ou les kilos que je reprends.
— Oui, mais... Tu maigris, là, à ne manger que ça.
— À peine.
— Là, y a un problème. Tu te rattrapes le soir ou le week-end.
— Non, non, je t'assure.
— Jamais d'écart de temps en temps ? Pas de fêtes ? Pas de bons repas en famille ?
— Si... de temps en temps, comme tout le monde. C'est difficile à éviter. Mais je fais attention, tu sais.

Nouveau silence, seulement troublé par un soupir du protagoniste à tendance forte.

— Tu devrais pas t'en faire pour ça. T'es comme tu es, voilà tout. Faut t'assumer.
— Ha, ha, ha ! C'est pas toi qui supportes le regard des autres ! Toi, on t'envie.
— Le regard des autres, tu t'en tapes !
— Eh ben non, justement ! Je voudrais bien, mais j'y arrive pas. Voilà. Et puis, être gros, c'est pas bon.
— Mais, t'es quand même pas...
— Si ! Et mon toubib m'a dit de faire gaffe, pour le cholestérol, la tension artérielle et tous les risques qu'il y a là autour.
— Et alors, tu manges deux tartines, un yaourt et une pomme.
— Ben ouais.
— Pour ta journée ?
— Hélas !
— Tu dis « hélas ! », donc tu reconnais toi-même que c'est dur, que c'est triste de vivre ainsi. Tu te gâches le plaisir. Faut arrêter les régimes.
— T'en as de bonnes, toi !
— Tu fais régime, tu maigris, tu craques, tu grossis. C'est l'effet yo-yo.
— Je sais. Pas la peine de me le dire. On le répète assez souvent dans les revues, à la télé, sur Internet... et même des collègues bien pensants.
— Désolé. C'était pas méchant. Juste pour t'aider.
— Mais oui. T'en fais pas. N'empêche que c'est râlant. À chaque régime, c'est le yo-yo, comme tu dis. Je perds, et puis quand je veux stabiliser, je reprends. Là, j'ai perdu trois kilos. Je devrais encore en lâcher deux fois autant.
— T'as commencé quand ?
— Il y a un mois.
— Et... depuis un mois, c'est deux tartines, un yaourt maigre et une pomme ?
— Y a des variantes, quand même. Hier j'avais des tomates, des concombres...
— Arrête !
— J'aimerais bien, mais...
— Non, non. Je dis « arrête » pour te dire d'arrêter de me décrire ce que tu manges. J'ai compris. Et je te dis maintenant qu'il faut arrêter de te torturer ainsi. Tu te fais du mal. Arrête les régimes.
— Merci du conseil ! Et quand j'aurai les cent kilos, tu me renouvelles ma garde-robe ?
— T'as encore de la marge, va !
— Hin, hin, hin ! Bien essayé. T'as facile à dire, toi. Tu grossis pas.
— C'est vrai.
— Tu manges tout ce que tu veux.
— C'est presque vrai.
— Presque ?
— Je mange à ma faim et je mange ce que j'ai envie de manger. Mais je n'exagère pas. Je ne me goinfre pas, je ne grignote pas devant la télé, je fais un peu de sport. Tu as vu que je ne prends jamais l'ascenseur ? Toujours les escaliers. Toujours.
— Ouais, ouais... Mais c'est quand même pas ça qui...
— Non, c'est sûr. Mais ça fait partie d'un ensemble. Comme des petits ruisseaux qui font de grandes rivières.
— En somme, tu voudrais que je me mette au sport, par exemple ?
— Tu fais ce que tu veux. Tiens, je vais te donner un truc : tu notes tout ce que tu manges.
— Tout ce que je mange ?
— Exactement. Tu prends un carnet et tu notes, chaque jour, tout ce que tu manges. Et tu notes aussi à quelle heure. Et tout ce que tu bois aussi.
— C'est chiant, de noter tout ça !
— Tout ça ? Pour ta journée, tu as juste deux tartines, un yaourt maigre et une pomme. Tu as juste à noter les heures auxquelles tu les avales.
