mardi 26 décembre 2017

Les fous sont lâchés !

En cette période de fêtes, j'aimerais bien faire montre d'optimisme, mais j'avoue que c'est compliqué. Et quand on est comme moi plutôt enclin à suivre les actualités, à se tenir informé et à rester curieux de tout, cela ne simplifie guère les choses.

J'ai cette particularité, que partagent bien entendu les gens de ma génération, d'être un de ces hommes qui n'ont pas vu l'ours, mais qui ont longuement côtoyé et côtoient encore des hommes et femmes qui, eux, l'ont vu de près. Ces hommes et femmes, ce sont mes parents et grands-parents, oncles, tantes et leurs amis qui ont vécu assez longtemps pour pouvoir me raconter directement les principaux faits majeurs ayant émaillé leur existence bien plus difficile que la mienne.

Nombre de ceux-là, que j'ai fréquentés mais tous disparus aujourd'hui, avaient survécu à deux conflits majeurs et ne manquaient jamais de raconter les événements dramatiques, les traumatismes qu'ils avaient subis et toutes les douleurs, peines et privations qu'ils avaient endurées. La guerre, c'est horrible. Et à chaque fois, lorsqu'elle est terminée, on promet « plus jamais ça ! », les yeux rauques et la voix embuée – ou plus logiquement le contraire.

Après la fin de la Première, seuls les plus grands optimistes se sont évertués à croire, niant l'évidence qui s'agitait devant leur nez, que cette Première serait aussi la dernière. Les autres, qui pourtant avaient senti venir la Seconde, n'ont rien fait ou rien pu faire pour l'empêcher d'éclater.

Les signes avant-coureurs étaient pourtant bien là : frustrations et rancœurs engendrées par un passé douloureux aux conclusions injustes et aux sanctions insupportables pour ceux qui avaient fauté et tentaient vainement de se reconstruire ; crise économique née par la grâce de ceux qui font métier de s'enrichir en jouant avec l'argent d'autrui ; peur et haine de l'Autre entretenues par d'habiles tribuns n'ayant trouvé moyen d'arriver et de se maintenir au pouvoir qu'en désignant des boucs émissaires seulement coupables d'être venus d'ailleurs ou d'être un peu différents.

Grâce à ces excités agitant l'épouvantail de la haine, nos parents et grands-parents ont subi la Deuxième. L'horrible Seconde Guerre Mondiale. La dernière aussi, déclamerait-on après qu'elle serait finie, le tout sur fond de drapeaux, de gerbes mortuaires, de flambeaux et d'hymnes nationaux entrecoupés de « plus jamais ça ». Car il ne fallait pas oublier. Il fallait filmer, photographier, raconter.

Alors, moi qui n'ai pas vu l'ours mais qui ai vécu avec des gens qui l'ont vu de près, je frémis aujourd'hui en constatant que les fous sont à nouveau lâchés. Pas seulement là où l'on se bat depuis de longues années ; mais ailleurs, dans des pays en paix où la merde noire que l'on croyait, que l'on espérait enfouie à jamais, est en train de refaire surface.

Au début, on s'offusquait : « Non, jamais avec l'extrême-ceci ou l'extrême-cela » ; « Oui, de tels propos sont intolérables » ; « Non, ce ne sont pas là les valeurs démocratiques que nous défendons avec force ». Mais à présent, on s'indiffère. On cesse de s'étonner, de protester, de punir. Les discours belliqueux, les slogans faciles, la peur de la différence, le protectionnisme, l'isolationnisme... on ne les conteste plus que du bout des lèvres au lieu de les sanctionner. Mieux : on les banalise, on les approuve un peu, on les soutient beaucoup ou l'on choisit lâchement de se taire et de laisser dire avant de laisser faire. Car laisser dire aujourd'hui, ce sera laisser faire demain.

Par la porte ou par la fenêtre, la haine se hisse au pouvoir dans de nombreux pays, souvent aidée par l'opportunisme de ceux qui préfèrent choisir le camp de la lâcheté, toute honte bue, fraternisant et pactisant avec le diable au lieu de s'en méfier ou de le renvoyer au fin fond des enfers. En quelque sorte, les collabos sont déjà actifs avant la guerre.

C'est un message bien triste, bien alarmiste que je poste sur mon blog en cette fin d'année. Ce ne sont que des mots, mais je les ai écrits. Ce sont des phrases que je pense et qui, peut-être, me seront un jour reprochées, même si j'espère ardemment qu'un tel jour ne naîtra jamais.

Je souhaite au Monde entier une heureuse et paisible année 2018, quitte à être entièrement d'accord avec le pape François. Quant à vous, mes lecteurs, à vous qui êtes aussi égaux que les autres sont égaux parmi les égaux, je vous souhaite, par contre, une heureuse et paisible année 2018.

samedi 11 novembre 2017

J'habite en face d'une école

Habiter à proximité d'une école, juste en face même, ça peut avoir des bons côtés. Surtout lorsqu'il s'agit d'une école « fondamentale » ; de celles qui accueillent les enfants à l'âge où ils ne sont encore que des chérubins tout angoissés de quitter les bras de leur mère, pour les laisser partir, à douze ou treize ans, vers d'autres établissements chargés de remplir scientifiquement, littérairement et philosophiquement leurs têtes d'adolescents rêveurs, râleurs et illusionnés.

De bons côtés, écrivais-je, parce que lorsqu'il s'agit d'y conduire vos propres rejetons et que vous n'avez que la rue à traverser, le petit côté pratique de la chose apparaît immédiatement. De bons côtés parce que, tout compte fait, les savoir si près de chez vous, dans une école à portée de vos yeux inquisiteurs, c'est aussi un avantage appréciable qui, en toute logique, vous permettra de ne manquer ni l'affiche accrochée au grillage annonçant un événement impromptu, ni les fêtes extrascolaires où il est malvenu de ne pas se montrer.

Malheureusement, toute médaille ayant son revers, vous devrez aussi vous farcir quelques menus inconvénients que seule une bonne dose de patience et de bonne humeur permettra de digérer sans trop de difficultés.

Et tout d'abord, une école, ça vit au fil du temps, mais surtout au rythme d'une horloge impitoyable et d'un calendrier intransigeant. La classe, chez nous, ça commence à huit heures trente. Pétantes.
Dès lors, ne vous étonnez pas de voir arriver, pressés et stressés, dès huit heures trente-cinq les jours de chance et huit heures quarante les jours de galère, quelques parents et leur descendance soucieux d'illustrer par l'exemple l'art de gérer son temps de manière efficace.

