L'avantage de vivre dans un petit pays
comme la Belgique, c'est que les frontières ne sont jamais bien loin
et qu'il est relativement aisé de s'en aller vider un godet chez les
voisins.
Je ne me suis pas privé d'aller
vérifier qu'en France il existe aussi quelques cafés des sports, et
j'en ai profité pour en rapporter quelques commentaires avisés
échangés autour de quelques bons verres.
« Si on bat l'Allemagne, on
est en finale ! »
J'avoue
que cette prévision-là m'a un peu surpris. En toute honnêteté et
sans la moindre parcelle d'esprit partisan, je dirais plutôt que si
la France bat l'Allemagne, elle va en demi-finale. Pas en finale. À
moins qu'il existe une subtilité du règlement qui précise que
l'équipe qui bat la mannschaft
en quart accède d'office à la finale sans passer par la case demi
et sans toucher la prime ? Sinon, c'est faire quand même assez
peu de cas du Brésil et de la Colombie ; mais là, je suis déjà
moins objectif. N'empêche que, si j'en crois les commentaires, le
Brésil joue mal. Un peu comme les Belges, en quelque sorte : il
joue mal mais il gagne.
Je
dois avouer qu'au café des sports, certains ont des avis bien
tranchés sur la question de l'équilibre des forces entre la France
et l'Allemagne :
« L'Allemagne magique, belle
et puissante, gagnera toujours contre la France sauf à la belote. »
C'est
peut-être vrai, mais je n'en suis pas convaincu. Et de ce qui suit,
encore moins, bien que ça détienne également le mérite de
présenter la chose sous un aspect humoristique :
« Les Français, pour battre
les Allemands il vous faut comme toujours un coup de main des
Anglais, des Américains et des Russes. »
Je ne
suis pas sûr que celui qui a dit ça soit bien un Français... mais
de toute façon c'est mal barré, puisque tant les Anglais que les
Russes avaient déjà bouclé leurs valises depuis belle lurette, et
que si les Américains n'en ont pas encore fait autant, c'est parce
qu'ils ont réservé leur hôtel jusqu'au lendemain de la finale.
Un
aspect que la clientèle du café des sports semble ne pas négliger,
c'est le devoir d'honorer la mémoire d'Émile Coué et de sa célèbre
méthode :
« La France gagnera demain,
peut-être dans quatre ans les Allemands »
« On va les faire rouler dans
la farine. Oui, Monsieur ! »
« Le facteur déterminant sera
la condition physique. La différence se fera dans les vingt
dernières minutes du match : l'équipe la plus en forme
gagnera. Et je pense que la France est au top physiquement. »
J'ai
retenu aussi certains avis un peu curieux, comme celui-ci :
« Pour battre le Brésil à la
régulière il ne reste plus que deux pays voire trois : la
France et l'Argentine, avec un bémol pour les Pays-Bas. »
J'ai
peur de comprendre : il y aurait donc des équipes qui ne jouent
pas à la régulière ? Les Allemands, les Belges, les
Colombiens, les Costa-Ricains (et avec un bémol les Pays-Bas)
seraient donc des tricheurs ?
Comment
se débrouilleraient-ils pour ne pas gagner à la régulière ?
Soudoyer l'arbitre ou leurs adversaires ? Verser de la
mort-aux-rats dans leurs bidons de flotte ? Envoyer des ninjas
les terroriser la nuit à l'hôtel ou charger la mafia de leur
promettre les pires sévices en cas de victoire malencontreuse ? Ou en continuant à jouer mal, peut-être ?
Ce qui
suit est aussi un peu troublant...
« C'est fini, cette belle
équipe d'Allemagne. Aujourd'hui, il n'y a plus (ou presque plus) de
vrais Allemands, voilà pourquoi ils ne gagneront rien. »
La
race aryenne se perdrait-elle ? Un autre intervenant s'est
empressé de remettre l'église au milieu du village :
« C'est sûr que Lahm, Neuer,
Schweinsteiger, Müller, Kroos, Mertesacker, Hummels, Schürrle,
Götze, Höwedes, Draxler, Grosskreutz, Weidenfeller, Zieler, Ginter,
Kramer, Durm... ça ne sonne pas allemand. »
Ouf !
J'ai eu peur.
En
effet. C'est bien typiquement allemand, tout ça.
Heureusement
que ce sont les Français qui vont se taper la corvée d'affronter la
mannschaft et de
l'éliminer ! Nous, on n'aura affaire qu'à l'Argentine.
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