Ce matin, sur la route qui me
conduisait au boulot, j'ai pu m'apercevoir une fois de plus que les
plaques d'immatriculation des véhicules peuvent avoir parfois un
charme particulier.
Comme les législations et modes
d'attribution de ces combinaisons de caractères alphanumériques
distinctifs varient selon les pays, il serait fastidieux de tenter
d'en dresser un relevé comparatif exhaustif, mais sachez que ce
n'est pas toujours aussi aléatoire qu'il n'y paraît de prime abord.
Certains pays, par exemple, pratiquent
la « mise aux enchères » de certaines combinaisons,
lorsqu'elles sont disponibles, ce qui peut rapporter pas mal de
pognon aux autorités compétentes tout en déchaînant les passions
des amateurs les plus fortunés.
Certains diront que c'est accorder
beaucoup de valeur à des futilités, mais en chacun de nous – ou
presque – un collectionneur sommeille ; et il n'est donc pas
rare que l'on puisse s'attacher à certains objets au point de donner
de l'importance à ce qui, a priori, n'en a aucune.
Tous les pays ne pratiquent pas non
plus la règle indiquant qu'une plaque d'immatriculation est
attribuée d'abord à une personne, pour être ensuite collée sur un
véhicule, puis sur un autre, à chaque fois que le propriétaire
concerné change de voiture. Chez nos proches voisins francophones,
par exemple, le principe serait plutôt inverse : la combinaison
alphanumérique suit le véhicule, même s'il change de propriétaire
(au sein du même département, toutefois).
En Belgique, le principe est, de longue
date, d'attribuer une plaque à une personne (parfois plusieurs s'il
immatricule à son nom plusieurs véhicules en même temps), plus ou
moins aléatoirement. Tant qu'il en a besoin, le propriétaire
conserve la combinaison qui lui a été attribuée. S'il change de
voiture, conserver sa propre plaque lui permet de réduire les
frais : il ne paie que la taxe d'immatriculation et de mise en
circulation, pas l'objet lui-même, puisqu'il l'a déjà acquis
précédemment.
Néanmoins, la possibilité existait de
longue date d'obtenir, moyennant supplément, une combinaison dite
« personnalisée ». Autrefois, le choix se limitait à
choisir parmi les séquences disponibles (donc essentiellement « à
venir »), sans autre fantaisie ; mais actuellement, nos
autorités ont flairé le bon coup : pour deux mille euros (au
lieu de trente normalement), presque toutes les fantaisies sont
permises, pour autant qu'elles soient encore disponibles (lisez :
non encore attribuées à l'un ou l'autre gugusse) ou ne fassent pas
partie de combinaisons expressément interdites ou réservées
(famille royale, ministres, diplomates et autres sommités), comme expliqué ici.
Donc, si vous aimez être un
automobiliste belge qui sort de l'ordinaire – et qui est prêt à
sortir deux mille euros pour le faire –, optez pour une
immatriculation qui vous distinguera du tout-venant :
« CHOUCHOU », « TITINE-2 », « FRANK-4 »,
« POPOL-69 », « MOI-MOI »... l'imagination me
manque, mais sachez que les injures sont interdites, de même que
certains sigles réservés. C'est idiot, n'est-ce pas ? Surtout
au prix que ça coûte ; mais si ça fait rentrer des sous dans
les caisses de l'État... Comme disait Coluche : « S'il y
a des couillons pour payer... »
Mais pourquoi suis-je en train de vous
raconter ça, en fait ?
Ben, c'est parce que, ce matin, j'ai pu
m'apercevoir une fois de plus que le hasard ne fait pas toujours bien
les choses. Si vous êtes économe, si vous vous en foutez d'avoir
une plaque personnalisée sur votre bagnole, si vous jugez que trente
euros pour un bout de ferraille orné de chiffres et de lettres,
c'est déjà plus que suffisant... laissez donc faire les « séries
officielles ». Avec un peu de chance, vous toucherez une
combinaison pas trop tarte commençant par « 1- »
(actuellement, les plaques ordinaires commencent par « 1- »),
suivi de trois lettres et trois chiffres séparés par un tiret. Par
exemple : « 1-ABC-789 ».
Un manque de bol, par contre, pourrait
vous attribuer un truc du genre « 1-PUI-100 » ou des
combinaisons de lettres intégrant « KK », « QQ »
ou « PT ».
C'est à cela que j'ai songé ce matin,
alors que de nombreuses voitures me dépassaient sur l'autoroute –
des tas de voitures me dépassent toujours sur l'autoroute – et que
parmi elles j'ai successivement vu une plaque commençant par
« 1-JPU » et une autre débutant par « 1-GPT ».
Est-ce que ces gens qui n'ont pas eu de bol (enfin, il me semble) ne
pourraient pas avoir droit à une réduction ? Quinze euros au
lieu de trente ? Ou la gratuité ?
Moi, j'ai échappé à ça. Mais enfin,
ce qu'on m'a refilé est imprononçable (en français) mais pourrait
– qui sait ? – avoir un sens en polonais ou en slovaque.
Toujours est-il que si vous trouvez des
combinaisons très drôles à trente euros, vous pouvez me les faire
suivre : ça doit commencer par « 1 », puis trois
lettres et trois chiffres. Et bientôt, sans doute, on inversera :
trois chiffres et trois lettres. Y a de quoi faire !
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