J'ai déjà expliqué dans ces pages
tout le bien que je pense de ma banque et des banques en général,
ces bienfaitrices de l'Humanité, ces sociétés œuvrant activement
et inlassablement à notre bonheur et à la sécurité de nos avoirs
financiers.
Client depuis de longues années d'une
grande enseigne qui, à diverses reprises au cours de cette période
de son histoire et de la mienne, a pris soin de se rebaptiser au hasard
des fusions, absorptions, restructurations et menaces de faillite ;
je me suis déjà demandé pourquoi je lui accordais une telle
fidélité car, non contente de réduire la qualité de son service,
le nombre de membres de son personnel et, accessoirement, le taux
d'intérêt de mon compte-épargne, cette même banque n'accorde
crédit qu'à grand-peine et à des taux usuraires, ne reçoit le
client que sur rendez-vous et facture des frais administratifs
lorsque vous lui demandez d'effectuer un virement que vous ne pouvez
encoder vous-même au guichet automatique parce que dépassant le
montant maximal admissible.
À chaque fois que je me pose cette
question, les réponses se bousculent : force de l'habitude,
paresse, interminables problèmes administratifs et, surtout, aucune
garantie de trouver moins mauvais ailleurs.
Tout récemment, ma banque chérie
m'adresse donc un courrier postal pour m'avertir que la « carte à
puce » qui me sert à effectuer un tas d'opérations depuis mon
compte courant sera bientôt remplacée car arrivant au terme de sa
période de validité. Un regard sur le bout de plastique en question
m'indiquant que c'est vrai, je me dis « fort bien »,
d'autant que l'objet commençait à afficher de méchantes traces
d'usure (sans jeu de mots).
Ma banque chérie, dans son courrier,
m'explique (texto) qu’« Optimiser sans cesse votre confort
est pour nous une mission quotidienne ». Et elle ajoute
ceci : « Votre carte de banque actuelle doit être mise
à jour. Nous allons donc bientôt vous en envoyer une nouvelle.
Ainsi, vous pourrez continuer à profiter du confort de paiement avec
votre carte de banque. »
S'ensuit alors une description de la
procédure :
1. Nous avons déjà commandé votre
nouvelle carte.
2. Vous allez d'abord recevoir un
nouveau code secret par la poste. Veuillez le conserver
précieusement. Une fois votre nouvelle carte activée, vous pourrez
le modifier à tout moment à un automate de notre banque.
3. Quelques jours plus tard, vous
recevrez, par courrier distinct, votre nouvelle carte.
4. Vous pouvez activer votre carte
dès réception. Vous trouverez ci-joint les instructions de la
procédure d'activation.
5. Une fois que vous aurez utilisé
votre nouvelle carte, vous ne saurez(*) plus utiliser l'ancienne.
Important : Veuillez conserver
cette lettre et son annexe jusqu'au moment de l'activation de la
carte.
(*) En belge dans le texte.
Sur la feuille annexe, en sus de mon
nom et de mon adresse, figurent mes coordonnées IBAN, une suite de
11 chiffres et la procédure d'activation de la nouvelle carte. C'est
facile :
1. La carte que nous vous envoyons
est encore bloquée quand vous la recevez.
2. Pour la débloquer, vous avez
besoin d'un code d'activation de 11 chiffres. Attention : ne
confondez pas ce code d'activation avec le code secret qui vous a été
envoyé séparément par la poste. Votre code d'activation se trouve
en haut de cette annexe. Gardez ce numéro à portée de main quand
vous allez appeler.
3. Formez le numéro gratuit ****
*** **. Vous pouvez téléphoner 24h/24, 7j/7.
4. Suivez les instructions.
5. C'est fait ? Votre carte est
alors immédiatement activée. Attention : votre ancienne carte
reste encore active jusqu'à la première utilisation de la nouvelle.
Muni de la carte, bien reçue dans une
autre enveloppe, de cette lettre et de son annexe, j'ai donc appelé
le numéro gratuit et suivi les instructions... qui consistaient
simplement à me dire d'envoyer le code de onze chiffres. Aucune
vérification de quoi que ce soit. Cela consiste donc probablement à
vérifier que le courrier contenant la carte est bien dans les mêmes
mains que celui contenant le code d'activation. Peu importe que ces
mains ne soient pas les miennes.
Je résume donc en quelques lignes le
sens de la sécurité de ma banque adorée :
— Un courrier m'annonçant l'arrivée
de ma nouvelle carte, m'expliquant la procédure d'activation et
contenant un code à onze chiffres à envoyer par téléphone.
— Un courrier contenant la carte en
question.
— Un courrier contenant le nouveau
code secret lié à cette même carte.
Les trois missives ayant atterri dans
ma boîte à lettres en moins d'une semaine, j'ose à peine imaginer
ce qu'un postier indélicat aurait pu mettre en place en quelques
jours en interceptant les enveloppes (identifiables car porteuses du
logo de la banque) : en possession de la carte, de la procédure
et de tous les codes nécessaires, il aurait non seulement pu agir à
ma place, mais aussi rendre inopérant le sésame encore en ma
possession.
Inquiet par la fragilité de la
procédure, je me suis rendu à mon agence habituelle en vue d'y
utiliser ma nouvelle carte et d'en modifier le code secret :
peine perdue ! La machine m'a averti d'une erreur système. J'ai
donc fait quelques virements avec l'ancienne, heureusement toujours
active.
Le lendemain, j'ai tenté la même
opération, toujours aussi infructueuse ; mais comme cette fois
le guichet était ouvert, j'ai pu exposer le problème à un employé
qui m'a expliqué que mon cas n'était pas isolé. Apparemment, les
courriers ont été envoyés trop tôt ! Il m'a été suggéré
de recommencer dans une semaine.
La semaine écoulée, j'ai amorcé une
nouvelle tentative d'utilisation, mais sans succès. Trop tôt,
encore ?
Voilà donc environ dix jours que je
promène deux cartes de banque et deux codes secrets, ce qui, à mon
âge et compte tenu de ma mémoire déjà lourdement mise à
contribution, n'a rien de confortable ni de rassurant.
Alors, là, pour le coup, j'aime
vraiment ma banque !
Monsieur,
RépondreSupprimerveuillez agréer nos plus sincères doigts dans le cul.
Bien à vous,
Votre banque qui vous aime.