Évidemment, ce n'est pas de leur faute. C'est la circulation, les embouteillages, ces interminables travaux qui encombrent la voie publique et ces autres crétins de parents qui n'avancent pas avec leur voiture. Parce qu'ils viennent tous en voiture, conduire leurs enfants à l'école ; car, comme chacun le sait dans notre Belgique qui est un petit pays à forte densité de population, l'école fondamentale est toujours loin du domicile des enfants qui la fréquentent : cinq cents, six cents, huit cents mètres ; quand ce n'est pas un kilomètre ! Ah ! Ils en ont de la chance, ces veinards qui habitent en face. Eux, ils n'ont pas tous ces tracas pour arriver en voiture et, surtout, stationner en accord avec le Code.

Parce que le stationnement, c'est un problème : toutes les places sont toujours prises. Les places proches du grillage, bien sûr. Plus loin, il en reste, mais si c'est pour parcourir cent ou deux cents mètres à pied, autant venir directement et pédestrement de la maison, n'est-il pas ? Mais c'est si loin ! Et le sac d'école est si lourd ! Comment peut-on obliger ces chérubins à trimbaler autant de matériel ?
Comment ? Oui, un sac à roulettes, oui...
Mais enfin, pour venir à pied, il faut partir plus tôt. Au moins cinq minutes plus tôt !

Je l'écrivais ci-dessus : l'école vit au rythme de l'horloge. Et la fin des classes, c'est à quinze heures trente. Pétantes.
Dès lors, pensez-vous que les retardataires du matin le seront encore l'après-midi ? Que nenni !

Dès quatorze heures quarante-cinq (quatorze heures trente-cinq le vendredi), les places de stationnement proches du grillage sont squattées par les véhicules de géniteurs impatients de récupérer leurs marmots sans devoir parcourir à pied une trop longue et épuisante distance, quitte à méditer derrière un volant pendant trois quarts d'heure en écoutant la radio ou en graissant du bout des doigts l'écran tactile d'un smartphone.

À quinze heures trente, une foule bigarrée se presse devant le grillage, les portières claquent et les petits coups de klaxon retentissent. Étrangement, comme dans la Bible, les premiers sont aussi les derniers, parce que pour quitter l'emplacement de stationnement durement acquis à quelques pas de l'école, nul passe-droit n'est délivré. Au contraire : les derniers arrivants n'hésitent nullement à garer en double file, tandis que ceux qui ont abandonné plus loin leur bagnole traversent et encombrent la rue en tenant par la main leurs rejetons et en faisant mine d'ignorer totalement que certains chauffeurs mordent leur volant dans l'impatience de quitter au plus vite des lieux si peu hospitaliers.

Il arrive parfois qu'un chauffeur-livreur peu soucieux des horaires scolaires choisisse le moment de sortie des classes pour venir immobiliser son camion à quelques pas du grillage. Dame ! Pour déverser du mazout dans une citerne ou décharger quelques palettes de matériaux, on ne gare pas à cent mètres de la destination ! S'ensuit donc une confusion totale dans cette rue où, en principe, il n'est permis de stationner que d'un côté à la fois : ceux qui sont garés à contresens voudraient bien s'en aller en même temps que ceux qui le sont dans le bon sens, tandis que ceux qui ne sont pas encore arrivés à destination – à cause de la présence du camion – s'impatientent d'y parvenir !

Ce joyeux cirque a donc lieu quotidiennement, matin et soir (et à midi le mercredi), sauf pendant les congés scolaires et les grèves des enseignants. La durée des représentations est assez brève : trente minutes tout au plus, une heure si l'on prend en compte à la fois les « hâtifs » et les « tardifs ». Si c'est à cet instant que vous choisissez de rentrer chez vous, seule une arrivée pédestre vous garantira l'accès aisé à votre foyer. À bicyclette, ça le fera aussi. En voiture, par contre, vous aurez la désagréable impression que tout le village s'est donné rendez-vous devant votre domicile pour vous empêcher d'y retourner.

Enfin, il arrive parfois que le cirque dure plusieurs heures, lors des fêtes scolaires où, en sus des enfants et de leurs parents, les oncles, tantes, cousins, cousines, grand-parents et sympathisants ont été invités au spectacle de fin d'année, au marché de Noël ou à la remise des cadeaux de la Saint-Nicolas. Si vous devez utiliser votre voiture, un garage ou un emplacement de stationnement privatif est un « must », pour autant qu'un mauvais plaisant n'ait pas l'idée de vous en obstruer l'entrée pour le premier, ou de vous le confisquer pour le second.

N'imaginez surtout pas qu'une fois que vous serez rentré chez vous, la paix vous sera garantie, car pendant que les parents papotent avec d'autres à la buvette, les enfants jouent dehors, hurlent, envoient des ballons dans vos fenêtres ou viennent joyeusement sonner à votre porte avant de s'enfuir à toute pompe vers d'autres exploits plus amusants les uns que les autres.

Oui, habiter en face d'une école est un spectacle haut en couleur !

samedi 12 août 2017

Désuète, la cassette ?

La semaine dernière, j'étais à l'ouvrage avec l'attirail dont vous pouvez découvrir une image ci-dessous, lorsque mon petit-fils de dix ans s'est approché, intrigué, pour m'assaillir de questions.
À quoi tout ce fourbi pouvait-il donc bien servir ? En ce compris les deux petits haut-parleurs amplifiés qui trônaient sur une étagère, juste au-dessus de mon bureau ?


Certes, il entendait bien que tout cela jouait de la musique ; il voyait bien que j'utilisais un PC portable et une série de câbles ; mais le reste du matériel, et plus précisément les multiples boutons de la petite table de mixage, exerçait sur lui la fascination de la découverte de choses inconnues autant que celle qu'éprouvent souvent les garçons envers tout ce qui est mécanique, électronique ou un peu des deux en même temps.
Tout cela m'a rappelé à quelle vitesse les années passent et m'a également renvoyé à la figure mon statut de vieux croûton ! Déjà, quelques années plus tôt, lorsque j'avais descendu du grenier ma vieille platine à disques vinyle, la plus jeune de mes filles avait écarquillé les yeux face à l'objet : qu'était-ce donc que cela ? Et ces grandes galettes noires ? J'avais dû lui expliquer. Et lui dire également que, non, il ne fallait pas toucher au plateau ni au bras pendant que l'engin tournait.
Lorsqu'il avait vu l'appareil, bien des années plus tard, mon petit-fils avait également amorcé un geste de la main vers le plateau ; et j'avais dû lui expliquer que, non, ce modèle-là n'était pas conçu pour « faire du scratch ». Au moins avait-il déjà vu ce genre de chose et l'usage que certains en font.
Mais des mini-cassettes, ça lui était fichtrement inconnu !
Patiemment, donc – les grands-pères étant connus pour leur infinie patience – je dus lui expliquer que la musique n'avait pas toujours été dématérialisée. Qu'autrefois, nous n'avions pas de smartphones, pas même de portables, ni de tablettes et de consoles de jeux. Que nos écrans de télé étaient petits et vilains, noyés dans des postes même pas plats comme des vitres d'abribus.
Je lui montrai que les disques étaient encombrants, même les petits sur lesquels il n'y avait que deux chansons. Et je lui expliquai que la minicassette et le baladeur avaient été inventés avant les ordinateurs, Internet et le MP3.



