Notre corps, machine complexe parfois
fragile mais souvent merveilleuse, recèle des mystères que notre
médecin de famille – qui nous connaît pourtant si bien – peine
souvent à éclaircir.
Combien de fois n'avons-nous pas
souffert de quelque mal apparemment inexplicable, si inexplicable que
le praticien en arrive à déclarer d'un ton las que c'est
psychosomatique ou, à tout le moins, que c'est bénin ? Le
genre de chose qui peut nous conduire à préciser, dans notre
testament, que sur notre tombe devra figurer l'inscription :
« Je vous l'avais bien dit que j'étais malade ».
Avouez toutefois que le bon docteur,
aussi compétent soit-il, n'a pas toujours la tâche facile. Bien
sûr, parfois, en arrivant chez vous suite à votre appel (où à
celui d'une personne partageant votre quotidien, si vous n'étiez pas
en état de téléphoner), le généraliste qui vous trouve allongé
le thermomètre sous le bras n'a guère de peine à diagnostiquer
votre grippe, celle-là même qui frappe à ce moment-là les trois
quarts de sa clientèle, ou une autre affection contagieuse qui court
les rues à la faveur d'une mauvaise saison un peu vicieuse. Mais ce
n'est pas toujours le cas.
Lorsque vous vous rendez à sa
consultation – de dix-sept à dix-neuf heures mais qui joue
fréquemment les prolongations – pour lui conter vos soucis du
moment, vous n'êtes pas toujours porteur de germes pathogènes
immédiatement identifiables. Une fois mises de côté vos petites
affections chroniques (allergie au pollen, au boulot, à TF1...) que
vous connaissez bien et que vous soigneriez vous-même sans le
secours du praticien si le pharmacien daignait au moins vous délivrer
sans prescription le remède habituel et si votre patron vous
octroyait généreusement sans certificat d'incapacité les quelques
jours de congé nécessaires à vous remettre d'aplomb, vous voilà
embarqué dans la description d'une douleur inédite, un mal étrange
qui vous assaille de temps à autre, depuis quelques jours.
Vous avez bien songé que « ce
n'est pas grave » et que « ça va passer », mais
non. Ça ne passe pas. Ça s'en va et ça revient et, précisément,
au moment où votre tour vient de vous présenter devant le toubib
après avoir lustré du fond du pantalon une des chaises de la salle
d'attente, ça s'en est allé.
Vous vous en doutiez. Cette douleur,
ces élancements, ces sortes de pincements, de crampes, de... Vous
n'arrivez pas à les décrire exactement et le médecin de famille
parvient encore moins à les cerner. Tout ce qu'il comprend, c'est
que vous souffrez de temps à autre, que c'est passager, et qu'il
faudrait qu'il soit là au moment où ça se produit pour avoir une
meilleure idée de ce qui se passe peut-être au sein de votre
machine biologique capricieuse et complexe, mais voilà : il a
autre chose à faire que de rester à votre chevet en attendant que
« ça arrive ». Même si vous lui payez l'attente, comme
vous pouvez le faire avec un chauffeur de taxi.
En attendant, votre tension artérielle
est correcte, votre coeur bat comme il doit et la perspective d'aller
bosser le lendemain se précise. Pour vous rassurer, le généraliste
vous prescrit une radiographie, une échographie, un encéphalogramme,
une gastroscopie ou tout autre truc finissant en « ie »
ou en « amme », et vous propose de revenir le voir quand
il aura reçu les résultats.
Il arrive aussi qu'il prévoie de vous
faire faire pipi dans un petit pot ou de vous envoyer subir un
prélèvement sanguin plutôt que de vous envoyer paître, même si
vous l'enquiquinez, en fin de compte, avec vos petits maux.
Après ça, vous n'en saurez pas
davantage ni lui non plus, votre petit mal mystérieux aura de toute
façon miraculeusement – mais provisoirement – disparu en même
temps qu'un bon paquet de pognon hors de votre portefeuille et des
caisses de la sécu. La santé, c'est comme ça. C'est mystérieux.
C'est comme les poils de nez.
Les poils de nez, on nous a déjà
vaguement dit à quoi ça sert : à filtrer ce qu'on respire et
à bloquer les saletés qui, sans cela, arriveraient dans nos poumons
et nous ficheraient de foutues maladies. C'est vous dire à quel
point les poils de nez se foutent bien de notre pomme.
À moins qu'il y ait trop de saloperies
dans l'air pour que de pauvres petits poils de nez puissent toutes
les arrêter, ce qui est une autre explication plausible,
admettons-le.
Mais les poils de nez, c'est quelque
chose !
Vous avez certainement déjà été la
victime d'un de ces petits vicieux qui se met soudain à vous
chatouiller l'entrée de la narine, et à vous la chatouiller si bien
qu'il faut que ça s'arrête ! Et rien n'y fait : ni le
mouchoir, ni le doigt. Il faut éliminer le trublion.
Comme ça se produit rarement au moment
où vous êtes devant le miroir de votre salle de bain avec une pince
à épiler à portée de main, mais plutôt dans un endroit où l'on
pourrait vous voir vous tripoter les narines et songer que vous êtes
un dégoûtant, vous essayez la discrétion. Souffler doucement,
renifler discrètement, tenter d'attraper cet enfoiré entre deux
ongles... Rien n'y fait !
Vous cherchez un coin tranquille. Si
vous avez de la chance, les toilettes ne sont pas loin. Sinon, vous
vous détournez discrètement, vous attrapez et vous tirez. Et ça
fait mal, nom d'une pipe ! D'autant plus que le coupable a
résisté : vous contemplez vos ongles, mais ils n'ont rien
emporté dans leur travail de pinçage-arrachage.
Vous recommencez. Malheureusement,
celui que vous parvenez à extraire douloureusement n'est pas ce
petit vicieux auteur du chatouillis, mais un de ses voisins
parfaitement innocents ! La larme à l'œil, vous étouffez un
juron et sortez votre mouchoir. Quand on s'arrache un poil de nez, ça
fait rougir et pleurer l'œil situé du côté de la narine agressée.
Les poils de nez ont probablement de longues racines. Et
immédiatement après, vous devrez vous moucher si vous ne voulez pas
passer pour un morveux.
La douleur passée, le flux lacrymal
apaisé, vous tentez de repousser vers l'intérieur ce foutu poil
emmerdeur qui persiste à vous chatouiller. Hélas !
Plusieurs tentatives d'arrachage seront
nécessaires pour venir à bout du poil récalcitrant.
Les poils de nez, c'est un des mystères
de notre corps.
Je me demande si certains ont déjà
songé à utiliser leur arrachage comme moyen de torture... Ça doit
être efficace.
"un de ses voisins parfaitement innocents !"
RépondreSupprimerHa ha ha ha !
On sent le vécu !
Ça mériterait un reportage, presque...
Mais, effectivement, les médecins... oui... D'ailleurs, globalement, ils ne nous donnent désormais plus grand-chose à moins que ce ne soit strictement nécessaire, j'ai l'impression. D'un côté, c'est bien, et d'un autre, quand au bout de sept semaines de merdouillis la crevurerie n'est pas passée...