Alors que l'actualité fourmille de
nouvelles diverses en provenance de nos comparses de l'UE, je vais à
nouveau vous entretenir de la crise politique belge.
« Quelle crise ? »
s'étonneront certains, à juste titre puisqu'on n'en est pas encore
là, mais qui sait ? Peut-être en prenons-nous le chemin...
Souvenons-nous qu'à l'issue des
élections législatives de 2010, la Belgique était restée quelque
cinq cent quarante jours sans gouvernement de plein exercice,
phénomène dont je vous ai abondamment entretenu à l'époque. Bien
sûr, nous ne manquions pas de gouvernements, puisque les quatre
régions avaient le leur, pleinement fonctionnel, et que leur
homologue fédéral était toujours présent, mais « en
affaires courantes », selon la formule officielle.
C'est encore le cas maintenant, bien
que nous n'en soyons pas encore à cinq cents jours mais à un bon
mois, mais contrairement à la situation de 2010-2011, les
gouvernements régionaux sont encore à constituer, les élections
régionales ayant coïncidé avec le scrutin fédéral. Seule la
région germanophone a déjà conclu son alliance de majorité. Pour
les autres, les pourparlers sont en cours...
Sommes-nous repartis vers une nouvelle
tentative d'explosion de records ? Il est encore tôt pour le
dire, mais permettez-moi de vous expliquer – en simplifiant si
possible (mais est-ce possible ?) – pourquoi nous risquons de
finir bientôt dans le caca. Pas nous directement, mais nos élus
probablement. Et le bon peuple ensuite par ricochet.
Pour faire simple, donc, et alors que
l'Italie tout entière pleure encore l'élimination du Mondial de
foot de sa bien aimée squadra, je
me permettrai de rappeler avant toute chose qu'en Belgique, outre
l'obligation d'aller aux urnes, le citoyen jouit des joies des
scrutins « à la proportionnelle ». Est-ce un bien,
est-ce un mal ? Les avis sont partagés. Disons que ce mode de
désignation de nos dirigeants représente mieux les différentes
tendances et opinions présentes au sein de la population que le
système « majoritaire » comme pratiqué en France, mais
que les gouvernements qui en sortent sont, du fait de coalitions
parfois fragiles, beaucoup moins stables qu'on le souhaiterait quand
on en fait partie ou quand on les soutient.
La
Belgique ne pratiquant pas le référendum, c'est lors des élections
que le citoyen en âge de voter peut exprimer ses choix. C'est bon à
savoir pour comprendre comment fonctionnent les choses, à une époque
où les Suisses, par exemple, ont recours à de fréquentes
consultations populaires, et où les Anglais envisagent d'y recourir.
Concernant ces derniers, on sait par exemple qu'ils envisagent de
quitter l'Europe qu'ils n'ont jamais vraiment intégrée, mais qu'en
attendant ce jour, ils ont déjà quitté le Mondial, même s'ils ne
le voulaient pas vraiment.
En
Belgique, pour gouverner, il faut recourir à des coalitions –
alliance au Parlement des élus issus de plusieurs partis –
puisqu'aucune formation politique n'obtient à elle seule la majorité
des sièges à la Chambre des représentants, ce qui garantit souvent
foire d'empoigne, coups de couteau dans le dos, crocs-en-jambe et
noms d'oiseaux.
Pour
corser le jeu, les familles politiques se sont depuis longtemps
désunies, les partis étant désormais francophones ou
néerlandophones, avec des présidences, des sièges, des
représentants et des idées franchement dissemblables.
En
tête aux dernières élections, la NVA, parti séparatiste
flamingant ayant pour chapitre premier de ses statuts la création
d'un État flamand indépendant, avec trente pour cent des voix au
nord du pays, ce qui équivaut à une vingtaine de pour cent du
total.
Ce
parti de droite plutôt cul et chemise avec le patronat flamand (et
qui souhaiterait mettre à mal la sécurité sociale, les chômeurs,
les immigrés, les demandeurs d'asile, les malades et la Wallonie) n'ayant pas d'équivalent francophone, les
seules convergences qu'il peut trouver au sud du pays le sont au plan
socio-économique auprès des libéraux. À condition de mettre de
côté toute revendication communautaire.
