mercredi 26 octobre 2011

500 jours !

Cinq cents jours qu'on a voté, et on n'a toujours pas de nouveau gouvernement ! Cinq cents jours que ces messieurs-dames se tâtent, jouent les vierges effarouchées, les frustrés, les indignés, les durs, les mous, les froids, les tièdes, les chauds, les indifférents, les intransigeants, les désabusés… Ils jouent, oui. Avec notre patience, avec notre fric, avec nos pieds. Ils jouent la montre, comme je l'ai expliqué.

Qu'est-ce que cinq cents jours, dans la vie d'un Homme ? Ce n'est pas énorme, certes, mais on n'est quand même pas loin d'un an et demi ! Plus de seize mois, plus de septante et une semaines (soixante et onze pour ceux qui ne lisent pas le belge) ; et ça va chercher dans les douze mille heures (parce qu'on n'est pas à la minute près).

Vous voulez des chiffres ?

12 000 heures, c'était pour moi l'occasion d'en passer à peu près 3500 à roupiller. Gaspillage ? J'en avais bien besoin, pour récupérer de mes quelque 2700 heures de travail chez mon employeur et de toutes celles consacrées à des tâches domestiques diverses, fatigantes et pas toujours agréables. J'ai ainsi dû tondre environ 24 fois la pelouse (si j'avais écouté Chérie, 72 fois au moins), charger plus de 400 fois le lave-vaisselle, ramasser 987 œufs dans le poulailler (et sans doute autant de kilos de merde - c'est fou ce que ça chie, ces bestiaux), tailler trois fois les haies, rouler plus de trente mille bornes en bagnole en brûlant près de 1600 litres de gazole.

Avec Chérie, on s'est partagé le boulot d'éplucher plus de cent kilos de patates, cinquante kilos d'oignons et tout un tas d'autres légumes, entretenir le potager, nettoyer la maison, découper en tranches plus de trois cent cinquante pains, vider une centaine de bouteilles de vin (ben oui, on se modère) ; et on est même partis deux fois en vacances (pas longtemps : trois semaines en tout).

Pendant ces 500 jours, je me suis tapé régulièrement la corvée du changement d'eau de l'aquarium (un total de deux fois trois mille litres manœuvrés à l'huile de coude), j'ai bu plus de 3000 tasses de café, pissé à plus de 2500 reprises et chié environ cinq cents fois ! J'ai baisé 54 fois et me suis branlé 440 fois (je sais, le compte n'y est pas, mais j'ai aussi le droit d'être fatigué de temps en temps) ; et j'ai bien dû roter et péter trois mille fois.

On m'a coupé une douzaine de fois les tifs et je me suis rasé (la barbe) quotidiennement, sauf à l'une ou l'autre occasion où j'étais en congé et avais la flemme. Je me suis brossé 500 fois les crocs, c'est bien mais c'est peu, mais si je devais le faire dès que j'ai boulotté quelque chose, je n'en sortirais pas !

Je n'ai pas compté les occasions de virer le chat de mon fauteuil, mais c'était gratiné ; et je n'ai pas compté non plus le nombre de fois où j'ai marmonné « quelle pub à la con ! » avant de baisser le volume de la radio.

Pendant ces 500 jours, j'ai aussi rendu service à des amis, à ma famille… toutes ces choses difficiles à chiffrer parce qu'on ne les compte pas ; et j'ai aussi consacré un peu de temps à ne rien foutre. Mais si peu !

Le bilan de ces cinq cents jours, pour moi, c'est que j'ai été finalement assez mal payé en regard de tout ce que j'ai produit ; ce qui n'est pas le cas de nos élus, qui me donnent pour la plupart l'impression de présenter un bilan totalement inverse.

Avec un peu de chance, on aura notre nouveau gouvernement pour Noël (2011) ! Ce qui nous fera un an et demi bien sonné depuis qu'on a voté.

Sauf si, tout heureux d'avoir réussi, tout ému de devenir enfin premier ministre, notre formateur bien-aimé nous faisait le coup de la crise cardiaque au moment de prêter serment !

Auquel cas tout serait à recommencer.

lundi 24 octobre 2011

Ras la houppette !

Tout petit déjà, j'avais des tendances rebelles. On disait de moi, avec fierté ou embarras selon l'interlocuteur : « Ludovic, il faut lui demander les choses gentiment, et comme ça vous avez peut-être une toute petite chance qu'il ne vous envoie pas péter ».

