Contrairement à ce que le titre de cet
article pourrait donner à penser, je ne vais pas vous gratifier de
mes photos de vacances. J'en ai fait des tas, comme d'habitude, que
j'ai dû trier, comme d'habitude aussi, puis qu'il me faudra bientôt
archiver, lorsque j'aurai fait réaliser quelques impressions pour
mes albums de souvenirs.
Car je suis démodé, comme je l'ai
avoué à plusieurs reprises sur ce blog. Cela ne me gêne pas. Et
même, quelque part, j'en serais plutôt fier, car les modes, ça
passe et, tant qu'à faire, tant qu'à choisir, j'aimerais autant
rester.
Tandis que je me vautrais dans mes
confortables et rassurantes habitudes, le monde de l'image a évolué.
Moi aussi, par conséquent, mais non sans avoir, au début, rechigné
à modifier quelque peu mon comportement.
Autrefois, je tiens à le préciser à
l'attention de l'éventuel lecteur qui n'aurait pas connu cette
époque, pas encore si lointaine, où la photographie était
davantage une question de chimie que d'informatique et où les images
se travaillaient dans d'obscurs labos plutôt que sur des
ordinateurs... autrefois, donc, rapporter des images de mes vacances
équivalait à acheter quelques rouleaux de pellicule de vingt-quatre
ou trente-six poses, à les exposer, puis à les déposer au labo
pour leur développement et l'impression des meilleurs résultats.
Comme tout était payant et que les instantanés ratés étaient bons
pour la poubelle ou, à la rigueur, quelque vieille boîte à
chaussures (quelques mots à ce sujet un peu plus loin), il fallait
avoir le déclencheur parcimonieux lorsque le portefeuille avait la
platitude d'un estomac de fakir.
Pour les vacances, le meilleur choix
était la diapositive, qui permettait de « shooter »
abondamment puis de déposer les rouleaux et de demander juste leur
développement. Un premier tri envoyait une bonne partie à la
corbeille, le reste étant mis sous cache et examiné à la
visionneuse. Un chargeur permettait de sélectionner les meilleures
diapos que l'on se projetait sur écran, en grand format et en
famille. L'écueil habituel était : attention, pas trop, sous
peine de changer la séance de projection en séance de torture.
Le plus comique, en fin de compte,
c'était la confection d'albums à se passer de la main à la main ou
à feuilleter, en petit groupe entassé dans le canapé. Les
meilleures diapositives étaient donc, à cet effet, converties en
images sur papier.
Ça, c'était pour les vacances ou
certains événements au cours desquels l'index pouvait être pris de
frénésie sur le déclencheur. En temps ordinaire, le film
« négatif » faisait l'affaire. Il était possible de
demander une « planche contact » destinée à
sélectionner les images avant leur tirage en format standard (ou
plus grand), mais généralement, je donnais les films et demandais
toutes les impressions en petit format (10x15cm), les trop moches
étaient déchirées, les belles mises dans des albums, les
meilleures tirées plus tard en grand format. Quant aux « pas
terribles », elles filaient dans une boîte à chaussures,
comme je l'évoquais ci-dessus. À de très rares occasions, exhumer
une de ces boîtes remplies d'images médiocres qu'on ne regarde
jamais et qu'on a à peu près oubliées, c'est l'assurance de
quelques bons moments d'hilarité.
En famille, avec les amis, nous
feuilletions les albums. C'était quelques moments de plaisir
auxquels nous sommes, Chérie et moi, restés attachés. La
photographie étant désormais numérique, le tri se fait sur écran,
la mise à la poubelle également. Plus de boîtes à chaussures,
mais des disques durs nomades pour l'archivage des bonnes images. Les
meilleures, nous continuons à les imprimer et à les ranger dans des
albums, parce que nous trouvons ça chouette, qu'elles s'y conservent
bien, qu'on n'en égare pas dans un plantage d'ordinateur, la perte
d'un CD-rom ou les obscurs méandres d'Internet.
Autour de nous, de plus jeunes que nous
mitraillent à tout va avec leur smartphone, réalisent des
« selfies » qu'ils regardent immédiatement, des images
où ils grimacent, d'autres immédiatement trafiquées à l'aide de
petites applications rigolotes, de minis séquences filmées... Ils
se les envoient, les déposent sur les réseaux sociaux, les
commentent dans les minutes où elles ont été prises, voire
quelques heures ou jours plus tard ; puis elles disparaissent.
Elles ne sont pas éliminées séance tenante, non, mais elles sont
un peu perdues, un peu – ou beaucoup – oubliées, et ne
ressortiront sans doute jamais. Peu seront imprimées et placées
dans des albums. De toute façon, leur qualité technique ne permet
généralement pas d'en réaliser de beaux tirages. Qu'importe !
Ce n'est pas ce que ces accros au smartphone et aux réseaux sociaux
recherchent.
Récemment, un de ces adeptes
m'assurait que ces images étaient archivées sur « des clés
USB », ce que je crois volontiers. Seront-elles encore
regardées plus tard ? Et, surtout, pourront-elles être encore
regardées plus tard ? La technologie évolue si vite, les
supports numériques sont si capricieux...
Les photos imprimées, je leur fais
confiance. Elles sont un reflet de l'histoire du siècle dernier.
J'en possède encore, soigneusement étiquetées ou annotées au
verso, en noir et blanc comme en couleur, du temps de mon enfance.
D'autres, en noir et blanc, me montrent mes parents et grands-parents
tels que je ne les ai jamais connus ou tels que j'en ai perdu le
souvenir. Mes arrières-grands-parents existent encore, en image sur
papier, en petit format aux bordures festonnées.
Nos enfants, aujourd'hui, découvrent
tout cela en écarquillant les yeux. Pourra-t-il en être autant,
dans quelques dizaines d'années, pour les enfants de leurs enfants ?
Nous ne vivons pas dans le passé (qui
est triste parce que, justement, il est passé), mais c'est à la
lumière de ce qui existait autrefois que l'on comprend mieux ce qui
se passe aujourd'hui et qu'on peut imaginer ce qui se passera demain.
De nombreuses images imprimées en
témoignent.
Ouaip... c'est beau !
RépondreSupprimerTiens, un instant, j'ai pensé à ça : https://www.youtube.com/watch?v=Mz62VkqD-KE