Je riais encore de l'arrivée de
l'étape du Tour de France, ce Quatorze Juillet au mont Ventoux. Je
riais de voir Froome courir, puis essayer de rouler sur un vélo trop
petit pour lui et pourvu d'un modèle de pédales ne correspondant
pas aux cales de ses chaussures, puis enfin passer la ligne comme les
autres...
Je riais encore de la mésaventure des
Bleus en finale de l'Euro de football, leur tir sur le poteau à la
93e minute, puis la défaite chez eux, devant leur public. J'aurais
pourtant bien aimé qu'ils gagnent, ça m'aurait permis de l'emporter
au petit jeu des pronostics organisé au boulot, entre collègues ;
mais entre voisins francophones, on aime bien de se chambrer. Ils
avaient ri de nous, de notre élimination sans gloire ; je
pouvais bien rire d'eux...
Je riais encore de la décision des
Brittons de quitter l'Union européenne, bien soutenue par la sortie
de l'Euro 2016 de leur équipe nationale de foot ; je riais de
leur peu d'empressement à s'en aller pour de bon alors qu'ils
semblaient si bien décidés à partir. Qu'ils s'en aillent, donc !
me disais-je. Et le plus tôt sera le mieux. Je pouvais bien en
rire...
Je riais encore de la dernière bonne
blague que l'on m'avait racontée et que j'avais répétée à mon
tour ; je riais de la dernière bonne vidéo circulant sur la
Toile...
Je riais encore de mes mésaventures
avec une imprimante capricieuse nécessitant de l'encre rouge,
imprimant deux feuillets puis réclamant du papier, imprimant une
seule page encore avant d'exiger une nouvelle cartouche noire... Je
riais encore en le racontant, bien que sur le moment ça m'ait fichu
les boules, je riais parce que tout compte fait, j'aime bien rire.
Et puis, soudain, le rire s'est figé.
L'atroce réalité m'a réveillé. Paris, Bruxelles, Istamboul,
Nice...
L'horreur est partout, la violence se
fait chaque jour plus pressante. Elle étouffe nos rires, provoque
les cris, les larmes, la douleur.
De toutes les espèces ayant peuplé la
Terre, l'Homme est, de loin, la plus violente, la plus cruelle, la
plus meurtrière, la plus cupide, la plus destructrice. Un grand
requin blanc, un tigre, un t rex... ce sont ou c'étaient des tueurs,
mais sans arrière-pensée, sans volonté de nuire, sans plaisir de
détruire.
Devant l'horreur, l'injustice, la
cruauté... les rires s'éteignent. On se tait. On n'ose y croire.
Mais aujourd'hui, déjà, la vie
continue. Dans quelques semaines, les rires reviendront.
Nous n'oublierons pas, non ; mais
nous n'y penserons plus. Nous reprendrons le cours de notre existence
jusqu'au jour où un nouveau drame se produira. Alors, les mauvais
souvenirs referont surface pour un temps.
De notre vie, on tente de ne retenir
que le meilleur ; mais le pire n'est souvent qu'assoupi.
Bravo !
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