Être le malheureux auteur d'un livre
qui ne se vend pas bien, vous en avez peut-être déjà fait
vous-même l'expérience si un éditeur vous a accordé la faveur de
le publier. J'écris « la faveur » parce que,
généralement, un éditeur considérera presque toujours qu'il vous
en fait une en vous éditant, lui qui n'a que l'embarras du choix
parmi les manuscrits qui se bousculent dans sa boîte à lettres et
encombrent ses bureaux.
Évidemment, si vous êtes l'auteur
connu et reconnu de plusieurs « best-sellers » et que la
seule impression de votre nom de plume sur une première de
couverture suffit à assurer des ventes confortables, c'est plutôt
vous qui finirez par considérer que vous faites une fleur à votre
éditeur en lui confiant un nouveau manuscrit ; mais si vous
êtes dans cette situation, les lignes qui vont suivre ne vous
intéresseront pas.
Laissons donc de côté les « happy
few » qui connaissent le succès, pour nous attarder sur le
sort des autres, des auteurs pas vraiment anonymes mais qui espèrent
encore se faire un nom, penchons-nous sur les problèmes de ceux qui ont déjà
signé un contrat mais attendent encore gloire et fortune. Parmi
ceux-là, nombreux sont ceux qui se sont déjà entendu reprocher par
leur éditeur les mauvaises ventes de leur roman.
Si vous êtes dans cette situation,
vous avez peut-être entendu, en allant aux nouvelles, le boss vous
répondre que « votre livre ne se vend pas bien ».
Peut-être aussi vous a-t-il déjà dit : « Votre premier
roman ne s'est pas bien vendu », ce qui signifie que vous
n'avez pas à espérer la moindre révision à la hausse de votre
contrat, si contrat il y a, pour le deuxième que vous lui présentez.
Les éditeurs qui adressent à leurs
auteurs des reproches de ce type ne manquent pas de culot !
Parce que quand un livre édité ne se vend pas, ce n'est
certainement pas de la faute de l'auteur. Eh, non !
Et tout d'abord, qu'est-ce qu'un livre
qui se vend mal ? Qu'est-ce que trop peu ? Gageons
qu'auteur et éditeur ne mettent pas à la même hauteur la barre de
leurs ambitions ! Quand l'un sera content de voir s'écouler
deux mille exemplaires de son premier livre, l'autre considèrera ce
chiffre comme un « flop » qui lui permet à peine de
rentrer dans ses frais. C'est du moins ce qu'il dira.
En disant cela, l'éditeur est
malhonnête. Il fait mal son boulot et en rejette la faute sur
autrui. Autrui étant l'auteur. Mais celui-ci, à moins d'avoir
personnellement orchestré une contre-publicité pour son œuvre,
n'est en rien responsable du fiasco ou de ce que l'éditeur tente de
faire passer pour un fiasco.
En signant un contrat avec un éditeur,
l'auteur lui cède ses droits (sauf la paternité intellectuelle de
son roman) en échange d'une rémunération calculée en pourcentage
sur le prix des exemplaires vendus. Cette rémunération s'appelle
« droit d'auteur ». À charge de l'éditeur de faire
imprimer, distribuer et vendre le livre. Si les ventes ne sont pas
bonnes, qui est fautif ? L'auteur ? Non. L'éditeur, même
s'il essaiera de faire croire le contraire à l'auteur trop naïf.
Imaginons une conversation :
— Franchement, Dugenou, votre roman,
ça ne se vend pas !
— Désolé, monsieur Boutique, mais
ce n'est pas de ma faute. Il est mal distribué, voilà tout. Et je
n'ai pas vu de publicité.
— Publicité ! Publicité !
C'est un premier roman, j'ai déjà pris des risques en assumant tous
les frais d'édition et de diffusion. Vous pourriez y mettre un peu
du vôtre, non ?
