vendredi 25 avril 2014

Les indispensables dans une entreprise

Depuis de longues années – ce qui me permet de vous rappeler au passage à quel point je suis démodé –, j'ai acquis et j'entretiens la conviction que, dans une entreprise bien gérée, chaque personne employée est utile et aucune n'est indispensable. Même le patron. D'ailleurs, vous qui trimez pour un salaire de misère (ou contre de plantureuses gratifications – il faut de tout pour faire un monde), posez-vous la question : si votre boss était victime d'un infarctus foudroyant, est-ce qu'on fermerait inévitablement la boîte ?

Je fais une exception pour le présent blog (dont je suis le chef, le sous-chef, la concierge et la technicienne de surface), non pour dire qu'il cesserait d'exister si je faisais subitement de même, mais pour exprimer le fait que s'il ne disparaîtrait pas automatiquement en même temps que moi, il n'intéresserait probablement plus personne, puisque je suis également son premier et plus fidèle lecteur (oui, je me relis, déjà rien que pour traquer les fautes d'orthographe et autres coquilles que j'aurais laissées en place dans ma hâte de publier mes bafouilles).

Donc, écrivais-je, dans une entreprise bien gérée, personne n'est indispensable bien que certains soient persuadés du contraire ou, le plus souvent, tentent d'en persuader – avec succès, hélas ! – quelques collègues trop naïfs.

Je me souviens d'ailleurs d'un ancien reportage télévisé ou quelques cadres ayant été plus ou moins poliment remerciés – mais inévitablement convaincus d'avoir été virés comme des malpropres – expliquaient les situations qu'ils avaient vécues et les méthodes qui avaient été utilisées pour les pigeonner.

À l'époque, tout n'était pas encore « on line » et les téléphones avaient obligatoirement un fil, si l'on excepte quelques modèles permettant de s'éloigner d'une dizaine de mètres de la base reliée au réseau. Une des marottes bien établies et adoptées par les membres du personnel soucieux de se faire bien voir et d'obtenir des promotions consistait à avoir l'air d'être toujours submergé de travail mais de paraître à même d'y faire face avec entrain, quitte à consentir quelques sacrifices au niveau de la vie privée.

Il fallait donc absolument éviter d'arriver au bureau dès potron-minet si le patron lui-même ne s'y présentait pas avant neuf heures, mais y rester le plus tard possible en ayant l'air très affairé. Produire du vent, ce n'est pas compliqué, mais il faut oser et c'est encore vrai aujourd'hui. L'important est que tout le monde au-dessus de vous dans la hiérarchie soit persuadé que vous abattez un boulot de dingue et que vous vous consacrez corps et âme à l'entreprise.

Le plus simple est de bosser quand on vous voit bosser ou, subtilement, d'adopter une attitude qui laisse croire que vous bossez : quand vous vous déplacez d'un pas vif dans les couloirs, les sourcils froncés et des papiers à la main, saluant rapidement l'un ou l'autre collègue et vous excusant de ne pas rester près de lui à bavarder, vous avez l'air de travailler. D'ailleurs, même si vous ne foutez strictement rien d'autre que de déplacer de l'air, vous faites déjà du sport. Il suffit d'être en mouvement, toujours occupé, et de rester tard au bureau.

À la pause de midi, restez actif après les autres. Donnez l'impression que becqueter, c'est secondaire. D'abord le taf. Et si l'un ou l'autre s'inquiète que vous puissiez être débordé, répondez évasivement en glissant quelque part un « t'en fais pas, je gère » qui doit en dire long sur la quantité d'ouvrage que vous abattez sans jamais vous en plaindre.

Efforcez-vous d'être au courant de tout, posez discrètement des questions, faites l'âne pour avoir du son ; et lorsque vous apprenez quelque chose d'intéressant, évitez de le divulguer à tout va : ceux qui ignorent ce que vous savez ont toujours l'air con. Ne présentez jamais directement à quelqu'un d'autre le problème à résoudre, n'expliquez pas le pourquoi des questions que vous posez. Restez évasif. Glanez les renseignements à gauche et à droite, faites trimer les autres pour qu'ils vous confient chacun l'une ou l'autre pièce du puzzle que vous n'aurez plus qu'à assembler.