— Oui, mais...
— Le matin, tu manges avant de partir ?
— Non, j'ai jamais faim. C'est trop tôt. Je bois juste un petit café, mais sans sucre ! Je mange plus tard, vers dix heures, mon yaourt. Et mes tartines à midi.
— Oui, oui. Et ta pomme l'après-midi.
— Te fous pas de moi.
— Je suis sérieux. Donc, dès demain, tu notes tout. Ce que tu bois, ce que tu manges, avec les heures, le détail et tout et tout. Et si tu manges un steak, tu indiques le poids. Les légumes, pareil. Et comme ça pour tout. En détail. Et tu fais ça sans tricher. D'ailleurs, tu mets tes collègues et ta famille au courant. Comme ça, si tu oublies de noter, on te le rappellera.
— Pour que je culpabilise ?
— Pas du tout. Si tu suis bien ton régime, tu n'as aucune raison de culpabiliser. Et même si tu manges plus que ce que ton régime t'autorise, ce n'est rien. Note-le. C'est tout.
— Et ça va servir à quoi ?
— À te rendre compte toi-même de ce que tu manges et bois, et de quand tu le manges et le bois. Et si tu fais un peu de sport, ou une activité physique comme monter les escaliers ou aller marcher une demi-heure ou une heure, tu le notes aussi.
— Ben oui, mais alors ?
— Je vais t'expliquer autrement. Supposons que tu aies des soucis financiers.
— Là, ça va. On roule pas sur l'or, mais ça va.
— Supposons que tu te demandes ou passe ton fric... Tu notes toutes tes dépenses. Tout. Du moindre chewing-gum à la boîte de cure-dents, de la tranche de pâté à la note de téléphone ; le loyer, l'argent de poche... tout, tout, tout. En notant toutes tes dépenses en détail, y compris le poids des côtelettes, la contenance de la boîte de fayots et le moindre centime que tu dépenses, non seulement tu sauras où va ton fric, mais en plus tu feras des économies.
— P'têt ben, oui.
— Eh bien ! Avec la nourriture, c'est la même chose.
— Tu crois ?
— Certain. Un régime, ce n'est pas une fin en soi. Il n'y a pas cinq ou dix kilos à perdre et puis basta ! Il y a des habitudes alimentaires à prendre. De bonnes habitudes. Par exemple, quand tu ne manges presque rien pour ta journée de boulot et que tu fais ton repas principal le soir avant d'aller roupiller, ce n'est pas bon.
— T'en as de bonnes, toi ! Quand on bosse et qu'en plus on a des enfants, on prend le repas complet le soir, non ? Qui ne fait pas ça ? Toi ?
— Je fais ça aussi. Le repas complet le soir. Mais c'est pas le soir que je mange le plus. C'est le matin.
— Ah, oui ?
— Les deux tiers de ce que j'avale sur une journée, en valeur énergétique, c'est avant treize heures. Et le soir, après dix-neuf heures... plus rien. Un peu d'eau, oui. Et parfois, l'hiver, une tasse de lait tiède avant d'aller dormir. Mais c'est tout.
— Et tu crois que c'est grâce à ça que tu es mince ?
— Non. Sans doute pas uniquement grâce à ça. Mais je suis certain que ça y contribue. Comme les escaliers que j'emprunte plusieurs fois par jour. Ce sont, comme je te le disais, tous ces petits ruisseaux qui font la grande rivière...
— Ouais. Et je suis obligé de te croire ?
— Non. Crois ce que tu vois. Et dis-toi que j'ai de la chance, que j'ai la peau trop étroite et ce genre de choses. C'est sans doute vrai. Mais ce n'est pas entièrement vrai. Quand tu auras tout noté pendant un mois, tu comprendras mieux ce que je viens de t'expliquer.