Il prit en main quelques minicassettes, étonné que l'on puisse mettre de la musique sur une bande qui défile et qu'il faut patiemment rembobiner si l'on veut réécouter la chanson qui vient de se terminer.
Et que faisais-je donc avec cela ? Fallait-il tout cet attirail pour écouter la musique ?
Avec ma patience de vieux croûton, j'entrepris de lui faire comprendre qu'il existait quelques moyens de transporter ma « vieille musique » sur des supports plus modernes. Que pour ce faire, j'utilisais mon PC et un lecteur de cassettes – un gros, « de salon » – pour transformer mes sources analogiques en fichiers numériques.
Cela devenait compliqué pour un gamin de dix ans, mais n'entravait en aucune manière sa fascination pour les boutons de la table de mixage ! J'ajoutai donc que la présence de ce séduisant engin n'était pas nécessaire à la numérisation du contenu de mes vieilles cassettes, mais que son correcteur de tonalité à trois bandes et ses réglages de niveau étaient une addition utile si je voulais retoucher le son – parfois un peu défraîchi – des vieilles bandes magnétiques.
Aujourd'hui, la cassette est désuète. C'est ce qu'on dit, quand on reste poli. On peut dire aussi qu'elle est dépassée ou d'un autre temps ; mais certains n'hésitent pas à la comparer à quelque chose de malodorant.
Sans être aussi sévère, j'admettrai que certains vieux exemplaires, dont vous pouvez voir ci-dessous une image, ne valent vraiment pas tripette. 


La bande n'est pas de bonne qualité. Elle est même devenue franchement mauvaise, au fil des années. En outre, sa fragilité et les quelques problèmes de défilement que l'on pouvait parfois rencontrer pouvaient transformer la bande en ce que vous voyez sur la photo ci-après. Visuellement, c'est vilain. Au niveau sonore, je ne vous dis pas.


C'était le charme de toute une époque !
À la base, ce produit est dérivé de ceux que l'on proposait pour les magnétophones « grand public », les bobines de bande d'un quart de pouce de large et qui existaient en plusieurs diamètres (18 cm, pour les exemplaires ci-dessous). 


La bande pour les cassettes est, au départ, du même type, mais plus mince et plus étroite ; et elle ne défile qu'à une vitesse de 4,75 cm par seconde ; contre 9,5 ou 18 cm/sec pour les bandes standard de l'époque ! Le souffle (bruit de défilement de la bande) se produisant à une fréquence d'autant plus basse que la vitesse de défilement est faible, est donc bien plus audible en petit format qu'avec les bobines « quart de pouce ». Bref, question performances sonores, la base n'était pas fameuse.
Il n'empêche que ce petit conteneur de plastique permettait d'enregistrer une demi-heure à une heure de musique (ou d'autre chose), avant que la bande ne parvienne en fin de course. À condition de retourner alors la petite boîte, on pouvait enregistrer dans l'autre sens, jusqu'à ce que la bande revienne à son point de départ. L'étroite surface enserrait donc quatre pistes parallèles, dont deux étaient lues dans un sens et deux dans l'autre (chaque piste représentant un canal de la stéréo). Une fonction de bobinage rapide dans chaque sens était prévue sur les lecteurs de salon, mais pas toujours sur les « baladeurs » (souvent un seul sens y était disponible). Sur une cassette de 90 minutes (45 de chaque côté), il était donc possible d'enregistrer deux albums « long playing » (ou un album double, comme sur la photo ci-après) ou une quinzaine de « singles » (les 45 tours) depuis leurs deux faces. L'encombrement était quand même nettement moindre !



Évidemment, comparée à une clé USB, la minicassette fait figure de brontosaure ! Sur une minuscule clé de 8 Go, il est actuellement possible de copier, en « qualité CD », le contenu de deux valises pareilles à celle photographiée ci-dessous. Et probablement une dizaine de fois plus en « qualité MP3 », un format qui n'est pas du meilleur niveau mais n'a par contre rien à envier à la minicassette.


Revenons-y, à la minicassette. Car en plus des cassettes vendues « vierges », les maisons de disques proposaient des versions « cassette » de leurs 33 tours. Les jaquettes étaient illustrées avec l'image de la pochette de l'album vinyle, et les titres des chansons étaient souvent imprimées sur les petits conteneurs renfermant la précieuse bande. En général, ces « musicassettes » (comme ils les appelaient) étaient d'une qualité douteuse voire médiocre.


Par contre, au fil des années, les fabricants rivalisèrent d'inventivité afin de faire de ce support conçu au départ pour les dictaphones et qui s'était imposé partout en complément des disques vinyle, quelque chose de plus qualitatif. Sans aller jusqu'à les prétendre « haute-fidélité », les meilleures cassettes introduites sur le marché utilisaient des bandes magnétiques aux formules sophistiquées qui amélioraient leur réponse en fréquence et réduisaient leur bruit de fond.





Certains introduisirent quelques fantaisies de présentation, comme vous pouvez le voir sur l'image, avec la cassette transparente renfermant deux bobines destinées à rappeler leurs imposantes aînées.

Du côté des appareils de salon, de gros progrès furent également accomplis. Certains offraient des modes d'entraînement plus sophistiqués et plus stables, ainsi que des dispositifs de calibration et de réduction de bruit.


Bien que je n'en dispose pas, il convient de rappeler la création d'appareils de type "portastudio", contenant une platine à cassettes et une table de mixage et permettant aux musiciens d'enregistrer, sur quatre pistes et à une vitesse de défilement double (en n'utilisant qu'une seule face de la cassette), leurs propres maquettes. Un "home studio" à la fois compact et facilement transportable, donc.

Aujourd'hui, les meilleurs enregistrements sur cassette peuvent encore rivaliser avec des MP3 basiques. Ce n'est pas grand-chose, mais quand on songe à l'époque à laquelle ce support a été créé (à l'aube des seventies), on se dit qu'on était bien heureux d'en disposer à l'époque et pendant encore une bonne vingtaine d'années avant que le disque compact et les formats numériques n'envahissent le marché.