N'expliquez pas tout, ne montrez pas ce que vous faites, mais intéressez-vous au contraire à ce que font les autres. Rendez-leur service : allez à leur place porter un dossier dans un autre service ou, mieux, au patron (mais assurez-vous qu'il est bien ficelé) ; et abstenez-vous de dire qui l'a concocté. Moins vous en direz, mieux ce sera : on ne vous demandera pas si c'est vous qui avez bossé et vous n'aurez pas à mentir. Ça s'appelle récupérer à son profit le bon boulot fait par les autres et c'est souvent profitable quand on veut se faire bien voir.

Et si le dossier n'est pas bien torché, vous n'avez qu'à vous défendre : ce n'est pas vous qui l'avez fait. Si on vous l'avait confié, il aurait été tip top.

Plus la journée s'avance, plus les petits employés qui veulent profiter du beau temps pour tondre la pelouse, plus les mères de famille qui ont des enfants à reprendre à l'école ne pensent qu'à mettre les voiles. Le patron, ça ne le préoccupe pas, ces trucs-là. S'il est encore là, soyez là. Et ayez l'air plus affairé que jamais. C'est le moment de récupérer des informations, de jeter un œil sur les dossiers en cours que les collègues naïfs ont laissé traîner sur leur bureau : vous devez être au courant. Quitte à boucler rapidement un travail presque terminé et à le présenter vous-même au boss. Le lendemain, si le collègue s'inquiète, vous expliquerez que le patron s'était inquiété de l'affaire et que vous n'avez pas pu vous empêcher de rendre ce service à un collègue débordé par sa vie de famille – « et tiens, à propos, ta tante va mieux ? »

Si quelqu'un est là, tard, visiblement et honnêtement débordé, proposez un coup de main :

— Oui, mais toi, ton boulot ? s'inquiétera l'autre.
— Ça va, je gère, t'en fais pas. Tu veux que je termine ce machin-ci ?
— Heu... oui, mais...
— Allez ! Je m'en charge. Planche plutôt sur ce truc-là, tiens ! C'est urgent, je crois.
— Bah, oui ! J'y arriverai pas, et...
— Je dirai un mot pour toi au boss, je le vois tout à l'heure. C'est scandaleux qu'on ne te donne pas de l'aide.
— Tu l'as dit !
— En attendant, tu peux compter sur moi... (etc.)

Ces vieilles méthodes ont toujours cours aujourd'hui, mais la modernité a ajouté quelques variantes dont une des plus utilisées par les lèche-cul n'est autre que la messagerie. Rien de tel que la messagerie interne d'une entreprise pour avoir l'air affairé, motivé, utile, indispensable.

Puisque vous vous donnez tant de peine à ne rien faire mais à donner l'impression d'abattre un boulot de dingue, n'oubliez pas non plus de montrer à quel point vous êtes attaché à l'entreprise et, comme vous êtes si indispensable (le tout n'étant pas d'en être persuadé vous-même mais, surtout, d'en convaincre les autres), à quel point il vous est malaisé de vous détacher de votre travail.

Reportez vos congés. Exclamez-vous : « j'ai encore autant de jours de congé, et je ne sais pas quand je vais pouvoir les prendre ! » Reprenez du travail à la maison – même s'il est presque terminé, même s'il est insignifiant, vous seul le savez vraiment – et, surtout, insistez pour disposer chez vous d'une messagerie connectée à l'entreprise.

Ouvrez vos messages le samedi soir, le dimanche à l'heure de l'apéro et, surtout, ouvrez-les chez vous quand vous êtes en congé. Ne manquez pas de répondre à des moments où l'employé ordinaire s'occupe de sa famille ou du barbecue, ou se vautre devant la télé. Transmettez de vos réponses des copies pour information à des gens importants.

Si vous êtes en congé, n'hésitez pas à le dire dans votre réponse, afin que tous sachent que vous bossez chez vous pendant vos congés, mais assurez que vous vous occupez déjà du problème (éventuellement en refilant discrètement la patate chaude à quelqu'un d'autre sans faire trop de bruit là autour, l'essentiel étant de présenter vous-même le résultat final) ou que vous le ferez dès votre retour.

Si vous rédigez une réponse automatique, laissez un numéro de téléphone où vous joindre en assurant que vous répondrez avec diligence à tous les appels importants. N'oubliez pas : vous êtes indispensable.