lundi 17 février 2014

Toyota rappelle deux millions de voitures

Vous avez certainement lu ou entendu cette récente annonce et peut-être remarqué qu'elle était généralement assortie de termes comme « nouvelle tuile » ou « nouveau coup dur pour le constructeur nippon ». Et c'est vrai que rappeler des véhicules au garage en vue de remédier à une possible défaillance, ça peut a priori être classé parmi les points négatifs en terme d'image de marque.

Souvenez-vous, c'était en 2009 : quelques accidents s'étaient produits impliquant des véhicules de la marque et entraînant la mort de plusieurs personnes. Apparemment, certains modèles avaient une fâcheuse tendance à accélérer tout seuls, et Toyota avait dû rappeler quelque huit millions de voitures. Monsieur Toyoda, grand patron de l'entreprise, avait même présenté publiquement ses plus humbles excuses et fait procéder à un dédommagement financier des familles des victimes des accidents.

Les faits s'étaient produits aux États-Unis d'Amérique, cette grande nation très portée vers les procès en tous genres en raison du mode de fonctionnement de son système judiciaire qui permet aux avocats de calculer leurs honoraires en pourcentage des sommes qu'ils se font forts de faire obtenir par leurs clients ; et ce à une époque où leurs constructeurs nationaux n'en menaient pas large et venaient de se faire chiper la place de leaders mondiaux par... Toyota, justement.

Coup dur, donc, pour le numéro un de l'époque, qui avait vu sa cote de popularité chuter assez fortement... mais très provisoirement, en réalité. Oui, très provisoirement.

Car depuis, les affaires ont repris, plus florissantes que jamais, l'entreprise annonçant pour l'exercice 2013 qui se clôturera très bientôt des bénéfices en hausse de plus de cinquante pour cent. Alors, difficile d'encore parler de coup dur, d'autant plus que le constructeur, bien qu'ayant dédommagé les familles des victimes, a été « blanchi » par les résultats des enquêtes et expertises menées à la suite de ces accidents, tous dus à des erreurs de conduite plutôt qu'à des défaillances mécaniques.

Et voici qu'en ce début d'année 2014, Toyota doit à nouveau rappeler plusieurs millions de ses véhicules. Nouvelle tuile, vraiment ?

Avant d'espérer voir Monsieur Toyoda se faire seppuku pour tenter d'échapper à la honte et au déshonneur qui le menacent, faisons le point de la situation, afin d'estimer si elle est aussi grave qu'il y paraît de prime abord.

Le rappel concerne le modèle « hybride » (essence-électricité) Prius, un engin hi-tech devenu le symbole de la réussite commerciale de ce type de motorisation et un des meilleurs porte-drapeau de la marque dans les domaines écologique et économique.

Dans son communiqué, Toyota précise que « dans le pire des cas, la voiture peut s'arrêter pendant la conduite ». En cause, un possible problème de gestion du système hybride. Rien de bien grave ni de dangereux, juste un « bug » à corriger au moyen d'une mise à jour du logiciel embarqué. D'ailleurs, aucun accident n'a été à ce jour imputé à l'hypothétique défaillance.

Alors, vraiment utile, ce rappel ? Et est-il nécessaire d'en faire tout un fromage ?

Il faut que je vous explique que ce genre de rappel, pour coûteux qu'il soit à organiser, est devenu monnaie courante chez les constructeurs automobiles. Avant, on essayait d'étouffer l'affaire, de rester discret, mais aujourd'hui, ce n'est plus possible : les télécommunications ne permettent plus à ce genre d'incident de rester secret. Alors, plutôt que de se perdre en tentatives d'explications a posteriori, autant prendre les devants et annoncer publiquement le rappel des véhicules, tout en précisant bien que c'est pour le bien des propriétaires et que ça ne leur coûtera rien. Juste une petite visite de moins d'une heure chez le concessionnaire, le temps de déposer la voiture, de faire le tour du show-room, de discuter des nouveaux modèles avec le vendeur – très sympathique au demeurant, et de se dire que la marque, « c'est du sérieux ». Tant que c'est gratuit, il n'y a pas de problème.

Mais pour le constructeur, quel avantage y a-t-il à organiser cette coûteuse opération ?

Prenons l'exemple de Toyota avec sa Prius. Outre le fait de remédier à cette peu probable défaillance avant même qu'un véritable incident se produise (rappelons qu'aucun n'a encore été rapporté), le réseau va voir revenir au garage des milliers de voitures dans un laps de temps relativement réduit. Une bonne occasion de brancher l'ordinateur sur la prise adéquate pour mettre à jour le logiciel embarqué... mais aussi pour recueillir un paquet d'informations de première main qu'il serait difficile – et coûteux – de rassembler en envoyant, par exemple, un questionnaire à compléter par chaque propriétaire, avec des résultats sans doute peu significatifs. Qui donc prendrait la peine de répondre ?

Le rappel, par contre, sera suivi d'effets, on peut en être convaincus. Pourquoi les propriétaires feraient-ils la sourde oreille ? Parce que ce n'est ni grave ni dangereux ? Parce qu'ils s'en fichent ? Parce qu'ils n'ont pas envie de se déranger ?

