dimanche 30 octobre 2016

Scandaleusement débile !

Sur notre Terre, il existe des gens (peu nombreux) scandaleusement riches et d'autres (très nombreux) qui sont scandaleusement pauvres. Entre ces deux extrêmes, nous en trouvons de très nombreux aussi qui aimeraient bien faire partie du premier groupe tout en redoutant de tomber dans le second.

Chez nous, la Loterie nationale use et abuse, dans ses messages publicitaires, de l'expression « devenez scandaleusement riche ». Au singulier, sans aucun doute, bien que les messages soient adressés à un certain pluriel. À un pluriel le plus vaste possible, naturellement, histoire d'attirer des mises de plus en plus folles et de pouvoir annoncer des montants de gains qui ressortent du fantasme.

Et, effectivement, ce très vieux jeu de hasard qui consiste à faire tomber des billes numérotées se pratique si couramment et rencontre un tel succès dans les pays d'Europe qu'on a imaginé, au sein de l'Union, une nouvelle loterie impliquant tant de joueurs et de pays pour une probabilité de gain individuel si prodigieusement faible que les supercagnottes de plusieurs dizaines de millions d'euros ne sont vraiment pas rares. Et, bien sûr, ça fait saliver. Ou rêver. Même si c'est toujours quelqu'un d'autre, bien loin dans un autre pays, qui emporte la timbale.

Tout récemment, pourtant, deux joueurs belges ont vu le sort leur être si favorable que l'un a remporté quelque cent soixante-huit millions d'euros ; et l'autre, cinquante millions. Ça fait tout de suite beaucoup moins pour le second que pour le premier, mais c'est quand même considérable. Combien d'années faudrait-il travailler pour gagner tout cela ? Ne calculez pas : beaucoup. Et, pour le travailleur moyen de nos pays de l'Union, toute une vie de labeur n'y suffirait pas.

Évidemment, les heureux gagnants demandent que leur anonymat soit respecté. Chose promise d'ailleurs par la Loterie. Mais comment voulez-vous que de tels nouveaux riches – scandaleusement riches – passent inaperçus ? Obligés de disparaître loin, très loin, afin d'échapper aux harceleurs. De se brouiller sans doute avec leur famille, leurs amis... parce qu'ils ne distribueront jamais assez de leur fortune, parce que certains parmi leurs proches, leurs collègues, leurs voisins... considéreront que leur argent est « sale ». Un peu comme s'ils l'avaient volé.
Et en outre, comme le libraire qui a validé le ticket gagnant a été identifié, il est lui-même harcelé, menacé...

Tout cela est donc prodigieusement débile.

Personne ne devrait emporter des sommes pareilles, du jour au lendemain, par tirage au sort. Plutôt que de donner une centaine de millions d'euros à un zigue qui, tout compte fait, n'en demandait pas tant (même s'il ne va pas cracher dessus), ne seraient-ils pas mieux inspirés de faire une centaine, un millier d'heureux ? Un million d'euros, ça ne suffit pas ? Et cent mille ? C'est bien, tout de même, non ?

Mais ça va sembler trop peu. Trop peu pour motiver les gens à jouer. Et pourtant, miser quelques euros et en remporter cent ou deux cent mille en retour ne permettrait-il pas déjà de réaliser quelques rêves ? De mettre en route un projet que l'on doit normalement repousser de plusieurs années ? Quelque chose de raisonnable mais qui change quand même la vie, comme un nouveau logement, par exemple ?

Mais hélas ! On n'en est pas là. Ce qui fait fantasmer, c'est l'inaccessible, le truc qui n'arrive qu'à une poignée de veinards. Pas le petit coup de pouce du destin qui permet de réaliser un rêve raisonnable.

Alors, moi, ces jeux-là, je n'y joue pas. J'y ai joué autrefois, de petites sommes, quand la Loterie européenne n'existait pas encore et que les gains, déjà parfois considérables, ne donnaient pas encore le tournis. Mais à présent, je n'y joue plus. Je trouve ça débile. 
Scandaleusement débile.

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