jeudi 4 avril 2019

Le centriste


Non, je ne vais pas vous entretenir de politique. Le centriste en question ne fait pas partie de la race des élus ou de ceux aspirant à l’intégrer, bien qu’avec ces gens on ne sache jamais vraiment à quoi s’en tenir.

Non, le centriste dont je veux vous parler, c’est celui qui, imperturbablement, squatte la bande centrale de nos autoroutes au fil des kilomètres qu’il parcourt. Le plus souvent, ce centriste est respectueux des limites de vitesse, choisissant même de circuler cinq à dix kilomètres/heure en dessous du maximum autorisé.

Si vous roulez – en toute légalité – plus rapidement que lui, vous devrez impérativement le dépasser par la gauche (donc en empruntant la troisième bande de circulation) et non par la droite, manœuvre interdite par le Code de la route sauf en de rares circonstances.

Les deux comportements sont répréhensibles, les autorités viennent de nous le rappeler, et le montant de l’amende infligée aux contrevenants a récemment été doublé.

Apparemment, la hausse du coût des sanctions n’a exercé aucun effet immédiat : les centristes sont toujours aussi nombreux sur nos autoroutes. Il est même certains jours où je me demande s’ils ne sont pas majoritaires. Un comble, car des centristes majoritaires, même en politique, ça se voit rarement !

Ce qui m’interpelle, en réalité, c’est le nombre d’automobilistes qui se plaignent de la situation actuelle. Autour de moi et dans les médias, j’entends des gens rapportant le nombre incroyable de contrevenants qui les agacent quotidiennement et déplorer qu’ils ne soient pas sanctionnés.

Mais sanctionner un centriste, c’est difficile. La limite entre le séjour prolongé en bande centrale et l’enchaînement de dépassements de véhicules plus lents est difficile à cerner. Elle serait même, comme dans beaucoup de cas, soumise à l’arbitraire des agents des Forces de l’Ordre, avec tous les doutes, dérives et abus qu’on peut craindre. En outre, pour apporter la preuve de l’infraction, il faudrait des photos explicites ou, mieux encore, des captures vidéo accablantes. L’exercice n’est sans doute pas des plus aisés.

Si le nombre impressionnant d’automobilistes se plaignant des centristes m’interpelle, la curieuse absence des centristes eux-mêmes dans les conversations m’interpelle davantage ! Je n’ai pas rencontré depuis longtemps quelqu’un avouant squatter régulièrement la bande centrale de l’autoroute au mépris du Code ; et pourtant, les conducteurs se comportant de la sorte existent incontestablement.

Il faut croire que ceux-là sont un peu comme certains piétons adressant des gestes de reproche aux automobilistes qui ne leur cèdent pas la priorité sur les passages protégés ; mais qui se transforment en chauffards mettant en danger les usagers faibles dès qu’ils s’installent au volant de leur bolide.

Les mauvais, c’est les autres, c’est bien connu.

En attendant, une nouvelle race commence à proliférer : le gauchiste. Contrairement à ce qui se passe au plan politique dans la plupart des pays de l'Union, les partisans de la gauche sont désormais en progression. Ne pouvant dépasser par la droite les centristes, la plupart le font par la gauche, mais certains d'entre eux décident désormais de s'installer là, squattant la bande de gauche à une vitesse supérieure de dix à vingt kilomètres/heure au maximum autorisé.

Ces gauchistes sont peut-être des centristes un peu pressés ne supportant plus de rester dans la file des centristes ordinaires...

Finalement, je verrais d’un bon œil le parallèle politique avec les centristes, en appliquant à ces derniers le principe qu’avait un jour lancé Lionel Jospin : « Le Centre, c’est comme le Triangle des Bermudes ; qui s’en approche tend à disparaître ».

2 commentaires:

  1. Excellent ! Oui ! Je râle, moi aussi ! Même en bécane, je fais l'effort de me rabattre après chaque dépassement...
    Et j'aime bien ce petit parallèle avec la politique...

    Et vous avez aussi des boulets jaunes, chez vous ?

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