vendredi 27 juin 2014

Les Belges jouent mal !

Dans l'euphorie de la qualification de nos diables rouges pour les huitièmes de finale de la Coupe du Monde de football, je m'étais imaginé que nos représentants étaient d'authentiques chevaliers-servants de la cause footballistique à la gloire du petit Royaume de Belgique, mais je m'étais lourdement trompé. Enfin, c'est ce qu'on m'a expliqué.

Une fois n'est pas coutume, tout heureux de ce que je tenais pour un véritable exploit, je suis allé fêter la victoire en buvant une bonne pinte de bière au café des sports. Ce n'est pas la première fois que je m'intéresse à ce genre d'endroit où d'éminents spécialistes, autrement plus au fait que moi des subtilités des compétitions sportives, qu'elles soient cyclistes ou footballistiques, expriment avec foi leurs idées bien arrêtées, leurs certitudes et leurs pronostics avisés.

Alors que je levais mon verre à la santé de notre équipe nationale, un de ces spécialistes, la moustache encore ornée de mousse, m'expliqua à quel point je me fourvoyais : « Les Belges jouent mal », énonça-t-il.

Je l'ai regardé, un peu étonné, et il a répété sa sentence :

Les Belges ont mal joué.
Contre la Corée ? ai-je prudemment demandé.
S'il n'y avait que contre ceux-là ! s'emporta mon interlocuteur. Contre les autres aussi. Trois mauvais matchs, voilà tout. Et il y en a qui les voient déjà gagner la Coupe du Monde ! Non, mais ! J'vous d'mande un peu : la Coupe du Monde !
J'ai pas dit ça... hasardai-je.
Manquerait plus que ça ! T'as regardé les trois matchs ?

Et, comme je hochais la tête, il enchaîna :

Dieu ! Que c'était mauvais !
Oui, mais... ils ont gagné.
Pfff ! Contre quelle opposition ? Pas contre les Allemands, les Argentins ou les Hollandais, non. Rien que contre des Algériens, des Russes et des Coréens ! Et encore : péniblement.

Il pencha vers moi son haleine de bière :

Tu vas voir, en huitième, contre les Amerloques : ce sera une autre paire de manches ! À la maison, Wilmots et sa bande de morveux surpayés !
Ouais, p'têt...
C'est couru d'avance.
Ils sont quand même invaincus en match officiel. Huit victoires et deux nuls en qualifications, et trois victoires au premier tour en phase finale.
Peuh ! Et contre qui ? Hein ? Contre qui ?
Ben, la Croatie, la Serbie, l'Écosse...
Blah ! méprisa l'autre. Des équipes vieillissantes, bancales, qui n'ont jamais rien gagné d'important. Pas de quoi être fiers !

Je fis appel à mes souvenirs d'anciens passages au café des sports.

Ah, oui, c'est vrai ! concédai-je. J'avais oublié qu'on n'avait eu affaire qu'à des équipes de seconde zone. Et il me semble que beaucoup avaient prédit que nous ne passerions même pas le premier tour en phase finale.
Z'ont eu du bol. Et puis, un bon gardien de but. Parce que sans ça...
Oui, c'est vrai. On devrait empêcher les Belges de jouer avec un gardien de but.
Tais-toi ! gronda l'autre. T'y connais rien.
Ça, c'est encore plus vrai, admis-je, mais c'est quand même pas pour ça que je vais me taire.
Si t'as envie de dire des conneries, vas-y. On rigolera un peu.

Je bus une gorgée de bière.

Est-ce que José Mourinho, qui s'y connaît en football, n'avait pas dit que la Russie battrait la Belgique et se qualifierait ?
Mourinho, c'est qu'un péteux. Et son patron est Russe.

Je m'abstins d'approuver publiquement et lançai une autre question :

Certains prédisaient qu'on serait ridicules au Brésil. Avec trois victoires en trois matchs, sommes-nous vraiment ridicules ?
Ridicules ? Minables, oui ! Aucun fond de jeu, aucun rythme, des tirs au but qu'on compte avec les doigts d'une seule main et un public qui s'emmerde ferme, c'est ça que j'ai vu, moi. Suffit pas de jouer un peu valablement pendant le dernier quart d'heure pour sauver les meubles !
T'as raison. On devrait jouer des matchs de 75 minutes, ce serait suffisant. Mais, dis-moi : et si on avait gagné avec quatre ou cinq buts d'écart, on en serait où ?
Où ? Où ? s'emporta mon interlocuteur.
En huitièmes de finale contre les États-Unis. Je ne vois pas de différence.
On aurait au moins pu être fiers !
Bah ! La fierté, c'est vite ravalé. Il suffit d'un revers.
Eh ben ! crois-moi, il ne va pas tarder à venir, le revers ! Une équipe aussi peu imaginative, aussi peu créative, aussi lente dans le jeu ne peut pas aller loin.

