Cette année, en mai, nous retournons
aux urnes. C'est comme ça tous les cinq ans, pour les législatives,
et l'on espère cette fois qu'il ne faudra pas des mois de palabres
d'après-scrutin, comme pendant plus de cinq cents jours en 2010-2011, pour qu'un gouvernement de
plein exercice soit constitué.
En attendant, nos génies politiques
affûtent leurs incisives et, pour se rendre intéressants et faire
causer d'eux dans les médias, rivalisent d'idées plus farfelues les
unes que les autres. L'important, c'est d'attirer le chaland, même à
coups de propositions surréalistes ou carrément débiles.
Bien sûr, c'est la crise, et une bonne
manière de faire des économies tout en relançant la croissance
serait, si l'on en croit certains, de lutter contre le chômage et,
accessoirement, contre les chômeurs, ces paresseux qui profitent
honteusement du système et pillent les caisses de l'État.
En privant du droit aux allocations de
chômage quelques milliers de sans-emploi de longue durée, on va
inciter ceux-ci à enfin se mettre au travail pour gagner leurs sous.
Ainsi, au lieu d'être à la charge de la collectivité, ils se
prendront en mains, gagneront de l'argent et relanceront la
consommation. Si, si. C'est vrai. C'est eux – certains politiciens
à la solde du patronat – qui l'affirment. Et ils savent de quoi
ils parlent, parce que du côté de la droite ultralibérale, les
affaires d'argent et la manière d'en gagner, on connaît.
Dans un tout récent débat télévisé,
certains ont même courageusement dit tout haut ce que les gens
pensent tout bas : il n'y a qu'en Belgique qu'on se montre aussi
généreux avec les chômeurs âgés ou « de longue durée »,
les jeunes à la recherche d'un premier emploi, les vieux
travailleurs qui aimeraient bien prendre une retraite anticipée et
tous ces gens dont on n'a pas parlé au cours du débat comme les
réfugiés, les sans-papiers, les demandeurs d'asile... Ceux-là, on
n'en a pas parlé parce que ce n'était pas le sujet, mais ça
revient au même. Ce sont des parasites. Ce n'est pas moi qui le dis,
mais des tas de gens autour de moi et des politiciens qui aimeraient
bien que ces tas de gens votent pour eux et qui, n'osant pas parler
de « profiteurs », de « paresseux » et autres
noms peu flatteurs, préfèrent dire tout simplement « qu'il
n'y a qu'en Belgique qu'on fait ça ».
On présente comme une tare, une
maladie honteuse, le fait de refuser de laisser totalement de côté
les plus démunis. La Belgique est sociale et ça ne se fait pas.
Voyez nos partenaires européens : chez eux, pas de chômeurs de
longue durée, alors que chez nous, il y a des chômeurs « à
vie ». C'est quand même un signe que ça ne va pas, en
Belgique.
Non, ça ne va pas. À cause de tous
ces gens qui pompent le fric des honnêtes travailleurs, le Belge
moyen vit mal. La Belgique est à la traîne du peloton européen. La
crise, chez nous, est terrible. Les agences de notation n'arrêtent
pas de dégrader notre note. La dette publique s'accroît sans cesse.
Les banques ne nous font plus crédit alors qu'on leur a fait crédit
quand elles étaient dans le caca. Tout le monde s'en va à
l'étranger où tout fonctionne mieux...
Bon, tout ça, c'est du second degré.
En réalité, la Belgique ne va pas si mal. Elle serait même parmi
les bons élèves de l'Europe ; et quand on sait qu'elle y
parvient en préservant encore – contrairement à ce qui se passe
dans beaucoup d'autres pays – la plus grande part des acquis
sociaux, c'est une performance. Et un cinglant démenti à la droite
ultralibérale qui voudrait nous démolir la sécu, rendre les
pauvres plus pauvres et les riches plus riches.
Parce que le pauvre, c'est l'ennemi.
Pas la pauvreté. Ne confondons pas. Il ne faut pas lutter contre la
pauvreté, mais contre les pauvres. Je vous invite d'ailleurs à lire cet excellent article sur le sujet.
Mais je m'en voudrais de consacrer
toute cette bafouille à un seul des délires de nos politiciens,
alors que d'autres sont tellement intéressants. Comme l'idée d'un
des leaders libéraux d'entreprendre de grands travaux dans et autour
de Bruxelles. C'est vrai : notre capitale est engorgée par des
millions de navetteurs, parmi lesquels d'innombrables automobilistes
créant quotidiennement des kilomètres de bouchons routiers et
autoroutiers.
Alors, pour remédier à ça, une bonne
solution : rajouter des routes. Un périphérique pharaonique
souterrain, qui permettrait aux voitures de circuler plus rapidement
et de dégager de la place en surface... pour accueillir encore plus
de voitures. Avez-vous déjà entendu une idée aussi débile en
matière de lutte contre la pollution, les problèmes de mobilité,
le stress, le coût des infrastructures ?
Pour lutter contre tout ça, il faut
moins de bagnoles. Et plus de transports en commun rapides,
confortables, prioritaires et ponctuels.
En Belgique, nous sommes environ onze
millions d'habitants, parmi lesquels près de deux millions de
retraités qui, en principe, ne roulent plus beaucoup en voiture et
certainement pas pour entrer à Bruxelles aux heures de pointe. Nous
comptons aussi environ deux millions de jeunes n'ayant pas encore
atteint l'âge leur permettant de tenir un volant ailleurs que sur
les kermesses, et un million de jeunes de plus de dix-huit ans étant
encore aux études et n'ayant pas, en principe, les moyens financiers
d'être automobilistes.
Malgré tout cela, il circule en
Belgique – en ne comptant que les véhicules immatriculés chez
nous – environ cinq millions et demi de voitures particulières.
Une voiture par ménage, approximativement, le terme « ménage »
désignant aussi bien des familles que des isolés.
J'ai l'impression qu'il y a bien assez
de bagnoles en circulation sans leur créer à grands frais des voies
de circulation supplémentaires. Qu'on commence par entretenir et
réparer celles qui existent !
Mais les délires ne s'arrêtent pas
là, puisque dans une cacophonie dont nos élus ou aspirants élus
semblent détenir le secret, des intentions d'installer un péage aux
entrées de la capitale pour dissuader les navetteurs de s'y rendre
en voiture, des projets d'immenses parkings de dissuasion, des idées
de taxation au kilomètre parcouru... fleurissent tous azimuts.
Si nous nous chauffions avec les idées
farfelues, les débats stériles, les phrases assassines, les
allusions mesquines, les rancunes tenaces, les arrangements
d'arrière-cuisine, les préaccords électoraux et les retournements
de veste de nos politiciens ; et si nous faisions tourner des
éoliennes avec tout le vent qu'ils produisent, nous n'aurions pas
beaucoup de problèmes d'énergie.
et oui, que ce soit en Belgique, en France ou ailleurs, le pauvre est l'ennemi à abattre, le parasite qu'il faut détruire... (merci pour le lien)
RépondreSupprimer