Ils iront parce que le constructeur leur affirme qu'il est possible qu'ils restent en rade sur le bord de la route, chose qui se produit toujours au mauvais moment. C'est toujours un mauvais moment, quand on tombe en panne. Et l'intervention est gratuite et prend peu de temps.

Tous les grands constructeurs l'ont bien compris, et Toyota en tête : au décompte final, un rappel comme celui-là de temps en temps ne nuit pas à l'image de marque. Au contraire : c'est un gage de sérieux. Et l'assurance d'en tirer bénéfice.

La prochaine fois que vous lirez un titre où l'on parle de « coup dur » parce qu'un constructeur rappelle des véhicules, prenez l'info avec les réserves d'usage. Tant qu'il n'y a pas mort d'Homme, c'est vraisemblablement une manœuvre commerciale mûrement réfléchie.


lundi 10 février 2014

Délires pré-électoraux

Cette année, en mai, nous retournons aux urnes. C'est comme ça tous les cinq ans, pour les législatives, et l'on espère cette fois qu'il ne faudra pas des mois de palabres d'après-scrutin, comme pendant plus de cinq cents jours en 2010-2011, pour qu'un gouvernement de plein exercice soit constitué.

En attendant, nos génies politiques affûtent leurs incisives et, pour se rendre intéressants et faire causer d'eux dans les médias, rivalisent d'idées plus farfelues les unes que les autres. L'important, c'est d'attirer le chaland, même à coups de propositions surréalistes ou carrément débiles.

Bien sûr, c'est la crise, et une bonne manière de faire des économies tout en relançant la croissance serait, si l'on en croit certains, de lutter contre le chômage et, accessoirement, contre les chômeurs, ces paresseux qui profitent honteusement du système et pillent les caisses de l'État.
En privant du droit aux allocations de chômage quelques milliers de sans-emploi de longue durée, on va inciter ceux-ci à enfin se mettre au travail pour gagner leurs sous. Ainsi, au lieu d'être à la charge de la collectivité, ils se prendront en mains, gagneront de l'argent et relanceront la consommation. Si, si. C'est vrai. C'est eux – certains politiciens à la solde du patronat – qui l'affirment. Et ils savent de quoi ils parlent, parce que du côté de la droite ultralibérale, les affaires d'argent et la manière d'en gagner, on connaît.

Dans un tout récent débat télévisé, certains ont même courageusement dit tout haut ce que les gens pensent tout bas : il n'y a qu'en Belgique qu'on se montre aussi généreux avec les chômeurs âgés ou « de longue durée », les jeunes à la recherche d'un premier emploi, les vieux travailleurs qui aimeraient bien prendre une retraite anticipée et tous ces gens dont on n'a pas parlé au cours du débat comme les réfugiés, les sans-papiers, les demandeurs d'asile... Ceux-là, on n'en a pas parlé parce que ce n'était pas le sujet, mais ça revient au même. Ce sont des parasites. Ce n'est pas moi qui le dis, mais des tas de gens autour de moi et des politiciens qui aimeraient bien que ces tas de gens votent pour eux et qui, n'osant pas parler de « profiteurs », de « paresseux » et autres noms peu flatteurs, préfèrent dire tout simplement « qu'il n'y a qu'en Belgique qu'on fait ça ».

On présente comme une tare, une maladie honteuse, le fait de refuser de laisser totalement de côté les plus démunis. La Belgique est sociale et ça ne se fait pas. Voyez nos partenaires européens : chez eux, pas de chômeurs de longue durée, alors que chez nous, il y a des chômeurs « à vie ». C'est quand même un signe que ça ne va pas, en Belgique.

Non, ça ne va pas. À cause de tous ces gens qui pompent le fric des honnêtes travailleurs, le Belge moyen vit mal. La Belgique est à la traîne du peloton européen. La crise, chez nous, est terrible. Les agences de notation n'arrêtent pas de dégrader notre note. La dette publique s'accroît sans cesse. Les banques ne nous font plus crédit alors qu'on leur a fait crédit quand elles étaient dans le caca. Tout le monde s'en va à l'étranger où tout fonctionne mieux...

Bon, tout ça, c'est du second degré. En réalité, la Belgique ne va pas si mal. Elle serait même parmi les bons élèves de l'Europe ; et quand on sait qu'elle y parvient en préservant encore – contrairement à ce qui se passe dans beaucoup d'autres pays – la plus grande part des acquis sociaux, c'est une performance. Et un cinglant démenti à la droite ultralibérale qui voudrait nous démolir la sécu, rendre les pauvres plus pauvres et les riches plus riches.