Au fil du temps, j'ai accumulé plus de six cents cassettes, la plupart achetées vierges et sur lesquelles j'enregistrais parfois de la musique captée sur la radio, mais le plus souvent des albums que j'empruntais à gauche et à droite en sus de ceux que j'achetais moi-même. Il était pratique de les mettre sur cassette, cela permettait de préserver les fragiles disques vinyle en les utilisant seulement pour refaire une autre cassette lorsque la première rendait l'âme. Il convient aussi de préciser qu'avant l'invention du disque compact, les cassettes étaient abondamment utilisées dans les voitures, où il était impossible de lire des disques microsillons.
Aujourd'hui, les deux tiers de mes cassettes ont filé à la déchetterie. Je n'ai conservé que celles de qualité convenable – essentiellement par nostalgie – et une dizaine d'exemplaires divers contenant des enregistrements personnels et ceux de quelques disques devenus introuvables.

Les enregistreurs à cassettes ne sont plus fabriqués, il faut se tourner vers l'occasion ; mais sait-on jamais ? Un « revival » pourrait surgir un jour, comme pour le disque vinyle ; mais honnêtement, je n'y crois guère.
Il n'en reste pas moins que mes cassettes, même désuètes, je les aime bien.
Que voulez-vous, je suis démodé, moi !

jeudi 20 juillet 2017

Le sex(ism)e est dans tout, même dans la connerie

C’est un peu dingue, parfois, ce qu’on découvre dans les médias. Il n’y a guère, j’ai entendu que, dans certains pays, les femmes se plaignent de la place occupée par les hommes dans les transports en commun. Et quand j’écris « la place occupée », c’est relatif à l’espace pris individuellement par un individu mâle normalement (et moyennement) constitué. Il ne s’agit pas d’une question de parité hommes/femmes. En principe, tous les voyageurs payants sont les bienvenus. En principe.

Par contre, tous les comportements ne le sont pas. Et ça se comprend. La politesse devrait rester de mise, l’hygiène également. Bref, le respect d’autrui.

Or, dans certains pays, comme je l’écrivais, l’homme a tendance, apparemment, à occuper davantage que l’espace qui lui est normalement dévolu, par exemple sur une banquette dans une rame de métro. On a même, paraît-il, institué dans certaines villes une réglementation assortie de pictogrammes pour la rappeler.

Un homme, quand il s’assoit, occupe trop de place. Avec ses jambes. Si, si. Nous, les mâles, lorsque nous nous asseyons, nous avons tendance à les écarter, et les femmes trouvent que ça envahit l’espace qui leur est normalement dévolu. Nous avons de grandes guibolles et de gros genoux ; doublés d’une tendance machiste et virile consistant à bien faire comprendre que quelque chose d’important niche au milieu qui a besoin d’avoir ses aises. D’où la réglementation et les pictogrammes : Messieurs, asseyez-vous et serrez les genoux, s’il vous plaît. Les écarter, c’est limite indécent et surtout franchement envahissant.

Soit. Ce n’est pas faux, pour le côté envahissant. Mais ces dames ne semblent pas réaliser – fort logiquement compte tenu de leur constitution différente de la nôtre – que nous devons faire face à plusieurs problèmes à la fois, nous les messieurs.

Tout d’abord, en moyenne, nous sommes plus grands qu’elles. Afin de rendre les places assises accessibles sans trop de gymnastique aux moins athlétiques des voyageurs, aux enfants, aux personnes âgées… les banquettes sont plutôt basses. Personne ne peine à s’y installer. Les pieds des enfants ne toucheront cependant pas le sol, ceux des adultes de petit gabarit non plus. Ou de justesse. Les dames bénéficieront, en moyenne, d’un soutien correct de leurs cuisses par l’assise lorsqu’elles se tiendront bien droites.

Ce ne sera généralement pas le cas pour les hommes de taille moyenne ou supérieure. Les pieds à plat sur le sol, leurs creux de genoux seront surélevés et leurs cuisses ne bénéficieront d’aucun soutien efficace. De manière naturelle, elles s’écarteront dès que leur propriétaire songera à autre chose qu’à les maintenir soigneusement serrées l’une contre l’autre. C’est inévitable. Rester assis ne devrait d’ailleurs pas exiger de tension musculaire constante.

Un moyen simple d’éviter à nos jambes de s’écarter naturellement est de les croiser. Cela fera peut-être plaisir à notre voisine de banquette, mais certainement pas au voyageur installé en face et peu soucieux d’accueillir contre ses tibias une pointe de chaussure de grande pointure, même soigneusement cirée.

Cette réglementation stupide est donc inadaptée aux hommes de taille moyenne ou grande.

En réaction, certains collectifs masculins ont, paraît-il, fait réaliser des pictogrammes indiquant que les banquettes, dans les transports en commun, c’est réservé aux postérieurs des voyageurs et voyageuses ; et que les sacs à main – très appréciés des dames – n’ont rien à y faire aux côtés desdits postérieurs.

Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais moi je trouve qu’on vit une époque à la con. Il faut des réglementations pour tout, y compris l’insignifiant, parce que nous sommes globalement égoïstes et qu’il faut sans cesse nous rappeler que les autres existent, qu’ils ont droit au respect, à un espace vital, à la décence.

Tout est devenu sérieux à l’excès, puisque même l’humour est réglementé. La distinction entre taquinerie et sexisme, observation et racisme, humour et politique… est devenue impossible à établir.

Nous ne devrions pas avoir besoin de toutes ces règles puisque, de manière simple et pourtant très connue, notre liberté individuelle s’arrête là où commence celle des autres ; mais voilà : ça ne semble pas facile à comprendre et appliquer, comme principe.

Nous pourrions peut-être consentir quelques efforts ? Cela nous permettrait sans doute d’avoir beaucoup moins l’impression d’être constamment fliqués, non ?

vendredi 23 juin 2017

Madame n'aime pas la stéréo

Autant me paraissent nombreux les gens s’intéressant à la musique, autant me semblent rares ceux d’entre eux qui s’inquiètent de la manière dont elle est jouée. Ces gens écoutent la radio, téléchargent des titres ou vont les acheter chez le disquaire, s’échangent de la musique dématérialisée ou l’écoutent en streaming ; nombre vont aux concerts et autres festivals… mais peu se soucient de qualité. Je ne parle pas ici du contenu des enregistrements, bien qu’il y ait là matière à débat, mais de leur restitution. De petits écouteurs branchés sur un smartphone ont l’avantage de la compacité et de la portabilité, mais le réalisme sonore n’est certainement pas leur priorité. Pourtant, des millions de gens écoutent de la musique par ce biais.

