La semaine dernière, j'étais à
l'ouvrage avec l'attirail dont vous pouvez découvrir une image
ci-dessous, lorsque mon petit-fils de dix ans s'est approché,
intrigué, pour m'assaillir de questions.
À quoi tout ce fourbi pouvait-il donc
bien servir ? En ce compris les deux petits haut-parleurs
amplifiés qui trônaient sur une étagère, juste au-dessus de mon
bureau ?
Certes, il entendait bien que tout cela
jouait de la musique ; il voyait bien que j'utilisais un PC
portable et une série de câbles ; mais le reste du matériel,
et plus précisément les multiples boutons de la petite table de
mixage, exerçait sur lui la fascination de la découverte de choses
inconnues autant que celle qu'éprouvent souvent les garçons envers
tout ce qui est mécanique, électronique ou un peu des deux en même
temps.
Tout cela m'a rappelé à quelle
vitesse les années passent et m'a également renvoyé à la figure
mon statut de vieux croûton ! Déjà, quelques années plus
tôt, lorsque j'avais descendu du grenier ma vieille platine à
disques vinyle, la plus jeune de mes filles avait écarquillé les
yeux face à l'objet : qu'était-ce donc que cela ? Et ces
grandes galettes noires ? J'avais dû lui expliquer. Et lui dire
également que, non, il ne fallait pas toucher au plateau ni au bras
pendant que l'engin tournait.
Lorsqu'il avait vu l'appareil, bien des
années plus tard, mon petit-fils avait également amorcé un geste
de la main vers le plateau ; et j'avais dû lui expliquer que,
non, ce modèle-là n'était pas conçu pour « faire du
scratch ». Au moins avait-il déjà vu ce genre de chose et
l'usage que certains en font.
Mais des mini-cassettes, ça lui était
fichtrement inconnu !
Patiemment, donc – les grands-pères
étant connus pour leur infinie patience – je dus lui expliquer que
la musique n'avait pas toujours été dématérialisée.
Qu'autrefois, nous n'avions pas de smartphones, pas même de
portables, ni de tablettes et de consoles de jeux. Que nos écrans de
télé étaient petits et vilains, noyés dans des postes même pas
plats comme des vitres d'abribus.
Je lui montrai que les disques étaient
encombrants, même les petits sur lesquels il n'y avait que deux
chansons. Et je lui expliquai que la minicassette et le baladeur
avaient été inventés avant les ordinateurs, Internet et le MP3.
Il prit en main quelques minicassettes,
étonné que l'on puisse mettre de la musique sur une bande qui
défile et qu'il faut patiemment rembobiner si l'on veut réécouter
la chanson qui vient de se terminer.
Et que faisais-je donc avec cela ?
Fallait-il tout cet attirail pour écouter la musique ?
Avec ma patience de vieux croûton,
j'entrepris de lui faire comprendre qu'il existait quelques moyens de
transporter ma « vieille musique » sur des supports plus
modernes. Que pour ce faire, j'utilisais mon PC et un lecteur de
cassettes – un gros, « de salon » – pour transformer
mes sources analogiques en fichiers numériques.
Cela devenait compliqué pour un gamin
de dix ans, mais n'entravait en aucune manière sa fascination pour
les boutons de la table de mixage ! J'ajoutai donc que la
présence de ce séduisant engin n'était pas nécessaire à la
numérisation du contenu de mes vieilles cassettes, mais que son
correcteur de tonalité à trois bandes et ses réglages de niveau
étaient une addition utile si je voulais retoucher le son –
parfois un peu défraîchi – des vieilles bandes magnétiques.
Aujourd'hui, la cassette est désuète.
C'est ce qu'on dit, quand on reste poli. On peut dire aussi qu'elle
est dépassée ou d'un autre temps ; mais certains n'hésitent
pas à la comparer à quelque chose de malodorant.
Sans être aussi sévère, j'admettrai
que certains vieux exemplaires, dont vous pouvez voir ci-dessous une image, ne valent vraiment pas tripette.
