« Ce qui est triste avec le
passé, c'est qu'il est passé », disait John Lennon. Même
s'il y est passé lui aussi, je trouve qu'il avait plutôt raison,
dans le fond. C'est vrai que le passé, c'est le passé et que,
quelle que puisse être l'envie de le refaire, la possibilité
n'existe pas (encore). Autant éviter de nourrir des regrets, donc.
Je préfère donc laisser vivre avec
leur passé ceux qui n'ont plus d'avenir ou se comportent comme s'ils
n'en avaient plus. Peut-être que quand je serai vieux, malade,
grabataire et encore plus chiant qu'aujourd'hui, je m'appesantirai
sur mon passé avec la plus intense des nostalgies... mais je n'en
suis pas là.
Certains font des projets d'avenir.
C'est bien, les projets d'avenir. Parfois, des profs, à l'école,
nous disaient qu'il fallait avoir un but, dans la vie. Et même
plusieurs. Moi, j'aimerais bien vivre vieux, mais ce n'est pas un
but. C'est juste une envie, comme ça, parce que je trouve que la vie
est bien courte et que le temps passe trop vite, si vite que j'ai
parfois l'impression que je n'aurai pas le temps de faire tout ce que
j'ai envie de faire.
Certains envisagent leur retraite. Ils
s'impatientent même d'atteindre enfin cet âge où ils ne devront
plus aller bosser mais pourront jouir d'un repos qu'ils estiment bien
mérité. Pourquoi pas ? Eux aussi, dans le fond, ils ont
raison. Sauf que...
Sauf que je trouve qu'il existe une
nuance de taille entre faire des projets d'avenir et s'impatienter
d'être dans cet avenir. Ça me semble tellement sympa de penser que
« cet été je pars en vacances » ou que « l'an
prochain, je change de boulot » ; mais tellement incongru
de dire « vivement l'été que... » ou « vivement
l'an prochain que... »
Quand j'entends des collègues
s'exclamer « vivement la pension ! » et décompter
impatiemment les jours qu'il leur reste à travailler, même si ça
dure encore trois ans, je ne puis m'empêcher de songer qu'ils ne
profitent pas de la vie mais, qu'au contraire, ils se la pourrissent
avec leur hâte d'être demain, après-demain, l'été prochain, l'an
prochain... jusqu'à me donner l'impression qu'ils ont envie d'être
(un peu plus) vieux.
C'est un peu comme si aujourd'hui
n'était pas bien. Comme si l'instant présent était une corvée à
liquider dans l'attente de mieux ; alors que le bonheur, le
bonheur tout simple, on peut le trouver à tout moment, à portée de
main, dans la lumière d'un sourire, dans la musique des mots gentils
et dans tous les bons petits moments que la vie nous donne.
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