Je vous ai déjà fait partager, dans un précédent message, les sentiments qui m'animent à l'égard du
chat, cet animal inutile, paresseux, égoïste, désobéissant et si
profondément humain parce qu'il n'a pas de maître et attachant
parce qu'il n'existe pas de pire racoleur que lui (surtout s'il est
très jeune) dans le monde animal.
Un chat, c'est pétri de qualités dont
on n'a généralement que faire. Tandis qu'un chien...
Oui, un chien possède des qualités ;
et si on interroge les gens à son sujet, ils vous répondront qu'on
trouve parmi elles la fidélité, l'obéissance, le sens de la
famille, l'attachement...
Bien sûr, un chien, ça bave, ça perd
ses poils et ça n'enterre pas ses crottes ; et là où le chat
se frotte et ronronne pour obtenir ce qu'il désire, le chien tire la
langue et affiche un air malheureux.
Un chien, c'est un animal de meute ;
et dans une meute il y a non seulement un chef, mais toute une
hiérarchie dans laquelle chacun est supposé tenir son rang. Pour ce
loup domestique qu'on accueille dans nos maisons, la meute, c'est la
famille. Et le chef, en principe, c'est le propriétaire du chien,
dont la société attend qu'il éduque correctement son animal.
Près de chez moi, on trouve un espace
de dressage canin. Des gens vont là avec Médor, Mirza, Whisky,
Toby, Poupette ou simplement « le chien », dans le
dessein qu'il apprenne à bien se tenir : marcher aux pieds,
s'asseoir quand on le lui ordonne, rapporter la baballe, ne pas
mettre les pattes sur le beau manteau de Tante Lucie, ne pas mordre
le facteur même quand il apporte une vilaine facture, faire caca
dans l'herbe (*) et non sur le trottoir afin de ne pas obliger son maître
à ramasser l'objet du délit, ne pas aboyer pendant un quart d'heure
même quand on lui dit de la boucler, etc. Tout un programme.
Près de chez moi, donc, des gens se
réunissent par petits groupes, leur toutou au bout d'une laisse,
pendant que l'instructeur explique comment faire marcher l'animal
sans qu'il tire comme un chien de traîneau.
J'ai remarqué que le spécialiste
donne de longues explications, que tout le monde écoute d'une
oreille attentive. Tout le monde sauf les clebs, bien entendu, qui
n'en ont rien à cirer de tout ce charabia et qui aimeraient bien
batifoler à leur aise plutôt que de rester là comme des cons. Car,
vous l'aurez compris, le dressage, ça ne s'adresse pas aux chiens.
C'est le maître qu'il faut éduquer, pas l'animal.
Les chiens sont des êtres simples, qui
apprennent vite à interpréter chacun de vos gestes parce qu'ils
n'ont rien d'autre à faire que de vous observer ; ce qui fait
que lorsque vous levez les fesses de votre fauteuil, Médor (ou Fido,
ou Mirza, ou un autre nom) sait déjà bien si c'est pour aller
pisser ou pour aller prendre l'apéro.
Si vous dites, en restant bien assis :
« et dans dix secondes je vais me lever pour aller promener ce
foutu clebs », sans insister sur « promener », par
exemple, et sans esquisser le moindre geste ni jeter le moindre
regard vers votre chien, il y a de fortes chances qu'il ne moufte
pas. Mais au moment où vous allez poser fermement les deux mains sur
les accoudoirs pour vous aider à vous arracher au confort de votre
siège, son attention va s'éveiller. Et il saura déjà si vous vous
levez pour quelque chose qui l'intéresse.
Un clebs, c'est comme ça. Inutile de
faire des discours, il ne comprend que des mots brefs auxquels il est
habitué et des gestes simples et sans équivoque. Vous pouvez même
l'habituer à réagir à de simples sifflotements.
Alors, si les gens vont au dressage
pour essayer de s'en sortir (entendez : se faire obéir) avec
leur clebs, dites-vous bien que c'est eux qu'il faut surtout éduquer
en premier. Et longuement.
Un exemple ?
Vous connaissez certainement cette
suite d'ordres aboyés par le propriétaire d'un chien :
« Viens, Mirza, viens ! Allez, viens ! Mais viens !
Est-ce que tu vas venir, oui ou non ? Allez, viens ! »
Et vous connaissez sans doute aussi
cette seconde suite : « Va chercher la baballe, Mirza.
Allez ! Allez, va chercher la baballe. Allez, la baballe... »
Le chien, qu'il s'appelle Médor, Fido,
Mirza ou ce que vous voulez, est un être simple et logique.
« Viens », c'est « viens ». « Allez »,
c'est « allez ». « Allez, viens » et « allez,
va », c'est confus et ça l'embrouille.
D'où la nécessité d'être simple et
logique. Un ordre est clair et ne doit pas se répéter parce qu'il
doit être exécuté. S'il ne l'est pas, le maître n'est pas le
maître. « Aux pieds ! » c'est « aux
pieds ! » ; et tout de suite.
Au dressage, près de chez moi, on voit
donc des gens qui ont, malgré tout, compris qu'ils devaient vraiment
apprendre comment éduquer un chien et qui vont là pour ça. C'est
déjà bien.
J'ai remarqué aussi qu'on y voit
surtout de grands chiens. Et aussi quelques congénères de taille
moyenne. Jamais de petits roquets. Les petits chiens, ils sont
difficiles à éduquer. Les grands, c'est plus facile. Question de
logique.
Imaginez cette scène de rue avec,
arrivant d'un côté et tenant Mirza (quatre kilos toute mouillée)
en laisse, mademoiselle Philémone et, se pointant de l'autre côté
avec Médor (soixante-dix kilos après satisfaction d'un gros besoin)
et son collier étrangleur, monsieur Aldebert.
Les réactions naturelles des deux
clebs sont généralement de se diriger l'un vers l'autre ;
Médor pour faire connaissance, Mirza pour attaquer hargneusement.
Les deux « maîtres » vont s'efforcer de retenir chacun
leur animal, ce qui paraît relativement aisé pour mademoiselle
Philémone. De son côté, monsieur Aldebert, aux prises avec la
force de traction intégrale de son 4x4 canin catégorie demi-lourds,
a beaucoup moins de chances de réussir. Sentant le danger,
mademoiselle Philémone finira peut-être par prendre Mirza sous son
bras.
Voilà pourquoi ce sont les
propriétaires de grands chiens qui vont au dressage ; et que ce
sont aussi les grands chiens qui sont les plus faciles à éduquer,
parce que leur taille impose presque d'elle-même des limites qui
restent floues avec leurs congénères de poche. Ainsi, on ne leur
permet pas le meilleur fauteuil, on ne les prend pas sur les genoux
ou sous le bras, on ne tolère pas qu'ils envoient belle-maman sur le
cul en voulant lui faire un gros câlin... bref, on les éduque. Un
grand clebs bien éduqué est doux avec les enfants, méfiant envers
les étrangers, ferme avec les chats.
Un petit chien bien éduqué, ça passe
par un propriétaire qui veut vraiment rester le chef. Mais Mirza est
si petite qu'on lui pardonne tout et qu'on lui tolère des
comportements de tyran : manger avant tout le monde, prendre la
meilleure place, grogner sur les visiteurs, aboyer après les
passants, mordre le pantalon du facteur, tirer sur la laisse...
Tout compte fait, j'aime mieux Félix.
Il n'en touche pas une, mais il sort tout seul, enterre ses crottes
et fout la paix aux gens quand il a eu sa gamelle.
(*) Rien de plus hilarant, quand quelqu'un promène son chien (ou l'inverse, souvent), que d'admirer l'air détaché qu'il prend pendant que son animal souille l'espace public. Il faut impérativement regarder ailleurs, mine de rien, et se remettre en marche aussitôt que possible, en affectant de n'avoir rien remarqué.
Moi j'ai des poissons rouges, c'est bien aussi. Quand ils chient, ça fait de l'engrais pour leurs algues. Quand ils sont pas contents, ils font des bulles. Globalement, ils ne sont pas embêtants...
RépondreSupprimerJ'ai lu que les poissons rouges avaient tellement peu de mémoire qu'ils ne se souvenaient plus d'être déjà passés quatre secondes plus tôt devant la vitre frontale de l'aquarium.
SupprimerSi c'est un bocal, ils n'ont même pas de repères...
J'affirme que c'est faux : quand on s'approche de la vitre avec le pot de boustifaille, ils deviennent fous et tournent en rond en sautant partout. Alors qu'on ne leur donne qu'une fois par jour. Et un nouveau poisson ajouté à la couariome se fait à ce rythme en une grosse semaine.
RépondreSupprimerEn fait, ces poissons rouges sont la mémoire de notre peuple.
Ah, ben oui ! Donc j'ai lu une connerie, en fait ?
SupprimerJe crois que c'est une bonne idée reçue, oui.
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