Évidemment, en prenant de la bouteille, je n'ai pas fait en sorte que les choses s'arrangent, ce qui laisse augurer bien du plaisir à ceux qui devront, un jour peut-être, se charger de me mettre au lit et d'essuyer mes crasses si je deviens impotent et incontinent.

On n'en est pas encore là. Il n'empêche que moi, les « fais ci, fais ça, il faut absolument que, tu dois… » et tous les ordres qu'on se hasarde à me donner, ça ne m'a jamais plu. Pendant mes années d'école, pendant mon service militaire, j'ai encaissé en serrant les dents. Mais depuis…

Récemment, je vois une grande page de pub, avec une photo et un titre du style : « Vous allez adorer tel produit ». Eh ben non. Je n’aime pas qu'on me dicte mes goûts. Et si ça commence par « ne manquez pas », c'est pareil. Alors, les trucs avec lesquels on nous bassine à longueur d'antenne dans les médias, ça me gonfle sévère. Le film aux six Oscars ou aux huit Césars, le nouveau bouquin de Machinchose, la réédition en coffret de luxe du disque à succès de Trucbazar, les lauréats de prix littéraires, les séries télévisées en vogue ou les fringues à la dernière mode, c'est pareil : je m'en tape. Je n’irai pas voir, je n’achèterai pas, je ne lirai pas… Du moins, pas tant qu'à longueur de journée on me répétera de le faire ! Ce n'est pas un jugement de valeur : ils sont peut-être très bien, ces bouquins, ces disques, ces films… C'est juste mon côté rebelle qui se manifeste.

Eh ben ce week-end, la houppe a débordé ! Je n'ai rien contre le jeune reporter mal fringué qui se trimbale avec un clebs désobéissant et un vieux marin alcoolique et grossier, et qui en outre ne fait rien d'autre que chercher les emmerdes à travers le monde ; je pourrais même dire que j'aime bien. Mais faut pas dépasser les bornes !

On nous gave tellement avec ça depuis quelques semaines mais surtout depuis quelques jours, on nous le chante si souvent sur l'air des lampions, que je me dis qu'il doit y avoir pas mal d'oseille cachée là derrière ! Et je dirais même plus : objectif thunes ! Et comment pourrait-il en être autrement, quand un réalisateur célèbre acquiert les droits de faire un film avec un personnage non moins célèbre, créé par un auteur dont les héritiers gèrent le patrimoine artistique avec une maestria digne de tonton ramasse-fric en voyage au pays de l'or en barre ?

Ne comptez donc pas sur moi pour aller faire la queue pour pouvoir être parmi les premiers à visionner l'affaire. C'est mon côté réactionnaire. Et ne comptez pas sur moi non plus pour citer des noms, je ne tiens pas à être mis sur la sellette par une bande de rapaces pour des questions de copyright !

mardi 18 octobre 2011

Confidences d'une hôtesse de caisse

À l'une ou l'autre reprise déjà, j'ai raconté dans ces pages quelques-unes de mes tribulations dans les allées des grands magasins ou le long du tapis roulant, au moment de payer l'addition. Comme je n'ambitionne pas d'être une exception à qui il arriverait plein de choses hors du commun, je suppose que nombreux sont ceux qui pourraient se reconnaître quelque part dans ce que j'ai raconté à ces occasions.

Récemment, j'ai eu le plaisir de lire toute une collection d'anecdotes, pêchées elles aussi dans les arcanes de la grande distribution, mais racontées depuis le petit siège pivotant de celle qui a pour mission de nous présenter la note de frais lorsqu'elle a fini d'encoder dans la machine (lisez : de scanner, tout au moins quand ça veut bien) la liste des denrées que nous avons choisies d'acquérir, et qu'on appelle, en langage moderne et respectueux, « l'hôtesse de caisse ». En effet, on ne dit plus « une caissière ». Ce n'est pas joli. Et lorsque la caissière est un caissier, je présume qu'il faut parler d'un « hôte de caisse »…

Caissière ou hôtesse, cette personne oublie rarement, même quand l'un ou l'autre client difficile a fini par la mettre de mauvaise humeur, de vous dire « bonjour », « s'il vous plaît », « merci » et « au revoir ». C'est sympa. Et puis, je m'en suis rendu compte à plus d'une occasion, ça ne doit pas être un travail reposant pour le système nerveux. Surtout quand il faut dire « bonjour », « s'il vous plaît », « merci » et « au revoir » à des gens qui ne le méritent pas : prétentieux, grossiers, malpropres, sans-gêne, indécis, traînards, agités, râleurs, durs à la détente et autres personnes pénibles que je n'ai pas mentionnées.

