Il arrive de temps à autre que des
gens s'intéressent à mon vélo et, plus particulièrement, à cet
objet bizarre sur lequel je pose le séant et qu'il convient
d'appeler une selle, même s'il ne ressemble pas vraiment à l'image
qu'on se fait habituellement d'une selle de vélo.
Les questions les plus fréquentes ont évidemment trait à la forme étrange de ce périphérique essentiel au cycliste, ainsi qu'à sa fermeté. Les observateurs s'inquiètent de mon confort : « Et tu n'as pas mal, là-dessus ? »
Si, évidemment, que j'ai mal
là-dessus ; mais uniquement si j'y pose le postérieur
plusieurs heures sans interruption pour une longue randonnée
cycliste. Évidemment également, ce n'est pas là, dans une telle
éventualité, que les douleurs seront les plus vives, mais plutôt
aux guibolles ; parce que pédaler, c'est assez éprouvant.
Le choix d'une selle est une affaire
délicate, car si toute paire de fesses peut trouver celle qui lui
convient (un peu comme à chaque casserole peut s'adapter un
couvercle), cela ne se fait pas toujours aisément.
Il existe donc des selles de vélo de
toutes matières, tailles, formes ; des lourdes, des moins
lourdes, des légères ; des chères et des bon marché ;
des ordinaires aux franchement bizarres.
Comme la plupart des gens, lorsque j'ai
acheté ma bicyclette, elle était équipée d'une selle. Et comme la
plupart des gens, j'ai d'abord roulé avec celle-là. Sachant ce que
je sais à présent, je n'essaierais même plus : rien qu'en la
regardant, je comprends qu'elle ne peut pas me convenir.
Pour une petite balade d'une heure, à
la rigueur ; mais pour cinquante, cent bornes... certainement
pas !
Alors, maintenant, quand des gens
voient ma Selle SMP au profil tordu, au nez en bec d'aigle et toute
trouée au milieu, et qu'ils s'inquiètent de savoir s'il est
vraiment possible que ce truc qui ressemble à un instrument de
torture puisse être confortable, je leur réponds par l'affirmative.
Et sans la moindre hésitation !
Bien entendu, il ne s'agit que de
l'avis de mon postérieur, mais il fait pour moi autorité.
Parallèlement aux questions que me
posent certaines personnes inquiètes de mon intégrité physique,
d'autres questions émergent de temps à autre de manière moins
désintéressée. Elles émanent de cyclistes qui se demandent – et
me demandent – si pour eux aussi, une selle de ce genre-là n'est
pas un choix judicieux.
Je ne peux leur répondre directement
ni oui, ni non ; car je le rappelle, un postérieur n'est pas
l'autre ; mais à ceux-là, voici plus ou moins ce que
j'explique...
1. Quand on s'intéresse à une selle
de ce type autrement que par simple curiosité, c'est qu'on a déjà
envisagé d'en essayer une parce qu'elle pourrait convenir. Et c'est
logique : un cycliste qui se sent bien sur une selle
« conventionnelle » ne va pas, autrement que par simple
curiosité, s'inquiéter d'un objet aux formes aussi torturées.
2. Ce qui intrigue le plus, c'est le centre complètement évidé. Quand on en arrive à penser qu'on pourrait éventuellement se sentir bien, assis là-dessus pour faire du vélo, c'est que précisément on se sent un peu mal lorsqu'on se trouve en appui sur le périnée sur une selle conventionnelle.
3. Quand le bec plongeant apparaît comme une possible solution, c'est peut-être qu'on connaît des problèmes de frottement du côté des cuisses ou d'appui malencontreux au niveau des parties génitales.
Les médecins vous le diront : une activité sportive, pour autant qu'on la pratique raisonnablement et qu'elle soit compatible avec notre état de santé, c'est toujours bénéfique. La marche, la natation, le cyclisme, un peu de footing ou de gymnastique... qu'importe ! Bouger, prendre l'air, manger sainement sont les meilleurs atouts pour conserver une bonne santé ou tenter de la retrouver.
À ceux qui choisissent le vélo, le
médecin conseillera de pratiquer sans excès et, même, modérément
s'il ne s'agit pas de leur profession. Un urologue me confiait
d'ailleurs récemment recevoir presque tous les jours des cyclistes
en consultation. Car c'est bien là un des problèmes principaux en
la matière : la bicyclette est bonne pour la santé, mais
sévère pour l'entrejambe !
Le coccyx, l'anus, le périnée et les
parties génitales ne sont pas conçus pour recevoir des coups,
encaisser des trépidations et se faire comprimer pendant des heures.
Et sur un vélo, c'est ce qui se produit à moins de ne rouler que
très peu et sur de très bonnes routes.
Tant qu'on ne ressent aucune gêne de
ce côté-là, une selle conventionnelle ressemble à ce qui se fait
de mieux ; mais lorsqu'une heure ou deux de bicyclette suffisent
à en créer une dizaine d'engourdissements et douleurs divers, on se
dit que quelque chose ne va pas.
