Il m'arrive fréquemment d'être
surpris par la naïveté des gens ; et encore plus depuis ces
quelque dix à quinze ans ayant vu le triomphe des
télécommunications, de l'Internet sans fil et des réseaux sociaux.
Lorsque nous ne disposions que de la
presse, de la radio et de la télévision pour nous informer, nous
étions parfois en proie au doute ou à l'incrédulité en découvrant
l'une ou l'autre nouvelle sortant de l'ordinaire ; mais bien
souvent, nous nous satisfaisions d'y croire en nous répétant que
puisque c'était dit aux infos ou écrit dans le journal, ce devait
être forcément vrai. Sauf peut-être un premier avril, à condition
de nous être souvenus que c'est habituellement une journée propice
aux canulars.
Autrefois, vérifier la véracité
d'une nouvelle toute fraîche exigeait un petit effort, voire deux :
écouter un bulletin d'information sur une autre chaîne, lire un
journal différent, ouvrir une encyclopédie, sortir de chez soi et
parler aux gens...
Aujourd'hui, c'est bien plus facile :
Internet est à portée de doigts où que l'on soit, les chaînes
d'information en continu sont disponibles dans les langues les plus
courantes et tout le monde garde son téléphone sous haute
surveillance, parfois même jusque dans les toilettes.
Je suis dès lors souvent surpris
lorsque des gens bien intentionnés viennent me répéter quelque
énormité relayée par d'autres gens peut-être bien intentionnés
eux aussi, mais lancée par des personnes ayant des objectifs
beaucoup moins innocents.
J'en ai déjà parlé dans un précédent article consacré aux balivernes qui atterrissent aussi bien dans ma
messagerie électronique que dans les tuyaux de mes oreilles :
comment est-il possible de transmettre à d'autres certaines âneries
sans avoir pris la peine de vérifier le sérieux de l'expéditeur ou
celui de l'information originale ?
Tout récemment, dans mon pays, les
médias ont abondamment évoqué le dixième anniversaire d'un des
canulars les plus célèbres jamais concoctés par la télévision
francophone belge, et que l'on avait appelé « bye bye
Belgium ». Très sérieusement et peu après le journal
télévisé, la RTBF avait interrompu ses programmes pour diffuser
une « édition spéciale » au cours de laquelle le
présentateur nous expliquait, images à l'appui, que la Flandre
venait de proclamer son indépendance.
C'était gros. Très gros. Comme tout
le monde, je fus d'abord fortement surpris par la nouvelle. Les
images paraissaient crédibles, le journaliste aussi. Et nous
n'étions pas un premier avril.
Passées les premières minutes de
surprise, je m'empressai alors de changer de chaîne télé (en
écoutant brièvement Bel-RTL, très au fait de l'actualité belge),
puis d'allumer la radio. Dame ! Une nouvelle d'une telle
importance ne pouvait être que relayée par les autres médias
nationaux ! Mais non. Rien. Le train-train.
L'évidence me sauta aux yeux :
c'était un canular ! Je me mis à suivre avidement les
informations qui se succédaient, hilare face à la qualité du
montage (des images et des morceaux d'interviews tirés de leur
contexte) et à l'énormité de certaines scènes (des barrières sur
les rails du tram bruxellois et les voyageurs stoïques descendant du
véhicule pour embarquer dans un autobus flamand).
Pourtant, la RTBF s'empressa d'afficher
en bas de l'écran un bandeau indiquant que le reportage était une
fiction ! Apparemment, beaucoup de téléspectateurs s'étaient
laissé prendre et réagissaient en sens divers, les plus féroces
étant ceux qui, incapables de comprendre assez vite qu'il s'agissait
d'une fiction, s'offusquaient de ce que la chaîne soit sortie de son
rôle (qui est d'informer, selon eux, et pas de distraire ou de
s'interroger sur ce qui pourrait se produire dans un futur plus ou
moins proche).
C'est un peu comme quand vous faites
une bonne blague à quelqu'un d'autre : son sens de l'humour ne
va pas toujours jusqu'à rire de s'être laissé prendre. En quelque
sorte, quand on a l'air con, ce n'est pas parce qu'on est con, mais
parce que quelqu'un d'autre en est un.
Dix ans plus tard, je reste étonné
par la naïveté de beaucoup de gens, lors de la diffusion de ce
reportage. Bien sûr, c'était il y a bien longtemps, sans doute
avant les réseaux sociaux, les smartphones dans les mains et
Internet partout et à toute heure ; mais quand même !
Pourtant, lorsque je songe à certains
messages ayant atterri un jour dans ma boîte courriel, comme celui
censé m'apprendre qu'un réfugié recevait, à l'époque,
trente-cinq euros par jour (ce qui était scandaleux et devait être
répété partout), alors qu'il s'agissait en réalité de la
subvention accordée quotidiennement à la commune assurant son
hébergement (information vérifiée en une paire de minutes), plus
rien ne devrait m'étonner.
Mais si. Ça m'étonne encore.
Ce qui m'étonne, ce n'est pas que de
telles énormités soient diffusées, c'est que des gens apparemment
bien éduqués, scolarisés, matures et responsables puissent encore,
aujourd'hui, se satisfaire d'ignorer dans quelle étable se cache
l'âne qu'ils ont entendu braire.
Mais, puisqu'il est question d'âne et
d'étable, je m'en voudrais de ne pas terminer sur une note positive
en vous souhaitant, à tous, d'agréables fêtes de fin d'année !
À bientôt !
Oui, on a beau avoir tout ce qu'il faut à portée de main, il faut quand même faire un effort : le premier effort de tous, c'est celui de la réflexion ; que ce soit face à une information, à une publicité, à une discussion, ou à n'importe quoi sans doute...
RépondreSupprimerIl n'y a encore pas si longtemps, sur un forum que nous fréquentons (et que fréquentent aussi a priori des gens ayant fait un peu d'études), quelqu'un a présenté ce texte : https://blogs.mediapart.fr/monkeyman/blog/270411/extrait-manuel-scolaire-pour-les-femmes-1960
en assurant que c'était vrai.
Alors qu'avec un peu de recherche, on trouve facilement que non, et que c'est un brave canular bien monté dans un ton qui peut ressembler aux fantasmes que se font les gentils bien-pensants d'une époque "révolue".
Bon, après, c'est aussi là qu'on en trouve qui mettent leur meilleure note à chaque nouvelle publication en s'exclamant que c'est un coup de génie et de très loin le plus fabuleux récit qu'il leur ait été donné de voir. Jusqu'au lendemain.
Et là, pour le coup, personne ne met ça en doute, hein... ha ha !