Je vidai mon verre.

Nous verrons. Les principes du football sont simples : il n'y a que les buts qui comptent ; pour gagner, il faut en marquer au moins un de plus que l'adversaire ; une rencontre dure 90 minutes auxquelles on ajoute quelques arrêts de jeu ; etc.
Ouais, ouais, ouais, je connais la chanson, grogna l'autre. N'empêche que les Belges jouent mal.

Décidément, il n'en démordait pas.

C'est juste, admis-je en souriant. Et finalement, je me demande si ce ne serait pas une bonne idée de leur part de continuer à jouer si mal...

mercredi 25 juin 2014

La crise politique belge pour les cancres (6)

Alors que l'actualité fourmille de nouvelles diverses en provenance de nos comparses de l'UE, je vais à nouveau vous entretenir de la crise politique belge.

« Quelle crise ? » s'étonneront certains, à juste titre puisqu'on n'en est pas encore là, mais qui sait ? Peut-être en prenons-nous le chemin...

Souvenons-nous qu'à l'issue des élections législatives de 2010, la Belgique était restée quelque cinq cent quarante jours sans gouvernement de plein exercice, phénomène dont je vous ai abondamment entretenu à l'époque. Bien sûr, nous ne manquions pas de gouvernements, puisque les quatre régions avaient le leur, pleinement fonctionnel, et que leur homologue fédéral était toujours présent, mais « en affaires courantes », selon la formule officielle.

C'est encore le cas maintenant, bien que nous n'en soyons pas encore à cinq cents jours mais à un bon mois, mais contrairement à la situation de 2010-2011, les gouvernements régionaux sont encore à constituer, les élections régionales ayant coïncidé avec le scrutin fédéral. Seule la région germanophone a déjà conclu son alliance de majorité. Pour les autres, les pourparlers sont en cours...

Sommes-nous repartis vers une nouvelle tentative d'explosion de records ? Il est encore tôt pour le dire, mais permettez-moi de vous expliquer – en simplifiant si possible (mais est-ce possible ?) – pourquoi nous risquons de finir bientôt dans le caca. Pas nous directement, mais nos élus probablement. Et le bon peuple ensuite par ricochet.

Pour faire simple, donc, et alors que l'Italie tout entière pleure encore l'élimination du Mondial de foot de sa bien aimée squadra, je me permettrai de rappeler avant toute chose qu'en Belgique, outre l'obligation d'aller aux urnes, le citoyen jouit des joies des scrutins « à la proportionnelle ». Est-ce un bien, est-ce un mal ? Les avis sont partagés. Disons que ce mode de désignation de nos dirigeants représente mieux les différentes tendances et opinions présentes au sein de la population que le système « majoritaire » comme pratiqué en France, mais que les gouvernements qui en sortent sont, du fait de coalitions parfois fragiles, beaucoup moins stables qu'on le souhaiterait quand on en fait partie ou quand on les soutient.

La Belgique ne pratiquant pas le référendum, c'est lors des élections que le citoyen en âge de voter peut exprimer ses choix. C'est bon à savoir pour comprendre comment fonctionnent les choses, à une époque où les Suisses, par exemple, ont recours à de fréquentes consultations populaires, et où les Anglais envisagent d'y recourir. Concernant ces derniers, on sait par exemple qu'ils envisagent de quitter l'Europe qu'ils n'ont jamais vraiment intégrée, mais qu'en attendant ce jour, ils ont déjà quitté le Mondial, même s'ils ne le voulaient pas vraiment.

En Belgique, pour gouverner, il faut recourir à des coalitions – alliance au Parlement des élus issus de plusieurs partis – puisqu'aucune formation politique n'obtient à elle seule la majorité des sièges à la Chambre des représentants, ce qui garantit souvent foire d'empoigne, coups de couteau dans le dos, crocs-en-jambe et noms d'oiseaux.

Pour corser le jeu, les familles politiques se sont depuis longtemps désunies, les partis étant désormais francophones ou néerlandophones, avec des présidences, des sièges, des représentants et des idées franchement dissemblables.

En tête aux dernières élections, la NVA, parti séparatiste flamingant ayant pour chapitre premier de ses statuts la création d'un État flamand indépendant, avec trente pour cent des voix au nord du pays, ce qui équivaut à une vingtaine de pour cent du total.

