vendredi 30 mai 2014

Une place pour chaque chose...

... et chaque chose à sa place. C'est un principe sage et bien connu.

Chez moi, c'est un peu comme ça. Et même beaucoup comme ça, si l'on se place du point de vue de Chérie.

Dans ma logique de mâle normalement constitué, je dirais que les chemises se rangent dans la penderie, les chaussettes dans le tiroir à chaussettes, les chaussures dans l'armoire à chaussures, la monnaie dans le porte-monnaie, les bouteilles de rouge dans la cave et les cannettes de bière dans le frigo. J'ajouterais qu'on enferme la tondeuse à gazon dans l'appentis, les poules dans le poulailler et le chat dehors parce que c'est là que ce bon à rien fait le moins de conneries.

Parfois, je commets de coupables exceptions, notamment avec la petite monnaie que je glisse souvent dans la minipoche de mon blue-jean, bien qu'il me soit pénible de l'en retirer parce que j'ai les doigts trop gros ou, plus que probablement, parce que les fabricants sont des radins et que les petits Chinois ont de petites mains. Alors, la monnaie y reste jusqu'à ce que le pantalon file dans le panier à linge sale, à moins qu'elle ne se soit barrée bruyamment entretemps sur le carrelage de la salle de bain ou celui des toilettes de l'entreprise et de leur célèbre PQ. S'asseoir sur le trône, au boulot, dans le but de vivre quelques longues minutes de tranquillité, et voir d'emblée quelques euros rouler par-dessous la porte, ça n'a rien de drôle. Surtout si l'on décide de finir avant d'avoir commencé de peur qu'un visiteur ne s'empare à nos dépens de la monnaie sonnante et trébuchante !

Pour tous ces objets, donc, Chérie et moi entretenons la même logique, en dépit de quelques nuances. Concernant les chaussures, par exemple ; parce que l'armoire à chaussures est trop exigüe pour toutes les contenir et qu'il faut donc opérer des tris saisonniers afin d'évacuer vers les boîtes du grenier celles qui ne serviront plus avant quelques mois. C'est l'occasion pour Chérie d'opérer un inventaire en extrayant de l'armoire en question l'une ou l'autre de mes trois ou quatre paires de pompes en vue de laisser de la place à deux ou trois des siennes. J'ai de grands pieds, elle pas ; et bien que ça n'excuse pas le fait que je m'en trouve réduit à n'avoir à portée d'orteils que trois ou quatre paires de godasses alors qu'elle en dispose de trois fois plus, la réalité est là : ce sont mes affaires qui encombrent le plus, même si globalement elles prennent beaucoup moins de place que les siennes.

À côté de ces rangements somme toute logiques et obéissant plus ou moins à la règle d'une place pour chaque chose, nous possédons un tas d'objets plus ou moins utiles qu'on change parfois de place et qu'on finit même par évacuer ; comme le gaufrier ou la pierrade qui servent deux fois par an, le robot électrique qu'on évite d'utiliser pour râper quelques carottes tant il est pénible à démonter et à nettoyer, la sorbetière qui n'a servi qu'une fois et la yaourtière qui ne servira plus jamais. Une obscure armoire dans une chambre, un coffre dans le grenier ou un enfant qui se met en ménage... et la place est nette !

Entre ces deux extrêmes, nous possédons quantité d'ustensiles qui servent assez souvent mais n'ont pas d'emplacement logique où les ranger sans hésiter. Je citerai, pêle-mêle : les appareils photo, les foutus chargeurs de téléphones portables et autres engins fonctionnant au lithium-ion, la réserve de bougies chauffe-plat, les bocaux fraîchement lavés qu'on garde pour les confitures, le carnet de vaccination du p... de chat, l'appareil à raclette, les factures payées, les factures impayées, les lettres de menaces d'huissiers et le célèbre et cætera.

Chacun de ces trucs-là, on le met un jour là où il y a de la place, un peu au hasard, en se disant que quand on trouvera mieux, on agira. Et finalement, on s'habitue : ça se trouve là et, quand on en a besoin, c'est là qu'on le prend. Et quand il faut ranger, c'est encore là que ça retourne. Jusqu'au jour où...