La bande n'est pas de bonne qualité.
Elle est même devenue franchement mauvaise, au fil des années. En
outre, sa fragilité et les quelques problèmes de défilement que
l'on pouvait parfois rencontrer pouvaient transformer la bande en ce
que vous voyez sur la photo ci-après. Visuellement, c'est vilain. Au
niveau sonore, je ne vous dis pas.
C'était le charme de toute une
époque !
À la base, ce produit est dérivé de
ceux que l'on proposait pour les magnétophones « grand
public », les bobines de bande d'un quart de pouce de large et
qui existaient en plusieurs diamètres (18 cm, pour les exemplaires ci-dessous).
La bande pour les cassettes est, au départ, du
même type, mais plus mince et plus étroite ; et elle ne défile
qu'à une vitesse de 4,75 cm par seconde ; contre 9,5 ou
18 cm/sec pour les bandes standard de l'époque ! Le
souffle (bruit de défilement de la bande) se produisant à une
fréquence d'autant plus basse que la vitesse de défilement est
faible, est donc bien plus audible en petit format qu'avec les
bobines « quart de pouce ». Bref, question performances
sonores, la base n'était pas fameuse.
Il n'empêche que ce petit conteneur de
plastique permettait d'enregistrer une demi-heure à une heure de
musique (ou d'autre chose), avant que la bande ne parvienne en fin de
course. À condition de retourner alors la petite boîte, on pouvait
enregistrer dans l'autre sens, jusqu'à ce que la bande revienne à
son point de départ. L'étroite surface enserrait donc quatre pistes
parallèles, dont deux étaient lues dans un sens et deux dans
l'autre (chaque piste représentant un canal de la stéréo). Une
fonction de bobinage rapide dans chaque sens était prévue sur les
lecteurs de salon, mais pas toujours sur les « baladeurs »
(souvent un seul sens y était disponible). Sur une cassette de 90
minutes (45 de chaque côté), il était donc possible d'enregistrer
deux albums « long playing » (ou un album double, comme
sur la photo ci-après) ou une quinzaine de « singles »
(les 45 tours) depuis leurs deux faces. L'encombrement était quand
même nettement moindre !
Évidemment, comparée à une clé USB,
la minicassette fait figure de brontosaure ! Sur une minuscule
clé de 8 Go, il est actuellement possible de copier, en
« qualité CD », le contenu de deux valises pareilles à
celle photographiée ci-dessous. Et probablement une dizaine de fois
plus en « qualité MP3 », un format qui n'est pas du
meilleur niveau mais n'a par contre rien à envier à la
minicassette.
Revenons-y, à la minicassette. Car en
plus des cassettes vendues « vierges », les maisons de
disques proposaient des versions « cassette » de leurs 33
tours. Les jaquettes étaient illustrées avec l'image de la pochette
de l'album vinyle, et les titres des chansons étaient souvent
imprimées sur les petits conteneurs renfermant la précieuse bande.
En général, ces « musicassettes » (comme ils les
appelaient) étaient d'une qualité douteuse voire médiocre.
Par contre, au fil des années, les
fabricants rivalisèrent d'inventivité afin de faire de ce support
conçu au départ pour les dictaphones et qui s'était imposé
partout en complément des disques vinyle, quelque chose de plus
qualitatif. Sans aller jusqu'à les prétendre « haute-fidélité »,
les meilleures cassettes introduites sur le marché utilisaient des
bandes magnétiques aux formules sophistiquées qui amélioraient
leur réponse en fréquence et réduisaient leur bruit de fond.
Certains introduisirent quelques fantaisies de présentation, comme vous pouvez le voir sur l'image, avec la cassette transparente renfermant deux bobines destinées à rappeler leurs imposantes aînées.
Du côté des appareils de salon, de
gros progrès furent également accomplis. Certains offraient des modes d'entraînement plus sophistiqués et plus stables, ainsi que des dispositifs de calibration et de réduction de bruit.
