Habiter à proximité d'une école,
juste en face même, ça peut avoir des bons côtés. Surtout
lorsqu'il s'agit d'une école « fondamentale » ; de
celles qui accueillent les enfants à l'âge où ils ne sont encore
que des chérubins tout angoissés de quitter les bras de leur mère,
pour les laisser partir, à douze ou treize ans, vers d'autres
établissements chargés de remplir scientifiquement, littérairement
et philosophiquement leurs têtes d'adolescents rêveurs, râleurs et
illusionnés.
De bons côtés, écrivais-je, parce
que lorsqu'il s'agit d'y conduire vos propres rejetons et que vous
n'avez que la rue à traverser, le petit côté pratique de la chose
apparaît immédiatement. De bons côtés parce que, tout compte
fait, les savoir si près de chez vous, dans une école à portée de
vos yeux inquisiteurs, c'est aussi un avantage appréciable qui, en
toute logique, vous permettra de ne manquer ni l'affiche accrochée
au grillage annonçant un événement impromptu, ni les fêtes
extrascolaires où il est malvenu de ne pas se montrer.
Malheureusement, toute médaille ayant
son revers, vous devrez aussi vous farcir quelques menus
inconvénients que seule une bonne dose de patience et de bonne
humeur permettra de digérer sans trop de difficultés.
Et tout d'abord, une école, ça vit au
fil du temps, mais surtout au rythme d'une horloge impitoyable et
d'un calendrier intransigeant. La classe, chez nous, ça commence à
huit heures trente. Pétantes.
Dès lors, ne vous étonnez pas de voir
arriver, pressés et stressés, dès huit heures trente-cinq les
jours de chance et huit heures quarante les jours de galère,
quelques parents et leur descendance soucieux d'illustrer par
l'exemple l'art de gérer son temps de manière efficace.
Évidemment, ce n'est pas de leur
faute. C'est la circulation, les embouteillages, ces interminables
travaux qui encombrent la voie publique et ces autres crétins de
parents qui n'avancent pas avec leur voiture. Parce qu'ils viennent
tous en voiture, conduire leurs enfants à l'école ; car, comme
chacun le sait dans notre Belgique qui est un petit pays à forte
densité de population, l'école fondamentale est toujours loin du
domicile des enfants qui la fréquentent : cinq cents, six
cents, huit cents mètres ; quand ce n'est pas un kilomètre !
Ah ! Ils en ont de la chance, ces veinards qui habitent en face.
Eux, ils n'ont pas tous ces tracas pour arriver en voiture et,
surtout, stationner en accord avec le Code.
Parce que le stationnement, c'est un
problème : toutes les places sont toujours prises. Les places
proches du grillage, bien sûr. Plus loin, il en reste, mais si c'est
pour parcourir cent ou deux cents mètres à pied, autant venir
directement et pédestrement de la maison, n'est-il pas ? Mais
c'est si loin ! Et le sac d'école est si lourd ! Comment
peut-on obliger ces chérubins à trimbaler autant de matériel ?
Comment ? Oui, un sac à
roulettes, oui...
Mais enfin, pour venir à pied, il faut
partir plus tôt. Au moins cinq minutes plus tôt !
Je l'écrivais ci-dessus : l'école
vit au rythme de l'horloge. Et la fin des classes, c'est à quinze
heures trente. Pétantes.
Dès lors, pensez-vous que les
retardataires du matin le seront encore l'après-midi ? Que
nenni !
Dès quatorze heures quarante-cinq
(quatorze heures trente-cinq le vendredi), les places de
stationnement proches du grillage sont squattées par les véhicules
de géniteurs impatients de récupérer leurs marmots sans devoir
parcourir à pied une trop longue et épuisante distance, quitte à
méditer derrière un volant pendant trois quarts d'heure en écoutant
la radio ou en graissant du bout des doigts l'écran tactile d'un
smartphone.
À quinze heures trente, une foule
bigarrée se presse devant le grillage, les portières claquent et
les petits coups de klaxon retentissent. Étrangement, comme dans la
Bible, les premiers sont aussi les derniers, parce que pour quitter
l'emplacement de stationnement durement acquis à quelques pas de
l'école, nul passe-droit n'est délivré. Au contraire : les
derniers arrivants n'hésitent nullement à garer en double file,
tandis que ceux qui ont abandonné plus loin leur bagnole traversent
et encombrent la rue en tenant par la main leurs rejetons et en
faisant mine d'ignorer totalement que certains chauffeurs mordent
leur volant dans l'impatience de quitter au plus vite des lieux si
peu hospitaliers.