Dans notre grande naïveté, nous avons généralement tendance à ne mesurer les idées et comportements d’autrui qu’à l’aune des nôtres. Ainsi naissent des incompréhensions, confusions et autres malentendus démontrant quotidiennement que ce qui paraît clair aux uns peut s’avérer d’une grande opacité pour les autres.

Quand Francis Cabrel chante, adaptant J.J. Cale, que « Madame n’aime pas » ceci ou cela, il y ajoute quelques nuances de langage précisant que ce que la dame en question n’aime pas échappe également à son entendement. Il est tellement plus simple de rejeter ou mépriser les choses qui nous échappent que de faire l’effort de tenter de les comprendre voire de les aimer. Ce principe peut s’appliquer à des aliments aussi bien qu’à des œuvres d’art, à de la philosophie, aux religions… mais aussi à des gens qui ne sont pas comme nous parce qu’ils ne parlent pas comme nous, ne vivent pas comme nous et ne pensent pas comme nous.

Loin de moi l’idée de créer un amalgame entre ce qui constitue le fondement du racisme et de la xénophobie et de simples divergences d’opinions quant aux petites choses de la vie rattachées à notre confort occidental, même si le titre de cette bafouille pourrait le donner à penser ; mon objectif étant simplement de dire que ne pas aimer quelque chose, c’est souvent ne pas comprendre pourquoi d’autres en pensent le contraire.

Lorsque j’écris en titre que « Madame n’aime pas la stéréo », je fais aussi une sorte d’amalgame. Ce n’est pas qu’elle ne l’aime pas. Elle ne s’en soucie pas, tout simplement. C’est quelque chose qui l’indiffère. Chez nous, c’est comme ça : Chérie aime bien la musique, mais sans plus. La chaîne stéréo, elle s’en fout. À la limite, les différents boutons et commutateurs, ça l’emmerde de devoir s’y retrouver. C’est tellement plus simple d’allumer le combiné radio/CD de la cuisine que de maîtriser les commandes d’un ampli intégré ! Et tout ça pour quoi ? Pour entendre la musique un peu plus fort. Ou même beaucoup plus fort, ce qui est quand même pratique quand on fait le ménage ou qu’on essaie de couvrir le bruit de l’aspirateur. Mais c’est tout. La chaîne hifi, pour Chérie, c’est juste un truc compliqué à dompter, mais qui offre l’avantage de pouvoir jouer fort de temps en temps.

Évidemment, en ce qui me concerne, c’est différent. D’où quelques séances de questions/réponses et de discussions qui, même s’il s’agit de musique, tiennent bien souvent du dialogue de sourds.

Voici donc ci-après quelques épineuses questions qui m’ont déjà été posées (chacune plusieurs fois !) et auxquelles, les yeux au ciel et un soupir de lassitude dans la voix, je préfère dorénavant répondre par une forme de « tu ne peux pas comprendre, Chérie » qui signifie en réalité : « Tu ne veux pas comprendre, Chérie, alors à quoi cela sert-il que je te l’explique une fois encore ? ».

Tu as vraiment besoin de si gros haut-parleurs ?

Ils ne sont pas gros. Les autres, avant, étaient plus gros (deux caisses de 80 litres chacune). Ils étaient au sol, dans le salon. Un peu trop bas, peut-être, car il aurait fallu les surélever d’une vingtaine de centimètres, mais ça me convenait. Et puis, ils fonctionnaient bien : des basses qui sonnaient comme des basses, chose difficile à faire quand on manque de coffre, et des aigües qui sonnaient comme des aigües. Sur l’insistance de Chérie, je les ai donc remplacés par de plus petits. Chérie a néanmoins trouvé à redire à cette concession :

Mais ça coûte cher, tes nouveaux haut-parleurs !

Ben oui. De bonnes enceintes, ce n’est pas gratuit. Je les ai prises en solde, pourtant ; et s’il s’en trouvait quelques modèles moins coûteux, il en existait surtout de beaucoup plus chers. Et pas qu’un peu ! Et puis, ce n’est pas de ma faute. Moi, j’aurais fait l’économie d’un nouvel achat, puisque les anciennes me plaisaient bien !

Ils sont quand même encore fort gros, tes haut-parleurs.

Ben non. Deux caisses de 30 litres chacune. C’est quand même beaucoup plus petit que précédemment !

Et tu dois les surélever ? Tu peux pas les mettre par terre ?

Par terre ? Comme si j’écoutais la musique avec les mollets ! Et puis, les vieux haut-parleurs, ils étaient par terre, eux ! Si c’était pour mettre les nouveaux à la même place, j’aurais conservé les anciens ! Ceux-ci, ils sont petits, ils doivent donc être surélevés. Et aussi installés hors de portée de la serpillière, soit dit en passant.

Je les aurais préférés plus petits encore.

Ben tiens ! 10x15x20 cm, façon HP de computer, peut-être ? Et mes basses ? On ne joue pas correctement les basses avec un cône de 8 cm de diamètre ! Bien sûr, Chérie m’avait montré des haut-parleurs, sur une pub de Lidl ou d’Aldi, je ne sais plus très bien. 100 Watts, 29 euros la pièce, ou un truc comme ça. Ils étaient même rechargeables et pouvaient fonctionner sans fil. J’ai soupiré. Non, un HP Bluetooth pour Smartphone, ça ne convient pas en sortie d’ampli d’une chaîne hifi.

Et si tu le posais là, ça n’irait pas ? Et l’autre, en le mettant là-haut ?

« Là », c’est au sol, derrière un fauteuil ; et « là-haut », c’est sur le dessus d’une armoire qui culmine à 50 cm du plafond. Or, pas davantage que pour les chevilles ou les mollets, la musique sortant d’une chaîne hifi n’est destinée aux dossiers des fauteuils ou aux lustres et moulures d’angles.

On pourrait les mettre dans l’armoire, en fait ; et quand tu écoutes, tu ouvres les portes et…

Euh… Des HP dans une armoire, ce n’est pas bon, mais vraiment pas bon pour leur sonorité. L’armoire fait caisse de résonnance et, en outre, à cinquante centimètres l’un de l’autre, il n’y aurait plus d’image stéréo.

L’image stéréo ?

Ben oui, c’est à ça que ça sert, la stéréophonie : créer une image sonore, placer les musiciens dans l’espace, comme s’ils étaient sur une scène et non empaquetés au même endroit. Il faut un peu de réalisme.

