mercredi 24 août 2011

La démocratisation dérange


Lors de la création de ce blog, il n’y a pas bien longtemps de cela, je le reconnaissais ouvertement : je suis démodé. Notre monde va vite, très vite, trop vite ; et je suis bien souvent dépassé par les événements, largué par l’évolution technologique, honteux de mon ignorance.

Malgré ces limites dues à mon âge, à mon éducation, à ma paresse chronique ou à mon incapacité à évoluer plus rapidement que ne l’autorise mon statut de descendant de l’Homme des cavernes, j’ai réussi à comprendre certaines choses. En matière d’échanges d’idées, de moyens d’expression écrite et de télécommunications, par exemple.

Internet est un outil formidable. Nous sommes nombreux à l’utiliser, mais beaucoup moins à en saisir toute la portée. Cette bafouille que je publie aujourd’hui peut non seulement faire le tour du Monde bien plus rapidement et facilement que Phileas Fogg, mais dès l’instant où je la « mets en ligne », je ne la contrôle plus. Elle m’échappe. N’importe qui peut l’imprimer, la recopier, la recoller en tout ou en partie, la transmettre, la transformer…
Néanmoins, puisque je suis à l’origine de cet article et que j’ai pris la liberté de le publier, je suis responsable de son contenu. Ces propos sont les miens ; et s’ils ne le sont pas, si par exemple je cite quelqu’un d’autre, il convient que je divulgue mes sources.

Il n’est pas rare que des gens réagissent à un texte publié sur un blog, comme le font ceux qui critiquent un livre, un article de journal… Quoi de plus normal ? Publier, c’est s’exposer à la critique, susciter des réactions, provoquer des levées de boucliers… aussi bien que rencontrer l’indifférence.

On peut dès lors s’étonner de certains propos tenus en réaction à ce qui se publie sur les blogs. On peut y lire des reproches quant à l'anonymat des intervenants. Oui, bien sûr, de nombreux administrateurs de blogs utilisent un pseudonyme, un nom de plume, comme le font la plupart des auteurs « papier » ; mais ils n’en sont pas moins responsables du contenu des articles qu’ils écrivent et, dans une certaine mesure, de celui des messages envoyés par des lecteurs (travail de modération). Anonymat ou pseudonyme ne veut pas dire « impunité ».

Dernièrement, suite à une de mes réactions (commentaire numéro 5) à cet article, monsieur Eric Poindron tenait des propos étonnants, assortis de quelques insultes méprisantes jetées en bloc à l’adresse de Stoni et de plusieurs intervenants (commentaires numéros 11 et 19). Je peux parfaitement comprendre que l’ironie des uns et les sarcasmes des autres puissent irriter ceux qui en sont la cible ; et j’avoue que le côté abrupt ou la verdeur du langage utilisé en réponse ne me surprennent que très modérément.

Par contre, les invitations du genre « on se rencontre et on en discute de vive voix », que l’on peut traduire par « espèce de lâche, t’oserais pas me dire ça bien en face », émanent de gens qui n’ont pas assimilé le principe fondamental du droit de réponse et qui s’imaginent sans doute que toute divergence d’opinions ne se règle que par la violence physique. Or, parmi ceux-là se trouvent des auteurs, des gens qui, on peut le croire, aiment écrire. Les échanges par courrier, fût-il électronique, disposent d’un charme certain.

Mon blog n’étant pas un site de rencontres, c’est par le biais de l’écriture que les avis s’y expriment, et le mien en premier. J’écris et s’il vous plaît de me répondre par le même moyen, ne vous en privez pas. J’assume ma prose, assumez la vôtre. Mais ne comptez pas sur moi pour courir à votre rencontre si vous m’invitez à le faire. Ce n’est pas là un acte impossible mais, de prime abord, je ne le ferai pas car mon but premier en créant un blog n’est pas de rencontrer des gens en chair et en os.

On lit et entend par ailleurs de bien sombres commentaires au sujet d’Internet, des blogs, de la lecture, de l’écriture et, d’une manière plus globale, des différentes formes de publication. En voici quelques exemples :

« Les gens se cachent derrière des pseudonymes. »
Les gens s’expriment. Sous n’importe quelle identité, ils sont responsables de leurs propos. Qu’est-ce qui dérange, finalement ? Est-ce bien leur identité, nom véritable ou nom d’emprunt, qui importe ou le fait qu’ils puissent s’exprimer aussi aisément ? Aujourd’hui, l’information (ou la désinformation) n’appartient plus uniquement à ceux qui détiennent les clés des médias ou les leviers du pouvoir.

