vendredi 30 janvier 2015

Actualités pas vraiment à la con

Difficile de se pencher sur l'actualité sans parler de la Grèce, d'évoquer le football sans songer au pognon ou d'aborder le fast-food en ignorant délibérément le cholestérol. Alors, je vais parler de la Grèce, parce que les deux autres sujets précités, je les ai déjà abordés dans ces pages (*).

Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais depuis quelques années j'ai du mal à associer ce beau pays à l'idée de vacances sans éprouver une sorte de gêne, la même sorte de gêne que j'éprouverais si je m'offrais deux ou trois semaines de rêve dans un complexe hôtelier de luxe idéalement situé dans un pays dont le peuple subit quotidiennement misère et maladies.

Je ne pense pas qu'il soit malvenu de s'offrir des vacances chez les Hellènes, pour autant que cela donne un coup de pouce au commerce local et contribue à tirer la population de la mélasse dans laquelle elle a été fourrée bien malgré elle ; mais serait-ce bien le cas ?

Toujours est-il que, lassés de se serrer la ceinture, les Grecs ont voté pour le changement. C'est ce qu'ils espèrent, tout au moins. Et ce ne sera pas un but facile à atteindre.

Je souhaite de tout cœur qu'ils y parviennent, parce que continuer à vivre ce qu'ils vivent, ce n'est pas tenable. On a beau dire qu'ils ont mangé leur pain blanc avant leur pain noir, qu'ils en ont bien profité pendant des années, qu'ils ont falsifié les chiffres pour entrer dans la zone euro... il me semble quand même que les responsables de ce fiasco sont à chercher ailleurs que parmi ceux qui paient aujourd'hui cruellement et injustement la facture pendant que d'autres continuent, devant leur nez, à jouir de leur richesse et de leurs privilèges.

Il est des pays où les gens sont pauvres et n'ont jamais connu que la pauvreté. C'est évidemment très triste, et ceux qui parviennent à leur apporter de l'aide malgré un environnement hostile (régimes rarement démocratiques, conflits armés, corruption, maladies...) méritent toute notre admiration. Il est aussi des pays dont la population se retrouve plus pauvre (ou moins riche) qu'elle ne l'était autrefois. Se trouver soudain privé du confort dont on a autrefois profité, c'est difficile à vivre, ça crée de l'incompréhension, du mécontentement, de la révolte.

La crise économique crée de la pauvreté, mais entretient de scandaleuses richesses. Plus que jamais, l'écart se creuse entre les plus pauvres et les plus riches ; les classes moyennes, éternelles vaches à lait des États, voient leurs membres se glisser, de plus en plus nombreux, dans les rangs des malchanceux.

Comment ne pas comprendre les réactions grecques ? Comment la colère ne gronderait-elle pas dans ce pays ? Comment la tentation de conduire au pouvoir des leaders aux idées radicales ne se ferait-elle pas de plus en plus pressante ?

L'injustice, les privations, l'austérité... donnent du grain à moudre aux adeptes d'idéologies extrêmes maquillées d'un discours démagogique d'autant plus aisé à tenir que les ouailles frustrées sont en attente d'un changement qui n'arrive pas.

L'Histoire est rythmée par les guerres ; et les guerres s'entourent d'avant-guerres, d'après-guerres et d'entre-deux-guerres. Où sommes-nous actuellement ?

Cette semaine, c'était le 70e anniversaire de la libération du camp de concentration d'Auschwitz par les troupes russes, en janvier 1945. Quelques centaines de survivants étaient présents, certains ont pris la parole. L'un d'entre eux rappelait qu'on ne devrait plus jamais s'en prendre aux gens pour ce qu'ils sont.

Toute l'agitation, toute la violence qui nous entoure, tous les événements dramatiques qui font l'actualité nous rappellent à quel point la paix, la démocratie, l'égalité de droits... sont choses fragiles quotidiennement mises en danger.