Jusqu'au jour où, à l'occasion d'un grand nettoyage, de la nécessité de faire place à une nouvelle acquisition volumineuse ou d'une soudaine et imprévisible envie de changement, un ou plusieurs de ces objets en arrivent à migrer vers une planche ou un tiroir qu'on estime plus approprié. Et c'est là que commencent les problèmes, les « outami » et les « ilèou ». La mémoire, en ces circonstances, nous fait autant défaut que la force de l'habitude a ancré dans notre esprit que la réserve de bougies chauffe-plat se trouvait dans le tiroir du bureau, le marqueur et les étiquettes autocollantes pour le congélateur dans le second tiroir de droite de la cuisine, et l'appareil à raclette dans la grande armoire au fond du salon (parce qu'on manquait de place en cuisine).

Quand on est deux à opérer lors du chambardement, on possède davantage de chances de se souvenir de « ce qu'on a fait de » et de « où on a mis les », autant qu'on diminue celles de s'engueuler à grands coups de « kèstaféde » ou « tamioulès ».

Ce serait dommage de se fâcher pour de bêtes ustensiles. On le fait déjà assez lors des courses de la semaine !

C'est d'ailleurs ce que je répète gentiment à Chérie qui, avec l'âge, a tendance à souffrir du même problème que le mien : la mémoire qui flanche. C'est la raison pour laquelle je répugne à changer quelque chose de place. Peu à peu, Chérie adopte ce principe, surtout en mon absence.

Pour maîtriser le changement, nous avons désormais besoin de nos deux têtes.

lundi 19 mai 2014

Pour qui voter, bon sang, pour qui voter ?

L'autre jour, à la télévision belge, nous avons eu droit à une sorte de débat au cours duquel différents invités donnaient leur opinion sur des questions posées via Internet aux électeurs soucieux de savoir vers quel parti tendaient leurs préférences. Ce n'était qu'un test sans grande prétention doublé d'un sondage parmi tant d'autres, mais en répondant anonymement aux différentes questions, le quidam indécis pouvait avoir une petite idée quant aux gens défendant théoriquement le mieux ses souhaits personnels.

Plusieurs « tests » de ce genre étaient proposés sur la Toile et, comme rien n'est jamais tout à fait blanc ni noir, seul un participant particulièrement peu au fait de l'actualité aurait pu s'étonner de ne trouver, en guise de conclusion à ses réponses au questionnaire, qu'une indication de « tendance » plutôt qu'un incisif « vous devriez voter pour... »

J'avais tenté le coup moi-même et avais obtenu cette confirmation : les partis traditionnels sont moins éloignés les uns des autres qu'ils n'en ont l'air de prime abord et, par-dessus tout, leurs différents programmes sont exempts de la moindre originalité, de la moindre idée franchement novatrice.

Alors, le débat...

Invités prévisibles, propos prévisibles et soupirs de lassitude du téléspectateur.

La rédaction de la RTBF avait invité cinq personnes. Laurette Onkelinx pour le PS, parti de l'actuel premier ministre. Ce qu'il y a de bien avec elle, c'est que non seulement on se doute bien de ce qu'elle va dire, mais qu'on est sûr du ton qu'elle va utiliser, genre « mais vous ne vous rendez pas compte, vous autres, que c'est moi qui ai raison ? »

Courageusement, Melchior Wathelet, pour les sociaux-chrétiens, avait fait le déplacement. Empêtré dans ses problèmes de survol des agglomérations entourant l'aérodrome de Zaventem (un plan que tous ses adversaires prennent plaisir à appeler « Plan Wathelet »), le pauvre avait pourtant des chats plus galeux à fouetter, mais il était là. Une bonne occasion pour le téléspectateur de le prendre en pitié, finalement. Être fils à papa (son père s'appelait comme lui – ou plutôt, non : c'est lui qui s'appelle somme son père), ça n'a pas que des bons côtés.

En parlant de « fils à papa », on aurait pu avoir droit à Charles Michel, mais non : pour les libéraux du MR, le plateau accueillait Olivier Chastel. Rien à faire : celui-là, depuis qu'il s'est fait un nom en dénonçant avec tambours et trompettes de cavalerie les dérives du « PS carolorégien corrompu », il aura toujours l'air pour moi d'un délateur ivre de jalousie plutôt que d'un type prêt à construire quelque chose. Un gus qui nous adresse sa bonne morale la main sur le cœur en évitant de se tremper les mains dans le cambouis...

Pas très loin de lui – à table, du moins – siégeait Émily Hoyos. Ce n'est pas que son discours soit spécialement intéressant, puisqu'elle est du parti Écolo (coprésidente, s'il vous plaît), mais au moins elle n'est pas désagréable à regarder. C'est déjà ça !

En bout de table, nous pouvions profiter des interventions très doctorales d'Olivier Maingain (FDF), toujours prêt à intervenir – avec condescendance – pour défendre les intérêts des francophones de Bruxelles. Selon les bons principes de monsieur Maingain, entre deux abrutis qui se disputent pour des queues de cerises, c'est fatalement le francophone qui a raison.

Dommage que nous n'ayons pas eu droit à la présence d'un représentant du PTB (parti qui n'est plus du tout bolchévique, paraît-il), ça nous aurait un peu astiqué la gauche socialiste autrement qu'avec les libéraux faisant sortir Laurette de ses gonds (c'est facile, de faire sortir Laurette de ses gonds).

Ils auraient pu également inviter Mischaël Modrikamen, le président du Parti Populaire, ça nous aurait fait rire un peu au cours de cette soirée vraiment pas drôle du tout ! Ce n'est pas tant qu'il soit comique, Modrikamen, mais c'est surtout qu'il ne le fait pas exprès. Voilà.

Le populisme, ce n'est pas une nouveauté. Tous ceux qui pratiquent cette doctrine en vue de les amener au pouvoir savent très bien ce qu'ils font, en général : balancer des slogans faciles pour profiter de la naïveté des gens. Ils savent bien que c'est du vent, que c'est irréaliste, débile et sans fondement sérieux, mais ils s'en servent pour arriver là où ils le veulent : être élus.

Modrikamen, il a quelque chose de plus. Il y croit. Il ne fait pas semblant. Il croit vraiment à toutes les salades qu'il essaie maladroitement de nous servir. C'est pour ça qu'il est drôle, Modrikamen.

Si c'était pour rigoler, je voterais pour lui. Mais les élections, c'est du sérieux. On ne rit pas avec ça.


mardi 6 mai 2014

À présent que le passé avait de l'avenir

 « Ce qui est triste avec le passé, c'est qu'il est passé », disait John Lennon. Même s'il y est passé lui aussi, je trouve qu'il avait plutôt raison, dans le fond. C'est vrai que le passé, c'est le passé et que, quelle que puisse être l'envie de le refaire, la possibilité n'existe pas (encore). Autant éviter de nourrir des regrets, donc.

Je préfère donc laisser vivre avec leur passé ceux qui n'ont plus d'avenir ou se comportent comme s'ils n'en avaient plus. Peut-être que quand je serai vieux, malade, grabataire et encore plus chiant qu'aujourd'hui, je m'appesantirai sur mon passé avec la plus intense des nostalgies... mais je n'en suis pas là.

Certains font des projets d'avenir. C'est bien, les projets d'avenir. Parfois, des profs, à l'école, nous disaient qu'il fallait avoir un but, dans la vie. Et même plusieurs. Moi, j'aimerais bien vivre vieux, mais ce n'est pas un but. C'est juste une envie, comme ça, parce que je trouve que la vie est bien courte et que le temps passe trop vite, si vite que j'ai parfois l'impression que je n'aurai pas le temps de faire tout ce que j'ai envie de faire.

Certains envisagent leur retraite. Ils s'impatientent même d'atteindre enfin cet âge où ils ne devront plus aller bosser mais pourront jouir d'un repos qu'ils estiment bien mérité. Pourquoi pas ? Eux aussi, dans le fond, ils ont raison. Sauf que...

Sauf que je trouve qu'il existe une nuance de taille entre faire des projets d'avenir et s'impatienter d'être dans cet avenir. Ça me semble tellement sympa de penser que « cet été je pars en vacances » ou que « l'an prochain, je change de boulot » ; mais tellement incongru de dire « vivement l'été que... » ou « vivement l'an prochain que... »

Quand j'entends des collègues s'exclamer « vivement la pension ! » et décompter impatiemment les jours qu'il leur reste à travailler, même si ça dure encore trois ans, je ne puis m'empêcher de songer qu'ils ne profitent pas de la vie mais, qu'au contraire, ils se la pourrissent avec leur hâte d'être demain, après-demain, l'été prochain, l'an prochain... jusqu'à me donner l'impression qu'ils ont envie d'être (un peu plus) vieux.

C'est un peu comme si aujourd'hui n'était pas bien. Comme si l'instant présent était une corvée à liquider dans l'attente de mieux ; alors que le bonheur, le bonheur tout simple, on peut le trouver à tout moment, à portée de main, dans la lumière d'un sourire, dans la musique des mots gentils et dans tous les bons petits moments que la vie nous donne.