Dans cette bafouille publiée en 2011
(Dieu, que le temps passe vite !), je vous entretenais de
ma façon de penser aux moines trappistes de l'abbaye de Westveteren.
Pour faire plus bref, je rappelle que
ces abrutis de tonsurés, qui ont vu leur bière trappiste « XII »
se faire élire « meilleure bière du Monde » par
quelques illuminés d'Outre-Atlantique, ne peuvent plus faire face à
la demande, qui a grimpé en flèche depuis lors. Comme leur objectif
– louable, je l'admets – n'est pas de s'enrichir mais juste de
vendre leur modeste production pour subvenir à leurs tout aussi
modestes besoins, les moines refusent donc d'augmenter ladite
production. Catégoriquement.
Donc, leur bière est rare. Si vous en
voulez, il faut prendre contact (par téléphone) avec l'abbaye,
réserver un ou deux casiers (pas plus, ils ne veulent pas) et aller
les chercher et les payer sur place. La bière est également servie
par l'un ou l'autre bistrot des alentours, mais rien de plus.
Comme tout ce qui est rare et apprécié
devient forcément très cher, de deux euros cinquante la bouteille
achetée à la source, certains petits malins tirent des dizaines,
des centaines d'euros (ou de dollars). On voit donc fleurir dans les
parages de l'abbaye de Westvleteren un trafic de casiers de bière
passant d'un coffre de voiture à un autre coffre de voiture,
moyennant bénéfice au passage. Le trésor change alors de mains à
plusieurs reprises avant de s'en aller enfin arroser la dalle de
quelques consommateurs passionnés et – fatalement – suffisamment
fortunés (ou fous) pour claquer un tas de fric dans de la bière qui
n'en vaut pas autant.
Tout récemment, j'ai entendu aux infos
que ces putains de moines étaient mécontents. Pourquoi ? Parce
que, par un curieux concours de circonstances qu'on ne qualifie pas
mais qui a sans doute un tout petit peu à voir avec de la magouille,
une chaîne de supermarchés des Pays-Bas serait entrée en
possession de quelques milliers de bouteilles de « XII »
qu'elle proposerait à la vente à un prix environ cinq fois
supérieur à celui demandé « à la source ».
Alors, les moines sont fâchés. Se
faire du fric avec leur bière, ça ne se fait pas. Une honte. Un
scandale. Jusqu'alors, ils pouvaient toujours faire semblant de ne
pas savoir que leur bêtise crasse permettait la mise en place de
petits trafics juteux ; mais cette fois, que des supermarchés
s'y mettent à grand renfort de pub...
Alors, j'ai une suggestion à faire à
ces abrutis de tonsurés : augmenter leur production, ce qui
permettra d'une part de couper l'herbe sous les pieds des
magouilleurs, et d'autre part d'autoriser le commun des mortels à
goûter une de leurs bières aussi facilement et honnêtement que les
autres.
Et s'ils ne veulent pas s'enrichir,
chose que j'approuve entièrement, qu'ils donnent donc leur excédent
de pognon, généré par la vente de brassins supplémentaires, aux
malades et aux nécessiteux. Il y a sur notre Terre suffisamment de
misère à soulager !
Je vois déjà les bras se lever au
ciel, les moues dégoûtées, les crucifix s'agiter... Mais
pourquoi ? S'entêter dans un tel crétinisme, ce n'est pas
faire le bien, c'est permettre au mal de sévir.
Ou alors, tiens, qu'ils soient
logiques : puisque leur breuvage suscite des vocations
malhonnêtes, qu'ils en arrêtent la production ! Je ne vais pas
pleurer ; car je n'en bois jamais, de toute façon. Je ne vais
quand même pas me taper Westvleteren pour deux casiers de bière.
Qu'il y en ait un pack de six à vendre au supermarché où je me
rends toutes les semaines, ou qu'on en serve au bistrot du coin ne me
dérangerait pas. Peut-être même que j'en boirais, de leur fichue
« XII ». Mais ils sont vraiment trop cons.
Finalement, je préfère acheter de la
bière trappiste brassée en Wallonie par des moines qui ont assez de
cervelle pour comprendre que l'argent rapporté par la vente de leur
bière peut servir à financer des projets sociaux, éducatifs ou
culturels intelligents dans leur région ; et aussi à donner du
travail à des gens qui, sans cela, iraient grossir les statistiques
du chômage.
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