Dimanche dernier, alors que je
transpirais en pédalant sur une de nos petites routes nationales
encore en bon état – je sais, il faut chercher –, plusieurs
cyclistes m'ont rattrapé et dépassé. Cela n'a rien d'exceptionnel,
car généralement les autres adeptes de la petite reine que je
rencontre au hasard de mes sorties matinales vont soit plus vite que
moi et me doublent, soit viennent en sens inverse. Dans ce dernier
cas de figure, il m'arrive parfois d'être plus rapide qu'eux pour
autant que ça descende bien dans la direction que j'emprunte.
Mais, comme je le dis souvent en
puisant sans honte dans le panier des excuses faites pour s'en
servir, je ne fais pas de compète, je roule pour le plaisir,
l'important c'est d'arriver au bout de mon parcours, etc.
Et puis, si c'est pour cultiver la
mauvaise foi, je vais vous dire un truc : quand je dépasse un
autre cycliste, c'est que je suis plus fort que lui ; et quand
c'est lui qui me dépasse, c'est parce que son vélo est meilleur que
le mien.
De manière plus réaliste, simplement,
celui qui rattrape l'autre, c'est parce qu'il roule plus vite. À cet
endroit-là et à ce moment-là. Parce qu'enfin, que savons-nous du
quidam que nous rencontrons sur la route au hasard de nos randonnées
cyclistes ? S'il n'avance pas, c'est peut-être parce qu'il a
déjà fait cent kilomètres et doit encore en parcourir autant ;
ou parce qu'il reprend le vélo après une longue interruption pour
cause de santé ; ou parce qu'il vient juste de démarrer et en
est encore à l'échauffement... Et s'il file comme le vent, c'est
peut-être parce qu'il est bien échauffé, parce que c'est un
compétiteur, parce qu'il est dopé, parce qu'il fait juste un sprint
pour épater la galerie...
Après tout, peu importe ! Si je
vous entretiens des joies du cyclisme, c'est parce que je me pose des
questions au sujet de la tenue vestimentaire d'un grand nombre
d'adeptes. Je ne sais pas si le fait de porter un maillot bariolé
aux couleurs d'une enseigne commerciale peut aider à rouler mieux,
plus vite ou plus sainement ; ou si ça peut seulement servir à
se donner l'air d'un compétiteur professionnel ; mais je
constate que le port de maillots et de cuissards bardés de publicité
est plutôt la règle que l'exception lorsqu'il s'agit de rouler sur
un vélo « de sport ».
Vous me direz sans doute que sur un
engin comme celui-là une tenue adéquate s'impose, et je ne vous
contredirai pas. Dès qu'il s'agit de rouler plus de quelques minutes
pour aller chercher le pain, la bicyclette routière ou tout-terrain
prend le pas sur le city bike et le cuissard moulant renvoie
au placard le duffel-coat et les pinces à vélo.
De là à choisir une tenue bariolée à
décoration publicitaire, il y a une marge que beaucoup n'hésitent
pas à franchir. Convaincu qu'un maillot et un cuissard unis et
sobres font aussi bien l'affaire, je m'interroge : les ensembles
décorés coûteraient-ils moins cher ? Ce ne serait que
logique, le quidam faisant aimablement la pub pour une marque devrait
soit recevoir les vêtements gratuitement, soit les obtenir à prix
réduit. Mais je ne pense pas que ce soit le cas. Ce serait même
plutôt l'inverse, me souffle mon petit doigt – qui ne manque pas
d'air.
Évidemment, si un type dans mon genre
se baladait avec un maillot pareil à celui de Chris Froome, ça
provoquerait sans doute un effet comique. Honnêtement, je ne mérite
pas d'hériter gracieusement d'une tenue de champion, compte tenu de
mes performances, ce serait déshonorant pour la firme qui la décore
de son nom. D'ailleurs, je ne le fais pas. J'aurais honte. Et puis,
je préfère la discrétion.
Mais est-ce que tous ceux qui portent
ces ensembles colorés – et les promènent sur leurs vélos tout
aussi colorés et ornés de lettrages qu'un myope ne peut louper même
s'il a oublié ses bésicles sur la table de la salle à manger –
sont plus à même que moi de faire honneur aux champions qui les ont
rendus célèbres ?
Jettent-ils leurs bidons vides et leurs
emballages de barres énergétiques sur le bas-côté ?
Crachent-ils sur l'asphalte ou y soufflent-ils leur morve en se
bouchant une narine puis l'autre ? Parviennent-ils à faire pipi
en roulant et sans s'asperger la chaussette ou le dérailleur ?
Sportivement parlant et même s'ils
roulent plus vite que moi, font-ils pour autant péter le chrono dans
la traditionnelle montée de quinze cents mètres à six pour cent de
moyenne qu'on trouve facilement un peu partout, même dans le plat
pays qui est le mien ?
En tout cas, moi, la pub, je n'aime pas
ça. Généralement, elle est mal faite. En plus de nous gâcher le
paysage, elle nous gâche les soirées télé et les meilleures
émissions de radio.
Alors, à vélo, tenue anonyme.
D'autant plus que le maillot d'Eddy Merckx m'irait comme un coup de
poing dans l'œil et ne ferait pas avancer ma bécane une seconde
plus vite au kilomètre.
Ha ha !
RépondreSupprimerOui... c'est ben vrai, tout ça.
Mais que veux-tu... Y en a bien qui se promènent dans la rue avec des beaux tee-shirts de Zlatan...
Après, peut-être qu'on les oblige... Peut-être qu'on leur prête le vélo à condition qu'ils promènent leur grosse pub bien dégueu de je ne sais quelle assurance à la con...
Du coup, quand ils te doublent, tu fais un gros écart pour le pousser dans le fossé ?