Je vous ai déjà parlé de mon
banquier ?
Oui, assurément ! Là-bas, par
exemple.
Je n'ai pas cité son nom, je n'ai pas
mentionné l'institution concernée. Rien de tout ça. Je ne
l'oserais pas, parce que comme je n'ai jamais eu l'intention de n'en
dire que du bien, je me méfie.
« L'œil de Moscou », comme
on dit, même si ce n'est pas une banque russe.
Mais je me méfie, oui. On ne sait
jamais. Les banques sont très branchées informatique, elles qui
veulent toujours nous inciter à passer au « PC banking »,
ce truc qui devrait nous permettre de gérer toutes nos opérations
bancaires à distance, en toute sécurité, et accessoirement de
contribuer à la fermeture des agences et au retour sur le marché de
l'emploi de guichetiers qui n'en demandaient pas tant !
Les banques, et la mienne en
particulier – enfin, celle qui profite de mon pognon puisqu’en
sus du déplaisir de devoir presque tout faire moi-même, je lui
verse (entendez : elle me ponctionne) des « frais
d'équipement mensuels » et autres joyeusetés qu'on n'imagine
nulle part ailleurs et qui consistent à payer pour fournir un
travail –, les banques, donc, non contentes d'avoir déclenché la
splendide crise économique de 2008, n'hésitent pas à récidiver
quand il s'agit de placements douteux. On va encore réclamer du fric
à la collectivité pour réparer les dégâts, parce qu'on nous
répète – libéraux en tête – que la faillite d'une banque
serait une catastrophe majeure pour l'État, alors que lui lancer des
bouées de sauvetage n'est une catastrophe que pour les petits
épargnants. Ça fait quand même une différence !
Ma banque, dont je tairai le nom –
j'ai déjà assez d'ennuis comme ça – et qui ferme les agences et
accentue d'année en année la médiocrité de ses services, a encore
trouvé un moyen supplémentaire de briller au firmament des
entreprises les plus méprisantes de leur clientèle.
L'agence que je fréquente (faute de
mieux) m'avait déjà habitué – elle qui, comme toutes les autres,
nous aménage des « espaces self » où des machines
jamais en grève ni en repos mais fréquemment en panne ont remplacé
les guichetiers – à ignorer pendant quelques jours des choses
aussi élémentaires que les changements d'heure. Voilà qu'elle fait
pire. Si, si.
Rappelons avant de poursuivre que le
passage à l'heure d'été et son contraire, le passage à l'heure
d'hiver, ont lieu chacun une fois l'an, au cours d'un week-end bien
défini, en mars et en octobre. L'espace « self », qui
permet à la clientèle d'avoir accès aux machines qui lui
permettent de faire lui-même ce que plus aucun employé ne fait (ou
alors, sur rendez-vous et pas pour tout, avec frais supplémentaires
à la clé), n'est pas accessible 24 heures sur 24, mais de 6 heures
à 23 heures, ce qui est quand même appréciable.
Pour autant que l'horloge qui commande
la gâche électrique de la porte d'entrée soit correctement réglée.
Il m'est arrivé plusieurs fois, lors
de ces passages à l'heure d'été, de devoir téléphoner à
l'agence quelques jours plus tard pour leur rappeler qu'il convenait
d'avancer d'une heure l'horloge qui commande la serrure de la porte
d'entrée.
Récemment, un lundi matin, je tente
d'ouvrir la porte pour accéder à l'espace « self »,
mais elle était verrouillée. Il était pourtant sept heures quinze
et on n'avait pas changé les heures. Au travers des vitres je voyais
les lumières des écrans des terminaux... Un problème ? Je
n'en savais rien.
Le lendemain, même endroit, même
heure... même problème. Porte close en dépit de l'autocollant
indiquant que le service est accessible tous les jours de six à
vingt-trois heures. Je cherche une affichette... Rien !
Le mercredi, rebelote. Toujours fermé.
Toujours pas d'avis sur la porte indiquant un changement des heures
d'accès ; et toujours les machines allumées visibles au
travers des vitres.
Dans la matinée, je consulte Internet
afin de trouver le numéro de téléphone de l'agence. Pas de numéro.
L'agence est dans le répertoire, certes, mais le numéro d'appel
n'est pas renseigné. N'auraient-ils pas de téléphone ? Ou
alors, serait-ce pour avoir la paix ?
Je dégote un numéro central, à
Bruxelles. Après avoir poussé quelques touches en réponse aux
instructions du répondeur automatique (bilingue français –
néerlandais), je finis par m'entretenir avec « un de nos
collaborateurs » qui avait terminé d'être en ligne (après
petite musique d'ambiance et message en boucle me priant de
patienter), et je lui expose le problème.
Ce collaborateur, qui était en réalité
une collaboratrice – fort aimable au demeurant –, semblait
trouver normal que les responsables de l'agence aient fait supprimer
de l'annuaire leur numéro d'appel, mais anormal que la porte
d'entrée de l'espace « self » soit verrouillée pendant
les heures où elle ne devait pas l'être.
Après quelques minutes d'attente
pendant lesquelles la « collaboratrice » se renseignait,
il me fut indiqué qu'un problème technique était survenu avec la
serrure de la porte d'entrée, et que la réparation aurait lieu,
normalement, dans le courant de la semaine.
Rassuré sur le fait que je savais
encore bien lire l'heure à ma montre et que je n'avais pas été
victime d'une hallucination, j'ai remercié l'aimable
« collaboratrice », non sans avoir décliné au passage
son offre de m'abonner au « PC banking » (les employés
veulent-ils vraiment se retrouver au chômage?), et je me suis
accordé quelques secondes de méditation avant d'en arriver à la
conclusion suivante : non contents de leur médiocrité, les
responsables de banque (en tout cas, ceux de mon agence) sont aussi
des malpolis. Une affichette sur la porte, avec un texte du genre
« en raison d'un problème technique... bla bla bla... nous
vous prions de nous excuser... bla bla bla », ça leur
coûterait trop cher ?
Et je ne peux même pas changer de
banque.
Je tiens de source sûre que les autres
sont médiocres, elles aussi.
Allez les Rouges !
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