On descend la selle, on la remonte, on
l'incline, on la fait glisser un peu vers l'avant... mais rien n'y
fait ! Quelques kilomètres, et on commence à changer de
position, le plus souvent en essayant de se poser vers l'arrière, là
où la selle offre la plus grande largeur. Ce faisant, notre
postérieur marque clairement son aversion pour le bec de selle (la
partie la plus étroite, vers l'avant) et son souhait de disposer
d'un appui plus large, qui sollicite les os inférieurs du bassin
(les ischions) plutôt que le périnée.
C'est quand on en est là qu'on songe à
une selle plus large, plus tendre ou évidée en son centre.
Trop large, elle gênera le pédalage ;
trop tendre, on s'y enfoncera et elle deviendra vite inconfortable en
augmentant les frottements sans supprimer pour autant l'appui
central.
La selle évidée apparaît alors comme
une bonne solution.
Mais il existe de nombreuses marques et
modèles, certains un peu creusés, d'autres davantage. Le fabricant
italien Selle SMP propose l'évidement central sur toute la longueur,
le bec plongeant et la forme en berceau. Tout le jargon commercial,
tout le pourquoi du comment étant expliqué sur leur site, je ne
vais pas me fatiguer à le recopier. Ce n'est de toute façon qu'un
jargon commercial et je n'ai aucun intérêt chez ce fabricant, j'ai
acheté ma selle avec mes sous et au prix du commerce de détail.
Simplement, pour les cyclistes qui
ressentent une gêne au niveau de l'entrejambe lorsqu'ils utilisent
une selle « conventionnelle », essayer une SMP est
peut-être une solution. À l'intention de ceux-là, je me permettrai
d'ajouter ci-après quelques précisions qui pourraient les aider ou
répondre à l'une ou l'autre question.
— Personne ne peut dire à votre
place si une selle vous conviendra : il faut essayer.
— Le modèle et la largeur qui vous
conviendront sont non seulement fonction de votre morphologie, mais
également de votre position sur le vélo. Si vous connaissez
l'écartement de vos ischions, ça peut être une bonne indication ;
mais guère plus fiable que la taille de votre pantalon (SMP se sert
de cette dernière donnée). Considérez ça comme un point de
départ, sans plus.
— Pour ceux qui lisent l'anglais, un
article intéressant a été publié par Steve HOGG, sur son blog. Il
y explique les différences entre les modèles proposés par le
fabricant italien et donne de précieux conseils concernant les choix
les plus judicieux et les divers réglages.
— Si vous envisagez une selle évidée
« à titre préventif », armez-vous de courage et de
patience, car si vous n'éprouvez ni gêne ni douleur au niveau de
l'entrejambe, vous aurez beaucoup de mal à comprendre comment on
peut se sentir bien à vélo en posant les fesses seulement « sur
deux rails » !
— La largeur d'une selle se mesure à
l'endroit où elle présente sa largeur maximale, qui peut être plus
ou moins loin vers l'arrière en fonction des modèles (exemple
ci-dessous).
— Il y a un tas de manières de
mesurer la largeur de ses ischions. Certaines boutiques disposent
d'un kit permettant de la mesurer, mais c'est payant. Si la dépense
vous rebute, utilisez la méthode scientifique courante nécessitant
ce qui suit : une surface horizontale, plate et dure ; un
morceau de carton épais mais tendre ou une petite plaque de
polystyrène ou une serviette de bain pliée surmontée d'une feuille
d'aluminium ménager ; un mètre.
Vous posez le carton (ou le polystyrène
ou la serviette de bain) sur la surface plate ; vous vous y
asseyez (sans pantalon) en douceur puis remontez les genoux vers les
épaules ; vous vous relevez précautionneusement. Le carton, le
polystyrène ou la feuille d'alu garderont les marques de vos os
(l'écartement maximal de vos ischions). Vous mesurez l'écart en
millimètres du centre d'un des creux à l'autre (éventuellement en
y faisant rouler une bille). En ajoutant 20 mm au chiffre
obtenu, vous obtiendrez un chiffre de base vous indiquant quelle
largeur de selle pourrait vous convenir.
Rappel : pour SMP, utilisez plutôt
votre taille de pantalon (S, M, L, XL...).
— Même si vous êtes nanti de tous ces chiffres,
aucune garantie de succès ne sera donnée. Il faut essayer, prendre
le temps de peaufiner les réglages (hauteur, recul, inclinaison)
avant de décider si ça convient ou non.
— Si vous pouvez emprunter un selle
pour essai, c'est une excellente chose ; mais bien souvent, vous
devrez acheter et revendre ce qui ne convient pas. Songez au marché
de l'occasion : on y trouve des selles neuves à très bon prix.
Et pour cause !
Une bonne selle de vélo, ça ne se
trouve pas sur le dos d'un cheval.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire