samedi 24 octobre 2015

Suppression du klaxon

Les usagers de la route dits faibles – piétons, cyclistes – sont fréquemment soumis au stress du coup de klaxon : sursaut, frayeur, écart... Bien souvent, lesdits usagers ignorent à qui l'avertissement sonore est réellement destiné, mais qu'il le soit à eux-mêmes ou à quelqu'un d'autre, le résultat en est inévitablement un emballement soudain du rythme cardiaque.
Le klaxon, ça effraie l'usager faible.

Au volant de votre voiture, vous entendez souvent l'un ou l'autre coup de klaxon, mais à moins de voir et de savoir qu'il vous est destiné – auquel cas vous marmonnerez ou crierez à haute voix quelques imprécations bien senties assorties de qualificatifs peu flatteurs à l'intention de celui qui vient de perturber votre sérénité –, vous vous demanderez également pour qui et pour quoi il a retenti. Et vous regarderez peut-être ailleurs que là où vous vous dirigez, ce qui est rarement sécurisant. Car c'est bien là une des caractéristiques de base du coup de klaxon : il est presque toujours destiné à une seule personne, mais nous sommes nombreux à l'entendre.
Le klaxon, ça perturbe l'attention au volant.

Il arrive évidemment que le coup d'avertisseur vous soit destiné et que vous le sachiez ; mais, comme nous venons de l'évoquer brièvement ci-dessus, votre réaction sera probablement davantage à ranger dans la catégorie des agressions verbales voire gestuelles que dans celle des humbles excuses et attitudes contrites. Car, il faut bien le dire : le klaxon, ça énerve.

Peut-être avez-vous déjà vécu la situation consistant à se trouver deuxième d'une file immobilisée à un feu rouge ? Peut-être aussi avez-vous déjà vécu la situation où le premier de file, distrait, ne se décide pas à démarrer alors que le feu est passé au vert ?
Patient, vous attendez. Mais, derrière vous, le troisième de file klaxonne. Immanquablement, le premier sort de sa léthargie et, dans le meilleur des cas, démarre immédiatement. Mais il est possible aussi qu'il se retourne vers vous et, gestes à l'appui, vous crie des insanités que vous n'entendez pas mais dont vous devinez la teneur. Pas de doute : il croit que vous êtes l'auteur du coup de klaxon. Vous avez beau lui faire un geste d'impuissance et désigner l'automobiliste qui vous suit, rien n'y fait.
Le klaxon, ça suscite l'incompréhension.

Furieux et décidé à se venger, le premier automobiliste démarre alors que le feu passe à l'orange. Vous voilà bon pour attendre la phase verte suivante ! En ruminant de sombres pensées et un qualificatif peu amène précédé du mot « quel ».
Le klaxon, ça rend agressif.

Dans le même ordre d'idées, si vous voulez faire perdre ses moyens à un conducteur débutant qui a misérablement « calé » à un carrefour au moment de démarrer, klaxonnez impatiemment derrière lui. Il calera son moteur deux, trois, cinq, dix fois, peut-être, et c'est tout ce que vous aurez gagné : pour vous la colère, pour lui, la frayeur.
Le klaxon, c'est source de stress.

J'ai un jour été témoin d'un grave accident de circulation : un automobiliste voulant quitter la chaussée pour s'engager vers la gauche dans une rue adjacente avait coupé la route à un autre automobiliste circulant en sens inverse.
Alors que l'ambulance s'éloignait, emportant le conducteur imprudent et sa passagère, tous deux sérieusement blessés, l'autre conducteur – indemne – me répétait pour la énième fois son « et pourtant, j'ai klaxonné ».
Je ne lui ai pas dit que moi, quand je vois une voiture qui se prépare à me couper la route, je ne songe pas à klaxonner. Je songe à freiner. Car un puissant coup d'avertisseur n'éloigne pas nécessairement le danger ni ne force à s'arrêter le chauffeur distrait ; mais malheureusement, certains automobilistes restent encore persuadés du contraire.
Le klaxon, ça rend idiot.

Mode apparemment importée en Belgique depuis l'Italie, le concert de coups de klaxon qui accompagne un cortège nuptial reste encore de mise aujourd'hui. Après la cérémonie et pour se rendre à la salle de banquet, les voitures précédant ou suivant celle qui emporte les heureux mariés sont brillantes comme des sous neufs et parées de rubans blancs. En salivant à l'idée du bon repas qui s'annonce, les chauffeurs actionnent l'avertisseur. Le riverains entendent de loin arriver le cortège, regardent la mariée descendre de la voiture, commentent sa toilette...
Les coups de klaxon, parfois, ça promène un air de fête.
À trois heures du matin, quand les derniers invités quitteront la salle de fêtes, certains n'hésiteront pas à adresser aux autres de gentils coups de klaxon en guise d'ultime « au revoir ». Et tant pis pour le sommeil des riverains !
Le klaxon, ça rend irrespectueux.

D'ailleurs, lorsque l'une ou l'autre équipe de football, à l'occasion d'une Coupe du Monde ou d'une Coupe d'Europe des nations, forgera un bon résultat, les supporters enthousiastes n'hésiteront pas à défiler en voiture dans les rues, bien après vingt-deux heures, en agitant des drapeaux et en usant et abusant du klaxon.
Le klaxon, ça attise les hystéries collectives.

La loi interdit pourtant l'usage de l'avertisseur sonore, sauf pour signaler un danger ; mais force est de constater que cette loi est si rarement respectée que le klaxon est devenu en lui-même la principale source de danger : stress, distraction, incompréhension, agressivité, irrespect, tapage, bêtise, hystérie...

Non, franchement, le klaxon, ça ne sert à rien. Et puisque l'interdiction pure et simple est impossible à faire respecter, je ne vois à ce problème qu'une seule solution : la suppression du klaxon.