Disposer d'un accès autoroutier à
une paire de kilomètres de chez soi présente quelques
avantages incontestables quand on dispose d'un engin motorisé
autorisé à y circuler et qu'on n'est pas réfractaire à l'usage
des voies rapides.
D'un autre côté, il faut bien
admettre qu'une infrastructure comme celle-là est généralement
exempte de tout romantisme et que, contrepartie de ses aspects
pratiques, le flot de véhicules qui le parcourt à toute heure du
jour et de la nuit peut s'avérer parfois dérangeant.
Autrefois, c'est-à-dire une bonne
vingtaine de mois avant que j'écrive ces lignes, l'endroit était
agrémenté d'une végétation aussi abondante qu'indisciplinée et
qui se parait de couleurs chatoyantes à certaines époques de
l'année. Surprenante était la variété d'espèces d'arbustes y
proliférant malgré l'agitation, le bruit et les gaz d'échappement !
Tous ces troncs, ces branches, ces
feuilles ; tous ces buissons, ces broussailles, ces herbes ;
en sus de dissimuler au regard la majeure partie des bandes
d'asphalte gris et des barrières métalliques au blanc sale marqué
de taches de rouille, abritaient une faune variée dont il n'était
pas rare de croiser quelque représentant – vif parfois, mort
souvent – au hasard d'une boucle parcourue sur l'échangeur aux
virages en feuille de trèfle. Faisans, pigeons ramiers, renards,
hérissons, lapins et menus oiseaux peuplaient l'endroit, traversant
soudain les bandes de circulation au péril de leur vie ou s'envolant
in extremis devant quelque dangereux tas de ferraille motorisé. Les
plus malchanceux faisaient le régal des noirs corvidés, ces
opportunistes des zones urbaines, ces opiniâtres charognards
nettoyeurs d'asphalte, ces infatigables trieurs de détritus
abandonnés sur les bas-côtés ou dispersés à grands coups de
pneus.
C'était autrefois, quand les autorités
se contentaient, de temps à autre, d'envoyer les équipes
d'entretien élaguer les branches les plus envahissantes ou ramasser
ce qui, finalement, n'avait pas réussi à intéresser la plus vorace
des corneilles du coin.
Aujourd'hui, saisissant contraste, tout
a disparu : herbes, broussailles, branches, troncs ;
feuillages et animaux tant morts que vifs. On a élagué par le vide.
Tout est coupé. Rasé. Tondu. Déchiqueté. Broyé. Pulvérisé.
Adieu renards, lapins, faisans, pigeons
ramiers, hérissons et petits oiseaux ; envolés vers d'autres
champs de bataille les noirs corvidés ! Il ne reste rien. Rien
que de l'asphalte gris et sale, des barrières rouillées et des
véhicules motorisés. Rien que le bruit des moteurs, le chuintement
des pneus, le crissement des freins et les coups de klaxon des
crétins agressifs.
Sur l'autoroute, c'est pareil. De deux
bandes de circulation dans chaque sens, on est passé à trois. Exit
la zone verte, avec ses buissons et arbustes, qui dissimulait les
véhicules circulant d'un côté à ceux circulant de l'autre. Plus
de teintes chatoyantes à l'automne, plus de soleil couchant jouant à
cache-cache entre les branches et les feuilles jaunies. Rien qu'un
muret de béton, gris et sale.
L'accès autoroutier à moins de deux
kilomètres de chez moi, l'échangeur avec ses virages en feuilles de
trèfle, ce n'était pas joli, autrefois, et ça ne sentait pas bon.
Mais aujourd'hui c'est laid, c'est sale
et ça pue.
À quand le désherbage nucléaire ! Ça irait plus vite. Ils s'entraînent déjà, en Corée du Nord, et il paraît qu'ils ont de très bons résultats...
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