Après les quelques (més)aventures d'un client ordinaire, l'occasion vous est offerte d'aller lire celles d'une hôtesse de caisse, sans doute ordinaire elle aussi, mais qui, de manière très sympathique, a choisi de les partager avec ceux qui le désirent.

Lilly C a donc créé son blog, où vous pourrez découvrir le monde de la grande distribution vécu depuis l'autre côté du tiroir-caisse et du lecteur de cartes de paiement. Sur sa lancée, elle a également compilé dans un petit bouquin toute une collection d'anecdotes qui font rire ou sourire, mais qui n'ont probablement pas dû, pour une bonne partie d'entre elles, provoquer le même effet au moment où elles se sont déroulées dans la réalité.

Nombreuses sont les situations que j'avais déjà vécues, de près ou de loin, mais dans la plupart des cas en tant que spectateur plutôt que dans le rôle, souvent peu enviable, d'acteur ou de victime. Je ne voudrais pas lever le voile sur tout cela en vous racontant ici ce que vous pourrez découvrir là-bas, mais je tiens néanmoins à jeter ici quelques mots au sujet de deux problèmes évoqués par Lilly dans son recueil et sur son blog.

Le premier a trait au « self scanning ». Un truc que je n'aime pas. On a déjà le « do it yourself », le « self bank », le « self service » et même, chez nous, le « tax on web » pour remplir en ligne sa déclaration de revenus. Moi, je déteste scanner moi-même mes marchandises à la sortie du supermarché. Je l'aime bien, l'hôtesse de caisse, derrière son tapis roulant, son lecteur de codes-barres, son clavier, son écran et son tiroir à monnaie. Si je faisais son job moi-même, j'aurais l'impression de contribuer à l'envoyer au chômage. Sans doute que ça plairait à son patron, mais pas à moi. J'aime mieux parler à une personne qu'à une machine.

Le second a trait à l'anecdote des écolos qui se débarrassent des emballages superflus avant de quitter le magasin. Je sais que l'hôtesse de caisse n'est pas responsable de ce gaspillage, mais il y a là matière à réflexion. Parce que parfois…

J'ai une p… d'imprimante soi-disant écologique parce qu'elle utilise quatre cartouches d'encre (1 noire et 3 couleurs) et que, grâce à cela, on ne remplace que la cartouche vide au lieu de tout remplacer quand il manque une couleur, dans le cas des cartouches combinées.

Je ne citerai pas la marque, mais c'est du foutage de gueule. La contenance des cartouches est ridicule, il faut tout le temps les remplacer, elles coûtent la peau du cul et elles sont emballées dans de très grosses boîtes en plastique qu'on n'arrive à ouvrir qu'en les éventrant et en se blessant les doigts. C'est donc de l'écologie qui produit une masse incroyable de déchets à la con que j'irais bien déverser directement chez l'importateur Epson (tant pis, je l'ai écrit quand même !), parce que j'en ai plein la poubelle, de cette merde en plastique.

Voilà. C'était mon coup de gueule.

Mais n'oubliez pas l'hôtesse de caisse, s'il vous plaît.

Merci et au revoir.


lundi 10 octobre 2011

Messagerie de merde !

Je ne sais pas si c'est parce que je suis démodé et que je n'ai pas compris d'emblée certaines choses lorsque je me suis intéressé à Internet et aux méthodes modernes pour communiquer, mais je m'aperçois que je suis devenu l'heureux gestionnaire d'un tas de comptes de messagerie électronique, au fil des mois et des années, et que j'ai de plus en plus de mal à gérer tout ça.

C'est peut-être aussi une conséquence d'un début de sclérose de la matière grise, dû à un phénomène si incontournable qu'il nous attend tous au moindre tournant, et qui s'appelle le vieillissement. Avec l'âge, en outre, on perd petit à petit la maîtrise de certaines choses et on s'aperçoit soudain qu'on n'est plus obligé, par exemple, de faire semblant de ne pas avoir entendu Chérie demander de sortir les poubelles ou aperçu le panneau indiquant « travaux à cinq kilomètres, sortie n° 23 fermée ».

