En ce moment, on parle beaucoup
d'élections : celles qui ont eu lieu, celles qui auront lieu.
Avant elles, on suppute, on sonde, on projette, on promet ;
après elles, on se gratte le crâne, on se réjouit ou on se désole,
on s'interroge sur les causes et sur les conséquences, on essaie de
comprendre pourquoi ça n'a pas marché comme on le souhaitait, comme
on l'escomptait, comme les sondages l'annonçaient.
Les experts apparaissent, pareils aux
milliers d'entraîneurs installés dans les gradins ou devant leur
télé pendant le match, qui étalent leur science lorsque la partie
est terminée, car après coup, c'est plus facile.
En ce moment, en parlant d'élections,
on se rend compte que notre Monde est malade de sa démocratie,
handicapé du suffrage universel. Les gens n'aiment pas leurs
gouvernants et souhaiteraient du changement, mais les taux de
participation médiocres aux élections sont bien souvent le reflet
de l'apathie d'une majorité silencieuse qui choisit de subir en
râlant plutôt que de faire l'effort de se rebeller, même
pacifiquement dans un isoloir.
Certains « experts » de
tout bord incriminent souvent l'abstentionnisme. Il faut d'abord
inciter les gens à aller voter, à marquer leur avis et à le
glisser dans une urne ; et quand ça ne marche pas, quand à
peine la moitié des électeurs s'expriment, on accorde souvent une
importance considérable à ceux qui se sont intéressés, au moment
crucial, à autre chose qu'à l'avenir de leur pays. Dans chaque
camp, on compte et on se dit que ceux qui ne se sont pas exprimés
étaient certainement et majoritairement ceux qui auraient fait le
bon choix, si seulement ils avaient eu l'envie de le faire.
Que pensent donc les silencieux ?
Pour qui voteraient-ils ?
En Belgique, certains se posaient,
depuis quelques années, la question inverse : à qui
profiterait l'abstentionnisme ? Parce qu'en Belgique, comme dans une minorité de pays, le vote est non seulement un droit, mais aussi
un devoir : il est donc obligatoire sous peine de sanctions.
Chez les libéraux, le projet avait été
émis de rendre le vote facultatif. D'après leurs estimations (qui,
comme beaucoup d'estimations, ne valent pas un pet de lapin),
l'abstentionnisme leur aurait été probablement profitable...
Ils ont renoncé au projet, pour le
moment tout au moins. Ouf !
Moi, le vote obligatoire, je trouve que
c'est une bonne chose. J'en ai déjà débattu avec d'autres
personnes, qui m'ont opposé leur conviction que s'abstenir d'aller
voter constitue un acte politique. Bien que je respecte leur opinion,
j'estime que l'abstention n'est un acte politique que dans la mesure
où elle s'exprime par une action concrète : voter nul, voter
blanc, manifester ouvertement son rejet du système ou, à tout le
moins, de l'ensemble des candidats qui se présentent au suffrage.
Pourquoi ne pas choisir ce jour-là pour aller manifester, pour aller
distribuer devant les bureaux de vote des tracts invitant les
électeurs à rejeter l'ensemble de la classe politique ?
Choisir ce jour-là pour rester dans
son lit, aller à la pêche, faire du tourisme ou quoi que ce soit
n'ayant rien à voir avec l'actualité électorale ne constitue pas,
selon moi, l'expression d'une opinion politique. C'est de la paresse,
de la désinvolture, de l'ignorance, de l'irresponsabilité... Les
termes ne manquent pas !
Les gens qui se conduisent de la sorte,
ceux qui ne s'expriment pas clairement ce jour-là, ceux qui ne
profitent pas de leur droit de vote... ceux-là devraient perdre,
jusqu'aux prochaines élections, le droit de râler contre les
mesures prises par ceux qui auront été élus grâce à leur
indifférence.
Enfin, droit ou devoir, réjouissons-nous de vivre dans des pays où le suffrage universel est une réalité. Il en est d'autres où c'est un rêve inaccessible.
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