C'est simple, non ?

Et, en songeant à cette émission dans laquelle des cadres licenciés racontaient leurs déboires, je vous livre une ultime recommandation : méfiez-vous des promotions, même si vous les recherchez.
Songez que, dans votre entreprise, vous n'êtes sans doute pas la seule personne nourrissant à la fois des ambitions et un profond mépris pour les gogos qui bossent pour vous sans s'en rendre compte. Soyez vigilant, repérez les concurrents, chipez-leur les dossiers intéressants et laissez-leur les merdes, prenez-les de vitesse et faites-leur porter le chapeau de ce qui ne marche pas.

Un cadre racontait ainsi avoir reçu une belle promotion sous la forme de la direction de tout un département de l'entreprise. Il n'avait pas deviné que ladite promotion n'était qu'une voie de garage, tout le secteur d'activité qu'il devait reprendre devant en effet être revendu à la concurrence quelques mois plus tard au gré d'une restructuration qu'il n'avait pas flairée et qui allait l'envoyer sur le carreau.

Soyez vigilant, tenez-vous au courant de tout. Parlez peu mais écoutez attentivement.

Vous deviendrez quelqu'un d'indispensable dans une entreprise et pas un scribouillard qui écrit des âneries sur un blog.

mercredi 9 avril 2014

Faites suivre à tous vos contacts !

Ne vous méprenez pas : ce n'est pas ce que je vous invite à faire ! Bien sûr, si vous en éprouvez l'envie, je ne serai pas en mesure de vous en empêcher ; mais ce sera votre décision indépendante de toute demande de ma part.

Ce préambule mis de côté, j'en viens au véritable sujet de cette bafouille : les messages qui nous arrivent dans notre boîte courriel et qui nous invitent, après avoir pris connaissance d'une argumentation plus ou moins bien torchée, à la faire suivre à tous nos contacts. Genre : « il faut que ça se sache ».

Les objets sont variés, du simple texte à la petite vidéo en passant par le diaporama, et les sujets le sont tout autant. Drôles, inattendus, sérieux, inquiétants, horrifiques...

Je me suis déjà demandé si ceux qui lançaient ces messages en avaient réellement un à faire passer, ou s'ils le faisaient rien que pour surcharger les serveurs qui alimentent nos boîtes à courriels. Comme me l'a un jour expliqué un informaticien, il y a des frustrés et des enquiquineurs partout dans le monde et leur entêtement à sévir n'a, semble-t-il, que des limites aussi floues que leurs motivations.

Vous avez certainement déjà reçu ce type de courrier électronique. À la maison, mais aussi au boulot, où il vous a été relayé par un de ces collègues toujours prompts à bondir sur la moindre occasion de vous rendre service en vous informant, par exemple, d'un grand danger qui vous menace, vous ou l'Humanité tout entière.

Le commun dénominateur de ces courriels est leur origine nébuleuse. Certes, nous savons plus ou moins bien qui nous les a transmis, puisque c'est souvent une personne dont l'adresse est reprise dans la liste de nos contacts, mais plus on tente de remonter vers la source du message, plus on s'y perd ; et ce d'autant plus que certains intermédiaires ont copié et collé le contenu de la missive plutôt que de la dispatcher sans autre forme de procès. La chaîne a perdu quelques maillons essentiels en cours de route !

Parfois, en recevant un tel envoi, je me dis : « encore ce truc-là ? »

Parce que c'est aussi une caractéristique courante dans le petit monde de ces « toutes-boîtes » : ils surgissent un jour, disparaissent, puis refont surface quelques mois voire quelques années plus tard, comme si l'un ou l'autre internaute en mal de passe-temps décidait de les réactiver.

D'une manière générale, je remarque que ces messages « à faire suivre à tous nos contacts » diffèrent souvent dans la forme, mais rarement sur le fond. Il est question d'une nouvelle enquête, de nouvelles statistiques, de nouveaux témoignages ou de nouvelles preuves de ceci ou de cela. Vous savez, ces argumentations apparemment sérieuses sorties par l'Université Machin, ces chiffres avancés par tel ou tel ministère, ce témoignage rapporté par l'un ou l'autre reporter... qui tous tendent à nous expliquer, arguments massue à l'appui, que notre Société est sur une pente savonneuse et qu'il est grand temps de sévir afin que cessent tous ces abus, toutes ces injustices qui pourrissent si bien notre petite vie quotidienne que nous y pensons... quand on nous rappelle d'y penser !