Toujours est-il que je me sens non seulement démodé, mais aussi dépassé. Dépassé par la technologie et toutes les inventions destinées à révolutionner notre mode de vie mais surtout à nous pomper notre pognon, comme les merveilles de l'informatique : notebooks, netbooks, tablettes, ipods, ipads, ipète… Et dépassé par tout ce qui en découle, comme les logiciels, les jeux et les réseaux sociaux.

Si on m'avait mis tout ça d'un seul coup sous le nez, je me serais probablement enfui à toutes jambes, mais c'est venu insidieusement, comme la baisse du pouvoir d'achat, l'endettement de l'État et des ménages, la hausse du taux de cholestérol et les maladies cardiovasculaires qui en découlent.

Au début, j'avais un PC. Un gros. Je veux dire gros en encombrement, pas en performances ; quoique pour l'époque, ce n'était déjà pas mal. Et puis j'ai obtenu, contre un coûteux abonnement et moyennant l'achat de quelques indispensables accessoires, une connexion à Internet. Et je me suis créé un compte de messagerie. Un vrai. Un bon. Pour mon fournisseur d'accès à la Toile et quelques trucs un peu sérieux que j'envisageais de faire, assis bien tranquille à mon bureau. J'ai donc utilisé mon vrai nom et mon vrai prénom.

Assez rapidement, je me suis rendu compte que ça n'allait pas sans inconvénient (un tas d'inconvénients que je me garderai de détailler ici, car bien connus de la plupart des internautes) ; et j'ai donc créé un autre compte de messagerie, en utilisant un « alias », comme ils appelaient ça. Mais c'était bien sûr insuffisant, ce compte-là étant fortement inféodé au premier.

Étant donné qu'il était plus commode d'avoir un compte « moins sérieux », d'où je pouvais me connecter n'importe où, y compris par exemple depuis un « cybercafé », je n'ai pas manqué l'occasion de le faire. Je me suis donc inventé un blaze à la con et, par mesure de sécurité, j'ai utilisé un autre mot de passe que celui que j'avais choisi pour ma messagerie « de base ».

Après, j'ai fait comme tout le monde : j'ai refilé mon adresse de messagerie avec le blaze à la con à quelques connaissances, qui l'ont refilée ensuite à d'autres connaissances. Comme en outre je l'avais utilisée pour demander des renseignements sur un site de ventes et pour m'abonner à deux ou trois « newsletters », j'ai bien vite été envahi par des courriels indésirables que j'ai fini par supprimer en bloc.

Nanti de cette malheureuse expérience, je me suis résolu à créer un nouveau compte de messagerie, avec un autre blaze à la con et un autre mot de passe, et à l'utiliser avec discernement. Je maintenais l'autre comme « poubelle » et conservais discrètement pour moi seul et quelques correspondants triés sur le volet la nouvelle adresse avec un @ à l'intérieur.

Comme j'aime bien lire et écrire, et que la méthode qu'on utilise généralement pour ouvrir sa gueule sur les forums consiste à blablater sous une identité d'emprunt, je me suis inscrit à gauche et à droite (mais plutôt à gauche, en fait) pour poster mon point de vue sur un tas de choses auxquelles je n'entrave généralement que dalle. Pour éviter d'avoir l'air con plusieurs fois et à plusieurs endroits sous la même identité, j'ai choisi des pseudonymes aussi débiles que variés (et ne comptez pas sur moi pour les citer ici, on est entre gens sérieux), et j'ai fini par y associer des comptes de messagerie secondaires (on est plutôt dans le tertiaire et le quaternaire, en réalité), pour éviter de faire se télescoper des messages personnels qui concernaient des choses totalement différentes.

Vous suivez toujours ? Si c'est le cas, c'est que vous avez dû faire comme moi.

En vous passant encore une foultitude de détails qui n'ont d'importance que pour moi, j'avoue à présent être titulaire d'une bonne vingtaine d'adresses courriel, certaines servant d'adresse de secours à d'autres qui servent elles aussi d'adresses de secours en cas d'oubli de mot de passe, et d'à peu près autant de pseudonymes divers plus ou moins dissemblables de la messagerie qui leur est associée.

