Dans la vie, on ne fait pas toujours le
job qu'on aurait aimé faire ; qu'il soit celui dont on rêvait
quand on était encore tout petit ou celui auquel on a pensé, plus
tard, au moment de choisir les études qui devaient nous gratifier de
l'indispensable diplôme.
Il arrive qu'on mène à bien lesdites
études et qu'on ne parvienne pas à décrocher un boulot en rapport,
soit par manque de bol, soit par manque de motivation, soit par
opportunisme pour autre chose... mais le plus souvent parce que
certains débouchés ne le sont plus et qu'il y a dès lors davantage
de candidats que de postes à pourvoir.
Quand on aime l'écriture et qu'un jour
ou l'autre on s'est dit qu'on réussirait peut-être à en vivre, on
ne l'a pas toujours fait en ignorant qu'on était occupé à
s'enfoncer bien profondément le doigt dans l'œil. C'est bien connu,
sauf des doux rêveurs – et, à voir la fréquentation de certaines
pages de ce blog, je me dis qu'ils sont encore nombreux même si
minoritaires : les romanciers qui vivent de leur prose sont
rares.
Évidemment, quand ça réussit pour
Untel qui n'écrit pas spécialement bien et dont les récits n'ont
rien de bien original, on est prêt à se dire qu'avec de
l'entêtement et beaucoup de bol, on pourrait nous aussi décrocher
la timbale. Pourquoi pas ? Il est toujours permis de rêver !
D'un autre côté, avec un peu de
réalisme, on peut aussi se donner à penser que, dans l'éventualité
où le scribouillard aspirant à la gloire et à la fortune réussit
un coup fumant – le genre « best seller » dès le
premier ouvrage publié – qui le propulse au-devant de l'étalage
des libraires, la suite risque bien d'être moins drôle.
Comme je l'écrivais au début,
certaines personnes ont la chance de pouvoir exercer le métier
qu'elles aiment, celui dont elles rêvaient, celui qui ne les lasse
pas. Et j'appelle ça une chance, parce que quand il faut bosser pour
gagner sa croûte, ce n'est pas toujours une partie de plaisir. Même
celui qui a choisi un métier qui lui plaît, parfois, ça lui arrive
d'en avoir plein le dos, d'avoir envie de tout laisser tomber ou de
se tailler quelques mois aux Seychelles – à condition bien sûr
d'en avoir les moyens !
Cette réflexion me venait à l'esprit
récemment, parce qu'on m'avait mis dans les pognes un roman d'un
auteur à succès – le genre dont on écrit le nom en très très
grosses lettres sur la jaquette, le titre étant plus ou moins
accessoire – et que je m'étais décidé non seulement à le lire,
mais à le lire jusqu'au bout. Courageusement, par moments.
En toute honnêteté, j'avais lu le
premier bouquin – tout au moins, le premier « best-seller »,
dont on a même par la suite tiré un film – écrit par cet
auteur ; et je l'avais trouvé plaisant, avec un scénario
sortant en partie de l'ordinaire. En partie, seulement, mais c'était
déjà ça.
En vertu du sage principe conseillant
de ne jamais tenter de rééditer une expérience réussie, je
m'abstiens généralement de plonger sur le second roman d'un auteur
ayant connu un succès fulgurant avec le premier. Autrefois, je n'y
prenais garde et j'ai presque toujours été déçu. Autant du
deuxième que du troisième, d'ailleurs. C'est comme ça, je n'y puis
rien, mais c'est un peu comme au cinéma : les resucées
artistiques sont rarement d'incontestables réussites, même si les
chiffres de ventes restent flatteurs.
Ce roman que j'ai lu, il y a quelques
semaines, m'avait été offert et j'avais tergiversé avant d'y
toucher ; et puis, un jour, j'ai abandonné mes préjugés. Je
me suis dit : « lisons ça sans arrière-pensée ».
Las ! Scénario décevant ponctué d'invraisemblances
grotesques, suspense mou du genou, personnages caricaturaux et
écriture bas de gamme étaient au programme. Je sais : c'est
une traduction et l'original est peut-être mieux torché dans la
forme ; mais pour le reste... Bof, bof, bof !
L'auteur avait-il besoin d'écrire ce
roman ? Probablement pas. Il est riche et célèbre.
L'auteur avait-il envie d'écrire ce
roman ? Probablement pas. Le manque d'enthousiasme est flagrant.
Sûrement qu'il était harcelé par son
éditeur, ou un truc du genre. Il n'avait pas trop envie, il n'avait
pas trop d'idées... mais il fallait le faire.
Un peu comme moi, quand je pars bosser
le matin et que l'enthousiasme n'y est pas. Dans mon cas, c'est
alimentaire. Dans son cas à lui, ça ne l'est sans doute pas, mais
ça revient un peu au même : il le fait parce qu'il le faut
bien. Et puis, il y a d'autres auteurs que lui, moins riches et moins
célèbres, mais qui ont un contrat et qui sont bien obligés de
créer, même quand leur muse les cocufie.
Par contraste, le scribouillard qui
s'amuse avec son blog ou avec ses bouquins qu'il refile à ses potes,
quitte à se fâcher avec eux pour de bon ; ce scribouillard-là,
qui a un job « alimentaire » par ailleurs, il fait ce
qu'il veut : il écrit, il n'écrit pas. Qu'importe ! Il
fait ce qu'il a envie de faire.
Il ne sera ni riche ni célèbre, mais
ça le dispensera de faire un jour de son hobby une corvée rien que
parce qu'il en a besoin pour boucler ses fins de mois ou parce qu'un
mec le pousse dans le dos en lui rappelant les engagements qu'il a
pris.
Comme quoi, parfois, on se console
comme on peut.
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