La lecture étant l'un de mes loisirs
favoris, je n'ai jamais éprouvé le besoin de me motiver pour
attaquer celle d'un bouquin que j'ai choisi moi-même, fût-il du
genre obèse. Plusieurs milliers de pages ne font pas peur,
lorsqu'elles sont agréables à parcourir.
Évidemment, pendant mes années
d'école, j'ai souvent dû puiser dans mes dernières réserves de
volonté pour venir à bout de tel ou tel ouvrage entré dans le
répertoire classique et imposé par un professeur de lettres qui
prenait l'idée de « lettres » un peu trop à la lettre,
malheureusement ; mais ça, c'est notre lot à tous, qu'on ait
ou non le goût de la lecture.
Parfois, un roman arrive entre nos
mains sans qu'on l'ait soi-même choisi : prêté avec
insistance par un proche qui considère probablement qu'il s'agit
d'un incontournable chef-d’œuvre, offert à l'occasion d'un
anniversaire, refilé par un collègue scribouillard soucieux
d'obtenir notre avis... mais les autres, nous les sélectionnons
personnellement.
Dans un cas comme dans n'importe quel
autre surviennent de bonnes et de mauvaises surprises. Cet obscur
roman emprunté à la bibliothèque publique et ce bouquin à la
jaquette défraîchie prêté par un collègue peuvent nous emmener
là où nous ne le soupçonnions pas et nous voir arriver au travail
les yeux bouffis par un manque de sommeil. À l'opposé, l'ouvrage
que nous avons acquis dès sa sortie non sans l'avoir réservé chez
le libraire afin d'être le premier servi peut transformer notre
enthousiasme initial en bâillements d'ennui.
Nous avons tous nos goûts, nos
critères de qualité. Je ne considèrerai donc pas que les miens
puissent faire référence, mais il n'empêche que j'aime les romans
bien construits, avec une intrigue prenante, des personnages
consistants et une écriture en adéquation avec le propos, qui crée
l'ambiance sans envahir l'esprit et se fait oublier le plus souvent
possible.
C'est aussi bien au hasard d'une
jaquette attirante que d'une envie ciblée que je choisis les livres
que je vais lire. Lorsque je pars dans l'inconnu, je me fie à mon
intuition, au thème du roman, au résumé repris en quatrième de
couverture, à l'un ou l'autre passage lu en vitesse et sans doute à
un tas d'autres choses qu'il me serait difficile de nommer, mais qui
ont simplement trait à mes goûts. Et les goûts, ça ne se discute
pas.
Il m'arrive cependant de ne pas
parvenir à lire un roman que j'ai moi-même choisi.
Tous, nous connaissons cela : le
livre qu'on ouvre et sur lequel on reste calé, l'esprit ailleurs,
sans pouvoir tourner de page. On finit par secouer la torpeur qui
nous envahissait et on essaie de reprendre, en se concentrant au
maximum, mais rien n'y fait.
Dans une telle situation, je me dis que
ce n'est pas mon jour, pas le bon moment, que je n'ai pas « la
tête à ça » et que j'essaierai à un autre moment.
Lorsque ce moment se présente, j'ouvre
le livre, je fais l'effort de parcourir quelques pages, au besoin en
renonçant à m'attarder sur l'introduction qui décidément ne
parvient pas à capter mon attention... et c'est pareil un peu plus
loin. Je cale. Et j'abandonne.
Certains diront, qui ont lu l'ouvrage
en question, qu'il faut « le temps pour être dedans »,
qu'il faut lire au moins cinquante pages avant de se sentir emporté
par l'histoire. C'est peut-être vrai, mais moi ça m'ennuie. Les
premières pages d'un roman sont pour moi essentielles, parce qu'en
toute logique, c'est là que commence la lecture et mon intérêt
doit être éveillé tout de suite. L'auteur est comme le pêcheur
attendant que le poisson s'intéresse à l'appât et morde à
l'hameçon. Si l'appât manque d'attrait, le poisson s'éloigne et
s'intéresse à autre chose.
Le manque d'accroche du début d'un
livre peut être causé par le fond aussi bien que par la forme :
des descriptions interminables, une avalanche de détails superflus,
des phrases trop longues qu'il faut relire, un style envahissant, un
rythme chaotique dû à des phrases mal équilibrées, une traduction
trop mécanique...
Dernièrement, j'ai laissé de côté
un roman que j'avais pourtant choisi d'acheter, me fiant à mon
intuition, à un thème que j'aime bien et à un résumé suscitant
ma curiosité. J'en ai abandonné la lecture parce que, selon mes
critères totalement subjectifs, l'écriture utilisée est d'une
grande médiocrité. L'histoire en elle-même ne me semblait pas
inintéressante, mais trop, c'est trop. Il est des choses qui doivent
se faire oublier.
Ce roman (dont je tairai le titre et
l'auteur – mon objectif n'est pas de faire de la critique
littéraire, qui plus est relative à un livre dont je n'ai lu qu'une
vingtaine de pages alors qu'il en compte cinq cents) souffre de ce
que j'appelle « style parlé » ou « style
soliloque », quand narration et dialogues utilisent le même
langage, quand les pensées brutes du personnage principal se
mélangent aux descriptions de manière telle que son opinion des
autres intervenants est présentée comme une vérité narrative.
Autre particularité qui me rebute : la vulgarité. Elle est
omniprésente.
Qu'un ou plusieurs personnages
s'expriment grossièrement me semble logique, si cela peut refléter
leur état d'esprit et donner une idée de leur caractère ou de leur
éducation ; mais en dehors des dialogues, voilà qui me paraît
lourdingue.
Bref, un roman que j'ai rapidement
refermé.
Il en est d'autres qui déçoivent, que
j'abandonne en cours de route parce que l'auteur n'a pas pu maintenir
au long de centaines de pages tout l'intérêt que les premières
dizaines avaient suscité. L'auteur s'essouffle.
Abandonner une lecture, quelque part,
ça me fait toujours de la peine : celle de m'être trompé,
lorsque j'ai choisi moi-même le livre ; ou celle de devoir
annoncer à celui qui me l'a prêté que je n'ai pas pu le terminer.
Et si vous abandonnez la lecture de cet
article avant d'être arrivé au point final, c'est que j'aurai foiré
moi aussi.
J'ai un souvenir bien précis de ce type, à propos de "Le Pendule de Foucault", que j'ai commencé par arrêter au bout d'une soixantaine de pages avec l'impression d'avoir déambulé dans une jungle impénétrable. Et puis, plus tard, je l'ai repris ; peut-être que j'étais plus reposé, plus détendu, ou bien plus combatif, ou encore juste un peu plus vieux, mais cette seconde fois, je l'ai adoré et en ai dévoré toute une grande partie d'une seule traite à l'occasion d'un long voyage en train.
RépondreSupprimerEt puis une bonne quinzaine d'années plus tard, j'ai essayé de le relire. Impossible. Pas réussi à rentrer dedans. C'est curieux, non ?
Ceux de Ludovic Mir, je n'arrive jamais à les lire. Rien que deux pages, ça me gave.
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