mercredi 25 février 2015

Sans danger

Aucun rapport direct avec le vilain docteur Szell de « Marathon man », mais à force de nous entendre répéter « c'est sans danger » au sujet de choses qui n'en ont pas vraiment l'apparence, on finit toujours bien par penser un peu à lui.


Pas plus tard que la semaine dernière, par exemple, on nous expliquait encore qu'il ne faut vraiment pas faire tout un fromage du prolongement éventuel de la vie active d'une centrale nucléaire : c'est sans danger. Le réacteur numéro un de la centrale de Doel n'a que quarante ans et, à présent qu'il est largement amorti et rapporte une masse de pépettes, ce serait bien dommage de le mettre à l'arrêt – comme ont réussi à le faire programmer ces salauds d'écologistes – alors qu'il devrait encore avoir de belles années devant lui. Alors, quoi ? On ne le prolongerait pas un tout petit peu ? Une dizaine d'années, par exemple. C'est vite passé, non ? Déjà que les quarante précédentes ont filé si vite !

Bah ! oui, mais... Fukushima... Tchernobyl... tout ça... On en fait quoi ?

C'est sans danger, qu'on vous dit ! Vous n'allez quand même pas comparer ! Là, on avait un pays en proie aux tremblements de terre, au volcanisme et aux tsunamis – déjà, un tsunami, c'est asiatique, ça ne peut pas arriver chez nous – pour le premier, et un paquet de vieilles centrales jurassiques même pas entretenues de l'autre. Alors, ne comparez pas !

Oui, mais... Les microfissures dans la cuve du réacteur ?

Pas celui-là, Monsieur ! Pas celui-là ! Les microfissures, c'est pour les autres réacteurs, plus récents. Mais celui-là, c'est un vieux, bien construit comme-on-n'en-fait-plus ! Et puis, vous savez, les microfissures, c'est sans danger ! Sans-dan-ger, qu'on vous dit !


Tout récemment, aussi, on nous parlait de « la 4 G ». Un truc comme « la 3 G », mais beaucoup plus mieux, plus rapide, plus puissant, plus performant. Et sans danger. Enfin, c'est ce que certains prétendent.

Je ne suis pas le seul à m'interroger. Déjà que je ne me mets jamais le téléphone portable dans la poche, que je l'utilise rarement pour des SMS et encore moins pour des conversations, surtout depuis que j'ai entendu qu'il valait mieux éviter de se coller l'engin à l'oreille plus de deux minutes de suite, parce que les micro-ondes générées sont du genre à nous cuire la cervelle... déjà, donc, je m'interroge.

Mais je devrais être rassuré. On nous précise qu'aucune étude sérieuse et fiable (genre de celles menées par des universités, des cliniques et des centres de recherche indépendants) n'a pu prouver que les ondes des télécommunications pouvaient nuire à la santé ; et on ajoute que d'autres études indépendantes tout à fait sérieuses et fiables (genre de celles payées par les lobbys de l'industrie des télécoms) ont démontré qu'aucun lien de cause à effet ne pouvait être établi entre la présence massive et répétée des ondes précitées et l'apparition de tumeurs au cerveau ou de stérilité des jeunes couples.

Il me revient qu'avant d'en arriver à coller d'horribles images sur les paquets de clopes et à écrire dessus que le tabac nuit gravement à la santé, des études très sérieuses nous affirmaient que tirer sa clope était sans danger et que les soi-disant spécialistes qui prétendaient que ça pouvait refiler le cancer étaient juste des gugusses adorant faire peur aux honnêtes gens.

Il me revient aussi en mémoire les grandes batailles d'experts visant à décider si oui ou non la pilule contraceptive était une invention du diable destinée à punir d'un cancer toutes les vilaines femmes qui auraient décidé de s'en servir plutôt que de recourir à l'abstinence migraineuse telle que prônée par notre Sainte Mère l'Église.

J'ai même entendu notre très vénérable Monseigneur Léonard affirmer que l'usage du préservatif ne pouvait protéger de la transmission de maladies comme le SIDA. En effet, selon ses dires, les capotes sont poreuses. Si, si. Et que le seul moyen de réduire tout danger de contamination, c'est donc de se la mettre sous le bras, de ne pas utiliser de seringues et de ne pas rouler de pelles à n'importe qui.

Alors, qui croire ? Est-ce que tout cela est vraiment sans danger ?

Est-ce que rester le cul sur une chaise devant mon PC ne va pas me causer d'hémorroïdes ? Est-ce que laisser le WiFi en marche avec mes cuisses sous la table ne va pas me ramollir les bijoux de famille ?

En attendant d'en savoir autant que moi sur le sujet, c'est-à-dire bien peu, vous pouvez toujours parcourir mon blog.

