vendredi 24 mars 2017

J'aime bien comprendre

Il m'arrive fréquemment de me demander pourquoi certaines choses se produisent, pourquoi nos réactions sont ce qu'elles sont et ce qui nous pousse à adopter des idées et des comportements bien particuliers ; mais surtout de m'étonner que d'autres que moi puissent accepter des faits et des paroles sans s'interroger sur leur véracité ou leur pertinence.

En d'autres termes, je me demande souvent pourquoi tant de gens ne se demandent pas pourquoi. C'est idiot, peut-être, mais ça m'interpelle.

Ainsi, le mec qui gesticule, vocifère, menace et accuse à tout va, se pose en victime et demande qu'on le soutienne dans sa lutte contre les terroristes et les conspirateurs qui en veulent à son pays, à sa religion et, accessoirement, à son pouvoir qu'il s'efforce de rendre absolu ; ce mec pour qui des gens, chez nous et dans d'autres pays de l'Union, sortent dans la rue et crient des slogans en levant le poing et en agitant des drapeaux ; ce mec, ceux qui l'acclament, ils ne se posent jamais de questions ?

Est-ce que ça leur semble normal que ce gars révise l'Histoire ? Est-ce que ça leur paraît souhaitable qu'un chef d'État qui a déjà beaucoup de pouvoir puisse demander à son peuple de lui en accorder davantage ? Est-ce bien raisonnable de donner carte blanche à quelqu'un qui fait emprisonner des milliers de personnes sous accusation de terrorisme, de conspiration ? N'est-ce pas inquiétant de voir contester le droit de parole à des artistes, des écrivains, des journalistes, des magistrats ? Est-il acceptable de l'entendre traiter de nazis des gens qui accueillent depuis des années des milliers de ses compatriotes ?

Comment peut-on envisager de dire « oui » à ce qu'il demande ? Comment peut-on croire les bobards qu'il lance à la figure du Monde ? Comment est-il possible d'être assez naïf pour envisager d'offrir à quelqu'un le fouet avec lequel on sera battu en retour ? Comment peut-on être à ce point aveuglé par un simple écran de fumée, converti à une parole aux arguments aussi grotesques ?

Mais il n'y a pas que lui.

Ailleurs, dans d'autres pays, il y en a d'autres. Certains de ces excités qui nous préparent la troisième guerre mondiale sont déjà au pouvoir ou en passe d'y accéder. Et s'ils n'y accèdent pas demain, ce ne sera que partie remise pour après-demain. Là où ils ont échoué ou échoueront bientôt, ils reviendront à la charge avec leurs arguments grotesques, leurs prétextes fallacieux, leur haine de l'autre, leur refus du droit à la différence, leur égoïsme maladif. Ils relanceront la chasse aux sorcières, leur recherche du bouc émissaire, leurs discours faciles qui n'ont pour but que d'amener au pouvoir leur mégalomanie. Car le peuple, leur peuple, ils s'en foutent. Ils disent l'aimer, vouloir sa prospérité et sa grandeur parce qu'il est supérieur aux autres, qu'il mérite mieux que d'autres.

Songeons-y lorsque nous irons aux urnes. Quand ces fous furieux auront accédé au pouvoir un peu partout grâce à notre naïve complicité, ils confisqueront notre droit à la parole, notre droit à la liberté, notre démocratie et notre joie de vivre ; et nous entraîneront à leur suite vers le chaos, la sueur, le sang et les larmes.

lundi 6 mars 2017

Tu es jeune et ambitieux, lance-toi dans la politique !

Oui, si tu es jeune et ambitieux, lance-toi donc dans la politique !

Si un jour tu fais partie des élus du peuple, si tu décroches un mandat, tu pourras toi aussi, comme bien d'autres avant toi, retirer les nombreux avantages qu'offre l'accession au pouvoir.

Et tout d'abord : premier arrivé, premier servi. Lorsque tu seras aux premières loges, ne manque surtout pas de profiter des occasions – parfaitement légales – de t'offrir des voyages et séjours tous frais payés, un véhicule de fonction bien équipé, du personnel dévoué et l'un ou l'autre indispensable pied-à-terre dans les quartiers les plus chics.

N'oublie pas de faire plaisir à quelques amis en jouant de ton influence pour leur obtenir quelque faveur, passe-droit ou poste en vue dont ils te seront reconnaissants ; et de procurer de l'emploi aux plus modestes des membres de ta famille.

Ne manque pas de remercier ceux qui ont voté pour toi et ceux qui, reconnaissant leurs erreurs passées, voteront à leur tour pour toi à l'occasion du prochain scrutin.

Si quelque jaloux – la réussite suscite toujours de la jalousie – essaie de s'en prendre à ta notoriété en t'accusant de malversations ou de trafics d'influence, garde ton calme et ton sérieux, sois hautain et n'hésite pas à contre-attaquer en indiquant qu'il s'agit d'une cabale créée dans l'intention de te nuire.

En effet, lorsque tu seras l'élu du peuple, tu auras la légitimité pour toi. Tu n'auras pas été mis en place comme ces magistrats arrivistes avides de célébrité et manipulés par tes opposants politiques ; tu n'auras pas été, comme ces journalistes fouille-merde, incité à créer scandale et calomnie au profit des marchands de papier qui les dirigent.

N'oublie jamais que personne ne peut t'enlever ce que tu as légitimement gagné. Le peuple est roi. S'en prendre ouvertement à l'élu du peuple, c'est un déni de démocratie ; c'est mettre en danger le suffrage universel, l'honneur de nation, les droits de l'Homme.
Ni la police, ni les magistrats ne pourront jamais contester ce qui te revient de droit : l'exercice du pouvoir. Il t'aura été confié par le peuple avec un enthousiasme jamais démenti, comme le prouveront les rassemblements de foules et les manifestations de soutien qui seront organisées à ton intention.

Fièrement alors, tu rappelleras à tes ennemis que les hommes qui ont écrit les pages les plus mémorables de l'Histoire ont presque toujours été, eux aussi, élus démocratiquement par leurs concitoyens.