Nous, les Occidentaux, nous qui détenons la Vérité ; nous qui sommes le Modèle de Société ; nous qui valorisons l'esprit d'entreprise ; nous qui défendons la liberté d'expression ; nous qui soutenons le suffrage universel ; nous qui n'avons jamais apporté la violence dans d'autres pays, sur d'autres continents ; nous qui n'avons jamais tenté d'imposer à d'autres notre culture, nos religions ; nous qui n'avons jamais confondu autorité civile et autorité religieuse ; nous qui avons toujours prôné l'égalité des sexes, le droit à la différence, l'esprit de tolérance ; nous qui n'avons jamais établi de colonies ; nous qui avons toujours respecté le bien d'autrui ; nous qui savons tenir nos promesses ; nous qui ne renions pas notre parole ; nous qui... nous qui sommes pétris de qualités, comment tolérons-nous toutes ces injustices, toutes ces aberrations ?

Comment pouvons-nous un jour nous moquer de certaines personnes et trouver ça normal parce que notre liberté d'expression le permet ; et le lendemain lever nos boucliers et protester en chœur contre une phrase maladroite égarée dans une interview ou vilipender une poignée de guignols qui brandissent dans un stade un calicot à l'humour bas de plafond ? Comment pouvons-nous estimer que non, vraiment, là on ne fait pas de mal (aux autres) ; mais qu'ici, oui, il faut trouver un article de loi ou en créer un pour qu'on ne puisse plus nous faire de mal, à nous ?

Tout cela n'est pas bien gai et nous éloigne de la Grèce à défaut d'enterrer nos problèmes !

Pour en revenir à la Grèce, donc, comment ne dirais-je pas un petit mot pour Demis Roussos (je vous épargne son vrai nom au complet), ce grand chanteur qui nous a quittés, comme bien d'autres avant lui et comme d'autres le feront après lui ?

J'aimais bien ses chansons, les vieilles, celles des années Aphrodite's Child et quelques autres qui ont suivi, dans les seventies. Après, ce fut autre chose, bien sûr, mais il en faut pour tous les goûts, n'est-ce pas ?

Il n'empêche que j'aime toujours bien les premiers albums, les trois des Aphrodite's Child, vous savez, ce groupe qu'on identifie toujours à Demis Roussos mais dont le maître à penser, principal compositeur et arrangeur, n'était autre que Vangelis Papathanassiou, qui sera mieux connu plus tard sous son seul prénom Vangelis (et c'est mieux comme ça, pour les étiquettes sur les cassettes et les disques).

J'aurais bien aimé qu'ils restent ensemble, parce que la musique de Vangelis et la voix de Demis, c'était une association du tonnerre de Dieu ; mais las ! Vangelis voulait composer des musiques plus élaborées, dans la veine de 666, le dernier des trois albums du groupe, et Demis voulait continuer à chanter des chansons et passer à la télévision. Impossible de donner tort à l'un comme à l'autre, au vu de ce qu'ils ont réalisé et des objectifs qu'ils ont atteints !

Bye, bye, Demis Roussos ! Il nous reste les enregistrements, les vidéos sur YouTube et une voix inimitable qui, une fois dans la tête, en sort difficilement. En témoin le clip ci-après (**).


(*) Edit. 31/01 : De plus rapides que moi à la détente auraient sans doute ajouté qu'il est difficile de parler de Grèce sans songer immédiatement aux frites, mais c'est quand même un peu facile comme liaison avec le cholestérol. Et puis, les frites, en bon Belge, j'en ai déjà causé aussi.  

(**) Edit. 32/01 : En sus d'avoir une voix extraordinaire, dois-je ajouter que Demis était très beau ?
(Un artiste talentueux surpris en plein travail est d'ailleurs toujours très beau. Si vous me surpreniez en plein travail en ce moment sur mon PC, vous ne me trouveriez certainement pas très beau, mais je ne suis pas un artiste, hélas !)
 

samedi 17 janvier 2015

Rachel Flowers, un talent exceptionnel !

J'ai découvert presque par hasard ce que réalise cette sympathique et talentueuse musicienne ; mais fort heureusement pour l'intégrité de mon séant, j'étais assis à ce moment-là !

Rachel Flowers est née prématurément en décembre 1993, et cette venue au monde anticipée l'a privée du bien précieux qu'est la vision.

Choyée par ses parents, entourée par ses proches, elle a pu développer sa passion pour la musique et, de manière assez étonnante pour une personne de son âge, une grande affection pour la musique rock des années 70 (Emerson, Lake & Palmer, Frank Zappa, King Crimson, Gentle Giant...) qu'elle joue aux claviers ainsi qu'à la flûte traversière parallèlement à des œuvres du répertoire classique.