Elle est gentille, Chérie, mais elle n’aime pas la stéréo. Ce n’est pas que ça lui déplait, mais elle s’en fout. Elle aime bien la musique, mais ce qui compte pour elle, c’est de l’entendre bien davantage que de l’écouter. S’il y a de la musique pendant qu’elle fait le ménage ou en sourdine pendant qu’elle lit, ça lui suffit. La qualité de diffusion, ça ne la touche pas. Elle aime mieux trimbaler une radio portable ou en disposer plusieurs à quelques endroits stratégiques de la maison, que de brancher la chaîne hifi. Tant que la réception n’est pas pourrie par des parasites, tant qu’elle entend valablement le chanteur dont elle fait jouer le CD, ça lui suffit. Les Watts de la chaîne stéréo, c’est pratique seulement pour gueuler plus fort que l’aspirateur.

Oh ! bien sûr, de temps à autre, Chérie s’installe au salon et écoute attentivement un enregistrement, pochette de disque à la main, comme je le fais nettement plus souvent qu’elle. Mais la hifi, ce n’est pas son truc. D’ailleurs, c’est rarement une chose prisée par les femmes, la hifi. Les chaînes stéréo, c’est la plupart du temps une affaire d’hommes. N’étant ni sociologue, ni psychologue, je ne m’acharnerai pas à en chercher les raisons. Je me contenterai du constat.

En revanche, j’avoue que je n’ai jamais branché la télévision sur la chaîne stéréo. Je pressens néanmoins que ça ferait son petit effet et que Chérie trouverait l’expérience à son goût. Parce que si Madame n’aime pas la stéréo, en revanche elle aime bien la vidéo. Or, je n’ai pas envie de tenter de lui expliquer que non, une chaîne hifi ça ne sert pas à faire hurler la télé quand il s’y diffuse « The voice » et l’une ou l’autre de ces émissions de téléréalité dont la musique sort grande gagnante. Pour cet usage, les systèmes home-cinéma sont beaucoup plus adaptés.

Si un jour il vient à Chérie l’idée de s’équiper d’un système 5.1 et que j'expose mes raisons de rechigner, elle se dira peut-être que « Chéri n’aime pas la vidéo ». Mais ce n’est pas que je ne l’aime pas. En réalité, je m’en fous complètement. Du moment que je vois les images et que j'entends ce qu'on dit...

mardi 30 mai 2017

Rien qu'un tas de ferraille...

Un jour, j'avais reçu cette pub dans ma boîte à lettres :



J'en ai juste scanné une page, mais il y en avait plusieurs comme ça, à la file, vantant les mérites de diverses voitures de cette marque bien connue. Chacune de ces pages comportait le même genre de littérature. C'est de la publicité, donc ça vaut ce que ça vaut, mais ce n'était pas la première fois que les têtes pensantes chargées du boulot promotionnel chez Renault dépassaient les bornes de ce que j'appelle la décence.

 
Peut-être que ça ne vous choque pas, ce genre de propos ; mais moi, bien. A priori, pas pour ce qui concerne le fond, car à la limite je m'en ficherais royalement, mais pour ce qui est de la forme.

A priori, écrivais-je, parce qu'en y réfléchissant un peu, l'indécence de la forme rejaillit fatalement sur le fond du message, qui devient lui aussi de mauvais goût.


Pour moi comme pour beaucoup de gens, une bagnole, c'est un bien de consommation. Un truc utile sans doute, un truc qui rend service plus d'une fois au cours de ses années de fonctionnement, mais qui n'est en réalité qu'un dispendieux tas de ferraille.

Dès lors, je ne vois pas pourquoi on appliquerait à l'égard d'un véhicule automobile un langage qu'on ne tient pas toujours en parlant des gens, des vraies personnes.

Chez les personnes correctement éduquées, courtoises et mesurées, on n'utilise l'article, en parlant de quelqu'un, que pour marquer du mépris, du courroux... On dirait, par exemple, avec agacement : « Le François, il m'a encore sali le trottoir avec son clebs ».

Inversement, quand on parle poliment d'une personne, on s'abstient d'utiliser cette tournure dévalorisante qui fait appel à l'article : « François fête son anniversaire, ce soir » ; et non « Le François fête son anniversaire ce soir ».

Alors, la Mégane (déjà affublée d'un prénom, comme une personne), ce n'est qu'une voiture. Un tas de ferraille, de plastique et de tissu. Rien qu'un objet. Et qu'elle soit nouvelle, ça ne change rien. Alors, écrire « Mégane », « Nouvelle Mégane », « Renault Mégane », « Nouvelle Renault Mégane »... sans l'article et avec des majuscules partout, c'est élever l'objet au rang d'une personne.
Et ça, ce n'est pas bien.

Comparativement, les travailleurs ont droit à moins de respect, bien qu'ils soient des personnes.

Alors, quand un constructeur automobile comme Renault déclare, par exemple, qu'il va devoir se séparer d'un certain nombre de salariés en raison d'une restructuration ou d'une rationalisation de l'outil de production (manière pudique de dire qu'on veut diminuer les frais en vue d'augmenter les bénéfices), il pourrait oublier l'article et utiliser la majuscule. Ouvriers ne sont pas des objets, contrairement aux bagnoles. Courageux Travailleurs ont donc droit à davantage de respect. Ou à autant de respect, au minimum.

Vous pourriez vous dire que je me choque pour pas grand-chose, mais moi, rien à faire, ce genre de message publicitaire rédigé comme ça rien que pour des bagnoles, ça me débecte.

samedi 29 avril 2017

Les régimes "sans" et les régimes tout court

Aujourd'hui, la mode est aux régimes « sans ». Sans viande, sans produits laitiers, sans féculents, sans pain, sans sucre, sans graisses... Un peu comme si nous priver de quelque chose était synonyme de meilleure santé. On nous explique que le lait de vache, c'est pour les veaux, donc que c'est mauvais pour nous ; même pour les enfants. Et puis, que c'est plein de graisse : quatre pour cent, pour du lait entier. C'est vrai que c'est beaucoup.

Et la viande ? Ce n'est pas bon, la viande. Ou alors, très maigre, genre blanc de poulet sans la peau. Mais sans viande, c'est mieux. Et comme il nous faut des protéines, où les puiser, si ce n'est dans les œufs (bio, bien sûr) ? Ou alors dans les lentilles, les pois chiches et les trucs végétariens genre tofu, parce que les œufs, c'est plein de cholestérol ; et quand on sait d'où ils sortent...

Les graisses aussi, c'est vraiment mauvais. Surtout les graisses animales, le porc, les viandes rouges, les charcuteries, le jambon industriel... Quant aux graisses végétales, c'est mieux, mais pas n'importe lesquelles ! Pas l'huile de palme. Très mauvaise, l'huile de palme. Il faut des omega3, de l'huile de colza, d'olive... Et manger du poisson gras : maquereau, saumon...