Parce que le pauvre, c'est l'ennemi. Pas la pauvreté. Ne confondons pas. Il ne faut pas lutter contre la pauvreté, mais contre les pauvres. Je vous invite d'ailleurs à lire cet excellent article sur le sujet.

Mais je m'en voudrais de consacrer toute cette bafouille à un seul des délires de nos politiciens, alors que d'autres sont tellement intéressants. Comme l'idée d'un des leaders libéraux d'entreprendre de grands travaux dans et autour de Bruxelles. C'est vrai : notre capitale est engorgée par des millions de navetteurs, parmi lesquels d'innombrables automobilistes créant quotidiennement des kilomètres de bouchons routiers et autoroutiers.

Alors, pour remédier à ça, une bonne solution : rajouter des routes. Un périphérique pharaonique souterrain, qui permettrait aux voitures de circuler plus rapidement et de dégager de la place en surface... pour accueillir encore plus de voitures. Avez-vous déjà entendu une idée aussi débile en matière de lutte contre la pollution, les problèmes de mobilité, le stress, le coût des infrastructures ?

Pour lutter contre tout ça, il faut moins de bagnoles. Et plus de transports en commun rapides, confortables, prioritaires et ponctuels.

En Belgique, nous sommes environ onze millions d'habitants, parmi lesquels près de deux millions de retraités qui, en principe, ne roulent plus beaucoup en voiture et certainement pas pour entrer à Bruxelles aux heures de pointe. Nous comptons aussi environ deux millions de jeunes n'ayant pas encore atteint l'âge leur permettant de tenir un volant ailleurs que sur les kermesses, et un million de jeunes de plus de dix-huit ans étant encore aux études et n'ayant pas, en principe, les moyens financiers d'être automobilistes.

Malgré tout cela, il circule en Belgique – en ne comptant que les véhicules immatriculés chez nous – environ cinq millions et demi de voitures particulières. Une voiture par ménage, approximativement, le terme « ménage » désignant aussi bien des familles que des isolés.

J'ai l'impression qu'il y a bien assez de bagnoles en circulation sans leur créer à grands frais des voies de circulation supplémentaires. Qu'on commence par entretenir et réparer celles qui existent !

Mais les délires ne s'arrêtent pas là, puisque dans une cacophonie dont nos élus ou aspirants élus semblent détenir le secret, des intentions d'installer un péage aux entrées de la capitale pour dissuader les navetteurs de s'y rendre en voiture, des projets d'immenses parkings de dissuasion, des idées de taxation au kilomètre parcouru... fleurissent tous azimuts.

Si nous nous chauffions avec les idées farfelues, les débats stériles, les phrases assassines, les allusions mesquines, les rancunes tenaces, les arrangements d'arrière-cuisine, les préaccords électoraux et les retournements de veste de nos politiciens ; et si nous faisions tourner des éoliennes avec tout le vent qu'ils produisent, nous n'aurions pas beaucoup de problèmes d'énergie.

mardi 4 février 2014

La qualité allemande

Je ne sais pas si c'est le cas chez vous, mais par chez moi, ça fait des années qu'on me bassine avec « la qualité allemande ». C'est peut-être parce qu'on n'oublie pas (c'est notre devoir) qu'on en a pris plein la g... en quarante, mais c'est devenu une habitude d'évoquer ça, même dans les publicités. Comme si le fait de coller au dos de l'appareil un label « made in Germany » assurait d'office une fiabilité sans faille et une longévité digne de Mathusalem !

C'est à un point tel que les marques allemandes profitent de cette renommée alors que nombre de leurs produits sont fabriqués ailleurs en Europe, voire en Asie. Et quand on le fait remarquer, l'objection courante qui nous est opposée est : « oui, mais c'est conçu en Allemagne et fabriqué à l'étranger selon les normes de qualité allemande(s) ». Je mets la parenthèse autour du « s », parce qu'on ne sait plus très bien si ce sont les normes ou la qualité qui ont encore quelque chose de germain. Mais que voulez-vous ? Les idées reçues ont la vie dure.