Je remarque donc que ces courriels à volonté de grande diffusion consistent, bien souvent, à désigner les responsables de tout ce qui ne va pas chez nous, tous ces boucs émissaires qui sont généralement d'origine étrangère, ne partagent pas nos convictions religieuses, n'ont pas les papiers d'identité que doivent posséder « les honnêtes gens », n'ont pas de domicile fixe, encombrent nos prisons alors qu'ils seraient mieux dans les leurs, etc.

Lorsque je reçois ce genre de poulet, ma réaction est de le mettre à la corbeille sans l'avoir fait suivre à qui que ce soit. Dans la plupart des cas, rien que sa lecture suffit généralement à me faire une opinion sur le sérieux des arguments avancés et sur l'objectivité de ceux qui les ont rédigés. Se tenir au courant de l'actualité et ne pas prendre pour argent comptant tout ce qu'on raconte dans les médias, ça peut aider à accueillir avec scepticisme les enquêtes et statistiques délirantes qui fleurissent ici et là.

Parfois, lorsque le message cite des noms, évoque ses sources, je vérifie de quoi il retourne. Je m'aperçois alors que la personne à qui le message attribue certains propos s'est déjà exprimée par ailleurs pour les démentir, soit parce qu'elle n'en est pas l'auteur, soit parce qu'ils ont été déformés ou enlevés de leur contexte. Je note que la prétendue étude a été faite par un bureau d'experts fantomatique, ou que les statistiques avancées comme concernant un pays ou un continent sont extrapolées d'un vague rapport publié quelques années auparavant dans un canard local et ne portant que sur un nébuleux échantillon d'un millier de personnes.

Dans un cas comme celui-là, il m'arrive de répondre gentiment à la personne – collègue ou proche – qui m'a fort obligeamment transmis l'alarmante missive que des affirmations comme celle-là méritent d'être vérifiées avant d'être diffusées.

C'est par ce biais – et également au hasard de conversations à l'apparence innocente – que je réalise que le racisme, l'intolérance, la haine de l'autre ou, plus simplement, le refus du droit à la différence sont partout autour de moi.

Oh ! bien sûr, ce collègue, cet ami, ce proche... ne sont pas méchants. Mieux : ils ne feraient pas de mal à une mouche. Pas directement. Pas d'initiative, en tout cas. Et ils utiliseront l'expression bien connue qui commence par « je ne suis pas raciste », se poursuit par un « mais » et s'achève avec une argumentation qui contredit l'entrée en matière.

Aucun de ceux-là n'ira directement s'en prendre aux « autres », à ceux qui gênent. Non. De cela, il n'en est pas question.

Se porteront-ils au secours d'un de ces « autres » lorsqu'il est en danger ou dans les ennuis ? Peut-être que oui. Applaudiront-ils à ses malheurs ou s'en réjouiront-ils ? Sans doute pas. Pas publiquement, en tout cas, mais peut-être qu'en pensée ce sera différent.

À l'heure où l'on nous répète que tous ceux qui, dans le secret de l'isoloir, font le choix de l'extrémisme et du populisme ne sont pas tous des racistes, je me penche sur l'Histoire et relis les récits de ses tragédies, ses guerres, ses génocides.

Près d'un million de morts au Rwanda, exécutés par des gens ordinaires, comment une telle horreur a-t-elle été possible ? Et plusieurs millions de civils innocents exterminés par d'autres, sortis de l'innocence par la magie de discours haineux, comment cela pourrait-il être envisagé ?

La folie collective trouve ses racines dans de petites phrases anodines qui, reprises par quelques meneurs, deviennent des discours enflammés auxquels le bon peuple, apparemment paisible, finit par applaudir avec de plus en plus d'enthousiasme avant de lever le poing et de commettre l'irréparable.

mardi 1 avril 2014

Gallimard rachète Les Nouveaux Auteurs !

La nouvelle est tombée officiellement ce matin, après quelques semaines de demi-mots, de démentis et de non-dits : Gallimard rachète Les Nouveaux Auteurs, tractation dont le montant n'a pas (encore) été révélé.