C'est sans danger.

mardi 17 février 2015

Ce livre qu'on referme rapidement

La lecture étant l'un de mes loisirs favoris, je n'ai jamais éprouvé le besoin de me motiver pour attaquer celle d'un bouquin que j'ai choisi moi-même, fût-il du genre obèse. Plusieurs milliers de pages ne font pas peur, lorsqu'elles sont agréables à parcourir.

Évidemment, pendant mes années d'école, j'ai souvent dû puiser dans mes dernières réserves de volonté pour venir à bout de tel ou tel ouvrage entré dans le répertoire classique et imposé par un professeur de lettres qui prenait l'idée de « lettres » un peu trop à la lettre, malheureusement ; mais ça, c'est notre lot à tous, qu'on ait ou non le goût de la lecture.

Parfois, un roman arrive entre nos mains sans qu'on l'ait soi-même choisi : prêté avec insistance par un proche qui considère probablement qu'il s'agit d'un incontournable chef-d’œuvre, offert à l'occasion d'un anniversaire, refilé par un collègue scribouillard soucieux d'obtenir notre avis... mais les autres, nous les sélectionnons personnellement.

Dans un cas comme dans n'importe quel autre surviennent de bonnes et de mauvaises surprises. Cet obscur roman emprunté à la bibliothèque publique et ce bouquin à la jaquette défraîchie prêté par un collègue peuvent nous emmener là où nous ne le soupçonnions pas et nous voir arriver au travail les yeux bouffis par un manque de sommeil. À l'opposé, l'ouvrage que nous avons acquis dès sa sortie non sans l'avoir réservé chez le libraire afin d'être le premier servi peut transformer notre enthousiasme initial en bâillements d'ennui.

Nous avons tous nos goûts, nos critères de qualité. Je ne considèrerai donc pas que les miens puissent faire référence, mais il n'empêche que j'aime les romans bien construits, avec une intrigue prenante, des personnages consistants et une écriture en adéquation avec le propos, qui crée l'ambiance sans envahir l'esprit et se fait oublier le plus souvent possible.

C'est aussi bien au hasard d'une jaquette attirante que d'une envie ciblée que je choisis les livres que je vais lire. Lorsque je pars dans l'inconnu, je me fie à mon intuition, au thème du roman, au résumé repris en quatrième de couverture, à l'un ou l'autre passage lu en vitesse et sans doute à un tas d'autres choses qu'il me serait difficile de nommer, mais qui ont simplement trait à mes goûts. Et les goûts, ça ne se discute pas.

Il m'arrive cependant de ne pas parvenir à lire un roman que j'ai moi-même choisi.
Tous, nous connaissons cela : le livre qu'on ouvre et sur lequel on reste calé, l'esprit ailleurs, sans pouvoir tourner de page. On finit par secouer la torpeur qui nous envahissait et on essaie de reprendre, en se concentrant au maximum, mais rien n'y fait.

Dans une telle situation, je me dis que ce n'est pas mon jour, pas le bon moment, que je n'ai pas « la tête à ça » et que j'essaierai à un autre moment.

Lorsque ce moment se présente, j'ouvre le livre, je fais l'effort de parcourir quelques pages, au besoin en renonçant à m'attarder sur l'introduction qui décidément ne parvient pas à capter mon attention... et c'est pareil un peu plus loin. Je cale. Et j'abandonne.

Certains diront, qui ont lu l'ouvrage en question, qu'il faut « le temps pour être dedans », qu'il faut lire au moins cinquante pages avant de se sentir emporté par l'histoire. C'est peut-être vrai, mais moi ça m'ennuie. Les premières pages d'un roman sont pour moi essentielles, parce qu'en toute logique, c'est là que commence la lecture et mon intérêt doit être éveillé tout de suite. L'auteur est comme le pêcheur attendant que le poisson s'intéresse à l'appât et morde à l'hameçon. Si l'appât manque d'attrait, le poisson s'éloigne et s'intéresse à autre chose.

Le manque d'accroche du début d'un livre peut être causé par le fond aussi bien que par la forme : des descriptions interminables, une avalanche de détails superflus, des phrases trop longues qu'il faut relire, un style envahissant, un rythme chaotique dû à des phrases mal équilibrées, une traduction trop mécanique...

Dernièrement, j'ai laissé de côté un roman que j'avais pourtant choisi d'acheter, me fiant à mon intuition, à un thème que j'aime bien et à un résumé suscitant ma curiosité. J'en ai abandonné la lecture parce que, selon mes critères totalement subjectifs, l'écriture utilisée est d'une grande médiocrité. L'histoire en elle-même ne me semblait pas inintéressante, mais trop, c'est trop. Il est des choses qui doivent se faire oublier.