Il arrive parfois qu'un
chauffeur-livreur peu soucieux des horaires scolaires choisisse le
moment de sortie des classes pour venir immobiliser son camion à
quelques pas du grillage. Dame ! Pour déverser du mazout dans
une citerne ou décharger quelques palettes de matériaux, on ne gare
pas à cent mètres de la destination ! S'ensuit donc une
confusion totale dans cette rue où, en principe, il n'est permis de
stationner que d'un côté à la fois : ceux qui sont garés à
contresens voudraient bien s'en aller en même temps que ceux qui le
sont dans le bon sens, tandis que ceux qui ne sont pas encore arrivés
à destination – à cause de la présence du camion –
s'impatientent d'y parvenir !
Ce joyeux cirque a donc lieu
quotidiennement, matin et soir (et à midi le mercredi), sauf pendant
les congés scolaires et les grèves des enseignants. La durée des
représentations est assez brève : trente minutes tout au plus,
une heure si l'on prend en compte à la fois les « hâtifs »
et les « tardifs ». Si c'est à cet instant que vous
choisissez de rentrer chez vous, seule une arrivée pédestre vous
garantira l'accès aisé à votre foyer. À bicyclette, ça le fera
aussi. En voiture, par contre, vous aurez la désagréable impression
que tout le village s'est donné rendez-vous devant votre domicile
pour vous empêcher d'y retourner.
Enfin, il arrive parfois que le cirque
dure plusieurs heures, lors des fêtes scolaires où, en sus des
enfants et de leurs parents, les oncles, tantes, cousins, cousines,
grand-parents et sympathisants ont été invités au spectacle de fin
d'année, au marché de Noël ou à la remise des cadeaux de la
Saint-Nicolas. Si vous devez utiliser votre voiture, un garage ou un
emplacement de stationnement privatif est un « must »,
pour autant qu'un mauvais plaisant n'ait pas l'idée de vous en
obstruer l'entrée pour le premier, ou de vous le confisquer pour le
second.
N'imaginez surtout pas qu'une fois que
vous serez rentré chez vous, la paix vous sera garantie, car pendant
que les parents papotent avec d'autres à la buvette, les enfants
jouent dehors, hurlent, envoient des ballons dans vos fenêtres ou
viennent joyeusement sonner à votre porte avant de s'enfuir à toute
pompe vers d'autres exploits plus amusants les uns que les autres.
Oui, habiter en face d'une école est
un spectacle haut en couleur !
Oui !!!
RépondreSupprimerJe suis pas juste en face, mais je les vois qui passent dans la rue derrière chez moi... toutes ces voitures qui s'entassent... une rue où y a jamais personne en journée, ou y a à peine la place de se croiser... et c'est ça ! exactement comme dans l'article !
Bon, j'ai un copain qui habite vraiment en face, et il dit qu'il est quand même content quand c'est les vacances scolaires...
Mais 15h30, oui, c'est tôt. Nous c'est un peu plus. Plutôt 16h45 ou 17h. Par contre, clairement, faut pas vouloir passer par là-bas à cette heure-là. Ce serait une grossière erreur qui coûterait pas mal d'agacement derrière les papas-mamans-papys-mamys-nounous-tontons-tatas.
Mais d'un autre côté, c'est sans doute plus rigolo que d'habiter en face de la maison de retraite.
Chez nous, la municipalité a décidé de s'occuper de la maison de retraite. De la retaper, de la faire belle. Et puis du cimetière, aussi. On a le plus beau mur de cimetière de toute la région.
Et pendant ce temps-là, l'école tombe en ruines...
C'est amusant tellement c'est gros.
En tout cas, encore un article bien sympa à lire.
++
Reste à demander l'avis de ceux qui habitent à proximité d'un hôpital, d'un terrain de foot ou d'une déchetterie...
RépondreSupprimerEn face d'une église, aussi, quoique la fréquentation semble avoir régressé si j'en juge par la raréfaction des offices...
Merci pour votre message !
Bonjour moi j'habite en face d'une école primaire, mon jardin donne dessus et c'est beaucoup moin joyeux que se que sa dit... ma fille de 10 ans quand elle doit rester à la maison pour raison personnelle se voit se faire insulter on nous jette des pierres on nous insulte et nous menaces personne ne fait rien ni leur directeur ni leur parents alors en effet je préférerais habiter en face d'une maison de retraite je pense que ma vie privée en serais moins altérée...
RépondreSupprimerVotre situation est moins enviable encore que la mienne. Résider à quelques pas d'une école, c'est être amené à constater que la bonne éducation n'est pas ce qu'elle devrait être, que l'incivisme règne en maître et que l'égoïsme gangrène notre société.
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