lundi 27 janvier 2014

Des robots à l'école


En conduisant ma voiture le matin sur la route où tant de dangers me guettent (chauffards, flics, piétons, nids-de-poule, chats essayant de se faire écraser...), il arrive que mon attention soit soudain attirée par une information issue de la radio et d'un ordinaire synonyme de conflits, crise économique, problèmes sociaux, salaires des grands patrons, évasion fiscale, déboires conjugaux de nos élus, etc.

Dernièrement, alors qu'était à peine sèche l'encre virtuelle de ma dernière bafouille en date vous entretenant de la jeunesse d'aujourd'hui et de mon statut de vieux croûton dépassé par le progrès, un sujet d'actualité m'a brutalement remémoré mon adolescence sous la forme d'une phrase que j'avais lue jadis, griffonnée sur une table de l'école : « Heureux qui, comme la rivière, peut suivre son cours dans son lit ».

L'étudiant qui avait gribouillé ces quelques mots était-il un visionnaire ? Un être prenant ses rêves pour de bien hypothétiques réalités ? Un poète spirituel ? Un gaillard doté d'une bonne mémoire lui permettant de se souvenir d'un bon mot lu ailleurs et de le recopier au hasard d'un cours aux vertus soporifiques ?

À l'époque, j'avais dû trouver ça drôle. Et le fait que je m'en souvienne aujourd'hui tendrait à prouver que ma mémoire, même si elle n'est plus ce qu'elle était, possède encore quelques beaux restes.

Toujours est-il que le rêve ou l'utopie de jadis semble prendre la forme d'une réalité d'aujourd'hui. Pas partout, certes, puisque nous n'en sommes, paraît-il, qu'au stade expérimental, mais l'affaire est en cours : le robot à l'école.

Ne riez pas, ça existe : une espèce d'avatar électronique formé d'une sorte de tête montée sur un genre de manche de brosse pourvu à la base d'un système de roulettes permettant de le déplacer et tenant en classe la place de l'étudiant. Je ne suis plus sûr à cent pour cent de la description de l'engin, mais ses fonctions ne laisseraient plus rêveur mon étudiant-visionnaire-poète d'autrefois, puisque ledit engin semble capable de lui permettre aujourd'hui de suivre son cours dans son lit. Depuis son lit. Par une sorte de webcam interposée.

Tandis qu'il reste chez lui bien au chaud (pas nécessairement dans son lit, d'ailleurs), s'épargnant des déplacements toujours aléatoires compte tenu des qualités des transports en commun, l'étudiant est remplacé en classe par un robot. Une sorte d'avatar qui regarde et écoute le prof, lit ce qui s'écrit au tableau tout en étant capable d'illuminer tel ou tel endroit dudit tableau en cas de besoin. Évidemment, l'élève n'est pas dispensé du cours – du mois, pas encore –, mais grâce aux merveilles que lui propose notre monde des télécommunications, il peut désormais suivre ce cours à distance. La webcam à la puissance dix, puisqu'il peut intervenir, poser des questions à l'enseignant ou répondre à celles qui lui sont soumises et, en cas de chahut avec ses avatars de condisciples, le prof peut même agir radicalement en baissant le son (certains professeurs de certains établissements devraient être contents : les robots ne sont conçus ni pour donner des coups ni pour trimbaler des couteaux, ils ne bouffent pas en classe, ne sniffent rien du tout et n'ont même pas besoin de cour de récréation).

Tout ça, moi, ça me dépasse. Je suis encore de la vieille école. Quand le prof m'engueulait, mes parents m'engueulaient aussi plutôt que d'engueuler le prof. Et puis, j'aimais bien me déplacer, voir mes potes...

On est de plus en plus dans le virtuel. Ce n'est pas que ça me dérange, mais ça m'intrigue. C'est un monde différent. Les télécommunications ont tout bouleversé.

La manière d'aborder autrui, par exemple, a beaucoup changé. Pas encore pour les plus petits, mais pour les adolescents et bon nombre d'adultes, certainement. Avant, on était obligés de rencontrer des gens. Beaucoup de gens. Bien sûr, la plupart de ceux-là demeuraient de parfaits inconnus, très peu devenaient de vraies connaissances et encore plus rares étaient nos amis. « Ami » était d'ailleurs un mot employé différemment dans la réalité d'autrefois qu'il ne l'est aujourd'hui sur les réseaux sociaux.

La différence fondamentale est qu'aujourd'hui nous rencontrons des tas de gens sans vraiment les voir ni vraiment leur parler, sans les toucher. Au fil de ces rencontres, nous tissons des liens très virtuels, nous nous découvrons des affinités et, parfois, nous décidons de franchir le pas : nous nous retrouvons en chair et en os dans la vie réelle.

Le principe du « qui se ressemble s'assemble » n'a pas changé. C'est sa mise en pratique qui a évolué. Autrefois, nous devions d'abord rencontrer des gens, puis trouver parmi eux ceux dont les goûts et les intérêts s'assortissaient aux nôtres. Aujourd'hui, nous trouvons d'abord des goûts et des intérêts qui nous conviennent avant d'essayer de rencontrer les vraies personnes cachées derrière.

Autres temps, autres méthodes. Ce n'est pas plus mal, me semble-t-il.

Une seule chose m'inquiète vraiment là-dedans : notre bonne forme physique et mentale. Parce que je me demande si toutes ces télécommunications, toutes ces ondes qui traversent tout et à toute heure du jour et de la nuit, ça ne va pas finir par nous détruire la santé.

Aujourd'hui, on ne nous dit rien. On ne sait rien. On nous donne vaguement quelques conseils de prudence, de modération. Mais dans quelques dizaines d'années, qui sait si toutes ces micro-ondes n'auront pas fini par nous cuire la cervelle ?

Est-ce qu'on nous dira à l'école – virtuelle – que l'abus du sans-fil peut nuire à la santé ?

2 commentaires:

  1. Ah ! Tu l'as entendu aussi, alors... À un moment, je me suis demandé si j'avais rêvé... Parce que finalement, c'est un bon scénar de SF dans pas mal de BD ; notamment dans celles où ils se moquent gentiment des profs...

    Mais ça doit être assez drôle, remarque, d'engueuler un robot...

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    Réponses
    1. Engueuler un robot ? Ouais, probablement.
      Engueuler une machine, en tout cas, c'est cocasse. Mais tu tapes "con de PC" sur ton clavier, le PC s'en tape. Ha, ha, ha !

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