Ce roman (dont je tairai le titre et l'auteur – mon objectif n'est pas de faire de la critique littéraire, qui plus est relative à un livre dont je n'ai lu qu'une vingtaine de pages alors qu'il en compte cinq cents) souffre de ce que j'appelle « style parlé » ou « style soliloque », quand narration et dialogues utilisent le même langage, quand les pensées brutes du personnage principal se mélangent aux descriptions de manière telle que son opinion des autres intervenants est présentée comme une vérité narrative. Autre particularité qui me rebute : la vulgarité. Elle est omniprésente.
Qu'un ou plusieurs personnages s'expriment grossièrement me semble logique, si cela peut refléter leur état d'esprit et donner une idée de leur caractère ou de leur éducation ; mais en dehors des dialogues, voilà qui me paraît lourdingue.

Bref, un roman que j'ai rapidement refermé.

Il en est d'autres qui déçoivent, que j'abandonne en cours de route parce que l'auteur n'a pas pu maintenir au long de centaines de pages tout l'intérêt que les premières dizaines avaient suscité. L'auteur s'essouffle.

Abandonner une lecture, quelque part, ça me fait toujours de la peine : celle de m'être trompé, lorsque j'ai choisi moi-même le livre ; ou celle de devoir annoncer à celui qui me l'a prêté que je n'ai pas pu le terminer.

Et si vous abandonnez la lecture de cet article avant d'être arrivé au point final, c'est que j'aurai foiré moi aussi.

vendredi 30 janvier 2015

Actualités pas vraiment à la con

Difficile de se pencher sur l'actualité sans parler de la Grèce, d'évoquer le football sans songer au pognon ou d'aborder le fast-food en ignorant délibérément le cholestérol. Alors, je vais parler de la Grèce, parce que les deux autres sujets précités, je les ai déjà abordés dans ces pages (*).

Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais depuis quelques années j'ai du mal à associer ce beau pays à l'idée de vacances sans éprouver une sorte de gêne, la même sorte de gêne que j'éprouverais si je m'offrais deux ou trois semaines de rêve dans un complexe hôtelier de luxe idéalement situé dans un pays dont le peuple subit quotidiennement misère et maladies.

Je ne pense pas qu'il soit malvenu de s'offrir des vacances chez les Hellènes, pour autant que cela donne un coup de pouce au commerce local et contribue à tirer la population de la mélasse dans laquelle elle a été fourrée bien malgré elle ; mais serait-ce bien le cas ?

Toujours est-il que, lassés de se serrer la ceinture, les Grecs ont voté pour le changement. C'est ce qu'ils espèrent, tout au moins. Et ce ne sera pas un but facile à atteindre.

Je souhaite de tout cœur qu'ils y parviennent, parce que continuer à vivre ce qu'ils vivent, ce n'est pas tenable. On a beau dire qu'ils ont mangé leur pain blanc avant leur pain noir, qu'ils en ont bien profité pendant des années, qu'ils ont falsifié les chiffres pour entrer dans la zone euro... il me semble quand même que les responsables de ce fiasco sont à chercher ailleurs que parmi ceux qui paient aujourd'hui cruellement et injustement la facture pendant que d'autres continuent, devant leur nez, à jouir de leur richesse et de leurs privilèges.

Il est des pays où les gens sont pauvres et n'ont jamais connu que la pauvreté. C'est évidemment très triste, et ceux qui parviennent à leur apporter de l'aide malgré un environnement hostile (régimes rarement démocratiques, conflits armés, corruption, maladies...) méritent toute notre admiration. Il est aussi des pays dont la population se retrouve plus pauvre (ou moins riche) qu'elle ne l'était autrefois. Se trouver soudain privé du confort dont on a autrefois profité, c'est difficile à vivre, ça crée de l'incompréhension, du mécontentement, de la révolte.

La crise économique crée de la pauvreté, mais entretient de scandaleuses richesses. Plus que jamais, l'écart se creuse entre les plus pauvres et les plus riches ; les classes moyennes, éternelles vaches à lait des États, voient leurs membres se glisser, de plus en plus nombreux, dans les rangs des malchanceux.

Comment ne pas comprendre les réactions grecques ? Comment la colère ne gronderait-elle pas dans ce pays ? Comment la tentation de conduire au pouvoir des leaders aux idées radicales ne se ferait-elle pas de plus en plus pressante ?

L'injustice, les privations, l'austérité... donnent du grain à moudre aux adeptes d'idéologies extrêmes maquillées d'un discours démagogique d'autant plus aisé à tenir que les ouailles frustrées sont en attente d'un changement qui n'arrive pas.