Bien que je n'en dispose pas, il convient de rappeler la création d'appareils de type "portastudio", contenant une platine à cassettes et une table de mixage et permettant aux musiciens d'enregistrer, sur quatre pistes et à une vitesse de défilement double (en n'utilisant qu'une seule face de la cassette), leurs propres maquettes. Un "home studio" à la fois compact et facilement transportable, donc.
Aujourd'hui, les meilleurs
enregistrements sur cassette peuvent encore rivaliser avec des MP3
basiques. Ce n'est pas grand-chose, mais quand on songe à l'époque
à laquelle ce support a été créé (à l'aube des seventies), on
se dit qu'on était bien heureux d'en disposer à l'époque et
pendant encore une bonne vingtaine d'années avant que le disque
compact et les formats numériques n'envahissent le marché.
Au fil du temps, j'ai accumulé plus de
six cents cassettes, la plupart achetées vierges et sur lesquelles
j'enregistrais parfois de la musique captée sur la radio, mais le
plus souvent des albums que j'empruntais à gauche et à droite en
sus de ceux que j'achetais moi-même. Il était pratique de les
mettre sur cassette, cela permettait de préserver les fragiles
disques vinyle en les utilisant seulement pour refaire une autre
cassette lorsque la première rendait l'âme. Il convient aussi de
préciser qu'avant l'invention du disque compact, les cassettes
étaient abondamment utilisées dans les voitures, où il était
impossible de lire des disques microsillons.
Aujourd'hui, les deux tiers de mes
cassettes ont filé à la déchetterie. Je n'ai conservé que celles
de qualité convenable – essentiellement par nostalgie – et une
dizaine d'exemplaires divers contenant des enregistrements personnels
et ceux de quelques disques devenus introuvables.
Les enregistreurs à cassettes ne sont
plus fabriqués, il faut se tourner vers l'occasion ; mais
sait-on jamais ? Un « revival » pourrait surgir un
jour, comme pour le disque vinyle ; mais honnêtement, je n'y
crois guère.
Il n'en reste pas moins que mes
cassettes, même désuètes, je les aime bien.
Que voulez-vous, je suis démodé,
moi !
J'ai toujours un home-studio 4 pistes à cassette qui fonctionnait encore il n'y a pas si longtemps.
RépondreSupprimerPar contre, j'ai ressorti il y a deux ou trois ans toutes mes vieilles K7 audio où j'avais enregistré plein de vieux trucs qu'on m'avait filés au lycée (notamment l'intégrale de Pink Floyd), mais presque aucune n'a fonctionné. La plupart des bandes se sont cassées ou entortillées dans les lecteurs. C'était déprimant.
Du coup j'ai presque tout jeté, et c'était déprimant aussi.
Par contre, oui, j'ai toujours tout un gros tas de vinyls qu'on passe encore régulièrement. Ceux-là ne s'abiment pas. Quelques-uns sont étonnamment un peu "ondulés", sans doute un effet de la chaleur ; mais ça n'empêche pas leur lecture.
Et c'est fun, les vinyls !
Puis j'ai fait pareil avec les K7 vidéo ; un grand nombre sont peu lisibles ; ça saute, ou ça frise ; ou l'image est déformée. Il en reste quand même quelques-unes valables. Mais c'est un peu décevant, finalement. Elles ont vingt-cinq ans, c'est quand même pas la fin du monde...
Alors je teste aussi de temps en temps mes vieux CD. Quand je les avais achetés, les premiers, il y a une petite trentaine d'années, on m'avait dit que ça durerait environ quinze ans. Mais pour le coup, ils fonctionnent encore. De temps en temps, y en a un que le lecteur décide de ne pas faire fonctionner, mais globalement ça tourne.
Ce qui a lâché, à cause de la lumière, je pense, ce sont certaines pochettes ; que ce soit de CD ou de vinyls. J'avais l'habitude de les accrocher au mur, celles que j'aimais bien, celles des disques qui m'avaient marqué... Eh bien certaines sont bien pâlichonnes... Mais si la zik fonctionne encore, c'est pas trop grave.
Merci pour cet article !