— Qu'est-ce que vous attendez de moi,
monsieur Boutique ? Que j'aille mettre un étal à la sortie de
la messe, chaque dimanche dans une paroisse différente ? J'ai
fait deux salons, à votre demande, et huit séances de signatures.
J'ai sollicité moi-même des rencontres avec la presse. Et j'en ai
obtenu.
— Des journaux locaux, Dugenou !
Des petites feuilles locales minables !
— Excusez-moi, m'sieur Boutique, mais
je n'ai pas vos entrées. Je pensais qu'en signant dans une maison
comme la vôtre...
— Ne venez pas avec ça, Dugenou !
Votre roman ne vaut pas tripette, voilà tout !
— Je ne vous ai pas mis le couteau
sur la gorge. Vous n'étiez pas obligé de le publier. Si vous l'avez
fait, c'est que vous estimiez qu'il pourrait trouver son public.
— Les deux critiques qui l'ont lu
l'ont démoli !
— Qu'est-ce que deux critiques ?
Il devrait y en avoir des dizaines, de critiques, si vous aviez bien
diffusé mon roman ! Alors, deux seules critiques, vous savez...
— Eh bien ! Ça peut tuer les
ventes ! Jean Flingue lui-même a qualifié votre roman de
« sombre merde ». Jean Flingue ! Et je me demande
s'il n'avait pas raison, d'ailleurs.
— Vous auriez dû le prévoir, vous
qui êtes plus expert que moi en la matière. Dénicher des talents,
c'est votre métier, pas le mien ! Moi, j'écris ce que j'ai
envie d'écrire et j'espère que ça plaira ; et si ça ne plaît
pas, tant pis !
— Je pensais, j'espérais que nous
pourrions trouver un peu de succès ensemble, mais vous êtes borné !
— Borné ?
— Vous êtes attaché à la moindre
virgule de votre charabia. J'ai même dû insister pour que vous
acceptiez un autre titre. Le vôtre n'était pas vendeur.
— Le nouveau non plus, semble-t-il.
Mais je vous rappelle que j'ai modifié certains passages à votre
demande, ajouté des situations que vous souhaitiez car « plus
vendeuses » elles aussi. Que pouvais-je faire de plus ?
J'écris mon roman. Pas le vôtre. Je ne savais pas que vous
cherchiez un nègre.
On pourrait enchaîner plusieurs pages
encore d'échanges de reproches, mais rien d'autre n'apparaîtrait que
l'évidence : c'est l'éditeur qui est responsable des ventes
des livres qu'il édite. Et s'il édite une « sombre merde »
comme celle évoquée ci-dessus, c'est entièrement de sa faute. Il
n'est pas obligé. Il a l'embarras du choix.
Ami auteur, si ton éditeur attend
que tu te charges toi-même de la publicité et de la vente de ton
roman, c'est un mauvais éditeur.
Car si tu dois assurer, en sus de l'écriture, la partie commerciale
du boulot, autant te lancer dans l'auto-édition. Ton bouquin se
vendra peut-être mal, mais tu n'auras pas cédé tes droits à un
profiteur qui viendra t'adresser des reproches injustifiables.
Dallas.... on s'y croirait...
RépondreSupprimerCela posé, voilà un échange, certes imaginaire, mais très instructif... au cas ou!
Imaginaire, certes, mais le reflet d'une triste réalité : il y a des "éditeurs" qui attendent de l'auteur qu'il se débrouille pour faire vendre son livre. À peu près tous ceux qui racolent les auteurs sur Internet sont de cet acabit.
SupprimerQuand l'éditeur octroie, d'un geste auguste, le droit à un misérable écrivaillon de paraître sous ses couleurs, il sera obligatoirement l’artisan du succès, tandis que le manant qu'il a daigné soutenir sera responsable des échecs qu'il appuiera d'un regard torve !
RépondreSupprimerHa, ha, ha !
SupprimerMerci pour votre commentaire !