C'est fou ce qu'on nous a bombardé de publicités pour des bagnoles, en ce début d'année. Normal. Ce fut le Salon de l'auto, à Bruxelles, et tous les fabricants ont du stock. Sauf les Allemands, naturellement. Du moins ceux dont « l'image de marque » est synonyme de prestige, de prix élevé et, on l'espère, de qualité. Là, il faut attendre pour être servi.

Pendant ce temps-là, les Français font de la retape pour leurs « super remises » assorties de « super reprises ». Ils vendent au rabais, quitte à se rattraper ensuite sur le prix des entretiens. Parce que c'est bien connu : les voitures françaises tombent davantage en panne que les allemandes et ont donc besoin de davantage de pièces de rechange et de main-d’œuvre de mécaniciens.

Ça fait pourtant des années que des enquêtes sont publiées dans plusieurs pays d'Europe et aussi aux États-Unis, qui attestent que non, les voitures des marques allemandes ne sont pas les plus fiables ; et que, non, elles ne sont pas les moins coûteuses à entretenir. Leur avantage en image est cependant tellement fort qu'elles gardent une cote supérieure sur le marché de l'occasion. La fameuse « valeur de revente », qui fait clamer à certains que « c'est la première MerAudPorshMW qui coûte cher. Les autres, elles coûtent beaucoup moins, compte tenu du prix de reprise de la précédente ».

Il y a toujours des gens qui calculent comme ça. Des gens qui vous disent, lorsque vous leur demandez pourquoi ils ont acheté une nouvelle bagnole alors que l'autre n'avait que trois ans, que « la nouvelle leur coûte moins cher ».

Crétins ! Elle ne coûte pas moins cher. Elle coûte le même prix. Parce qu'ils oublient que la tire qu'ils revendent, ils l'ont payée. Que vous payiez en liquide ou en bagnole, c'est toujours votre pognon. Sauf si vous êtes un voleur, mais ce serait s'éloigner du sujet.

En réalité, sauf grosses réparations imprévues, ce qui coûte le moins cher est de garder sa voiture longtemps, tant qu'elle fonctionne bien. Faites les calculs comme vous voulez, le résultat sera toujours celui-là, excepté pour les gens qui roulent vraiment beaucoup et qui, dans ce cas, font généralement de leur véhicule un usage professionnel. Pour eux, les comptes s'établissent différemment. Mais pour l'usage privé, votre bagnole vous coûtera ce que vous aurez dépensé pour elle : prix d'achat, intérêts d'emprunt éventuel, taxes, assurances, entretiens, carburant, nettoyage, réparations... desquels vous ôterez le prix que vous en obtiendrez lors de la revente. Sauf gros frais imprévus, une voiture pendant huit ans revient moins cher que deux pendant quatre ans chacune.


Et, tant que je vous cause de bagnoles, je suis en train de me dire que j'ai rudement bien fait de ne pas suivre le mouvement avec les « pneus hiver ». En novembre, les marchands de gomme se frottaient les mains. Ils refusaient du monde. Certains ne voulaient même pas me réparer une simple crevaison, tant ils étaient débordés de travail. Eh ! Des tas de gens voulaient faire monter des « pneus hiver » sur leur tire, parce qu'on les bassine depuis des années, boutiquiers et politiciens à la solde de ces boutiquiers en tête, de la nécessité de le faire. Pour la sécurité et pour la fluidité du trafic. Il paraît, tests à l'appui, que les gommes hivernales sont plus efficaces dès que la température descend sous les sept degrés Celsius. Et qu'elles sont évidemment plus efficaces sur routes enneigées, ce pour quoi il faudrait les rendre obligatoires, comme ça on n'aurait plus cette pagaille sur nos routes dès qu'il tombe quelques flocons, etc.

Foutaises ! Ces pneus ont beau être plus efficaces en conditions hivernales, faire croire aux gens que les rendre obligatoires résoudra les problèmes de circulation sur nos routes quand elles seront enneigées est de l'hypocrisie ou de la connerie. Le chaos sera inévitablement de la partie parce que notre réseau routier est dense, saturé aux heures de pointe et à moitié impraticable lorsque l'hiver fait sentir ses effets.

Ce n'était pas obligatoire, donc j'ai laissé mes pneus « été ». Moins efficaces quand il gèle mais pas dangereux pour autant, et franchement meilleurs quand il pleut. Et là, depuis quelques mois, je vous assure que de la pluie, on en a. Comme souvent.

Vous savez quoi ? En Belgique, les pneus « pluie », ça devrait être obligatoire.