Sans être du genre à me précipiter
sur toutes les nouveautés plus ou moins hi-tech proposées
par notre société de consommation, j'avoue quand même m'y
intéresser assez souvent. Tout d'abord parce que je reste curieux de
nature ; ensuite parce que je n'ai guère l'envie de paraître
plus idiot qu'à l'accoutumée lorsque le hasard d'une conversation
m'entraîne sur ce terrain plutôt que sur un autre.
Dans une telle situation, plutôt que
d'afficher mon ignorance, je préfère suivre tranquillement les
débats, hocher la tête de temps à autre « comme si je
savais » et, en glissant quelques petites questions innocentes
à l'adresse de ceux qui savent et qui aiment faire savoir, tenter
d'en apprendre autant que possible sur le sujet.
J'avoue avoir déjà été tenté par
l'acquisition d'une liseuse électronique, bien que le livre papier
soit pour moi un objet aux irremplaçables saveurs tactiles et
olfactives. Dans certaines circonstances, la compacité d'un objet
capable de stocker plusieurs milliers de pages de texte et de vous
les offrir en lecture à la cadence adéquate représente un atout
appréciable : en voyage, par exemple, ou quand on aime lire au
lit.
J'ai donc commencé à m'informer sur
les différents modèles disponibles, leurs performances, leurs
fonctionnalités, leur agrément d'usage, leur prix, leur
autonomie... Des essais sont disponibles partout sur la Toile, de
même que des commentaires d'utilisateurs passionnés de lecture
souvent bien plus utiles que ceux d'essayeurs professionnels. C'est
intéressant, on peut se faire une idée assez précise des qualités
et défauts des modèles proposés.
Dans le fouillis des commentaires, j'ai
aussi trouvé certaines récriminations quant au prix des livres en
format électronique et aux divers « verrouillages » qui
empêchent d'en disposer à sa guise.
J'ai déjà abordé le problème, dans cet autre article consacré essentiellement aux productions musicales
et au sort qu'on leur fait subir aussi bien en toute innocence qu'en
parfaite connaissance de cause.
Une certaine croyance semble fortement
ancrée dans les têtes, à notre époque, qui voudrait que quand une
chose est dématérialisée, elle doive être forcément gratuite.
Nous sommes profondément matérialistes : un objet a de la
valeur ; tandis qu'une idée, ça n'en a pas.
Des gens, donc, s'étonnent ou
s'offusquent qu'un livre en format électronique puisse se vendre au
même prix que son équivalent sur support papier ; et
s'étonnent ou s'offusquent de ne pas pouvoir, une fois « acheté »,
en faire ce qu'ils veulent de la même façon qu'ils font ce qu'ils
veulent d'un livre traditionnel.
Rappelons donc quelques principes de
base...
Un livre, quel qu'il soit, c'est en
premier lieu le travail de son auteur (ce qu'on appelle « la
propriété intellectuelle »). À ce travail, il faut ajouter
celui de l'éditeur, qui va réaliser la mise en page, les
corrections, la maquette de couverture... Le livre, qu'il soit édité
sur papier ou en format électronique, sera distribué dans les
librairies ou les plateformes de vente, fera l'objet de promotions,
etc. Chacun des intervenants recevra une part du prix de vente
acquitté par l'acheteur.
Contrairement à ce que semblent croire
ceux qui voudraient que le livre en format électronique coûte
beaucoup moins cher que le livre traditionnel, ce n'est pas l'objet
en lui-même (de l'encre et du papier) qui justifie la plus grosse
part du coût de production. En grand tirage, ce coût est même
presque ridicule. La part du lion, dans le coût d'un bouquin, c'est
la marge du libraire, celle du distributeur, celle de l'éditeur et
le droit d'auteur. Il convient d'y ajouter des frais de transport et
de stockage, seuls frais qui sont presque inexistants dans le cas
d'un e-book.
La différence de coût de production
entre un e-book et un livre papier est donc beaucoup plus ténue
qu'on ne l'imagine naïvement. Et comme d'autre part les éditeurs
n'ont aucune envie de tuer leur business, basé en premier lieu sur
l'édition papier, il semble normal que les deux formats d'un même
ouvrage soient proposés à un prix à peu près équivalent.
Après le prix du livre, examinons
l'autre sujet de grogne : la propriété de l'exemplaire acheté.
Certains objectent que, lorsqu'ils
achètent un livre papier, ils en font ce qu'ils veulent : le
garder, le prêter, le revendre, le donner, le détruire... Ils
aimeraient pouvoir en faire autant de leur e-book, mais c'est, selon
eux, impossible. Ils ont l'impression d'avoir acheté du vent,
d'avoir juste acheté le droit de lire et rien d'autre.
Il convient d'apporter quelques
précisions...
En achetant un livre traditionnel, on
achète juste de l'encre et du papier. On n'est propriétaire de rien
d'autre. Le contenu appartient toujours à l'auteur ou à ses ayants
droit. Et en prêtant le livre à autrui, on lui prête juste le
support.
En achetant un e-book, on n'achète pas
non plus le contenu du livre. On achète le droit de l'afficher sur
une liseuse, un écran d'ordinateur...
Dans les deux cas, on achète un
exemplaire. Et de même qu'on ne recopie pas son livre papier pour le
donner à quelqu'un d'autre, on ne doit pas recopier son e-book pour
le donner à quelqu'un d'autre. Dans un cas comme dans l'autre, ce
serait de la copie illicite ; et que cette copie soit a priori
beaucoup plus facile à réaliser avec un fichier numérique qu'avec
un bouquin de mille pages reliées sous une couverture polychrome,
son caractère illicite (diffuser des copies non autorisées) est
irréfutable.
Trop souvent, la facilité se confond
avec la gratuité : copie d’œuvres musicales, de films, de
textes... Nombreux sont ceux qui n'ont pas conscience, lorsqu'ils
diffusent une copie « maison » (voire plusieurs) d'un
ouvrage qu'ils ont honnêtement acquis, de poser un acte à la fois
illégal et immoral. Cela semble tellement innocent de télécharger,
copier, échanger... Et pourtant, très souvent, c'est du vol.
Et la plus grosse victime de ce vol,
c'est généralement l'auteur, qui n'est rétribué qu'en fonction
des exemplaires réellement vendus.
Très bien !
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