Quand on connaît bien ce qu'elle joue, on réalise mieux à quel point Rachel est phénoménale. Dans l'extrait musical ci-dessus, elle ne joue pas seulement les parties de claviers de Keith Emerson, mais elle parvient à restituer en même temps la basse de Greg Lake (elle joue les basses avec le pédalier) ainsi que quelques évocations du jeu de batterie de Carl Palmer. C'est prodigieux ! On a presque envie de l'entendre chanter. Elle se contente de jouer les mélodies des parties vocales, ce qui n'est déjà pas rien lorsqu'on y ajoute tout le reste.

Admiratif, je suis !

Dans la vidéo suivante, on peut entendre l'une ou l'autre personne qui chante, derrière.



Comme je l'ai évoqué précédemment, le répertoire de Rachel Flowers est plutôt vaste...



Elle possède également sa propre page sur SoundCloud.


En sus de quelques reprises formidables, Rachel nous y propose ses propres compositions.

Elle joue de tous les instruments, elle chante en y prenant énormément de plaisir.

Moi aussi, à l'écouter et à la regarder.

Mille bravos et je luis souhaite beaucoup de succès dans les années à venir. Un tel talent ne peut rester dans l'ombre.

Update 6/7/2015 : Elle joue donc aussi (très bien) de la guitare...




lundi 12 janvier 2015

Je ne suis pas Charlie. Quoique...

Je suis pour la liberté, la démocratie, la solidarité.

Je suis contre la violence, l'injustice, la malhonnêteté.

Mais je ne suis pas Charlie.



Je veux bien défendre la liberté d'expression, la liberté de culte et la liberté au sens large tant qu'elle n'empiète pas sur celle d'autrui, mais pas au nom des adeptes de l'humour pipi-caca, lourdingue et bas de plafond.

Si les tragiques événements de la semaine dernière peuvent motiver ce qui reste de la rédaction de Charlie Hebdo (et ceux qui la rejoindront) à poursuivre l'impression de blagues à deux balles, tant mieux pour eux. Et tant mieux pour eux également si les mêmes tragiques événements ont pour effet de booster – provisoirement sans doute – les ventes du magazine.



Charlie, je m'en fous. De mon point de vue, ce journal est à l'humour ce que le bidet est à la salle de bain ; alors qu'il paraisse ou disparaisse, je n'en ai rien à battre. Je ne lui souhaite ni bien, ni mal ; pas plus que je n'en ai jamais souhaité à ceux qui l'ont fait vivre des années durant avec une opiniâtreté qui, quelque part, peut forcer le respect voire l'admiration ; mais je ne vais pas pleurer. Pas pour Charlie Hebdo.



Même si on nous bassine avec des recommandations du genre « ne faisons pas d'amalgame » ou « ne faisons pas le jeu de l'extrême droite », je ne vais pas, moi, participer à l'ivresse d'une foule qui voudrait faire d'un journal plus bête que méchant un symbole de liberté et de démocratie. C'est aussi de l'amalgame.



Je ne vais pas non plus prétendre « qu'ils l'ont bien cherché » parce que, tout compte fait, étaler la bêtise et la férocité au prétexte de faire rire, ça n'est jamais que des mots et ça ne vaut rien de plus, même si les mots peuvent souvent blesser.



Ce qu'ils ont publié dans Charlie s'est, de nombreuses fois, enlisé dans le mauvais goût. Pas de quoi incendier des locaux ou massacrer le personnel à l'AK-47, certes, mais pas davantage de quoi ériger l'irrespect en symbole. Je n'ai rien contre ces gens qui dessinent, qui écrivent ; ils ont le droit d'exprimer leurs opinions, de traiter les autres de cons, de ne pas aimer qui ils veulent et de les caricaturer pour le montrer. Si ça les amuse et si ça amuse leurs lecteurs, pourquoi pas ?



Mais j'ai une autre conception de la liberté d'expression.

Je suis pour les valeurs humaines, le respect d'autrui, la démocratie. Je suis pourtant rarement le dernier à me moquer de certains personnages, mais ça ne vise que ce qu'ils font ou ce qu'ils disent. Pas ce qu'ils sont.

Je ne suis pas Charlie.



