Voilà un truc que j'aurais pu ranger
dans la catégorie des objets qui énervent ; mais, tout bien
pensé, je m'en suis abstenu, car la vanne thermostatique est quand
même une chouette invention. Un peu comme le PQ qui, même s'il n'a
pas grand-chose à voir avec une pièce de chauffage central, est une
belle trouvaille lui aussi. Mais je vous parle du vrai PQ,
multicouches pour éviter de trouer au mauvais moment, constitué de
pure ouate de cellulose très douce pour le bienfait des fosses
septiques et le respect des hémorroïdes.
Ce ne sont pas là des objets qui
énervent par leur nature, mais plutôt par l'usage qu'on en fait.
La vanne thermostatique, donc, quand
elle agace les nerfs, c'est quand quelqu'un y a touché. Et que ce
même quelqu'un a oublié qu'il y avait touché.
Pour vous donner un exemple concret,
qui peut-être vous rappellera l'une ou l'autre situation que vous
auriez personnellement vécue, parlons des vannes thermostatiques
installées sur les radiateurs du chauffage central, dans le bâtiment
où je trime comme un dingue pour un salaire de misère (ou
l'inverse, selon mon patron).
La chaudière, qui a pour elle le
mérite de non seulement chauffer, mais en outre de respecter les
consignes – et ça, ce n'est pas le cas de tout le monde ! –
la chaudière, donc, se met respectueusement en veille à dix-huit
heures pour redémarrer le lendemain à six heures. On appelle cela
une gestion intelligente de l'énergie ou, plus prosaïquement, une
mesure d'économie. Et le week-end, c'est la léthargie générale,
sauf s'il gèle à pierre fendre, auquel cas elle se remet en route
afin d'éviter des dégâts aux tuyauteries. Brave chaudière, gérée
comme il faut.
Comme la maison est grande, les bureaux
diversement occupés et les gens qui les fréquentent pas tous aussi
frileux les uns que les autres, la température dans les pièces est
gérée par des vannes thermostatiques.
Or, à l'inverse du thermostat
d'ambiance auquel on confie des consignes de température liées à
une horloge et un calendrier, la vanne thermostatique ne fait rien
d'elle-même, sauf une seule chose : laisser passer l'eau ou
l'empêcher de passer, suivant qu'il fait suffisamment chaud dans la
pièce.
En pratique, par exemple, une tête de
vanne graduée de zéro à cinq ne laissera passer l'eau, quand elle
est à zéro, que si le gel menace ; alors qu'à l'opposé, sur
le repère « 5 », elle ne l'arrêtera probablement
jamais. Les graduations intermédiaires correspondent plus ou moins à
certaines températures, mais devant le manque de précision du
dispositif, les fabricants préfèrent éviter d'y graver lesdites
températures. Toujours est-il que « 3 » correspond bien
souvent à une ambiance de plus ou moins 20°C. La bonne sélection
pour un bureau, sans doute.
Une des principales caractéristiques
des vannes thermostatiques, c'est qu'elles fonctionnent en « tout
ou rien ». L'eau passe si la température sélectionnée n'est
pas atteinte, elle ne passe pas dans le cas inverse.
Et une des principales caractéristiques
de ceux qui se mêlent d'y toucher, c'est de fonctionner en « tout
ou rien » eux aussi. Ainsi, quand une de vos collègues est en
proie aux vapeurs annonçant sa prochaine ménopause, il est probable
qu'elle estime que la température de 20°C est trop difficile à
supporter et que, dans un geste agacé, elle tourne la vanne sur
zéro. « Pour que ce truc arrête de chauffer », même
s'il ne chauffait déjà plus à ce moment-là. Évidemment, en
quittant les lieux le soir, elle aura oublié son geste et, si
personne ne s'assure à sa place que la vanne a été remise en
position, le lendemain matin, ça va cailler ferme dans le bureau
pour autant qu'il fasse un peu froid dehors.
De manière compréhensible, la
première personne arrivant sur les lieux, réalisant à quel point
il fait frais dans le local, va s'empresser de rouvrir la vanne. Et,
« pour que ça chauffe plus vite », elle va la
positionner sur « 5 ». À fond. Or, je vous l'ai dit, une
vanne thermostatique, ça n'a pas davantage de cervelle que ceux qui
n'essaient même pas de comprendre son fonctionnement. Le radiateur
va donc chauffer, chauffer, jusqu'à ce que quelqu'un trouve qu'il
fait étouffant et repositionne la vanne sur zéro. « Comme ça
c'est coupé », dira cette personne en s'épongeant le front et
en grommelant un « je me demande qui a encore foutu cette vanne
à fond ».
À ces gens-là, vous avez beau leur
expliquer que non, le radiateur ne chauffe pas plus vite et plus fort
quand la vanne est à « 5 », mais qu'il va chauffer
inlassablement jusqu'à dix-huit heures quand la consigne de la
chaudière (intelligente, celle-là) prendra le dessus (depuis la
cave, il faut le faire). Ces gens-là s'entêtent. Et si vous leur
dites de « laisser une bonne fois pour toutes cette putain de
vanne sur trois, ou deux et demi, ou trois et demi » ; et
qu'elle se chargera du reste, c'est-à-dire de ne faire cuire ni
geler personne, ils estimeront que vous avez un mauvais caractère et
que vous n'y connaissez rien.
C'est la caractéristique de l'ignorant
qui s'ignore : il s'entête dans son ignorance, parce qu'il
pense avoir raison. De toute bonne foi. Le genre de personne qui va
vous répondre, quand vous lui montrerez une page du Bescherelle, du
Larousse ou du Grevisse, « qu'il y a des tas de conneries, dans
ce bouquin ».
Donc, la vanne thermostatique, ça se
manœuvre avec délicatesse. Un peu à la fois. Si « 3 »,
c'est trop chaud, « 2,5 » conviendra. Inutile de
s'énerver. Pas la peine de risquer de se tordre le poignet. Un peu
de doigté suffit amplement.
Mais, je l'ai dit, bien que la vanne
thermostatique soit une belle invention, il suffit de la mettre à
disposition de mains maladroites dirigées par des esprits obtus pour
qu'elle devienne un objet qui énerve. Un objet qui tantôt jette un
froid, tantôt échauffe les esprits.
C'est trop triste. Trop injuste.
Elle ne mérite pas
ça, la vanne.
Yep !
RépondreSupprimer+1, bien sûr !
Et c'est comme ça dans tous les bureaux et toutes les pièces du monde, hélas...
Est-ce que si les robinets étaient gradués justement en température, ça irait mieux ? Peut-être que si les gens voyaient écrit 8°C, 15°C, 20°C, 25°C, 33°C, ils s'obstineraient moins ?
Déjà, il faudrait que les vannes soient précises. Ce n'est pas le cas, contrairement aux thermostats d'ambiance. Et puis, les gens sont obstinés, parfois. Surtout quand ils refusent de réfléchir.
Supprimer