Plusieurs coups de téléphone le mois dernier n'avaient rien donné, aucune des deux parties ne souhaitant vendre la mèche avant la conclusion en bonne et due forme de l'affaire, mais l'information m'a été confirmée aujourd'hui même, par Sophie Nolistic, attachée de presse auprès du grand éditeur.

« Nous ne pouvions pas manquer une telle occasion, m'a-t-elle confié. Le concept avait attiré notre attention en même temps que celle de nombreux auteurs, et nous trouvions l'idée séduisante ; mais il convenait de rester prudents avant d'annoncer ce rachat. Nous avons notre notoriété et ne pouvions la mettre en péril rien qu'en reprenant à notre compte un concept original mais souffrant de nombreux défauts, en tête desquels le scepticisme des responsables des circuits de vente et des libraires souvent réfractaires aux nouvelles idées aventureuses et à ce qui leur apparaît comme de l'amateurisme. »

Comme je m'inquiétais de cette étiquette d'amateurisme et de l'intérêt que pouvait bien avoir un éditeur comme Gallimard à adopter les méthodes propres à Les Nouveaux Auteurs, madame Nolistic s'est empressée de préciser les raisons de la démarche :

« Le monde de l'édition est sans pitié. Même une grande maison comme la nôtre ne peut se permettre de se reposer sur ses lauriers et de rester sourde aux appels de plus en plus pressants d'un business qui passe désormais autant si pas davantage par le truchement de l'Internet que par les canaux traditionnels de la vente.
Notre nom seul ne suffit pas à garantir des ventes confortables. Il nous arrive de nous fourvoyer en éditant un ouvrage, en croyant au succès d'un auteur. Les chiffres ne sont pas toujours brillants ! Bien entendu, dans l'ensemble, il n'y a pas péril en la demeure et nos grands succès compensent largement nos pertes ; mais nous ne pouvions pas rester insensibles à l'évolution du marché. »

« Le rachat d'un concurrent à la renommée quelque peu sulfureuse, s'il faut en croire les nombreux témoignages circulant sur Internet, peut-il quand même vous apporter quelque chose ? » ai-je demandé.

« Absolument. Mais le concept doit être canalisé dans la bonne direction. Soyons clairs : nous aimons le fait que des amateurs se prononcent quant aux choix de romans que nous pourrions éditer, parce que ce sont les amateurs qui les achètent, pas les critiques ni les lecteurs professionnels chargés du tri des manuscrits que l'on nous envoie. C'est aussi simple que cela. Voyez les émissions de téléréalité, voyez tous ces gens qui votent, qui disent oui à l'un et non à l'autre : vox populi, vox dei, dit-on.
Nous ne voulons cependant pas reprendre tel qu'il est le mode de fonctionnement de Les Nouveaux Auteurs, d'une part parce qu'en le faisant de cette façon, nous aurions mauvaise presse ; et d'autre part parce que notre objectif n'est pas non plus d'éditer n'importe quoi uniquement pour plaire aux gens en oubliant de conserver une dose maximale de professionnalisme.
Nous allons donc remanier le concept, mieux l'encadrer par nos spécialistes maison, afin qu'au bout du processus menant à l'édition nous obtenions un produit à la fois de qualité professionnelle et apte à séduire le lectorat.
Nous planchons actuellement sur le label sous lequel seront édités les ouvrages qui emprunteront ce canal de sélection très particulier. Rien ne presse. Nous souhaitons mettre de notre côté un maximum de chances de réussite. »

Ouais. Je me suis dit aussi que faire faire gratuitement par des amateurs un boulot pour lequel d'ordinaire on rétribue des professionnels, ça doit être bien tentant ; même si au bout du compte ce seront ces mêmes professionnels qui auront le dernier mot. Les économies d'échelle seront bien là ; et au bout du parcours, une belle récupération d'une affaire qui était en train de suivre son petit bonhomme de chemin et qui aurait peut-être fini par faire de l'ombre aux maîtres du marché.

Interrogée sur ce dernier point comme sur le coût du rachat de Les Nouveaux Auteurs, Sophie Nolistic s'est cantonnée dans un mutisme presque coupable.

Wait and see, comme disent les Anglo-Saxons !