Je me faisais cette réflexion en
entendant un collègue s'entretenir au téléphone, d'une voix
onctueuse, avec je-ne-sais-plus-qui-mais-c'est-sans-importance :
— Certainement, Monsieur... Oui, oui,
bien sûr... C'est très aimable à vous... Oui, bien entendu... Pour
demain, sans problème, Monsieur... C'est cela, oui. Bonne fin de
journée, Monsieur. Au plaisir.
Puis, juste après avoir raccroché et
d'une voix bougonne :
— Trou d'balle, va !
Tout est dans la nuance.
C'est ce qui doit se produire, de temps
à autre, quand on me voit arriver au boulot sur ma bicyclette :
— Oh, Ludovic ! À vélo, ce
matin ! Et par ce froid ! Ben, t'en as, du courage !
Et, peu après, dans d'autres
circonstances et en mon absence :
— Il est dingue, Mir, de venir à
vélo par ce temps !
— Ouais. À mon avis, il cherche les
congés de maladie.
Un autre collègue, jadis, n'hésitait
pas à jouer franc jeu :
— Tu t'en vas ?
— Oui, répondait-il. Je suis en
congé cet après-midi. Vous aurez tout loisir de casser du sucre sur
mon dos.
Il y a des choses qu'on ne peut pas
dire en présence d'autres personnes. Dire à un Black qu'il est
Black, à un handicapé qu'il est handicapé, à un sourd qu'il est
sourd – enfin, si, à lui on peut le dire, il s'en fout tant que
c'est pas par gestes – ou à un con qu'il est con. Mais quand le
con est parti, on peut le dire. C'est la nuance. Et celui qui va le
lui répéter ensuite, c'est lui qui l'est. Ça ne se fait pas, des
choses comme ça.
En politique, c'est un peu pareil. Il y
a des choses qu'on ne dit pas. Une grosse bévue, c'est une
maladresse. Le genre « J'ai pas fait exprès, ce sont mes
subalternes qui... Mais je démissionne quand même, parce que c'est
ma responsabilité. Alors j'assume. »
Et ce qui ne se dit pas ensuite :
« De toute façon, j'ai encore deux autres mandats et on va me
recaser ailleurs ».
Moi aussi, je fais parfois dans la
nuance.
Quand on me demande, par exemple, si
Les Nouveaux Auteurs c'est de
l'arnaque, je réponds que non, pas nécessairement, que c'est un peu
rapide de dire ça ; mais qu'il suffit de bien lire et de bien
réfléchir avant de signer, tout simplement.
Récemment,
j'ai vu à la télé un documentaire consacré à Volkswagen.
Un documentaire allemand, je précise. Et par moments, j'étais scié.
Le temps qu'ils ont mis avant de dire les choses telles qu'elles
étaient (les accusateurs) ; et le temps qu'ils ont mis avant
d'avouer (les coupables)... ça laisse rêveur. Aux States, il y aura
de kolossales amendes.
Pas chez nous, en Europe. Il y a des choses qui ne se font pas.
« On » n'oserait pas. « On » a trop besoin de
VW, chez nous, dans le quatrième Reich.
Dans
le sport, c'est pareil. Il y a des choses qui ne se disent pas. Du
moins, dans certains sports. Car il en est d'autres, par contre,
qu'on n'hésite pas à vilipender : cyclisme, athlétisme...
Du
côté du tennis, par contre, il y a des choses qui ne se disent pas.
Des joueurs du « top » qui disparaissent pendant quelques
mois pour cause de blessure ; ou qui mettent soudainement un
terme à leur carrière alors que, tout auréolés d'une brillante
victoire, ils venaient à peine d'annoncer, une poignée de semaines
plus tôt, leurs projets d'avenir tennistique au plus haut niveau. Le
tennis, c'est un sport propre.
Mais
en cyclisme, on n'hésite pas. On ne fait pas dans la nuance :
« Machin avait un moteur dans le vélo, c'est sûr. D'ailleurs,
sur les images, ça se voit bien. »
Une
autre catégorie de sport se déroulera ce week-end, puisque ce sera
la finale du concours Eurovision de la chanson. Un truc que tout le
monde attend. Parce que là, c'est sûr, tout est dans la nuance.
Ah, oui ! Je veux bien un article sur le concours de l'Eurovision... y a sans doute moyen de se marrer...
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