Ce parti de droite plutôt cul et chemise avec le patronat flamand (et qui souhaiterait mettre à mal la sécurité sociale, les chômeurs, les immigrés, les demandeurs d'asile, les malades et la Wallonie) n'ayant pas d'équivalent francophone, les seules convergences qu'il peut trouver au sud du pays le sont au plan socio-économique auprès des libéraux. À condition de mettre de côté toute revendication communautaire.

NVA + MR (libéraux francophones) n'ayant pas de majorité à eux deux, un troisième comparse tout trouvé est le CD&V (sociaux-chrétiens flamands), parti de centre droit qui se verrait bien gouverner avec Bart de Wever (chef de file NVA), surtout que celui-ci n'est pas intéressé par le poste de premier ministre mais que Kris Peters (CD&V), par contre, se voit très bien dans ce costume.

Reste à convaincre un quatrième partenaire pour atteindre la majorité. Un partenaire francophone de préférence, parce que la tripartite NVA-CD&V-MR ne compterait dans ses rangs côté francophone que le seul MR, largement minoritaire à lui tout seul au sud du pays.

Seul parti francophone envisageable actuellement pour faire l'appoint : le CDH. Les chrétiens-humanistes sont le pendant francophone du CD&V et, bien que plutôt de centre gauche que de centre droit, un partenaire assez naturellement envisageable par Bart De Wever et Kris Peters.

Côté MR, on est partant. Les libéraux francophones sont prêts à tout, semble-t-il, pour gouverner – enfin ! – sans les socialistes. C'est leur vieux fantasme : repousser le PS dans l'opposition.

Vous suivez ? Bravo !

Parce que c'est maintenant qu'il y a un os. Côté CDH, on n'est pas chaud. Pas chaud du tout pour s'embarquer dans un gouvernement où on sera le « petit Poucet » d'une coalition franchement à droite alors qu'on est plutôt au centre gauche et que depuis des mois on se fait brocarder, insulter et accuser de tous les maux par le puissant voisin libéral. C'est dire si la confiance règne. Et sans confiance...

Sans le CDH, Bart De Wever se tournerait bien vers l'OpenVLD, parti libéral flamand et partenaire de choix pour les francophones du MR. La majorité serait suffisante... pour autant que les libéraux francophones soient tentés d'y aller seuls, tout minoritaires qu'ils sont, on le rappelle, pour représenter le sud du pays. Quelques maroquins et l'assurance d'être débarrassés des socialistes devraient faire l'affaire.

Mais là aussi, il y a un os. Et même deux.
Le premier est que, dans ce cas, la famille libérale serait la plus importante en sièges dans la coalition, et se trouverait ainsi bien placée pour revendiquer le poste suprême tant convoité par Kris Peters. Le second, encore plus embarrassant, est que l'OpenVLD a mis comme première condition à sa participation au gouvernement fédéral sa participation au gouvernement flamand. Et pour l'instant, il n'en est pas question, CD&V et NVA paraissant décidés à diriger main dans la main le nord du pays.

Bouh ! Vous suivez toujours ?

Non ?

Vous avez raison. C'est beaucoup moins compliqué de suivre le Mondial de football avec ses groupes, ses qualifiés, ses éliminés, ses différences de buts, ses égarements d'arbitrage et son joueur-vedette anthropophage.

jeudi 12 juin 2014

B & P Paris bat Fortiche !

Je vous ai déjà parlé de mon banquier ?
Oui, assurément ! Là-bas, par exemple.
Je n'ai pas cité son nom, je n'ai pas mentionné l'institution concernée. Rien de tout ça. Je ne l'oserais pas, parce que comme je n'ai jamais eu l'intention de n'en dire que du bien, je me méfie.
« L'œil de Moscou », comme on dit, même si ce n'est pas une banque russe.

Mais je me méfie, oui. On ne sait jamais. Les banques sont très branchées informatique, elles qui veulent toujours nous inciter à passer au « PC banking », ce truc qui devrait nous permettre de gérer toutes nos opérations bancaires à distance, en toute sécurité, et accessoirement de contribuer à la fermeture des agences et au retour sur le marché de l'emploi de guichetiers qui n'en demandaient pas tant !

Les banques, et la mienne en particulier – enfin, celle qui profite de mon pognon puisqu’en sus du déplaisir de devoir presque tout faire moi-même, je lui verse (entendez : elle me ponctionne) des « frais d'équipement mensuels » et autres joyeusetés qu'on n'imagine nulle part ailleurs et qui consistent à payer pour fournir un travail –, les banques, donc, non contentes d'avoir déclenché la splendide crise économique de 2008, n'hésitent pas à récidiver quand il s'agit de placements douteux. On va encore réclamer du fric à la collectivité pour réparer les dégâts, parce qu'on nous répète – libéraux en tête – que la faillite d'une banque serait une catastrophe majeure pour l'État, alors que lui lancer des bouées de sauvetage n'est une catastrophe que pour les petits épargnants. Ça fait quand même une différence !