Dois-je préciser que j'ai oublié certaines de ces adresses, que je n'ai plus la moindre idée des mots de passe utilisés, que je ne sais même plus sous quel nom je me suis inscrit lorsque j'arrive sur un site où il me semble être déjà intervenu et que je n'ouvre les boîtes aux lettres dont je détiens encore les clés virtuelles qu'une fois toutes les deux lunes ou à peu près ?

Vous me direz peut-être que c'est de ma faute, que je n'avais pas besoin de me compliquer la vie à ce point et qu'il suffisait que je me contente partout de ma véritable identité, parce que celle-là, en principe, on ne l'oublie pas et que quand on l'oublie ce n'est plus la peine d'essayer d'utiliser un ordinateur… et vous auriez raison.

Toutefois, compte tenu de ce que j'écris et des endroits où je l'écris, j'aime autant que Maman ne tombe jamais là-dessus et s'exclame « Ciel ! Est-ce bien toi, mon fils ? », parce que je ne serais pas fier du tout.
Cela étant, Maman n'a ni ordinateur, ni accès à Internet, ce qui limite quand même les risques. Non seulement qu'elle écrive des conneries (« Ciel ! Est-ce bien toi, Maman ? »), mais qu'elle lise les miennes.

Comment ? Vous êtes comme moi ?

Dans mes bras !

mardi 4 octobre 2011

Surréalisme à la belge

Être automobiliste en Belgique requiert une forte dose de patience, voire de stoïcisme. Bien sûr, nous devons savoir ce que nous voulons : des voitures, donc des routes. Et que les secondes soient en bon état pour que les premières puissent le rester.

Nous vivons depuis environ un mois (et sans doute pour un mois encore) une période de grands et de petits travaux d'infrastructure routière. D'un chantier à l'autre, de rétrécissement en étranglement, de déviation en itinéraire de délestage, nous sommes donc invités à prendre notre mal en patience dans les ralentissements et les bouchons.

Matière à râler ? Certes. Mais on râle aussi quand les autorités négligent de réparer les dégâts (lisez : les nids-de-poule, les fissures et les ornières) alors qu'on paie tant de taxes. Donc, c'est bien qu'on remette les routes en état. Et on en supporte les inconvénients.
Mais il y a des limites.

Le réseau routier belge est dense, très dense. Nos autoroutes ne disposent pas de postes de péage : leur usage est « gratuit ». Louper la bonne sortie est souvent bénin, car la suivante n'est jamais très loin. En conséquence, on emprunte ces voies « rapides » presque machinalement.

La force de l'habitude compte parmi les plus puissantes au monde. Moi, j'ai mes itinéraires habituels. Les autres automobilistes aussi. Alors, en période de travaux…

Bref. Je monte sur l'autoroute, comme tous les jours ouvrables aux heures de pointe pour rentrer chez moi après le boulot, et là… bouchon ! Saperlipopette ! Ils l'ont pourtant annoncé ce matin et répété dans les « flashs » de radioguidage : « Ouverture d'un chantier sur l'autoroute Z007, circulation réduite à une seule bande entre BrolDeBrol et TrucBazar, en direction de GnuGnu ».

Tant pis. Mon trajet habituel y fait dix-huit kilomètres. La prochaine sortie est à un peu plus de deux bornes, donc ce n'est pas dramatique. Je sortirai là-bas. Comme beaucoup d'autres, bien sûr. Donc ça n'ira pas très vite, mais ce sera mieux que de se traîner le long de ce chantier !

Hélas ! La sortie suivante est fermée, justement à cause des travaux. Je ne me souviens pas qu'ils l'aient annoncé, mais cinq cents mètres avant ladite sortie, un grand panneau indique : « Sortie MachinChose fermée, accès par la sortie TrucBazar à 3 km ». Ben tiens !

Trois bornes supplémentaires, donc, avant de pouvoir échapper à ce calvaire. Un quart d'heure plus tard, j'atteins l'annonce de la sortie TrucBazar, mais le chantier s'arrête là. Plus la peine de quitter l'autoroute, où tout le monde écrase à présent le champignon pour rattraper le temps perdu (on ne rattrape jamais le temps perdu. Tout ce qu'on gagne, c'est un procès pour excès de vitesse).

