Dans l'euphorie de la qualification de
nos diables rouges pour les
huitièmes de finale de la Coupe du Monde de football, je m'étais
imaginé que nos représentants étaient d'authentiques
chevaliers-servants de la cause footballistique à la gloire du petit
Royaume de Belgique, mais je m'étais lourdement trompé. Enfin,
c'est ce qu'on m'a expliqué.
Une
fois n'est pas coutume, tout heureux de ce que je tenais pour un
véritable exploit, je suis allé fêter la victoire en buvant une
bonne pinte de bière au café des sports. Ce n'est pas la première
fois que je m'intéresse à ce genre d'endroit où d'éminents
spécialistes, autrement plus au fait que moi des subtilités des
compétitions sportives, qu'elles soient cyclistes ou
footballistiques, expriment avec foi leurs idées bien arrêtées,
leurs certitudes et leurs pronostics avisés.
Alors
que je levais mon verre à la santé de notre équipe nationale, un
de ces spécialistes, la moustache encore ornée de mousse,
m'expliqua à quel point je me fourvoyais : « Les Belges
jouent mal », énonça-t-il.
Je
l'ai regardé, un peu étonné, et il a répété sa sentence :
— Les
Belges ont mal joué.
— Contre
la Corée ? ai-je prudemment demandé.
— S'il
n'y avait que contre ceux-là ! s'emporta mon interlocuteur.
Contre les autres aussi. Trois mauvais matchs, voilà tout. Et il y
en a qui les voient déjà gagner la Coupe du Monde ! Non,
mais ! J'vous d'mande un peu : la Coupe du Monde !
— J'ai
pas dit ça... hasardai-je.
— Manquerait
plus que ça ! T'as regardé les trois matchs ?
Et,
comme je hochais la tête, il enchaîna :
— Dieu !
Que c'était mauvais !
— Oui,
mais... ils ont gagné.
— Pfff !
Contre quelle opposition ? Pas contre les Allemands, les
Argentins ou les Hollandais, non. Rien que contre des Algériens, des
Russes et des Coréens ! Et encore : péniblement.
Il
pencha vers moi son haleine de bière :
— Tu
vas voir, en huitième, contre les Amerloques : ce sera une
autre paire de manches ! À la maison, Wilmots et sa bande de
morveux surpayés !
— Ouais,
p'têt...
— C'est
couru d'avance.
— Ils
sont quand même invaincus en match officiel. Huit victoires et deux
nuls en qualifications, et trois victoires au premier tour en phase
finale.
— Peuh !
Et contre qui ? Hein ? Contre qui ?
— Ben,
la Croatie, la Serbie, l'Écosse...
— Blah !
méprisa l'autre. Des équipes vieillissantes, bancales, qui n'ont
jamais rien gagné d'important. Pas de quoi être fiers !
Je fis
appel à mes souvenirs d'anciens passages au café des sports.
— Ah,
oui, c'est vrai ! concédai-je. J'avais oublié qu'on n'avait eu
affaire qu'à des équipes de seconde zone. Et il me semble que
beaucoup avaient prédit que nous ne passerions même pas le premier
tour en phase finale.
— Z'ont
eu du bol. Et puis, un bon gardien de but. Parce que sans ça...
— Oui,
c'est vrai. On devrait empêcher les Belges de jouer avec un gardien
de but.
— Tais-toi !
gronda l'autre. T'y connais rien.
— Ça,
c'est encore plus vrai, admis-je, mais c'est quand même pas pour ça
que je vais me taire.
— Si
t'as envie de dire des conneries, vas-y. On rigolera un peu.
Je bus
une gorgée de bière.
— Est-ce
que José Mourinho, qui s'y connaît en football, n'avait pas dit que
la Russie battrait la Belgique et se qualifierait ?
— Mourinho,
c'est qu'un péteux. Et son patron est Russe.
Je
m'abstins d'approuver publiquement et lançai une autre question :
— Certains
prédisaient qu'on serait ridicules au Brésil. Avec trois victoires
en trois matchs, sommes-nous vraiment ridicules ?
— Ridicules ?
Minables, oui ! Aucun fond de jeu, aucun rythme, des tirs au but
qu'on compte avec les doigts d'une seule main et un public qui
s'emmerde ferme, c'est ça que j'ai vu, moi. Suffit pas de jouer un
peu valablement pendant le dernier quart d'heure pour sauver les
meubles !
— T'as
raison. On devrait jouer des matchs de 75 minutes, ce serait
suffisant. Mais, dis-moi : et si on avait gagné avec quatre ou
cinq buts d'écart, on en serait où ?
— Où ?
Où ? s'emporta mon interlocuteur.
— En
huitièmes de finale contre les États-Unis. Je ne vois pas de
différence.
— On
aurait au moins pu être fiers !
— Bah !
La fierté, c'est vite ravalé. Il suffit d'un revers.
— Eh
ben ! crois-moi, il ne va pas tarder à venir, le revers !
Une équipe aussi peu imaginative, aussi peu créative, aussi lente
dans le jeu ne peut pas aller loin.
Je
vidai mon verre.
— Nous
verrons. Les principes du football sont simples : il n'y a que
les buts qui comptent ; pour gagner, il faut en marquer au moins
un de plus que l'adversaire ; une rencontre dure 90 minutes
auxquelles on ajoute quelques arrêts de jeu ; etc.
— Ouais,
ouais, ouais, je connais la chanson, grogna l'autre. N'empêche que
les Belges jouent mal.
Décidément,
il n'en démordait pas.
— C'est
juste, admis-je en souriant. Et finalement, je me demande si ce ne
serait pas une bonne idée de leur part de continuer à jouer si
mal...
dialogue imaginaire ou réel? Peu importe... la fin est savoureuse!
RépondreSupprimerallez les bleus!!!
(à l'époque glorieuse des Verts de St Etienne, les supporters chantaient: "allez les verts, allez les rouges, allez les verres de rouge!!!")
Il y avait aussi ce supporter de St-Étienne qui, à l'inhumation de son insupportable belle-mère, disait entre les dents : "Allez, les vers ! Allez, les vers !"
SupprimerBravo aux petits diables !
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