Le
26 octobre dernier, je suis sorti de ma léthargie automnale pour
écouter, sur la première chaîne radio, notre brave Premier
ministre Charles Michel nous expliquer pourquoi la Belgique avait
choisi le F-35 américain pour remplacer nos bons vieux F-16,
américains eux aussi.
Et
tout d’abord, il y avait toutes ces choses qu’on savait bien à
propos du choix à opérer entre les divers concurrents encore en
lice : le déjà nommé F-35 américain, le français Rafale et
l’européen Eurofighter. On savait, par exemple, que le chouchou de
nos militaires était le F-35. On savait aussi que, de tous les
appareils mis en concurrence, il était de loin le plus cher. On se
doutait bien que l’attribution de ce juteux marché ferait l’objet
de pressions diverses et que la transparence allait être reléguée
au second plan. Mais quand même…
Quelques
jours auparavant, alors que les médias annonçaient que le choix
était fait et que l’heureux élu serait le F-35, Charles
« tout-va-bien » Michel, la voix vibrante d’indignation,
nous rappelait que le marché n’était pas encore attribué, que
rien n’était décidé, etc. Il n’empêche que le 25, le couperet
tombait et, qu’à la surprise générale, notre Premier ministre
nous annonçait, la voix vibrante d’émotion, que le choix de la
Belgique s’était porté sur le… F-35 !
Donc,
ce 26 octobre vers 7 h 45, j’entends à la radio
l’interview de notre Premier à ce sujet. Et que nous déclare ce
brave Charlot, pour qui tout va toujours très bien si l’on en
croit son perpétuel petit sourire satisfait quand il passe à la
télé ?
Il
nous dit qu’en réalité, le F-35 américain est moins cher. Si,
si. Et Charlot d’ajouter que grâce à ce choix judicieux, nous
économiserons quelque six cents millions que l’État pourra
consacrer à autre chose, comme venir en aide aux plus démunis, par
exemple (chez nous, les libéraux ont inventé le libéralisme social
– c’est le terme qu’ils utilisent – qui, si j’ai bien
compris, consiste à tenter de nous faire croire que c’est la
droite libérale qui a inventé la sécu et est le meilleur garant de
sa pérennité).
On
nous aurait donc menti ? Le F-35 ne serait pas le plus cher ?
Le journaliste insiste, mais Charlot nous rassure une nouvelle fois.
L’avion américain est bien le moins cher. D’ailleurs, ajoute le
Premier ministre, « je ne connais même pas le prix de l’avion
français ». « On n’a pas d’offre ».
Vertuchou !
Trop fort, notre Charlot ! C’est un peu comme si je rentrais
chez moi pour dire à ma femme :
« On
va acheter cette voiture-là. Elle est moins chère.
— Ah
bon ! me répondrait-elle. Et les autres, c’est combien ?
— Je
ne sais pas, mais elles sont plus chères. »
Bon,
là, c’est mes sous et ceux de ma femme, donc j’ai le droit
d’être un tout petit peu de mauvaise foi. Et de toute façon, ma
femme peut aussi aller au garage et demander le prix des autres
modèles, des autres marques…
Mais
Charlot, c’est avec nos sous qu’il joue. Avec le fric de tout le
Pays. Et quand on essaie de savoir, c’est « top-secret ».
Nos politiciens et nos militaires peuvent claquer notre pognon comme
ils l’entendent, en quelque sorte.
Du
côté des retombées économiques, il me revient d'avoir entendu que
l’offre française était alléchante. Mais bon, c’est la France.
C’est pas les States. C’est pas Trump avec ses menaces sur l’OTAN
et son insistance à rappeler qu’on ne contribue pas assez aux
finances de la défense commune.
Là
aussi, Charlot insiste : il n’y a pas eu de pressions
américaines.
Et
les retombées économiques pour nous, alors ? Ah, oui ! On
en aura. Des tas. Combien ? Ben, ça, on ne sait pas. Nous
n’avons reçu, nous rétorque-t-on par ailleurs, que de vagues
lettres d’intention…
Dis,
Charlot, tu ne nous prendrais pas un peu pour des couillons, des
fois ?
Si,
certainement ; mais ne t’en fais pas. Dans quelques mois, en
prenant le chemin de l’isoloir, on saura s’en souvenir.