Ne parlons pas du sucre. Ou alors, très peu, juste pour affirmer que ce n'est pas mieux. Il y en a dans tout, du sucre. Ça détruit les dents et ça fait grossir.

Les régimes « sans », c'est donc la mode. Sans viande, par exemple. Pourquoi pas ? Mais si c'est pour avaler des denrées industrielles supposées avoir un goût de viande, là, je cale. Quand on choisit un régime, on l'assume : sans viande, c'est sans viande. Végétarien ou végétalien, c'est comme on veut, mais nul besoin de s'illusionner en avalant des « hamburgers végétaux », comme j'ai vu des opportunistes en proposer aux consommateurs. On cuit ça comme un steak haché, sur un grill, un barbecue, dans une poêle à frire... et c'est supposé avoir l'aspect, l'odeur et le goût de la viande, sans en contenir. Ouf ! L'honneur est sauf !

Mais l'industrie fait pire. Pour produire à bon marché – très bon marché, elle nous fabrique des pizzas sans vrai fromage et sans vrai jambon, par exemple. Et on nous explique que c'est la grande distribution qui veut ça, pour tirer les prix de vente vers le bas en gardant une marge bénéficiaire suffisante. Et dans la grande distribution, on nous rétorque que c'est le client qui demande ça : moins cher, toujours moins cher, même si c'est de la merde.

J'ai même vu qu'on fabrique du jambon, des charcuteries, du saumon... fumés sans avoir jamais séjourné dans un fumoir. On verse sur la chair du gros sel agrémenté de quelques gouttes d'un extrait de fumée produit mystérieusement (le processus est un secret jalousement préservé) par une entreprise aux accès mieux protégés que ceux de Fort-Knox. Il faut savoir lire la liste interminable (en petits caractères) des ingrédients, sur l'emballage, où figure le mot « fumée ». Même quand c'est « fumé au bois de hêtre », ça ne garantit pas le séjour en fumoir. Plutôt que dans le fumage, on baigne dans la fumisterie.

Et les produits sans sucre ? Avec des édulcorants qui ne valent guère mieux ? Et les produits « light » truffés d'une chimie plus que douteuse destinée à rendre attrayants, onctueux et odorants des aliments qui sinon seraient à peu près immangeables par un quidam accoutumé à d'autres saveurs ?

Nous vivons dans un monde du faux, du frelaté. Sous des dehors de « préservez votre santé », la vérité s'appelle « accroissez mes bénéfices ». Et les régimes « sans » qu'on nous vend avec un certain succès n'ont d'autre but que celui-là : le profit. Bien sûr, il y a des « études qui... », mais on ne nous dit pas par qui elles sont financées. C'est néanmoins très facile à deviner !

Et si je vous entretiens des régimes « sans », que je trouve débiles – à moins de subir une allergie ou intolérance à certains aliments, bien sûr –, c'est parce qu'ils vont bien souvent à l'encontre de notre santé et de notre portefeuille. Le mieux est, en bon omnivore, de consommer de tout avec modération en profitant des produits de saison, locaux autant que possible, et non transformés par l'agro-industrie avide de profits.

Et si de récentes découvertes et études de fossiles nous indiquent parfois que certains de nos ancêtres étaient végétariens, alors que d'autres se révélaient carnivores voire cannibales, elles ne constituent pas un argument en faveur d'un régime alimentaire plutôt qu'un autre. Elles démontrent juste que l'Homme a été, de tout temps, un opportuniste aux incroyables facultés d'adaptation, capable de survivre dans des milieux souvent hostiles. Le régime « sans » était un régime par défaut et non par choix.

D'ailleurs, les régimes, c'est mauvais.

Dans cet ancien article, j'expliquais qu'il ne faut pas suivre de régime amaigrissant. En effet : les régimes sont néfastes parce qu'ils engendrent frustrations, privations et mauvaise humeur ; ce qui impose à l'organisme un stress inutile. Notre corps a bonne mémoire : quand on le prive de ce dont il a besoin, il prend non seulement des mesures pour se défendre, mais il prépare le futur en réduisant ses besoins de manière à ne plus devoir se priver soudain de choses qui lui paraissaient indispensables.

Comprenons bien que suivre un régime amaigrissant, quel qu'il soit, consiste à absorber moins de calories qu'on n'en dépense de manière à inciter le corps à puiser dans ses réserves de graisse ; et puiser dans ses réserves, le corps déteste cela : il se sent agressé et, de manière à tenir le coup (entendez : minimiser les risques de famine), il diminue ses besoins. En conséquence, il va tenter, en même temps que nous essaierons de lui faire brûler ses graisses, de diminuer ses besoins en énergie en réduisant sa masse musculaire, car les muscles sont gros consommateurs de calories. Ce qui veut dire que moins on mange, plus notre corps s'adaptera à recevoir moins de nourriture. S'il a puisé dans ses réserves, il réagira en stockant dès que possible un maximum d'énergie sous forme de graisses (le meilleur rapport poids/calories) en prévision de futures disettes.

Ajoutons que la souhaitée conversion en sucre des couches de graisse accumulées çà et là est un processus lent, généralement incompatible avec une pratique sportive saine et efficace. Insuffisamment nourri, on découvre la fringale du sportif. Faire du sport sans rien manger avant ni pendant en espérant que le corps puisera dans ses réserves est donc une illusion.

J'ai d'ailleurs remarqué que les gens en surpoids ne mangent généralement pas les bonnes choses au bon moment et en quantité adéquate. Leur hygiène alimentaire est soit mauvaise, soit inadaptée à leurs activités. Bien souvent, ils jeûnent pour travailler et mangent pour se reposer. En d'autres termes, ils ne déjeunent pas ou trop peu, mangent mal ou insuffisamment pendant leur journée de travail et terminent par un repas copieux le soir avant de se vautrer devant la télé puis d'aller dormir.

Comme je l'écrivais plus haut dans cet article, le corps a bonne mémoire : puisqu'on le prive ou le nourrit mal pendant la journée, il se rattrape avec le plantureux repas du soir qui lui permet de constituer des réserves de graisse pendant la nuit.

Inversement, se coucher le ventre à peu près vide contrarie notre gourmandise, mais pas notre organisme. Pendant notre sommeil, le corps a peu de besoins en énergie. Il vit au ralenti. Si le ventre est vide, convertir en sucres une petite partie des réserves de graisse se fera sans peine. Le matin, nous aurons faim. Un bon petit déjeuner regarnira le ventre et, si nous partons travailler, l'énergie absorbée sera entièrement dépensée. Il en sera de même avec le repas de midi, si nous sommes toujours actifs jusqu'en fin d'après-midi. Le véritable danger, c'est le repas du soir, souvent trop copieux et trop tardif.

