En ce moment, en Belgique, on a un
problème. Et même plusieurs. Ils se traduisent par des mouvements
de révolte : grèves, manifestations.
Il n'y a pas qu'en Belgique que ça se
passe comme ça. Chez nos voisins français, ça grogne pas mal
aussi.
Que voulez-vous ? Le Monde est
merveilleux. Il est entraîné sur la voie du chaos par ceux qui
détiennent le pouvoir et l'argent et recherchent encore plus de
pouvoir et d'argent. Ils n'en ont jamais assez. Le résultat de cette
course au profit, de cet égoïsme mégalomane, c'est toujours plus
d'inégalités sociales, toujours plus de tensions, de grèves, de
manifestations, d'émeutes, de conflits, de violence... Les pauvres
très pauvres, de plus en plus pauvres ; et les riches très
riches, de plus en plus riches. Et au milieu de tout cela, une
« classe moyenne » qui crache au bassinet et dont les
membres glissent peu à peu vers la pauvreté ou réussissent, plus
exceptionnellement, à se hisser parmi les nantis.
Depuis plusieurs semaines, chez nous,
les gardiens de prison sont en grève. Ils rouspètent. Ils
revendiquent. Ils exigent. Ils en ont marre et on les comprend :
les établissements pénitentiaires sont surpeuplés et les effectifs
en personnel sont insuffisants pour prendre en charge cette
surpopulation.
Les prisonniers, dans la foulée, en
ont ras la casquette eux aussi. Ils ne reçoivent plus de visites, ne
peuvent plus s'aérer, se laver...
L'homme de la rue rétorquera que la
prison, ce n'est pas le Club Med', et que c'est tant pis pour eux,
qu'ils n'avaient qu'à respecter la loi, etc. C'est quand même
oublier qu'une peine de prison, c'est une privation de liberté avec
tout ce que ça entraîne comme tristesse et inconfort, mais qu'il
n'est pas requis d'appliquer aux prisonniers une forme de
maltraitance qui ne manquerait pas d'entraîner des suites
dramatiques – pour eux et pour autrui – lorsqu'ils retrouveraient
la liberté.
D'autant plus qu'en prison, il n'y a
pas que des coupables. Tant qu'ils n'ont pas été jugés, les
détenus en « préventive » sont présumés innocents.
On oublie trop souvent que la prison,
sauf rares exceptions, on y entre un jour et l'on en sortira un autre
jour. C'est ainsi. C'est la loi. Je sais que nombreux sont ceux qui
voudraient qu'il n'y ait pas de remises de peine, de libérations
pour bonne conduite... ni de libérations tout court ; mais ce
n'est pas réaliste, et puis ce serait injuste. On ne peut pas
condamner tous les accusés à la détention à vie ; et la
peine de mort est abolie depuis longtemps.
Le problème, donc, est qu'il y a trop
de gens dans les prisons et pas assez de gardiens pour s'en occuper.
Il faudrait, en quelque sorte, construire de nouvelles prisons et
engager davantage de gardiens. C'est facile, ça ne coûte pas cher.
Je blague. Ce n'est pas facile, ça
coûte cher ; et puis ça prend du temps et du temps, on n'en a
pas. Le problème il est là, tout de suite, maintenant : il
faut engager du personnel et mettre dehors quelques détenus
excédentaires.
— Quoi ? Les faire sortir ?
Les libérer ? s'inquiétera l'homme de la rue. Mais vous n'y
pensez pas !
— Si. On y pense.
— Mais c'est insensé ! Déjà
que de nombreux malfrats, quand les flics les arrêtent, ils ne vont
même pas au gnouf alors qu'ils devraient ! Ils ressortent avant
même que les cognes qui les ont appréhendés n'aient rédigé leur
rapport ! On ne va quand même pas en laisser sortir davantage !
Ceux qui y sont, qu'ils y restent !
Quelque part, l'homme de la rue, il a
un peu raison. Il n'a pas envie de voir les individus nuisibles
courir en toute liberté, voler, saccager, menacer, brutaliser voire
pire encore. Moi non plus, d'ailleurs. Mais ajouter des prisons et
des gardiens, est-ce la bonne solution ?
Dans notre Monde merveilleux, on a pris
l'habitude de soigner les symptômes plutôt que le mal. Le mal, on
ne peut pas y toucher. Le mal, c'est ce qui arrange les plus riches,
les plus puissants : la recherche d'un profit maximal et d'un
pouvoir absolu, ce qui passe obligatoirement par la création de
pauvretés, la privation de libertés, la confiscation de biens, le
pillage des ressources naturelles, la destruction de l'écosystème,
la pollution de l'atmosphère, la déforestation massive, la
commercialisation de denrées alimentaires toxiques... et bien
d'autres horreurs encore. Le résultat de tout cela, c'est la
pauvreté, la misère, le désœuvrement.
Les symptômes, ce sont de
pauvres types qui n'ont rien à faire de leurs journées parce qu'ils
n'ont pas de boulot, et qui finissent par faire des conneries. Ce
sont des gens qui n'ont pas de quoi vivre décemment et qui volent un
peu du confort des autres. Les symptômes, ce sont des victimes de
trafics honteux de substances prohibées, des gens pris dans un
engrenage fatal et qu'ils auraient pu éviter si seulement on les avait un peu accueillis, écoutés, compris...
Les symptômes, ce sont des malheureux
qu'on montre du doigt, qu'on rejette, qu'on juge sur la mine, la
religion, la race... avant même qu'ils aient entrepris quoi que ce
soit d'autre que de fuir un pays en guerre, un pays où la mort
frappe aveuglement.
S'il n'y avait pas la guerre, la
misère, les inégalités ; si l'éducation était accessible à
tous et synonyme de plaisir... nous n'aurions pas besoin de prisons.
Pas d'autant de prisons, en tout cas. Quand on dispose de tout ce
dont on a besoin pour vivre heureux, et qui finalement n'est pas si
inabordable que cela pourvu que les partages soient juste un petit
peu équitables, on ne pense pas à mal. On n'a pas besoin de voler,
on n'a pas besoin de violence, on n'a besoin que d'amour et de paix.
Je sais : ça fait un peu curé,
mon discours ; mais tout ça, j'avais envie de l'écrire.
Allez en paix. Vous avez ma
bénédiction.
Bravo !
RépondreSupprimerBéni sois-tu, mon Frère !
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