NVA +
MR (libéraux francophones) n'ayant pas de majorité à eux deux, un
troisième comparse tout trouvé est le CD&V (sociaux-chrétiens
flamands), parti de centre droit qui se verrait bien gouverner avec
Bart de Wever (chef de file NVA), surtout que celui-ci n'est pas
intéressé par le poste de premier ministre mais que Kris Peters
(CD&V), par contre, se voit très bien dans ce costume.
Reste
à convaincre un quatrième partenaire pour atteindre la majorité.
Un partenaire francophone de préférence, parce que la tripartite
NVA-CD&V-MR ne compterait dans ses rangs côté francophone que
le seul MR, largement minoritaire à lui tout seul au sud du pays.
Seul
parti francophone envisageable actuellement pour faire l'appoint :
le CDH. Les chrétiens-humanistes sont le pendant francophone du CD&V
et, bien que plutôt de centre gauche que de centre droit, un
partenaire assez naturellement envisageable par Bart De Wever et Kris
Peters.
Côté
MR, on est partant. Les libéraux francophones sont prêts à tout,
semble-t-il, pour gouverner – enfin ! – sans les
socialistes. C'est leur vieux fantasme : repousser le PS dans
l'opposition.
Vous
suivez ? Bravo !
Parce
que c'est maintenant qu'il y a un os. Côté CDH, on n'est pas chaud.
Pas chaud du tout pour s'embarquer dans un gouvernement où on sera
le « petit Poucet » d'une coalition franchement à droite
alors qu'on est plutôt au centre gauche et que depuis des mois on se
fait brocarder, insulter et accuser de tous les maux par le puissant
voisin libéral. C'est dire si la confiance règne. Et sans
confiance...
Sans
le CDH, Bart De Wever se tournerait bien vers l'OpenVLD, parti
libéral flamand et partenaire de choix pour les francophones du MR.
La majorité serait suffisante... pour autant que les libéraux
francophones soient tentés d'y aller seuls, tout minoritaires qu'ils
sont, on le rappelle, pour représenter le sud du pays. Quelques
maroquins et l'assurance d'être débarrassés des socialistes
devraient faire l'affaire.
Mais
là aussi, il y a un os. Et même deux.
Le
premier est que, dans ce cas, la famille libérale serait la plus
importante en sièges dans la coalition, et se trouverait ainsi bien
placée pour revendiquer le poste suprême tant convoité par Kris
Peters. Le second, encore plus embarrassant, est que l'OpenVLD a mis
comme première condition à sa participation au gouvernement fédéral
sa participation au gouvernement flamand. Et pour l'instant, il n'en
est pas question, CD&V et NVA paraissant décidés à diriger
main dans la main le nord du pays.
Bouh !
Vous suivez toujours ?
Non ?
Vous
avez raison. C'est beaucoup moins compliqué de suivre le Mondial de
football avec ses groupes, ses qualifiés, ses éliminés, ses
différences de buts, ses égarements d'arbitrage et son
joueur-vedette anthropophage.
effectivement, c'est très très compliqué;
RépondreSupprimerchez nous, c'est plus simple, même si notre type de scrutin implique des alliances, mais AVANT les élections: puisqu'il y a deux tours, qu'il faut un minimum de % de voix pour y participer, les partis doivent s'entendre avant; on remarquera que la formation d'un gouvernement ne demande ici que quelques jours;
certains ici voudraient revenir à la proportionnelle, et les plus enragés à une proportionnelle intégrale comme sous la IV ème République; ce n'est pas à souhaiter, mais alors pas du tout.
Il est vrai cependant qu'un partis qui pèse 20% des voix n'a que deux députés (le FN) alors que d'autres (FG et EELV) qui ne pèsent qu'à peine 10% en ont plus d'une vingtaine... C'est justement le jeu des alliances d'avant éléctions qui implique cet état de fait.
Il n'est pas interdit de penser qu'une certaine dose de proportionnelle serait plus équitable, même si je ne me réjouis pas que plusieurs dizaines de députés FN siègent à l'AN...
Oui, c'est vraiment très différent ! Mais en fin de compte, on est toujours dans la m*** !
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