L'Histoire est rythmée par les guerres ; et les guerres s'entourent d'avant-guerres, d'après-guerres et d'entre-deux-guerres. Où sommes-nous actuellement ?

Cette semaine, c'était le 70e anniversaire de la libération du camp de concentration d'Auschwitz par les troupes russes, en janvier 1945. Quelques centaines de survivants étaient présents, certains ont pris la parole. L'un d'entre eux rappelait qu'on ne devrait plus jamais s'en prendre aux gens pour ce qu'ils sont.

Toute l'agitation, toute la violence qui nous entoure, tous les événements dramatiques qui font l'actualité nous rappellent à quel point la paix, la démocratie, l'égalité de droits... sont choses fragiles quotidiennement mises en danger.

Nous, les Occidentaux, nous qui détenons la Vérité ; nous qui sommes le Modèle de Société ; nous qui valorisons l'esprit d'entreprise ; nous qui défendons la liberté d'expression ; nous qui soutenons le suffrage universel ; nous qui n'avons jamais apporté la violence dans d'autres pays, sur d'autres continents ; nous qui n'avons jamais tenté d'imposer à d'autres notre culture, nos religions ; nous qui n'avons jamais confondu autorité civile et autorité religieuse ; nous qui avons toujours prôné l'égalité des sexes, le droit à la différence, l'esprit de tolérance ; nous qui n'avons jamais établi de colonies ; nous qui avons toujours respecté le bien d'autrui ; nous qui savons tenir nos promesses ; nous qui ne renions pas notre parole ; nous qui... nous qui sommes pétris de qualités, comment tolérons-nous toutes ces injustices, toutes ces aberrations ?

Comment pouvons-nous un jour nous moquer de certaines personnes et trouver ça normal parce que notre liberté d'expression le permet ; et le lendemain lever nos boucliers et protester en chœur contre une phrase maladroite égarée dans une interview ou vilipender une poignée de guignols qui brandissent dans un stade un calicot à l'humour bas de plafond ? Comment pouvons-nous estimer que non, vraiment, là on ne fait pas de mal (aux autres) ; mais qu'ici, oui, il faut trouver un article de loi ou en créer un pour qu'on ne puisse plus nous faire de mal, à nous ?

Tout cela n'est pas bien gai et nous éloigne de la Grèce à défaut d'enterrer nos problèmes !

Pour en revenir à la Grèce, donc, comment ne dirais-je pas un petit mot pour Demis Roussos (je vous épargne son vrai nom au complet), ce grand chanteur qui nous a quittés, comme bien d'autres avant lui et comme d'autres le feront après lui ?

J'aimais bien ses chansons, les vieilles, celles des années Aphrodite's Child et quelques autres qui ont suivi, dans les seventies. Après, ce fut autre chose, bien sûr, mais il en faut pour tous les goûts, n'est-ce pas ?

Il n'empêche que j'aime toujours bien les premiers albums, les trois des Aphrodite's Child, vous savez, ce groupe qu'on identifie toujours à Demis Roussos mais dont le maître à penser, principal compositeur et arrangeur, n'était autre que Vangelis Papathanassiou, qui sera mieux connu plus tard sous son seul prénom Vangelis (et c'est mieux comme ça, pour les étiquettes sur les cassettes et les disques).

J'aurais bien aimé qu'ils restent ensemble, parce que la musique de Vangelis et la voix de Demis, c'était une association du tonnerre de Dieu ; mais las ! Vangelis voulait composer des musiques plus élaborées, dans la veine de 666, le dernier des trois albums du groupe, et Demis voulait continuer à chanter des chansons et passer à la télévision. Impossible de donner tort à l'un comme à l'autre, au vu de ce qu'ils ont réalisé et des objectifs qu'ils ont atteints !

Bye, bye, Demis Roussos ! Il nous reste les enregistrements, les vidéos sur YouTube et une voix inimitable qui, une fois dans la tête, en sort difficilement. En témoin le clip ci-après (**).


(*) Edit. 31/01 : De plus rapides que moi à la détente auraient sans doute ajouté qu'il est difficile de parler de Grèce sans songer immédiatement aux frites, mais c'est quand même un peu facile comme liaison avec le cholestérol. Et puis, les frites, en bon Belge, j'en ai déjà causé aussi.  

(**) Edit. 32/01 : En sus d'avoir une voix extraordinaire, dois-je ajouter que Demis était très beau ?
(Un artiste talentueux surpris en plein travail est d'ailleurs toujours très beau. Si vous me surpreniez en plein travail en ce moment sur mon PC, vous ne me trouveriez certainement pas très beau, mais je ne suis pas un artiste, hélas !)