« À cause d’internet, les gens ne lisent plus. »
Non seulement ils lisent, mais en plus ils écrivent. Et non seulement ils écrivent, mais en plus ils publient, ils diffusent, ils communiquent. Ils ne perdent pas leur temps sur des blogs ou des forums ; simplement, ils lisent et écrivent un peu différemment de ce à quoi certains voudraient que l’on conserve ou entretienne l’habitude (lisez donc cet article).

« L’informatique a tué (ou va tuer) le livre papier. »
J’ai plutôt l’impression qu’il n’y a jamais eu autant de livres qu’aujourd’hui, et autant de facilité à s’en procurer. Les éditeurs, les distributeurs et les libraires ont dû s’adapter aux nouvelles technologies, aux nouvelles modes, mais le livre est toujours présent. Il a l’avantage de la pérennité, du confort d’usage et du plaisir tactile. Les techniques d’impression et de vente évoluent, ceux qui ne s’y adaptent pas vivent ou vivront de mauvais jours, tout simplement.

« Aujourd’hui, tout le monde peut publier. »
Ceux qui disent et écrivent cela peuvent être ceux qui le voient d’un bon œil et profitent de l’aubaine (les auteurs amateurs et les éditeurs à la demande) ; aussi bien que ceux qui craignent de voir offrir à tous ce qui était réservé à quelques privilégiés (les auteurs reconnus et les grandes maisons d’édition). Quand les partisans de cette évolution disent « tout le monde », ses détracteurs comprennent « n’importe qui ». De la même façon que la popularisation du do it yourself a fait fleurir les slogans du genre « aujourd’hui, tout le monde peut poser un parquet ou monter un chauffage central » et fait dire aux professionnels que « n’importe qui peut se prétendre chauffagiste ».
La vérité est plus subtile, parce que le résultat dépendra essentiellement de la compétence de celui qui agit et du soin qu’il mettra à réaliser l’ouvrage. Il existe des amateurs talentueux et travailleurs ; mais aussi des professionnels qui déshonorent leur métier.

La démocratisation dérange. Qu’elle soit du pouvoir ou d’une technologie, elle dérange les happy few qui craignent de perdre leurs privilèges.

J’ai beau être démodé, ça ne m’a pas empêché de m’adapter à l’évolution des moyens de publication. Mais de même que je n’ai pas attendu d’avoir un blog pour écrire et de disposer d’un accès à Internet pour lire, je n’ai pas cessé d’acheter et lire des livres parce que j’utilise à présent le support informatique. Il n’y a pas pour moi d’antagonismes entre ces supports, mais de la complémentarité.

Grâce à Internet et à la démocratisation des moyens de diffusion, je lis plus encore qu’auparavant, je publie enfin ce que j’écris (tant sur mon blog que sur papier) et j’ai amélioré ma maîtrise de la grammaire et des subtilités de la mise en page. Je ne deviendrai ni riche ni célèbre par ce biais (ce n’est d’ailleurs pas mon objectif, j’ai un emploi qui me permet de vivre décemment), mais j’écris, je publie et des gens me lisent. Et j’ai la faiblesse de croire que ces gens ne perdent pas leur temps.

Sans Internet, sans mon blog et ceux des autres, c’était mission impossible. Vive la démocratisation !


2 commentaires:

  1. C'est drôle qu'un truc aussi con que mon article que je n'ai pas écrit sérieusement (bien que je trouve sincèrement qu'il est mal de s'en prendre à une dame) ait déclenché tous ces commentaires, c'est pour ça aussi que j'aime bien Internet.
    Je ne sais pas si Eric Poindron est vraiment gêné par le fait que des gens comme toi et moi nous emparons d'une écriture rendue publique. Je pense qu'il n'arrive pas à faire la différence entre un livre et un blog. Et il a tort car, personnellement, je fais bien plus attention à ce que je publie, ou à ce que j'autorise qu'on publie, sous mon nom d'auteur sur internet que dans mes romans.... Un livre tu peux toujours apporter un erratum ou, cas extrême, racheter tout le tirage pour le faire disparaître. Sur internet, une fois publié, tu ne peux rien y faire.

    Je trouve aussi marrant de comparer les réactions de Eric Poindron et de Max Dorra. L'un n'a rien compris et s'est enfoncé, l'autre a bien saisi la démarche et a marché dedans. C'est vraiment curieux et ça te permet de deviner un peu la personne qui se profile derrière ces noms.

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  2. "Mon blog n’étant pas un site de rencontres"


    Ah bon ? Roooh... encore raté !

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