dimanche 2 septembre 2012

Quand ça ne marche plus, ça ne marchera plus

Autrefois, quand un de vos bidules tombait en panne, vous alliez trouver le réparateur du coin et, en déposant l'appareil sur le comptoir (déjà bien encombré), vous lui expliquiez :

— J'étais en train de... et il s'est arrêté. Depuis, plus moyen de l'utiliser.
— Oui... Ça sent un peu le chaud, là...
— On dirait. Y a eu une petite odeur. C'est grave, vous croyez ?
— Sais pas. Je dois ouvrir. Passez demain soir ou donnez-moi un coup de fil, je vous dirai ce qu'il en est.

Le lendemain, parfois votre bidule était déjà réparé. Ce n'était pas grand-chose, un contact foireux qui faisait chauffer et fondre un fil... La note n'était pas trop salée, en général.

Parfois, quand même, c'était plus sérieux :

— Ah ! Vous avez bien fait de passer.
— Je reviens du boulot. Comme je passe devant chez vous, ça tombe bien.
— C'est assez sérieux, comme panne. Y a eu un coup de chaud et toute l'alimentation a grillé. Faut remplacer plusieurs pièces. Regardez, je vous ai fait un devis. Y en aurait pour...
— Quand même !
— Ben, oui.
— Il est pas vieux, pourtant. Une dizaine d'années, je crois.
— Oh ! Un peu plus, il me semble. Mais ils ont encore des pièces. C'est quand même moins cher qu'un nouveau.
— Certainement.
— Et puis, si vous y tenez...
— C'était un cadeau.
— Je comprends.
— Et c'est garanti, la réparation ?
— Six mois.
— Et il ira comme avant ?
— Pour le reste, je ne sais pas, mais l'alimentation, aucun problème. Ce sera comme neuf.

Là, il vous fallait choisir. Mais si vous renonciez à la réparation, on ne vous faisait pas payer le devis. Le réparateur vous demandait :

— Vous le reprenez ?
— Bof ! Pour ce que je ferais encore avec !

Vous le repreniez ou vous le laissiez, c'était pareil pour vous. Dans le second cas, le réparateur pouvait encore s'y retrouver un peu en récupérant quelques pièces. Mais vous faire payer le devis, ça, non. Jamais.

Le temps a passé, les technologies ont évolué. Par la suite, quand vous reportiez le bidule en panne là où vous l'aviez acheté (inutile de compter sur le réparateur du coin, retraité depuis quelques années déjà), on vous répondait invariablement :

— On sait pas. Ça part en usine, de toute façon.
— Oh ! Et y en a pour combien de temps ?
— On vous préviendra.
— Oh !

Deux ou trois semaines plus tard, vous récupériez votre bidule réparé en usine (entendez : chez l'importateur), dans les cas où ce n'était pas trop coûteux. Et si l'appareil était encore sous garantie, vous ne payiez rien.
En cas de dommage plus important, on vous prévenait qu'il y avait un devis s'élevant à une somme assez conséquente, et que si vous ne faisiez pas réparer, il faudrait payer le devis, sauf si vous rachetiez un nouveau bidule de la même marque, bien entendu.

Ces temps-là sont, eux aussi, révolus pour bon nombre d'engins des temps hypermodernes. La plupart des bidules hi-tech que vous possédez – téléphone, smartphone, caméscope, appareil photo, tablette et autres merveilles multimédias – ne se réparent pas. Même sous garantie.

Quand votre bidule est encore garanti, on vous l'échange contre un neuf ou, plus sournoisement, on essaie de démontrer que vous avez fait de la plongée sous-marine avec ou que vous l'avez lancé à votre clebs pour jouer à la baballe, ce qui n'était pas prévu dans le mode d'emploi. Donc vous êtes en tort et la garantie ne joue pas. Na.

Et si votre bidule n'est plus garanti, voici comment ça se passe, généralement :

— Y marche plus.
— Ah. Vous l'avez acheté quand ?
— Ben... Y a deux ans et huit jours.
— C'est plus sous garantie.
— M'enfin ! Il est tout neuf. Et c'est cher, la réparation ?
— Ça, je ne sais pas. Il faut que ça reparte en usine, pour ça.
— Ça prend longtemps ?
— Ben, c'est les congés, pour le moment. Faut bien compter trois semaines, un mois.
— Et le prix ?
— De toute façon, ils font un devis.
— Vaut mieux.
— Rien que le devis, ça va chercher dans les cent cinquante roros, je vous préviens.
— Glups.
— Puis, il y a la réparation en plus, si vous choisissez de faire réparer.
— C'est peut-être juste une connerie.
— Ils fonctionnent par forfait, en général. Petite ou grosse réparation, ce sont des tranches de prix. Moi, je serais à votre place...
— Oui ?
— J'en achèterais un neuf.
— Ben oui, mais c'est plus de cinq cents roros, un nouveau.
— Les nouveaux modèles sont beaucoup plus performants. Si vous en avez pour trois cents roros en réparant le vôtre, ça n'en vaudra sans doute pas la peine.

Et voilà où nous en sommes. On vous le dit : ça ne se répare pas. Les téléphones, les caméras, le multimédia portable, quand ça ne fonctionne plus, c'est bon pour la poubelle. Il n'y a plus de réparateurs, plus de pièces de rechange, plus rien. Les mecs, quand on leur renvoie un bidule à réparer, ça les emmerde grave. Ils n'en ont plus rien à battre de rechercher la panne. Si c'est garanti, ils poussent des jurons et vous remplacent tout un sous-ensemble ou vous fourguent un nouveau bidule en échange (ou un bon d'achat parce que le même engin, ils n'en ont déjà plus), et puis c'est tout. De toute façon, les modèles sont renouvelés chaque année. La garantie légale étant de deux ans, pas besoin de gérer un stock de pièces de rechange, d'entretenir un atelier et de payer des techniciens. Tout est fabriqué en PRC et mis à la poubelle chez nous.

Tout file à la décharge ou au recyclage, sauf, bien entendu, tous ces p... d'accus et de chargeurs lithium-ion qu'on a laissé traîner dans des tiroirs avec les bidules qui n'ont pas été réparés et qu'on n'a pas encore jetés.

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