Ne faites donc pas de régime : adaptez simplement votre alimentation à vos activités.

Et, surtout, fuyez comme la peste les régimes « sans ». Je sais que c'est la mode, y compris celle de jeûner un jour par semaine, mais c'est inutile. Et même : c'est nuisible. À moins d'être vraiment allergique ou intolérant à certaines denrées, le mieux est de manger de tout... avec modération.

Et sur ce, bon appétit !

vendredi 24 mars 2017

J'aime bien comprendre

Il m'arrive fréquemment de me demander pourquoi certaines choses se produisent, pourquoi nos réactions sont ce qu'elles sont et ce qui nous pousse à adopter des idées et des comportements bien particuliers ; mais surtout de m'étonner que d'autres que moi puissent accepter des faits et des paroles sans s'interroger sur leur véracité ou leur pertinence.

En d'autres termes, je me demande souvent pourquoi tant de gens ne se demandent pas pourquoi. C'est idiot, peut-être, mais ça m'interpelle.

Ainsi, le mec qui gesticule, vocifère, menace et accuse à tout va, se pose en victime et demande qu'on le soutienne dans sa lutte contre les terroristes et les conspirateurs qui en veulent à son pays, à sa religion et, accessoirement, à son pouvoir qu'il s'efforce de rendre absolu ; ce mec pour qui des gens, chez nous et dans d'autres pays de l'Union, sortent dans la rue et crient des slogans en levant le poing et en agitant des drapeaux ; ce mec, ceux qui l'acclament, ils ne se posent jamais de questions ?

Est-ce que ça leur semble normal que ce gars révise l'Histoire ? Est-ce que ça leur paraît souhaitable qu'un chef d'État qui a déjà beaucoup de pouvoir puisse demander à son peuple de lui en accorder davantage ? Est-ce bien raisonnable de donner carte blanche à quelqu'un qui fait emprisonner des milliers de personnes sous accusation de terrorisme, de conspiration ? N'est-ce pas inquiétant de voir contester le droit de parole à des artistes, des écrivains, des journalistes, des magistrats ? Est-il acceptable de l'entendre traiter de nazis des gens qui accueillent depuis des années des milliers de ses compatriotes ?

Comment peut-on envisager de dire « oui » à ce qu'il demande ? Comment peut-on croire les bobards qu'il lance à la figure du Monde ? Comment est-il possible d'être assez naïf pour envisager d'offrir à quelqu'un le fouet avec lequel on sera battu en retour ? Comment peut-on être à ce point aveuglé par un simple écran de fumée, converti à une parole aux arguments aussi grotesques ?

Mais il n'y a pas que lui.

Ailleurs, dans d'autres pays, il y en a d'autres. Certains de ces excités qui nous préparent la troisième guerre mondiale sont déjà au pouvoir ou en passe d'y accéder. Et s'ils n'y accèdent pas demain, ce ne sera que partie remise pour après-demain. Là où ils ont échoué ou échoueront bientôt, ils reviendront à la charge avec leurs arguments grotesques, leurs prétextes fallacieux, leur haine de l'autre, leur refus du droit à la différence, leur égoïsme maladif. Ils relanceront la chasse aux sorcières, leur recherche du bouc émissaire, leurs discours faciles qui n'ont pour but que d'amener au pouvoir leur mégalomanie. Car le peuple, leur peuple, ils s'en foutent. Ils disent l'aimer, vouloir sa prospérité et sa grandeur parce qu'il est supérieur aux autres, qu'il mérite mieux que d'autres.

Songeons-y lorsque nous irons aux urnes. Quand ces fous furieux auront accédé au pouvoir un peu partout grâce à notre naïve complicité, ils confisqueront notre droit à la parole, notre droit à la liberté, notre démocratie et notre joie de vivre ; et nous entraîneront à leur suite vers le chaos, la sueur, le sang et les larmes.

lundi 6 mars 2017

Tu es jeune et ambitieux, lance-toi dans la politique !

Oui, si tu es jeune et ambitieux, lance-toi donc dans la politique !

Si un jour tu fais partie des élus du peuple, si tu décroches un mandat, tu pourras toi aussi, comme bien d'autres avant toi, retirer les nombreux avantages qu'offre l'accession au pouvoir.

Et tout d'abord : premier arrivé, premier servi. Lorsque tu seras aux premières loges, ne manque surtout pas de profiter des occasions – parfaitement légales – de t'offrir des voyages et séjours tous frais payés, un véhicule de fonction bien équipé, du personnel dévoué et l'un ou l'autre indispensable pied-à-terre dans les quartiers les plus chics.

N'oublie pas de faire plaisir à quelques amis en jouant de ton influence pour leur obtenir quelque faveur, passe-droit ou poste en vue dont ils te seront reconnaissants ; et de procurer de l'emploi aux plus modestes des membres de ta famille.

Ne manque pas de remercier ceux qui ont voté pour toi et ceux qui, reconnaissant leurs erreurs passées, voteront à leur tour pour toi à l'occasion du prochain scrutin.

Si quelque jaloux – la réussite suscite toujours de la jalousie – essaie de s'en prendre à ta notoriété en t'accusant de malversations ou de trafics d'influence, garde ton calme et ton sérieux, sois hautain et n'hésite pas à contre-attaquer en indiquant qu'il s'agit d'une cabale créée dans l'intention de te nuire.

En effet, lorsque tu seras l'élu du peuple, tu auras la légitimité pour toi. Tu n'auras pas été mis en place comme ces magistrats arrivistes avides de célébrité et manipulés par tes opposants politiques ; tu n'auras pas été, comme ces journalistes fouille-merde, incité à créer scandale et calomnie au profit des marchands de papier qui les dirigent.

N'oublie jamais que personne ne peut t'enlever ce que tu as légitimement gagné. Le peuple est roi. S'en prendre ouvertement à l'élu du peuple, c'est un déni de démocratie ; c'est mettre en danger le suffrage universel, l'honneur de nation, les droits de l'Homme.
Ni la police, ni les magistrats ne pourront jamais contester ce qui te revient de droit : l'exercice du pouvoir. Il t'aura été confié par le peuple avec un enthousiasme jamais démenti, comme le prouveront les rassemblements de foules et les manifestations de soutien qui seront organisées à ton intention.

Fièrement alors, tu rappelleras à tes ennemis que les hommes qui ont écrit les pages les plus mémorables de l'Histoire ont presque toujours été, eux aussi, élus démocratiquement par leurs concitoyens.