mercredi 19 février 2020

La vanne thermostatique

Voilà un truc que j'aurais pu ranger dans la catégorie des objets qui énervent ; mais, tout bien pensé, je m'en suis abstenu, car la vanne thermostatique est quand même une chouette invention. Un peu comme le PQ qui, même s'il n'a pas grand-chose à voir avec une pièce de chauffage central, est une belle trouvaille lui aussi. Mais je vous parle du vrai PQ, multicouches pour éviter de trouer au mauvais moment, constitué de pure ouate de cellulose très douce pour le bienfait des fosses septiques et le respect des hémorroïdes.
Ce ne sont pas là des objets qui énervent par leur nature, mais plutôt par l'usage qu'on en fait.

La vanne thermostatique, donc, quand elle agace les nerfs, c'est quand quelqu'un y a touché. Et que ce même quelqu'un a oublié qu'il y avait touché.

Pour vous donner un exemple concret, qui peut-être vous rappellera l'une ou l'autre situation que vous auriez personnellement vécue, parlons des vannes thermostatiques installées sur les radiateurs du chauffage central, dans le bâtiment où je trime comme un dingue pour un salaire de misère (ou l'inverse, selon mon patron).
La chaudière, qui a pour elle le mérite de non seulement chauffer, mais en outre de respecter les consignes – et ça, ce n'est pas le cas de tout le monde ! – la chaudière, donc, se met respectueusement en veille à dix-huit heures pour redémarrer le lendemain à six heures. On appelle cela une gestion intelligente de l'énergie ou, plus prosaïquement, une mesure d'économie. Et le week-end, c'est la léthargie générale, sauf s'il gèle à pierre fendre, auquel cas elle se remet en route afin d'éviter des dégâts aux tuyauteries. Brave chaudière, gérée comme il faut.

Comme la maison est grande, les bureaux diversement occupés et les gens qui les fréquentent pas tous aussi frileux les uns que les autres, la température dans les pièces est gérée par des vannes thermostatiques.

Or, à l'inverse du thermostat d'ambiance auquel on confie des consignes de température liées à une horloge et un calendrier, la vanne thermostatique ne fait rien d'elle-même, sauf une seule chose : laisser passer l'eau ou l'empêcher de passer, suivant qu'il fait suffisamment chaud dans la pièce.

En pratique, par exemple, une tête de vanne graduée de zéro à cinq ne laissera passer l'eau, quand elle est à zéro, que si le gel menace ; alors qu'à l'opposé, sur le repère « 5 », elle ne l'arrêtera probablement jamais. Les graduations intermédiaires correspondent plus ou moins à certaines températures, mais devant le manque de précision du dispositif, les fabricants préfèrent éviter d'y graver lesdites températures. Toujours est-il que « 3 » correspond bien souvent à une ambiance de plus ou moins 20°C. La bonne sélection pour un bureau, sans doute.

Une des principales caractéristiques des vannes thermostatiques, c'est qu'elles fonctionnent en « tout ou rien ». L'eau passe si la température sélectionnée n'est pas atteinte, elle ne passe pas dans le cas inverse.
Et une des principales caractéristiques de ceux qui se mêlent d'y toucher, c'est de fonctionner en « tout ou rien » eux aussi. Ainsi, quand une de vos collègues est en proie aux vapeurs annonçant sa prochaine ménopause, il est probable qu'elle estime que la température de 20°C est trop difficile à supporter et que, dans un geste agacé, elle tourne la vanne sur zéro. « Pour que ce truc arrête de chauffer », même s'il ne chauffait déjà plus à ce moment-là. Évidemment, en quittant les lieux le soir, elle aura oublié son geste et, si personne ne s'assure à sa place que la vanne a été remise en position, le lendemain matin, ça va cailler ferme dans le bureau pour autant qu'il fasse un peu froid dehors.

De manière compréhensible, la première personne arrivant sur les lieux, réalisant à quel point il fait frais dans le local, va s'empresser de rouvrir la vanne. Et, « pour que ça chauffe plus vite », elle va la positionner sur « 5 ». À fond. Or, je vous l'ai dit, une vanne thermostatique, ça n'a pas davantage de cervelle que ceux qui n'essaient même pas de comprendre son fonctionnement. Le radiateur va donc chauffer, chauffer, jusqu'à ce que quelqu'un trouve qu'il fait étouffant et repositionne la vanne sur zéro. « Comme ça c'est coupé », dira cette personne en s'épongeant le front et en grommelant un « je me demande qui a encore foutu cette vanne à fond ».

À ces gens-là, vous avez beau leur expliquer que non, le radiateur ne chauffe pas plus vite et plus fort quand la vanne est à « 5 », mais qu'il va chauffer inlassablement jusqu'à dix-huit heures quand la consigne de la chaudière (intelligente, celle-là) prendra le dessus (depuis la cave, il faut le faire). Ces gens-là s'entêtent. Et si vous leur dites de « laisser une bonne fois pour toutes cette putain de vanne sur trois, ou deux et demi, ou trois et demi » ; et qu'elle se chargera du reste, c'est-à-dire de ne faire cuire ni geler personne, ils estimeront que vous avez un mauvais caractère et que vous n'y connaissez rien.

C'est la caractéristique de l'ignorant qui s'ignore : il s'entête dans son ignorance, parce qu'il pense avoir raison. De toute bonne foi. Le genre de personne qui va vous répondre, quand vous lui montrerez une page du Bescherelle, du Larousse ou du Grevisse, « qu'il y a des tas de conneries, dans ce bouquin ».

Donc, la vanne thermostatique, ça se manœuvre avec délicatesse. Un peu à la fois. Si « 3 », c'est trop chaud, « 2,5 » conviendra. Inutile de s'énerver. Pas la peine de risquer de se tordre le poignet. Un peu de doigté suffit amplement.

Mais, je l'ai dit, bien que la vanne thermostatique soit une belle invention, il suffit de la mettre à disposition de mains maladroites dirigées par des esprits obtus pour qu'elle devienne un objet qui énerve. Un objet qui tantôt jette un froid, tantôt échauffe les esprits.

C'est trop triste. Trop injuste.
Elle ne mérite pas ça, la vanne.

2 commentaires:

  1. Yep !
    +1, bien sûr !
    Et c'est comme ça dans tous les bureaux et toutes les pièces du monde, hélas...
    Est-ce que si les robinets étaient gradués justement en température, ça irait mieux ? Peut-être que si les gens voyaient écrit 8°C, 15°C, 20°C, 25°C, 33°C, ils s'obstineraient moins ?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Déjà, il faudrait que les vannes soient précises. Ce n'est pas le cas, contrairement aux thermostats d'ambiance. Et puis, les gens sont obstinés, parfois. Surtout quand ils refusent de réfléchir.

      Supprimer