Ma banque, dont je tairai le nom – j'ai déjà assez d'ennuis comme ça – et qui ferme les agences et accentue d'année en année la médiocrité de ses services, a encore trouvé un moyen supplémentaire de briller au firmament des entreprises les plus méprisantes de leur clientèle.

L'agence que je fréquente (faute de mieux) m'avait déjà habitué – elle qui, comme toutes les autres, nous aménage des « espaces self » où des machines jamais en grève ni en repos mais fréquemment en panne ont remplacé les guichetiers – à ignorer pendant quelques jours des choses aussi élémentaires que les changements d'heure. Voilà qu'elle fait pire. Si, si.

Rappelons avant de poursuivre que le passage à l'heure d'été et son contraire, le passage à l'heure d'hiver, ont lieu chacun une fois l'an, au cours d'un week-end bien défini, en mars et en octobre. L'espace « self », qui permet à la clientèle d'avoir accès aux machines qui lui permettent de faire lui-même ce que plus aucun employé ne fait (ou alors, sur rendez-vous et pas pour tout, avec frais supplémentaires à la clé), n'est pas accessible 24 heures sur 24, mais de 6 heures à 23 heures, ce qui est quand même appréciable.
Pour autant que l'horloge qui commande la gâche électrique de la porte d'entrée soit correctement réglée.

Il m'est arrivé plusieurs fois, lors de ces passages à l'heure d'été, de devoir téléphoner à l'agence quelques jours plus tard pour leur rappeler qu'il convenait d'avancer d'une heure l'horloge qui commande la serrure de la porte d'entrée.

Récemment, un lundi matin, je tente d'ouvrir la porte pour accéder à l'espace « self », mais elle était verrouillée. Il était pourtant sept heures quinze et on n'avait pas changé les heures. Au travers des vitres je voyais les lumières des écrans des terminaux... Un problème ? Je n'en savais rien.

Le lendemain, même endroit, même heure... même problème. Porte close en dépit de l'autocollant indiquant que le service est accessible tous les jours de six à vingt-trois heures. Je cherche une affichette... Rien !

Le mercredi, rebelote. Toujours fermé. Toujours pas d'avis sur la porte indiquant un changement des heures d'accès ; et toujours les machines allumées visibles au travers des vitres.

Dans la matinée, je consulte Internet afin de trouver le numéro de téléphone de l'agence. Pas de numéro. L'agence est dans le répertoire, certes, mais le numéro d'appel n'est pas renseigné. N'auraient-ils pas de téléphone ? Ou alors, serait-ce pour avoir la paix ?

Je dégote un numéro central, à Bruxelles. Après avoir poussé quelques touches en réponse aux instructions du répondeur automatique (bilingue français – néerlandais), je finis par m'entretenir avec « un de nos collaborateurs » qui avait terminé d'être en ligne (après petite musique d'ambiance et message en boucle me priant de patienter), et je lui expose le problème.

Ce collaborateur, qui était en réalité une collaboratrice – fort aimable au demeurant –, semblait trouver normal que les responsables de l'agence aient fait supprimer de l'annuaire leur numéro d'appel, mais anormal que la porte d'entrée de l'espace « self » soit verrouillée pendant les heures où elle ne devait pas l'être.

Après quelques minutes d'attente pendant lesquelles la « collaboratrice » se renseignait, il me fut indiqué qu'un problème technique était survenu avec la serrure de la porte d'entrée, et que la réparation aurait lieu, normalement, dans le courant de la semaine.

Rassuré sur le fait que je savais encore bien lire l'heure à ma montre et que je n'avais pas été victime d'une hallucination, j'ai remercié l'aimable « collaboratrice », non sans avoir décliné au passage son offre de m'abonner au « PC banking » (les employés veulent-ils vraiment se retrouver au chômage?), et je me suis accordé quelques secondes de méditation avant d'en arriver à la conclusion suivante : non contents de leur médiocrité, les responsables de banque (en tout cas, ceux de mon agence) sont aussi des malpolis. Une affichette sur la porte, avec un texte du genre « en raison d'un problème technique... bla bla bla... nous vous prions de nous excuser... bla bla bla », ça leur coûterait trop cher ?

Et je ne peux même pas changer de banque.
Je tiens de source sûre que les autres sont médiocres, elles aussi.