En y réfléchissant un peu, on peut penser que, dans cette pénible affaire, des hommes et des femmes sont morts en héros ou en martyrs – à chacun de choisir les mots qu'il préfère. Les tarés qui tirent à balles de guerre sur les gens au nom de leur Dieu sont persuadés de faire leur devoir avant de mourir en héros ; les policiers qui interviennent ou sont pris pour cible ont le droit de considérer qu'ils accomplissent des actes de bravoure au nom de la sécurité de la population ; les journalistes qui continuent à se moquer de tout et de tous en dépit des menaces et finissent sous les balles de terroristes peuvent eux aussi être pris pour des martyrs sacrifiés au nom de la liberté d'expression.



Tout le monde devrait être content, en réalité, parce que quand on songe que tous ces gens auraient pu mourir plus tard, dans leur lit, comme des êtres ordinaires... on se dit qu'ils auraient seulement eu droit, pour certains, à quelques lignes dans les journaux, à un entrefilet dans les médias, à une petite émission rétrospective ou à une exposition commémorative dans le meilleur des cas ; quant aux autres, ils seraient morts dans l'indifférence générale et auraient été ensevelis un jour de pluie dans un vague cimetière de province en présence d'une poignée de proches vêtus de sombre et aux yeux baissés sur le bout de leurs chaussures. On serait bien loin, dans tous les cas, de la journée de deuil national.


(Edit : Comme un lecteur me le fait justement remarquer, je suis moi aussi bête et méchant, dans le paragraphe ci-dessus. Et je suis, moi aussi, comme j'en parle ci-après, généreux en contradictions. Mon but n'était pas de me moquer des malheureuses victimes des attentats, ni de choquer qui que ce soit. Si c'est le cas, je vous prie de bien vouloir m'en excuser.)


Nous vivons une époque formidable.

D'un côté on nous pond des lois contre le racisme, la xénophobie et l'antisémitisme ; on censure des spectacles comiques parce qu'ils ne font pas rire certaines personnes ; on intente des actions en justice contre les auteurs de propos diffamatoires sur les réseaux sociaux... et de l'autre on défile dans les rues – politiciens et chefs d'État en tête de cortège – pour défendre la démocratie et ériger en symbole de liberté d'expression un hebdomadaire qui, au nom de l'humour, caricaturise et insulte tout et tout le monde à grand renfort de blagues de mauvais goût.



Pourquoi s'étonner, dès lors, que ces contradictions dignes de notre société bien pensante ne soient pas unanimement appréciées ? Comment ne pas admettre qu'une flatulence à Paris puisse déclencher un ouragan dans une autre capitale ?



Engoncés dans notre morale d'un autre âge et dans notre conviction de détenir la Vérité, nous sommes dépassés par un Monde que nous avons transformé avec notre technologie, nos télécommunications, notre soif du sensationnel, nos vidéos qui « font le buzz » et notre mépris envers ceux que nous ne connaissons pas. Notre Sainte Liberté d'expression est assujettie à une morale à l'élasticité variable qui fait fi des sensibilités et des cultures autres que la nôtre.



Les inégalités, nous les avons créées. Nous fabriquons nous-mêmes les balles et les gilets pare-balles, les bombes incendiaires et la trousse de pharmacie. Nous vendons des flingues et des munitions, puis nous organisons des missions humanitaires en nous émouvant du respect du cessez-le-feu qui permettra aux équipes médicales d'intervenir. Nous inventons la haine et nous votons des lois pour l'interdire, nous prônons la solidarité et nous agissons en égoïstes, nous voulons sauver la planète mais nous refusons d'en payer le prix, nous faisons la guerre aux autres pour imposer nos valeurs, mais nous sommes incapables de cohérence et de justice. Nous voudrions interdire d'interdire, mais seulement quand ça nous arrange. Nous ne sommes que contradictions.



Et maintenant, nous faisons d'un canard minable et de ceux qui le concevaient un symbole de tolérance et de liberté ; et ceux-là mêmes qui nourrissaient envers ledit périodique autant d'affection qu'on peut en éprouver pour une maladie honteuse s'emparent aujourd'hui de son image et défilent en tête de cortège avec un opportunisme qui laisse pantois !

Mais je comprends. C'est une réaction habituelle car, comme le chantait Georges Brassens, « les morts sont tous de braves types ».



Eh bien non, mille fois non ! Je ne rejoindrai pas le troupeau.



Je suis pour la liberté, mais je ne suis pas Charlie.