Le lendemain, j'accomplis l'effort suprême de vaincre la force de l'habitude et j'évite l'autoroute. En voyant les voitures grimper la rampe d'accès, je ris sous cape : « Bande de pigeons ! Ils n'écoutent donc pas le radioguidage ? »

J'emprunte une nationale que je connais bien et la quitte un peu plus loin pour une voie secondaire traversant quelques villages. Une route qui m'est familière… jusqu'à un certain point ! Ce point-là, c'est l'endroit où la route est barrée en raison de travaux (ça, ils ne l'avaient pas dit !) et où un panneau orange marqué « déviation » m'expédie sur une voie encore plus secondaire.

Là, je connais mal. Un carrefour, un autre panneau orange « déviation ». Je suis la flèche. Un peu plus loin, une fourche et plus d'indications. Hhuuuuh ? Là, c'est terrain méconnu. À tout hasard, je prends à droite. Nids-de-poule, ornières, fissures… Est-ce bien le bon chemin ? Nouvelle fourche, cette fois je vais vers la gauche. La route serpente à travers champs. Soudain, un croisement avec la flèche orange : « déviation ». Hourra !

Quelques minutes et deux flèches plus avant, j'arrive devant une fourche avec la curieuse sensation d'y être déjà passé. Ben oui. C'est là que j'ai dû me gourer précédemment. À gauche, alors ? Allons-y.

Finalement, je perds vingt minutes et quelques neurones dans cet itinéraire de délestage, ma tire est éclaboussée de boue et de bouse de vache en raison des chemins de campagne parcourus. Promis : demain, j'essaie autre chose.

Le lendemain matin, je croise un tas de camions. « Ils viennent d'où, ceux-là ? »
Je comprends vite : la route provinciale, près de chez moi, est fermée. Je verrai plus tard qu'on y arrache la couche d'asphalte (pourtant en bon état) en vue de son remplacement. Ils ont trop de pognon, sans doute, à la Province ? En ronchonnant, j'emprunte la déviation par les chemins communaux en mauvais état (fissures, ornières, nids-de-poule…) et qui auraient tant besoin d'une bonne réfection (mais la Commune racle déjà les fonds de tiroir, donc inutile d'espérer autre chose que deux ou trois pelletées de tarmac « à froid » de temps à autre, quand les trous sont vraiment très gros).

Un peu plus loin, tout le monde cale : un riverain a obtenu l'autorisation de déposer un conteneur de douze mètres cubes à la fois sur son trottoir et sur une partie de la voie publique, pour y déverser les gravats produits par l'entrepreneur chargé du ravalement de la façade de l'immeuble familial. Les deux semi-remorques de quarante tonnes qui contribueront, pendant toute une semaine et en compagnie de leurs semblables à peine moins lourds, à terminer de défoncer le pauvre chemin communal, doivent se frayer un passage entre la benne à gravats, la camionnette de l'entrepreneur et les voitures en stationnement sur le trottoir d'en face ; exercice de précision à réaliser sans écraser la pauvre mère de famille qui n'a d'autre choix que d'emprunter la chaussée en tenant d'une main son gamin de quatre ans et en poussant de l'autre le « buggy » du petit dernier.

Le soir, au retour et faute de mieux, j'emprunte l'itinéraire de secours en gardant bien en mémoire le trajet accompli la veille, ce qui se passe sans trop de problèmes.

Arrivé à proximité de mon domicile, je constate amèrement que tout le monde est à l'arrêt. Que se passe-t-il ? Encore ces camions ? Encore la benne à gravats ? Le passage à niveau bloqué ? Une vache sur la chaussée ?

De loin, j'aperçois des gyrophares : des jaunes et des bleus. Les jaunes fichés sur un camion monstrueux surmonté d'une machine agricole qui ne l'est pas moins ; les bleus de la camionnette de police. Un transporteur batave, confronté à l'obstruction de la route provinciale, a fait confiance à son GPS à la cartographie tellement bien mise à jour qu'elle n'a pas tenu compte des derniers aménagements de la voirie communale : un minuscule sens giratoire qu'un chauffeur de bahut « standard » ne franchit qu'au prix d'un savant numéro de maîtrise du cerceau. Autant dire que les petits coups de marche avant et de marche arrière pour sortir de là l'encombrant attelage ont valu au vaillant routier l'admiration et la compassion des dizaines de badauds agglutinés dans le carrefour et alimenté de longues conversations au bistrot du coin.

Qu'est-ce qui m'attend demain sur notre réseau routier ? Une autre manifestation de surréalisme à la belge ?